Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c BK, 2022 TSS 548

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie intimée : B. K.
Représentant : J. H.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 février 2022 (GE-21-2597)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 21 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-160

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] À titre de mesure temporaire associée à la pandémie, les prestataires pouvaient obtenir un crédit de 300 heures d’emploi assurable pour les prestations régulières d’assurance-emploi ou de 480 heures pour les prestations spéciales d’assurance-emploiNote de bas de page 1. Cet appel soulève la question de savoir si les heures additionnelles doivent s’appliquer à la première demande faite le 27 septembre 2020 ou après cette dateNote de bas de page 2, ou si elles peuvent s’appliquer à une demande ultérieure.

[3] B. K., la prestataire, a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi qui commençait le 4 octobre 2020. En avril 2021, elle a présenté une demande de prestations de maladie, qui devait être suivie de prestations de maternité et de prestations parentales. La division générale a décidé que la prestataire était admissible à une nouvelle demande en avril 2021.  

[4] La prestataire avait besoin de 600 heures d’emploi assurable dans sa période de référence, mais elle n’avait que 320 heures. La division générale a interprété la loi pour permettre aux heures additionnelles de s’appliquer à la deuxième demande après septembre 2020, lorsque la prestataire en avait besoin. De cette façon, la prestataire avait plus de 600 heures d’emploi assurable. 

[5] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] J’accueille l’appel de la Commission.

Questions préliminaires

[7] On a organisé une audience par téléconférence pour le 1er juin 2022. Ni l’une ni l’autre des parties ne s’est présentée à l’heure prévue. Le Tribunal a communiqué avec les parties et a confirmé que l’avis d’audience avait été reçu. Ni l’une ni l’autre des parties n’a souhaité que la date de l’audience soit modifiée. La Commission et la prestataire ont toutes deux demandé que je tranche l’appel sur la foi du dossier.

Questions en litige

[8] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si oui, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[9] Je ne peux intervenir dans cette affaire que si la division générale a commis une erreur pertinente, c’est ce qu’on appelle un « moyen d’appelNote de bas de page 3 ». L’un des moyens d’appel prévu est que la division générale ait commis une erreur de droit en rendant sa décision. L’interprétation de la loi est une question de droitNote de bas de page 4.

[10] La division générale a conclu que le crédit unique n’aurait pas dû être appliqué à la demande du 4 octobre 2020 de la prestataire. Elle a décidé que la loi ne dit pas explicitement que le crédit doit être appliqué à la première demande faite après le 27 septembre 2020Note de bas de page 5. Elle a conclu que l’application automatique du crédit à la première demande produit un résultat absurde qui est contraire à l’intention de la législationNote de bas de page 6.

[11] Dans son analyse, la division générale a examiné le libellé des articles 153.17(1)a) et b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Ces articles prévoient ce qui suit :

153.17 (1) Le prestataire qui présente une demande initiale de prestations à l’égard de prestations visées à la partie I le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou à l’égard d’un arrêt de rémunération qui survient à cette date ou par la suite, est réputé avoir, au cours de sa période de référence :

  1. a) si la demande initiale de prestations est présentée à l’égard de prestations visées à l’un des articles 21 à 23.3, 480 heures additionnelles d’emploi assurable;
  2. b) dans les autres cas, 300 heures additionnelles d’emploi assurable.

[12] La division générale a conclu que l’article 153.17(1) ne dit pas explicitement que le crédit unique doit être appliqué à la première demande et donc que le libellé de cet article n’est pas clair.

[13] Constatant que le libellé de l’article n’est pas clair, la division générale a décidé que l’article devait être interprété de la manière qui répond le mieux à l’objectif global de la loiNote de bas de page 7. Elle a conclu qu’il était absurde d’appliquer le crédit unique à la première demande, lorsque les heures ne sont pas nécessaires, et de refuser ces heures à une demande ultérieure lorsqu’elles sont nécessairesNote de bas de page 8. La division générale a également conclu que l’interprétation de la disposition selon laquelle on applique le crédit unique seulement à la première demande est incompatible avec l’objet de la loiNote de bas de page 9.

[14] La division générale a conclu que le mot « réputé » dans l’article ne crée qu’une présomption réfutable. Elle a décidé que ce langage n’exige pas que les heures additionnelles s’appliquent à la première demande faite le 27 septembre 2020 ou après cette dateNote de bas de page 10.

[15] La division générale a décidé qu’il n’y a rien dans le libellé de la loi qui empêche la Commission de considérer que la prestataire a des heures supplémentaires dans sa période de référence pour une demande ultérieureNote de bas de page 11.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 153.17

[16] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le crédit unique devrait plutôt être appliqué à la demande ultérieure de la prestataire, soit celle d’avril 2021.

[17] La Commission soutient que la loi indique clairement qu’une partie prestataire est réputée avoir des heures additionnelles si elle présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 27 septembre 2020 ou après. Elle affirme qu’il n’y a aucune marge de manœuvre et aucun mécanisme permettant à la Commission ou à une partie prestataire de renoncer à l’application des heures supplémentaires si elles ne sont pas nécessaires. L’objectif est d’augmenter le nombre d’heures d’emploi assurable d’une partie prestataire au cours de sa période de référence lors de sa première demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 27 septembre 2020.

[18] L’analyse de la division générale ne tient compte que du libellé du paragraphe 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle ne fait pas référence au reste de cet article, à savoir la restriction prévue au paragraphe 153.17(2). J’estime que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le libellé de l’article était ambigu.

[19] Depuis la décision de la division générale dans cette affaire, la division d’appel a également examiné le libellé de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12. Ces décisions ont conclu ce qui suit :

  • Il n’y a aucune ambiguïté dans cet article.
  • Le terme « réputé » de l’article 153.17 signifie que la Commission ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire.
  • La loi ne prévoit pas la possibilité d’appliquer les heures additionnelles à une demande ultérieure.

[20] Lorsqu’une partie prestataire présente une demande initiale de prestations le 27 septembre 2020 ou après, elle est réputée avoir 300 ou 480 heures supplémentaires d’emploi assurable dans sa période de référence. Le sens ordinaire de cet article est clair et sans ambiguïté.

[21] La division générale a conclu que l’article ne dit pas explicitement qu’une partie prestataire est réputée avoir les heures supplémentaires lors de sa première demande initiale. Toutefois, le libellé indique clairement que les heures supplémentaires seront incluses lorsqu’une demande initiale est présentée. La Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas inclure les heures supplémentaires lors de la première demande initiale.

[22] L’article 153.17(1), lu seul, pourrait laisser entendre qu’une partie prestataire est réputée avoir des heures additionnelles appliquées à toutes les demandes initiales faites à partir du 27 septembre 2020. La limitation de l’article 153.17(2) précise alors que le crédit ne s’appliquera qu’à la première demande initiale. Cet article se lit comme suit :

Restriction
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au prestataire dont le nombre d’heures d’emploi assurable exercé au cours de sa période de référence a déjà été majoré au titre de ce paragraphe ou au titre du présent article dans sa version au 26 septembre 2020, si une période de prestations a été établie à l’égard de cette période de référence. 

[23] Lorsqu’on lit l’article dans son ensemble, il est clair que les heures additionnelles ne s’appliquent qu’à la première demande.

[24] Je suis d’accord avec la Commission et les décisions de la division d’appel. L’article 153.17(1) exige que les heures additionnelles soient incluses dans la période de référence de la première demande initiale présentée après le 27 septembre 2020. La restriction prévue à l’article 153.17(2) signifie que les heures additionnelles ne peuvent pas également être incluses dans une période de référence ultérieure.

[25] L’article vise à aider les prestataires qui n’ont pas suffisamment d’heures d’emploi assurable à établir une période de prestations. Il ne vise pas à aider les prestataires qui ont suffisamment d’heures d’emploi assurable lorsqu’ils présentent une demande le 27 septembre 2020 ou après cette date à établir une période de prestations ultérieureNote de bas de page 13.

[26] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article n’est pas ambigu et ne correspond pas à l’interprétation selon laquelle les heures additionnelles ne sont réputées être incluses dans la période de référence d’une partie prestataire que si elles sont nécessaires.

Je corrigerai l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[27] Les deux parties ont eu l’occasion de présenter leur cause devant la division générale et ont demandé que je rende une décision sur la foi du dossier. Étant donné cela, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 14.

[28] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Cependant, pour les raisons énoncées ci-dessus, j’estime que la loi est claire. Le crédit unique a été correctement appliqué à la période de référence pour la demande du 4 octobre 2020. Les heures additionnelles n’étaient pas disponibles pour être appliquées à la période de référence d’une demande ultérieure.

[29] Sans les heures additionnelles, la prestataire n’a pas assez d’heures pour établir une nouvelle période de prestations à compter du 18 avril 2021.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

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