Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 549

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. K.
Représentant : J. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (441830) datée du 8 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 8 février 2022
Personne présente à l’audience : Représentant de la partie appelante

Date de la décision : Le 15 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2597

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La prestataire peut mettre fin à sa période de prestations qui commence le 4 octobre 2020, et commencer une nouvelle période de prestations à compter du 18 avril 2021, car elle répond aux critères pour le faire.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a automatiquement établi pour la prestataire une période de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 4 octobre 2020. Cela s’est fait après la fin de ses prestations d’assurance-emploi d’urgence.

[4] La prestataire a déposé une demande de prestations de maladie le 30 avril 2021 et elle souhaitait recevoir des prestations de maternité ainsi que des prestations parentales après la fin de ses prestations de maladie, lesquelles sont entrées en vigueur le 18 avril 2021.  

[5] La prestataire a demandé que sa demande soit antidatée. La Commission l’a fait.

[6] La Commission a versé à la prestataire des semaines de prestations de maladie, puis des prestations de maternité et des prestations parentales à la naissance de son enfant. Cependant, elle n’a pas versé toutes les prestations parentales demandées par la prestataire. 

[7] La Commission affirme qu’elle ne peut pas verser toutes les prestations parentales que la prestataire souhaite obtenir puisque sa période de prestations a expiré avant qu’elle puisse le faire; sa demande d’avril 2021 était un renouvellement de sa période de prestations du 4 octobre 2020.

[8] La prestataire a ensuite essayé d’annuler sa période de prestations du 4 octobre 2020 afin de commencer une nouvelle période en avril 2021, mais la Commission a dit que la prestataire n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une nouvelle période de prestations à cette date. Par conséquent, la Commission n’a pas annulé sa période de prestations du 4 octobre 2020.

[9] La prestataire soutient qu’au moment où elle a présenté une demande en avril 2021, elle voulait commencer une nouvelle période de prestations, non pas réactiver une ancienne.

[10] La prestataire dit que c’est pour cette raison qu’elle a envoyé un relevé d’emploi avec sa demande d’avril 2021.  

[11] La prestataire soutient aussi qu’avec son relevé d’emploi et son crédit unique d’heures d’emploi assurable, elle a suffisamment d’heures pour commencer une nouvelle période de prestations en avril 2021. Elle conteste le fait que la Commission ait appliqué le crédit unique d’heures d’emploi assurable à la demande du 4 octobre 2020.

Question en litige

[12] Est-ce que la prestataire a droit à toutes les semaines de prestations parentales qu’elle souhaite recevoir pour sa période de prestations du 4 octobre 2020?

[13] Est-ce que la prestataire peut annuler sa période de prestations du 4 octobre 2020 et commencer une nouvelle demande en avril 2021?

Analyse

Période de prestations parentales du 4 octobre 2020

[14] La prestataire n’a pas droit à toutes les prestations qu’elle souhaite recevoir pour sa période de prestations du 4 octobre 2020.

[15] Une période de prestations est la période pendant laquelle une personne peut toucher des prestations d’assurance‑emploi.

[16] D’habitude, une période de prestations s’étend sur 52 semainesNote de bas de page 1.

[17] Il existe quelques exceptions à cette règle,Note de bas de page 2 mais rien ne prouve que l’une des circonstances des exceptions correspond à la situation de la prestataire.

[18] Par conséquent, j’accepte l’observation de la Commission selon laquelle la période de prestations de la prestataire a commencé le 4 octobre 2020 et a pris fin 52 semaines plus tard, le 2 octobre 2021Note de bas de page 3.

[19] Malheureusement, cela a empêché la prestataire de recevoir toutes les prestations qu’elle a demandées. Selon la loi, s’il n’y a pas de circonstances pour prolonger la période de prestations, celle-ci prend fin après 52 semaines. 

La fin de la demande du 4 octobre 2020

[20] La Commission affirme qu’elle a envisagé de mettre fin de façon anticipée au dossier de la prestataire pour commencer une nouvelle demande de prestations de maternité et de prestations parentales à compter du 18 avril 2021, plutôt que de traiter sa demande du 30 avril 2021 comme une demande de renouvellement à compter du 18 avril 2021. Elle ne pouvait pas le faire, toutefois, car la prestataire n’était pas admissible aux prestations le 18 avril 2021Note de bas de page 4.

[21] J’estime que la prestataire est admissible aux prestations à compter du 18 avril 2021, donc la prestataire peut mettre fin à sa demande du 4 octobre 2020 et commencer une nouvelle demande de prestations à compter du 18 avril 2021, comme l’avait proposé la Commission. 

[22] La loi énonce que l’on peut mettre fin à une période de prestations si certains critères sont remplis :

  • La partie prestataire demande que l’on mette fin à sa période de prestations;
  • Elle présente une nouvelle demande initiale de prestations;
  • Elle est admissible aux prestationsNote de bas de page 5.

[23] Toutefois, il y a une autre chose qu’il faut considérer dans le cas de la prestataire. La Commission affirme que la nouvelle période de prestations commencerait le 18 avril 2021, mais la prestataire a attendu le 1er novembre 2021 pour mettre fin à sa demandeNote de bas de page 6. 

[24] La loi énonce que s’il y a un délai entre le moment où l’on demande de mettre fin à une période et le début de la nouvelle période de prestations, la partie prestataire doit démontrer un motif valable pour ce retard pendant toute la période, à compter du jour où la période de prestations commencerait (18 avril 2021) jusqu’à la date à laquelle la demande a été faite (1er novembre 2021).

[25] Donc, je vais maintenant examiner les critères auxquels doit répondre la prestataire pour mettre fin à sa période de prestations.   

Demander que l’on mette fin à sa période de prestations

[26] Je conclus que la prestataire a demandé que l’on mette fin à sa période de prestations. Elle a bien articulé sa demande lors de son appel téléphonique avec la Commission du 1er novembre 2021Note de bas de page 7. La Commission convient que la prestataire a demandé que l’on mette fin à sa période de prestationsNote de bas de page 8.

Une nouvelle demande initiale de prestations

[27] J’estime que la prestataire a présenté une nouvelle demande initiale de prestations puisqu’elle soutient que sa demande du 30 avril 2021 (en vigueur à compter du 18 avril 2021) s’agissait en effet de celaNote de bas de page 9. Elle a toujours eu l’intention d’en faire une nouvelle demande, voilà pourquoi elle a inclus son relevé d’emploi.

[28] J’accepte que c’était son intention avec cette demande et qu’elle ne savait pas qu’une nouvelle demande n’avait pas été présentée, car, lorsque j’examine la demande, il est question de pouvoir mettre fin à une ancienne demande plutôt que de la réactiver. Je ne vois pas comment une partie prestataire pourrait savoir si elle présente une nouvelle demande ou si elle en réactive une ancienne.

[29] Sans savoir si elle a une ancienne demande qui sera réactivée, je ne vois pas comment cette information générale sur la possibilité de mettre fin à une demande pourrait faire savoir à une partie prestataire que, dans son cas particulier, elle réactive une ancienne demande plutôt que d’en créer une nouvelle.

Admissible aux prestations

[30] Je conclus que la prestataire est admissible aux prestations à compter du 18 avril 2021.

[31] La Commission affirme avoir envisagé de mettre fin de façon anticipée à la période de prestations du 4 octobre 2020 de la prestataire en vue de commencer une nouvelle demande de prestations spéciales à compter du 18 avril 2021, plutôt que de faire un renouvellement. Toutefois, la Commission ne pouvait pas mettre fin à la demande du 4 octobre 2020 puisque la prestataire n’est pas admissible aux prestations en date du 18 avril 2021, car elle n’a pas suffisamment d’heures pour être admissible à cette date-là.  

[32] La Commission affirme que la période de référence s’étendrait du 4 octobre 2020 au 17 avril 2021. La Commission dit que pendant cette période, elle n’a accumulé que 320 heures de travail alors qu’elle a besoin de 600 heures de travail pour être admissible aux prestations spécialesNote de bas de page 10. 

[33] La prestataire affirme qu’elle n’a pas besoin de 600 heures pour être admissible aux prestations, plutôt 420 heures, et elle conteste le fait que la Commission a appliqué le crédit unique d’heures d’emploi assurable à la demande du 4 octobre 2020.

[34] Selon la loi, étant donné que la prestataire aurait une période de prestations précédente si elle mettait fin à la période de prestations du 4 octobre 2020 et commençait une nouvelle période de prestations le 18 avril 2021, la période de référence s’étend du premier jour de cette période de prestations précédente (4 octobre 2020) à la fin de la semaine de l’autre période de prestationsNote de bas de page 11.

[35] Étant donné qu’en assurance-emploi la semaine se termine le samediNote de bas de page 12, la période de référence prendrait fin le 17 avril 2021, soit la journée précédant le début de l’autre période de prestations.

[36] Donc, j’accepte l’observation de la Commission selon laquelle la période de prestations de la prestataire s’étendrait du 4 octobre 2020 au 17 avril 2021.

[37] J’accepte aussi l’observation de la Commission selon laquelle la prestataire n’a que 320 heures d’emploi assurable si l’on n’applique pas le crédit unique d’heures d’emploi assurable pendant sa période de référence, car c’est le seul travail que l’on retrouve dans cette périodeNote de bas de page 13. La prestataire n’a pas contesté cela non plus. 

[38] Si la prestataire souhaite recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales au cours de cette nouvelle période de prestations qui débute le 18 avril 2021, elle doit avoir 600 heures d’emploi assurable, et non pas seulement 420 heures.

[39] La loi prévoit que les prestations de maternité et les prestations parentales sont payables aux « prestataires de la première catégorieNote de bas de page 14 ».

[40] Les « prestataires de la première catégorie » ont exercé un emploi assurable pendant au moins 600 heures au cours de leur période de référenceNote de bas de page 15.

[41] Ainsi, la prestataire a besoin de 600 heures d’emploi assurable dans sa période de référence afin d’obtenir des prestations de maternité et parentales, ce qu’elle n’a pas sans le crédit unique.

[42] La Commission dit qu’elle ne peut pas utiliser le crédit unique pour aider la prestataire à devenir admissible, car il a déjà été appliqué à sa demande du 4 octobre 2020. Il ne peut être utilisé qu’une seule foisNote de bas de page 16 et la loi dit qu’il doit être appliqué à la première demande le 27 septembre 2020 ou après cette dateNote de bas de page 17.

[43] Je ne suis pas d’accord avec l’observation de la Commission concernant le crédit unique.  

[44] J’estime que le crédit unique n’aurait pas dû être appliqué à la demande de la prestataire du 4 octobre 2020. La loi ne dit pas explicitement que le crédit doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date. Agir automatiquement ainsi produirait un résultat absurde, illogique et non conforme aux intentions de la loi.

[45] La section de la loi qui porte sur le crédit unique se trouve à la Partie VIII.5 de la Loi sur l’assurance-emploi :

153.17 (1) Le prestataire qui présente une demande initiale de prestations à l’égard de prestations visées à la partie I le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou à l’égard d’un arrêt de rémunération qui survient à cette date ou par la suite, est réputé avoir, au cours de sa période de référence :

  1. a) si la demande initiale de prestations est présentée à l’égard de prestations visées à l’un des articles 21 à 23.3, 480 heures additionnelles d’emploi assurable;
  2. b) dans les autres cas, 300 heures additionnelles d’emploi assurable.

[46] J’estime que l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ne dit pas explicitement que le crédit unique doit être appliqué à la première demande le 27 septembre 2020 ou après. Bien que ce soit ainsi que la Commission interprète l’article de la Loi, j’estime que cette interprétation n’est pas valide.  

[47] La Cour suprême du Canada (CSC) a déclaré que « l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateurNote de bas de page 18 ».

[48] La CSC a déclaré que le sens grammatical et ordinaire d’un article n’est pas déterminant et ne constitue pas la fin de l’enquête, car il faut tenir compte du contexte global des dispositions à interpréter, même si la disposition peut sembler simple à la première lectureNote de bas de page 19.

[49] La CSC a dit que lorsqu’on interprète une loi, les mots prévalent s’ils sont clairs, sinon, ils cèdent le pas à une interprétation qui répond mieux à l’objectif primordial de la loiNote de bas de page 20.

[50] La Loi d’interprétation déclare que tout texte doit s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objetNote de bas de page 21.

[51] Quel est donc l’objectif global de la Loi?

[52] La Cour d’appel fédérale a déclaré que la Loi est « […] un régime contributif offrant une protection sociale aux Canadiens qui perdent leur emploi […]Note de bas de page 22 », dont l’objectif est « […] d’indemniser les chômeurs pour la perte de revenus provenant de leur emploi et d’assurer leur sécurité économique et sociale pendant un certain temps pour ainsi leur permettre de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 23 ».

[53] La CSC a déclaré que l’objectif global de la Loi est de fournir des prestations aux chômeurs et qu’elle devrait être interprétée de façon libérale et que tout doute découlant de l’ambiguïté des textes devrait se résoudre en faveur de la partie prestataireNote de bas de page 24.

[54] J’estime que le libellé de l’article 153.17(1) n’est pas clair. Il ne mentionne pas explicitement que le crédit unique doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date. Puisque le libellé n’est pas clair, il doit céder le pas à une interprétation qui répond mieux à l’objectif primordial de la loiNote de bas de page 25.

[55] La CSC et la CAF ont déclaré que l’objectif de la Loi est de fournir des prestations aux chômeurs.  

[56] En gardant cet objectif à l’esprit, je signale que le titre de la section de la Loi dans laquelle s’inscrit l’article sur le crédit unique d’heures – la Partie VIII.5 – s’intitule « Mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations ». J’estime que cela montre que l’objectif des articles sous ce titre est d’aider les travailleurs à accéder aux prestations.

[57] La CSC a dit que c’est un principe bien établi d’interprétation des lois que le législateur n’a pas l’intention de produire des conséquences absurdesNote de bas de page 26.

[58] La CSC affirme qu’une interprétation peut être considérée comme absurde si elle entraîne des conséquences ridicules ou frivoles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatifNote de bas de page 27.

[59] La prestataire n’avait pas besoin du crédit unique pour être admissible le 4 octobre 2020. Les renseignements de la Commission indiquent que la prestataire avait 1 001 heures d’emploi assurableNote de bas de page 28, ce qui est beaucoup plus que ce dont elle avait besoin pour être admissible aux prestations à ce moment-là.

[60] Je trouve que l’interprétation de la Commission du paragraphe 153.17(1) voulant que le crédit unique soit appliqué à la première demande le 27 septembre 2020 ou après – que la prestataire en ait besoin ou non – mène à un résultat absurde. Cette interprétation est illogique et incompatible avec l’objet du texte législatif.

[61] L’objet de la Loi est de fournir des prestations aux personnes qui sont sans emploi. Le Parlement a ajouté des articles à la Loi sous un titre intitulé « Mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations », ce qui montre qu’il voulait que les articles en question aident les gens à accéder aux prestations.

[62] J’estime qu’interpréter le paragraphe 153.17(1) comme le fait la Commission, à savoir que le crédit unique d’heures doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après – que la partie prestataire en ait besoin ou non – est également incompatible avec l’objet du texte législatif. Le titre de l’article dans lequel se trouve le paragraphe 153.17(1) est clair : ces articles visent à aider les gens à accéder aux prestations. Appliquer le crédit unique lorsqu’il n’est pas nécessaire irait à l’encontre de cet objectif.

[63] Une telle action serait également illogique. Il n’est pas logique de donner à une partie prestataire des heures additionnelles dont elle n’a pas besoin pour être admissible, car cela lui enlèverait toute chance de devenir admissible lorsqu’elle en aura besoin.

[64] De plus, le libellé du paragraphe 153.17(1) lui-même montre qu’il vise à aider les personnes à devenir admissibles aux prestations en leur donnant des heures additionnelles pour les aider à satisfaire aux exigences d’admissibilité. L’application de ces heures additionnelles lorsqu’elles ne sont pas nécessaires non seulement n’aiderait pas les personnes à devenir admissibles, mais leur porterait préjudice, car elle leur enlèverait toute chance de devenir admissibles plus tard – lorsqu’elles auront réellement besoin de ces heures additionnelles. Interpréter cet article comme le fait la Commission irait à l’encontre de l’objet du texte législatif puisqu’il n’aiderait pas les personnes à devenir admissibles comme il est censé le faire.

[65] Je trouve aussi que le mot « réputé » dans l’article 153.17(1) ne signifie pas que le crédit unique doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[66] Le mot « réputé » crée simplement une présomption réfutable, c’est-à-dire quelque chose qui est présumé à moins que le contraire ne soit prouvé.

[67] De sorte que la loi emploie le mot « réputé » pour dire qu’il est présumé que la prestataire a des heures additionnelles dans sa période de référence pour une demande présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[68] J’estime que cette présomption ne signifie aucunement que les heures doivent être ajoutées à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après – que la partie prestataire en ait besoin ou non – puisque cela entraînerait un résultat absurde et irait à l’encontre de l’objet du texte législatif, comme je l’ai mentionné ci-dessus.  

[69] Pourquoi le législateur voudrait-il que la Commission tienne pour acquis qu’une personne a accumulé des heures additionnelles au cours de sa période de référence si ce n’est pas pour l’aider à devenir admissible lorsque le vrai nombre d’heures dont elle dispose n’est pas suffisant?

[70] J’estime que rien dans la législation n’empêche la Commission de considérer (autrement dit, de présumer) que la prestataire a un nombre d’heures excédentaires dans sa période de référence, pour une demande autre que la première présentée le 27 septembre ou après (p. ex., une demande pour laquelle elle a réellement besoin des heures présumées pour être admissible).

[71] Enfin, je garde à l’esprit les mots de la CSC, à savoir que le but général de la Loi est de fournir des prestations aux chômeurs, qu’elle devrait être interprétée de façon libérale et que tout doute découlant de l’ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur de la partie prestataireNote de bas de page 29. Cela confirme que l’article 153.17(1) ne devrait pas être interprété comme le veut la Commission, car il n’aiderait pas à procurer des prestations aux personnes qui sont au chômage. De plus, compte tenu de l’ambiguïté des textes, je trancherais en faveur de la prestataire.

[72] J’estime que l’interprétation de l’article 153.17(1) par la Commission, selon laquelle le crédit unique doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après – qu’une partie prestataire en ait besoin ou non – ne peut être maintenue.

[73] J’estime que l’article 153.17(1) devrait être interprété comme étant utilisé seulement si une partie prestataire a besoin des heures additionnelles pour être admissible. Cette interprétation n’entraîne pas de résultats absurdes et est plus compatible avec l’objet du texte législatif.  

[74] Par conséquent, je conclus que le crédit unique n’aurait pas dû être appliqué à la demande de la prestataire du 4 octobre 2020, car elle n’en avait pas besoin pour être admissible. Cela signifie que le crédit unique est disponible afin que la prestataire l’utilise pour une demande qui commence le 18 avril 2021.

[75] Je conclus qu’avec le crédit unique ajouté aux 320 heures d’emploi assurable de la prestataire au cours de sa période de référence, elle a plus de 600 heures et peut donc être admissible à une demande de prestations de maternité et parentales à compter du 18 avril 2021.  

Motif valable pour le retard

[76] Il reste un autre obstacle que la prestataire doit surmonter si elle veut que sa période de prestations du 4 octobre 2020 prenne fin et qu’une nouvelle période de prestations commence le 18 avril 2021. Elle doit démontrer qu’elle avait un motif valable pour avoir tardé à demander de mettre fin à sa période de prestations.

[77] Pour démontrer un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans des circonstances similaires. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon raisonnable et prudente comme toute autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[78] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi de la sorte pendant toute la durée du retard. Cette période s’étend du jour où la nouvelle période de prestations commencerait, soit le 18 avril 2021, jusqu’au jour où elle a effectivement demandé la cessation, soit le 1er novembre 2021.

[79] La prestataire doit également démontrer qu’elle a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations selon la loi. Cela signifie que la prestataire doit démontrer qu’elle a essayé d’apprendre ses droits et ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle pouvait. Si la prestataire n’a pas pris ces mesures, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi elle ne l’a pas fait.

[80] La prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable pour le retard.

[81] Je conclus que la prestataire a démontré un motif valable pour le retard.

[82] La prestataire dit que lorsqu’elle a fait sa demande en avril 2021, elle a tenu pour acquis qu’elle commençait une nouvelle demande et que cela a toujours été son intention. La prestataire dit qu’il n’y a rien dans le processus de demande qui permet de savoir si l’on réactive une ancienne demande ou si l’on en commence une nouvelle.  

[83] La prestataire dit qu’elle a reçu son dernier paiement de prestations le 3 octobre 2021 et qu’elle a ensuite attendu ses prochains paiements, mais qu’elle n’a rien reçu. La prestataire dit avoir appelé la Commission le 1er novembre 2021, après avoir continué à attendre ses paiementsNote de bas de page 30.

[84] J’accepte l’argument de la prestataire selon lequel elle ne pouvait pas savoir, lorsqu’elle a fait sa demande en avril 2021, qu’elle réactivait une ancienne demande.

[85] Lorsque j’examine la demande remplie par la prestataireNote de bas de page 31, il est question de pouvoir mettre fin à une ancienne demande plutôt que de la réactiver. Il n’est pas clair comment une partie prestataire pourrait savoir si elle dépose une nouvelle demande ou si elle réactive une ancienne demande.  

[86] Si on ne dit pas aux prestataires qu’ils ont une ancienne demande à l’intérieur de la limite de temps qui sera réactivée, je ne vois pas comment cette information générale sur la possibilité de mettre fin à une demande leur permettrait de savoir que dans leur cas particulier, ils réactivent une ancienne demande, plutôt que d’en commencer une nouvelle.

[87] Je conclus que lorsque la prestataire a reçu son dernier paiement de prestations le 3 octobre 2021, elle ne pouvait pas, à ce moment-là ou avant, savoir qu’il s’agissait de son dernier paiement puisqu’elle s’attendait à recevoir toutes les semaines de prestations qu’elle avait demandées. Les paiements de prestations sont effectués toutes les deux semaines, de sorte que la prestataire aurait attendu son prochain paiement au cours de la semaine du 17 octobre 2021 et n’aurait pas pu savoir avant cette semaine que quelque chose n’allait pas.

[88] Je ne vois pas une personne raisonnable et prudente prendre des mesures concernant sa demande avant de savoir que quelque chose ne va pas.

[89] Je trouve également que les actions de la prestataire de continuer à attendre une autre semaine pour voir si ses prestations seraient versées avant d’appeler la Commission sont les actions d’une personne raisonnable et prudente, car je trouve qu’attendre une semaine de plus pour être certain de ne pas recevoir de prestations n’est pas déraisonnable ou imprudent.

[90] Je trouve qu’après cette semaine d’attente supplémentaire, la prestataire a pris des mesures rapides pour savoir ce qui se passait en téléphonant à la Commission le 1er novembre 2021 pour déterminer ses droits et ses obligations. C’est à ce moment-là qu’on lui a dit qu’elle pouvait mettre fin à une demande et qu’elle l’a faitNote de bas de page 32.

[91] Je conclus que la prestataire a un motif valable pour le retard. Elle a pris des mesures raisonnables et rapides pour communiquer avec la Commission au sujet de ses droits et ses obligations; elle a agi dès qu’elle les a vérifiés auprès de la Commission; et elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait pendant toute la durée du retard.

[92] Par conséquent, la prestataire a satisfait à toutes les étapes requises pour mettre fin à sa demande du 4 octobre 2020, et pour présenter une nouvelle demande de prestations de maternité et de prestations parentales le 18 avril 2021, comme la Commission l’a proposé.   

Conclusion

[93] L’appel est accueilli.

[94] La prestataire répond à tous les critères pour mettre fin à sa période de prestations du 4 octobre 2020 et commencer une nouvelle période de prestations de maternité et de prestations parentales à compter du 18 avril 2021.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.