Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 495

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. H.
Représentante ou représentant : Tara McWhinney
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (422792) datée du 11 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
La personne qui représente l’appelant
Date de la décision : Le 10 mai 2022
Numéro de dossier : GE-21-1146

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. En d’autres mots, il n’a pas fourni une raison acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 11 janvier 2021. Il souhaite maintenant que sa demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 29 novembre 2020. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable pour ne pas avoir demandé de prestations plus tôt. La Commission a déjà établi que l’appelant avait un nombre suffisant d’heures pour remplir les conditions nécessaires à l’antidate demandéeNote de bas de page 2 (date antérieure à la date de la demande initiale).

[5] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas pu démontrer son intention de présenter sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi pendant toute la période du retardNote de bas de page 3.

[6] L’appelant est en désaccord. Il dit avoir de grands problèmes de santé mentale à cause d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et d’une dépression. Il a simplement oublié, ce qui a retardé sa demande d’antidate. Il a demandé à la Commission de réviser la décision.

[7] À l’appui de sa demande de révision, l’appelant a rappelé que ses troubles de santé mentale et son stress intense à cause de la pandémie ont fait qu’il a présenté sa demande initiale en retardNote de bas de page 4. Pour prouver qu’il est atteint d’un TDAH, l’appelant a fourni une évaluation psychologique de 2006‑2007Note de bas de page 5.

[8] Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale.

Question en litige

[9] La demande initiale de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 29 novembre 2020? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[10] Pour que sa demande initiale soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 6 :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée (une explication acceptable selon la loi);
  2. b) qu’à la date antérieure (la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[11] Dans cette affaire-ci, les arguments principaux servent à décider si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par là.

[12] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 7. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est comporté comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[13] Il doit prouver qu’il a agi de la sorte pour toute la période du retardNote de bas de page 8. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande. Dans le cas de l’appelant, la période de retard est donc du 29 novembre 2020 au 11 janvier 2021.

[14] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui imposait la loiNote de bas de page 9. En d’autres mots, il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. S’il ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 10.

[15] L’appelant doit établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’un motif valable justifiait son retard.

[16] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il a un TDAH. Il doit composer avec d’importants défis de santé mentale, et la pandémie a aggravé ses sentiments de stress et de dépression. Il a mentionné à la Commission avoir simplement oublié et ignorer comment cet oubli a pu se produire.

[17] Lors de son témoignage, l’appelant a rappelé avoir de la difficulté avec la bureaucratie. Il est enclin à la colère et ne peut pas supporter de naviguer sur le Web. Il a confirmé qu’après avoir perdu son emploi en novembre 2020, il ne prenait pas de médicaments pour ses troubles de santé mentale. Il ne se souvient pas d’avoir consulté son compte de Service Canada ni d’avoir cherché un emploi. Il mentionne avoir trouvé un emploi à temps partiel peu après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi en janvier 2021.

[18] L’appelant a aussi affirmé qu’au moment de l’audience, il aurait normalement travaillé, mais son épouse et lui étaient en isolement depuis trois semaines en raison de la COVID-19. Il pensait qu’il touchait des prestations parce qu’il a reçu la Prestation canadienne de la relance économique. Il mentionne aussi avoir de la difficulté à envoyer ses documents; bien souvent, il ne les comprend pas.

[19] Pour conclure, l’appelant confirme avoir de la difficulté à faire face à la bureaucratie et à se présenter à ses rendez-vous médicaux. Cela lui cause des sautes d’humeur, du stress et de la frustration. Chaque jour, sa demande de prestations lui revenait à l’esprit, mais le simple fait de devoir parler au personnel de l’assurance-emploi au téléphone était problématique. Le site Web est épouvantable selon lui. L’appelant dit avoir cotisé longtemps à l’assurance-emploi; les prestations devraient être plus faciles à obtenir.

[20] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait son retard parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans les circonstances. Il n’a pas appelé Service Canada pendant la période du retard, même s’il s’est connecté à Mon dossier Service Canada et a constaté que la Commission n’avait pas reçu son relevé d’emploiNote de bas de page 11.

[21] La Commission soutient aussi que l’appelant a été capable de trouver un nouvel emploi et qu’il a même consulté son compte en ligne. Il aurait pu s’informer sur son relevé d’emploi auprès de la Commission. Cette dernière reconnaît bien les troubles de santé mentale de l’appelant. Toutefois, ils ne justifient ni n’excusent le retard à vérifier ses droits et obligations selon la Loi sur l’assurance-emploi ou l’information nécessaire pour présenter une demande de prestations.

[22] J’estime que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations même si je reconnais qu’il a reçu un diagnostic de TDAH et été traité en conséquence.

[23] Même si je reconnais aussi qu’en général, un TDAH affecte la planification, l’organisation ainsi que la capacité de commencer un travail et de rester concentrer sur les tâches, l’appelant dans ce cas-ci a été capable de demander des prestations d’assurance-emploi le 11 janvier 2021. Il a aussi été capable d’appeler la Commission le 8 avril pour s’informer sur sa demande et demander une antidate. Il dit avoir simplement oublié de faire sa demande plus tôt. Pourtant, il était suffisamment au courant de l’assurance-emploi pour reconnaître que la Commission n’avait pas reçu son relevé d’emploiNote de bas de page 12.

[24] L’appelant a aussi été capable de demander à une personne de le représenter pour faire appel et organiser une audience. Alors que l’appelant ne devait pas témoigner à l’audience, il a quand même choisi de le faire, et son témoignage était clair et cohérent.

[25] J’estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Il ne s’est pas renseigné sur les prestations d’assurance-emploi ni sur le fait qu’il était sans revenu jusqu’au 11 janvier 2021. Pour agir comme une personne raisonnable, en cas de perte de revenus, l’appelant aurait dû s’informer sur les prestations d’assurance-emploi et présenter une demande rapidement.

[26] L’appelant a un TDAH et ressent beaucoup de stress et d’anxiété. Cependant, les documents médicaux qu’il a fournis ne montrent pas que son état était si grave qu’il l’empêchait de s’informer sur les prestations auprès de la Commission. Après tout, l’appelant a trouvé du travail, quoiqu’à temps partiel, peu après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi. Au moment de l’audience, il aurait été censé travailler s’il n’avait pas attrapé la COVID-19.

[27] Dans ses observations finales, la personne qui représentait l’appelant a mis l’accent sur sa tendance à être impatient avec le personnel administratif. L’appelant peut aussi se déconcentrer et perdre tout intérêt si les choses n’avancent pas assez vite.

[28] En appliquant aux faits ci-dessus le critère juridique relatif à l’antidate, je juge que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les circonstances, pour vérifier ses droits et ses obligations.

[29] Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime que l’appelant, après sa perte d’emploi en novembre 2020, aurait dû agir comme une personne raisonnable et prudente, et se renseigner sur les autres sources de revenus possibles, comme les prestations d’assurance-emploi. Il a attendu en janvier 2021 pour faire sa demande initiale et en avril pour faire sa demande d’antidate, car il n’était pas dans le bon état d’esprit. Une personne raisonnable n’aurait pas agi ainsi.

[30] Y avait-il des circonstances exceptionnelles qui auraient empêché l’appelant de faire sa demande initiale plus tôt? Non, et voici les raisons.

[31] La seule circonstance exceptionnelle possible aurait été ses troubles de santé mentale. Bien que l’appelant ait un TDAH et des contraintes connexes, comme j’en ai parlé plus tôt, ceux-ci ne l’empêchent pas de travailler, de s’informer sur le Web et de demander à une personne de le représenter. Une récente lettre d’un médecin de famille ne laisse pas entendre que des circonstances exceptionnelles auraient pu justifier ou excuser le retardNote de bas de page 13.

[32] Dans l’ensemble, la preuve ne me permet pas de croire que des circonstances exceptionnelles excusaient le retard.

[33] Pour les deux raisons suivantes, je n’ai pas besoin d’examiner si l’appelant remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. Premièrement, la Commission a reconnu que l’appelant aurait été admissible à la date antérieure. Deuxièmement, s’il n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[34] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[35] L’appel est rejeté.

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