Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 560

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C.L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (440690) datée du 3 décembre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience :

Téléconférence

Date de l’audience :

Le 7 mars 2022

Personne présente à l’audience :

Appelant

Date de la décision :

Le 10 mars 2022

Numéro de dossier : GE-22-77

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire (l’appelant dans cet appel) n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 7 septembre 2021 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours.

Aperçu

[3] Le prestataire a occupé un emploi saisonnier chez X entre mars et septembre pendant cinq ans.

[4] Il a établi une période de prestations d’assurance-emploi débutant le 25 juillet 2021 alors que la saison de pêche était au ralenti et qu’il n’avait pas de revenu. Le 7 septembre 2021, il a commencé un cours collégial à temps plein pour devenir conducteur d’équipement lourd. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a examiné s’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait son cours.

[5] Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi à temps plein et qu’elle ne peut pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment (c’est‑à‑dire trop) sa capacité de retourner au travail.

[6] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il suivait un cours de sa propre initiative et qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 1.

[7] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a soutenu qu’il étudiait cinq jours par semaine, mais qu’il avait le temps de travailler en dehors de ses heures de cours et qu’il postulait pour des emplois. La Commission n’a pas été convaincue et a maintenu sa décision concernant son inadmissibilité. Le prestataire a fait appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait son cours. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler pendant ses études.

[9] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il ne cherchait pas activement un emploi pendant ses études et parce que son cours limitait ses chances de retourner immédiatement sur le marché du travail.

[10] Le prestataire affirme qu’il travaillait lorsque son ancien employeur l’appelait et qu’il était toujours disponible pour travailler, peu importe le jour ou l’heure.

[11] Pour les raisons énoncées ci-dessous, je partage l’opinion de la Commission.

Question en litige

[12] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant ses études à temps plein à partir du 7 septembre 2021?

Analyse

[13] Selon la loi, pour être considérée comme disponible pour travailler aux fins des prestations régulières d’assurance-emploi, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 2.

[14] Il ne fait aucun doute que le prestataire était capable de travailler pendant cette périodeNote de bas de page 3. Je vais donc passer directement à l’analyse de sa disponibilité pour évaluer son admissibilité aux prestations régulières d’assurance-emploi pendant qu’il était aux études à compter du 7 septembre 2021.

[15] La Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il faut établir la disponibilité par l’analyse de trois éléments :

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 4.

[16] Ces trois éléments ont été énoncés pour la première fois par la Cour dans la décision Faucher.

[17] La Cour a également dit ce qui suit :

  1. a) la disponibilité s’apprécie par jour ouvrable d’une période de prestations où la partie prestataire peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 5;
  2. b) les personnes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 6 (c’est ce qu’on appelle communément la présomption de non-disponibilité).

[18] Pour trancher cet appel, je dois d’abord voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Je dois ensuite examiner s’il était disponible pour travailler selon le critère juridique énoncé au paragraphe 15 ci-dessus.

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il réfuté la présomption de non-disponibilité?

[19] Non, il ne l’a pas fait.

[20] La présomption de non-disponibilité ne s’applique qu’aux personnes aux études à temps plein. Puisque le prestataire étudiait à temps plein, la présomption s’applique à luiNote de bas de page 7.

[21] Le prestataire peut réfuter la présomption en démontrant qu’il a déjà travaillé à temps plein tout en étudiant à temps pleinNote de bas de page 8 ou en établissant l’existence de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 9.

[22] Le prestataire n’a pas présenté d’éléments de preuve montrant qu’il a déjà travaillé à temps plein tout en étudiant à temps plein pendant plusieurs années. Il a dit à la Commission qu’il travaillait depuis l’âge de 13 ansNote de bas de page 10, mais qu’il n’avait jamais travaillé pendant qu’il suivait un coursNote de bas de page 11. Il a déclaré avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en juin 2021 et avoir travaillé chez X jusqu’à ce que son cours commence en septembre 2021Note de bas de page 12.

[23] Le prestataire n’a pas non plus démontré que sa situation était exceptionnelle. Le fait qu’il suivait un cours spécialisé afin de commencer une nouvelle carrière en tant que travailleur qualifié et qu’il serait disponible pour travailler à temps plein dans son nouveau domaine à la fin du cours n’est pas exceptionnel. Je reconnais le désir légitime du prestataire de commencer une nouvelle carrière et le fait qu’il a très rapidement commencé un emploi à temps plein dans son domaine après avoir terminé son coursNote de bas de page 13. Cependant, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que sa situation était différente de celle de toute autre personne étudiant à temps plein.

[24] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler pendant ses études. Cela signifie qu’il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il suivait son cours à compter du 7 septembre 2021.

[25] Toutefois, même si j’ai tort de présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler alors qu’il étudiait à temps plein, il doit quand même être déclaré inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. En effet, pour les raisons énoncées ci-dessous, il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler selon le critère juridique énoncé au paragraphe 15 ci-dessus.

Question en litige no 2 : Le prestataire était‑il disponible pour travailler selon les éléments de la décision Faucher?

[26] Non, il ne l’était pas. Il n’a pas satisfait à tous les éléments de la décision Faucher.

Désir de retourner sur le marché du travail

[27] Pour répondre au premier élément de la décision Faucher, le prestataire doit prouver qu’il voulait retourner travailler à temps plein aussitôt qu’un emploi convenable était offert.

[28] Le prestataire a déclaré ce qui suit :

  • Il a présenté une demande pour le cours de conducteur d’équipement lourd en septembre 2020, pendant sa dernière année d’études secondaires.
  • Il a été admis au cours [traduction] « à condition qu’il ait obtenu son diplôme d’études secondaires ».
  • Il a terminé ses études secondaires en juin 2021 et a travaillé à temps plein chez X jusqu’à ce qu’il demande des prestations d’assurance-emploi le 25 juillet 2021.
  • Son emploi saisonnier chez X a pris fin en septembre 2021.
  • Il a commencé le cours en septembre 2021.
  • Il s’agissait de son premier programme d’études postsecondaires.
  • Il ne pouvait pas être dirigé vers ce coursNote de bas de page 14 parce qu’il n’avait pas terminé ses études secondaires depuis au moins deux ans et n’était pas un étudiant adulte.
  • Il était disponible pour travailler pour X si on le rappelait au travail.
  • Il a terminé le cours et a trouvé un emploi à temps plein [traduction] « tout de suite ».
  • Il a dit à la Commission qu’il devrait abandonner le cours s’il ne recevait pas de prestations d’assurance-emploi pendant celui-ciNote de bas de page 15. Il a toutefois pu terminer le cours sans recevoir de prestations d’assurance-emploi parce que sa tante l’a aidé à payer ses études et d’autres dépenses.

[29] Le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler à temps plein aussitôt qu’un emploi convenable était offert. Il a dit qu’il était prêt à travailler pour X si on l’appelait pendant qu’il suivait son cours. Cela ne démontre cependant pas qu’il était disposé à retourner au travail dès qu’un emploi convenable était offert. Le prestataire savait très bien qu’il n’y aurait pas ou peu de travail pour lui chez X pendant qu’il suivait son cours en raison de la nature saisonnière de cet emploiNote de bas de page 16. Il a profité des temps morts de cet emploi saisonnier pour suivre le coursNote de bas de page 17 auquel il s’était inscrit pendant ses études secondaires et qu’il prévoyait de suivre après avoir terminé ses études secondaires. Il a compté sur l’aide financière de sa famille pour exécuter ce plan, puis a commencé à travailler à temps plein dès la fin du cours. Ses déclarations catégoriques selon lesquelles il était prêt à abandonner le cours pour accepter immédiatement un emploi à temps plein ne sont pas étayées par sa conduite ou sa situation ni par ses demandes visant à obtenir des prestations d’assurance-emploi pour terminer son coursNote de bas de page 18.

[30] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas satisfait au premier élément de la décision Faucher.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[31] Pour répondre au deuxième élément de la décision Faucher, le prestataire doit prouver qu’il cherchait un emploi convenable tous les jours de sa période de prestations.

[32] Le prestataire a déclaré ce qui suit :

  • Il était disponible pour travailler chez X, et il est retourné travailler lorsqu’on l’a [traduction] « appelé ».
  • Il a maintenu la communication avec X. Il avait une entente souple avec eux selon laquelle on l’avisait lorsqu’il y avait du travail et il revenait travailler.
  • Sa principale source de travail était son travail sur appel chez X.
  • Le travail chez X est cependant saisonnier. Il y a du travail au printemps et à l’été, entre mars et septembre.
  • Il a postulé à [traduction] « environ » six autres emplois en plus d’attendre que X l’appelle. Il a postulé pour travailler dans une station-service et une épicerie et pour un autre employeur du secteur de la pêche. Il a aussi parlé à quelques pêcheurs locaux pour voir s’ils avaient besoin d’aide, [traduction] « mais pas de chance là non plus ».
  • En décembre 2021, « une des pêches a été ouverte » et X l’a appelé. Il y a travaillé pendant un total de 66,75 heures sur quatre semaines en décembre 2021Note de bas de page 19. Cependant, [traduction] « le quota a été atteint » en janvier 2022 et il n’y avait plus de travail.
  • Il n’y a pas eu d’autre travail pour lui après cela.
  • Son cours se déroulait habituellement de 8 h 30 à 12 h 30 ou 13 h, du lundi au vendredi. Parfois, il était en classe l’après-midi jusqu’à 15 h, et d’autres fois jusqu’à midiNote de bas de page 20. Il n’y avait pas de devoirs du tout, peut-être une demi-heure le soir. La plus grande partie du cours était « pratique », et il n’a jamais vraiment eu à étudier pour les tests.
  • Lorsqu’il n’était pas en cours, s’il était appelé à travailler à X, il y allait, mais sinon il était à la maison.
  • Il a terminé le cours en février et a immédiatement trouvé un emploi à temps plein comme conducteur d’équipement lourd.

[33] Je reconnais que le prestataire avait une entente informelle avec X selon laquelle il pouvait travailler à temps partiel lorsqu’il y avait du travail pendant la saison morte. Cela lui a permis de travailler quelques heures en décembre 2021. Toutefois, les tribunaux ont dit que le fait qu’une personne maintienne son lien d’emploi et demeure sur le marché du travail à temps partiel tout en poursuivant des études n’entraine pas qu’elle soit nécessairement disponible pour travaillerNote de bas de page 21.

[34] Les tribunaux ont également déclaré que le fait qu’une personne attende d’être rappelée au travail n’est pas suffisant pour prouver sa disponibilitéNote de bas de page 22. Une partie prestataire doit chercher activement un emploi pour pouvoir recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. C’est le cas même s’il est possible qu’elle soit rappelée au travail ou si sa période de chômage est inconnue ou relativement courte. Les efforts de recherche d’emploi d’une partie prestataire doivent être suffisants pour prouver qu’elle mène une recherche d’emploi active, continueNote de bas de page 23 et de grande envergure visant à trouver un emploi convenableNote de bas de page 24.

[35] Dans des décisions récentes, le Tribunal a également affirmé qu’une partie prestataire qui ne fait qu’une recherche d’emploi minimale ne peut pas considérer le rappel au travail comme la meilleure façon d’obtenir un emploi, même lorsque la période de chômage prévue est courteNote de bas de page 25. Dans le cas du prestataire, ses efforts de recherche d’emploi étaient si minimes qu’il n’était pas vraiment à la recherche d’un emploi à temps pleinNote de bas de page 26.

[36] La Loi sur l’assurance-emploi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui sont véritablement au chômage et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire n’en a pas fait assez pour chercher du travail pendant ses études.

[37] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas satisfait au deuxième élément de la décision Faucher.

Limitation indue des chances de retourner sur le marché du travail

[38] Enfin, en ce qui concerne le troisième élément de la décision Faucher, j’estime que le cours du prestataire était une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 27.

[39] Le prestataire doit démontrer qu’il était disponible durant les heures normales de travail de chaque jour ouvrable. Sa disponibilité ne peut pas être limitée de façon considérable à des heures irrégulières, comme les soirs, les nuits, les fins de semaine ou les jours fériés scolaires pour tenir compte d’un horaire de coursNote de bas de page 28.

[40] Le fait que le prestataire devait assister à son cours à des heures fixes le matin et l’après-midi, et les 25 à 35 heures par semaine qu’il consacrait à celui-ciNote de bas de page 29, limitaient de façon évidente ses chances de retourner sur le marché du travail. Cela signifie qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations. Cela a aussi considérablement réduit le nombre d’emplois auxquels il pouvait postuler ou qu’il pouvait accepter, parce qu’il fallait qu’un employeur soit prêt à lui permettre de travailler en dehors de ses heures de cours.

[41] Cela signifie que le prestataire n’a pas satisfait au troisième élément de la décision FaucherNote de bas de page 30.

[42] Le prestataire doit satisfaire aux trois éléments énoncés dans la décision Faucher pour prouver sa disponibilité conformément à l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon mes conclusions, il n’a satisfait à aucun d’entre eux. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable pendant ses études à compter du 7 septembre 2021.

[43] Cela signifie qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il suivait son cours.

Conclusion

[44] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable pendant qu’il suivait son cours à compter du 7 septembre 2021. Cela signifie qu’il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait son cours.

[45] L’appel est rejeté.

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