Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 492

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (444641) datée du 7 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 1er avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-442

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Dans sa demande, il a écrit qu’il a quitté son emploi à X (le concessionnaire) le 31 août 2021. La Commission a enquêté sur la raison de son départ et a décidé qu’il avait démissionné sans justification prévue par la loi. La Commission a imposé une exclusion à l’appelant pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, il n’a pas pu recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[4] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a affirmé que son travail était devenu très stressant et qu’il ne pouvait plus l’endurer. Il n’a pas fait part de ses préoccupations à son employeur parce qu’ils vivent dans une petite ville et il ne voulait pas provoquer de ressentiment. Donc, il a dit qu’il prenait sa retraite.

[5] La Commission a maintenu son exclusion et l’appelant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.  

[7] L’appelant affirme qu’il a démissionné parce que la pression est devenue trop forte pour lui.

[8] La Commission affirme que l’appelant avait plusieurs autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi : il aurait pu parler à son gestionnaire et donner à son employeur la chance de remédier au problème, lui permettant ainsi de garder son emploi; il aurait pu consulter son médecin pour obtenir des éléments de preuve médicale pour appuyer sa démission; il aurait pu demander des congés ou un congé de maladie; et il aurait pu s’assurer de trouver un emploi convenable avant de démissionner.

[9] Je compatis à la situation de l’appelant. Cependant, pour les motifs énumérés ci-dessus, je dois être du même avis que la Commission.

Question en litige

[10] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Question en litige 1 : l’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[12] Selon son relevé d’emploi, l’appelant travaillait comme commis aux pièces au concessionnaire jusqu’au 31 août 2021, date à laquelle l’employeur a marqué [traduction] « départ volontaire/retraite » (document à GD3-20).

[13] Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a démissionné (en d’autres mots, a quitté volontairement son emploi). Je n’ai aucune preuve du contraire.

[14] L’appelant a mis fin à la relation d’emploi quand il a informé l’employeur qu’il prenait sa retraite à partir du 31 août 2021, à un moment où l’employeur avait encore du travail pour lui. J’estime donc qu’il a quitté volontairement son emploi après sa dernière journée de travail le 31 août 2021.

Question en litige 2 : l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[15] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[16] La loi prévoit qu’une partie appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1.

[17] Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[18] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[19] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3.

[20] Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi le 31 août 2021 était la seule solution raisonnable.

[21] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi.

[22] L’appelant affirme qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il s’est fait donner des tâches supplémentaires et qu’il ne pouvait plus gérer le stress causé par son travail.

[23] L’appelant a témoigné que :

  • Il a dit à son employeur qu’il prenait volontairement sa retraite parce qu’il ne savait pas comment dire à son directeur général qu’il allait partir;
  • Il ne voulait pas aller le voir et dire [traduction] « je démissionne »;
  • Il n’avait pas planifié de prendre sa retraite avant 60 ans. Il n’aura que 57 ans;
  • Il avait planifié de travailler au concessionnaire pour quatre années de plus, mais [traduction] « la pression au travail est devenue trop forte »;
  • La raison pour laquelle il ne s’est jamais [traduction] « plaint ou quoi que ce soit » au directeur général est qu’il vit dans une très petite ville, « donc [il n’allait] pas se rendre au travail et râler, vociférer et faire une scène ». C’est parce qu’il [traduction] « voit ces gens tous les jours dans le quartier » et il a encore besoin d’aller au concessionnaire pour ses besoins automobiles;
  • [traduction] « Je dois pouvoir m’y montrer la face »;
  • Donc, il a dit qu’il allait prendre sa retraite, au lieu de [traduction] « partir en claquant la porte parce que la situation devenait incontrôlable »;
  • Il s’est senti accablé par la quantité de travail qu’il devait accomplir parce que le gestionnaire des pièces, « C. », n’était pas souvent à son comptoir ou prêt à offrir de l’aideNote de bas de page 4. C. pouvait être au travail trois heures sur huit;
  • Cela a fait en sorte que l’appelant avait une [traduction] « quantité extraordinaire de travail à faire ». Il devait interagir avec cinq techniciens à l’atelier, trois employés au bureau de service et gérer d’autres problèmes;
  • Il en a discuté avec d’autres membres du personnel. Comme le concessionnaire est très petit et les départements sont près les uns des autres, les gens savaient que C. n’était [traduction] « jamais là »;
  • [traduction] « C. est un alcoolique ». Parfois, il [traduction] « faisait une rechute » et ne rentrait pas pour trois à quatre jours à la fois;
  • En 2019, l’appelant a reçu un texto de la part du directeur général pendant qu’il était en vacances lui demandant de rentrer au travail et de remplacer C. parce qu’il était [traduction] « non disponible ». En 2017, il a reçu un texto pendant ses vacances lui demandant des mots de passe d’ordinateur parce que C. était [traduction] « saoul » et absent;
  • Si C. ne voulait pas s’occuper d’un client, il se [traduction] « levait et partait » et l’appelant devait s’en occuper. Cela se produisait souvent et était [traduction] « très accablant »;
  • Les problèmes avec C. duraient [traduction] « depuis des années »;
  • Le directeur général a eu [traduction] « quelques discussions avec C. », mais « rien n’a jamais été fait »;
  • Environ un an avant qu’il démissionne, la réceptionniste a démissionné et l’employeur a décidé de ne pas embaucher quelqu’un d’autre. Étant donné que le comptoir des pièces était à côté de la réception, [traduction] « on a demandé à l’appelant et à C. de s’occuper des tâches téléphoniques »;
  • Cependant, un mois après que la réceptionniste a démissionné, l’employeur a fait déplacer l’administratrice de garanties de son bureau au département du service vers la réception. Le directeur général a ensuite demandé à l’appelant et à C. de venir dans son bureau et leur a dit qu’ils devraient maintenant [traduction] « faire plus de tâches au département du service ». Toutefois, cette demande visait plus particulièrement l’appelant, parce qu’il avait travaillé au département du service durant ses deux premières années au concessionnaire;
  • Le directeur général ne leur a pas vraiment demandé de le faire. Ils n’avaient pas le choix;
  • Par conséquent, il devait maintenant travailler dans deux départements : le département des pièces, son travail ordinaire, et le département du service pour [traduction] « faire du remplacement ». Et ce, [traduction] « tout à fait gratuitement ». Il n’allait pas recevoir de [traduction] « paie supplémentaire »;
  • Ses heures de travail (de 8 h à 17 h avec une pause-repas d’une heure, de midi à 13 h) n’ont pas changé, mais il devait gérer plus de responsabilités et de stress;
  • Il l’a fait pendant 10 à 11 mois et a ensuite décidé qu’il ne pouvait plus continuer comme cela. C’était trop accablant et cela lui causait trop de stress;
  • Il n’y a pas eu d’incident final. La pression était tout simplement trop forte et il avait trop de tâches à faire, surtout depuis qu’on lui avait demandé de faire du remplacement au département du service. Tous les jours, il était mécontent à son retour à la maison. Sa femme lui a enfin dit [traduction] « tu dois partir de cet endroit pour ta santé »;
  • Il n’avait pas l’intention de prendre sa retraite avant quatre autres années. Il veut travailler et il commence un nouvel emploi en mai 2022;
  • Il y a eu de nombreux roulements du personnel au fil des 13 années qu’il a travaillées au concessionnaire. Cela démontre [traduction] « le niveau de stress dans le bâtiment »;
  • Il n’est pas allé voir le directeur général pour discuter de ses préoccupations au sujet de la charge de travail ou du stress qu’il éprouvait, parce qu’il ne [traduction] « voulait pas créer des remous ». Il se passait déjà beaucoup de choses au concessionnaire, surtout depuis que la COVID-19 a frappé et que les trois quarts du personnel ont dû être mis à pied;
  • [traduction] « Je ne voulais pas rajouter du pain sur la planche du directeur général »;
  • Le directeur général avait déjà pris un congé de maladie peu après qu’il avait commencé à travailler au concessionnaire, et il [traduction] « gérait encore cet excès de stress ».
  • [traduction] « Je ne voulais pas empirer le stress de la situation, et je ne voulais pas provoquer de ressentiment chez quiconque parce que je devais interagir avec ces gens quotidiennement »;
  • Il n’a pas demandé de congé parce qu’il ne pensait pas pouvoir en obtenir. C. était trop imprévisible et l’employeur n’avait rien fait par rapport à cela, [traduction] « donc il a conclu qu’il n’y avait rien à faire »;
  • Il pensait que dire quelque chose n’aiderait pas, alors il a simplement [traduction] « pris son mal en patience », est rentré au travail et a fait de son mieux. Cependant, au fil du temps il s’est senti si dépassé qu’il [traduction] « ne pouvait plus faire son travail adéquatement et à son plein potentiel »;
  • Il ne postulait pas d’emploi activement avant de démissionner, mais il surveillait le site Web SaskJobs pour voir les nouveaux postes. Il n’a rien trouvé jusqu’à février 2022, où il a postulé l’emploi qu’il commencera le 1er mai 2022;
  • Il n’a jamais consulté de médecin sur la façon dont il se sentait. La situation lui causait parfois des maux de tête, alors il allait chez lui, [traduction] « prenait des analgésiques » et s’en occupait de cette façon;
  • Il gérait tout [traduction] « tout seul jusqu’à ce que cela devienne trop et [il] a dû partir ».

A) L’appelant était-iI fondé à quitter son emploi en raison d’un changement de fonctions?

[24] La loi dit qu’un employé est fondé à quitter son emploi quand il y a un changement important de ses fonctions et que l’employé n’a pas d’autre solution raisonnableNote de bas de page 5.

[25] J’estime que de telles circonstances n’existaient pas pour l’appelant.

[26] Les tribunaux ont dit que si les conditions d’emploi sont modifiées de façon importante, une partie prestataire peut être fondée à quitter son posteNote de bas de page 6. Une démission a été jugée comme justifiée dans des cas où l’employeur avait agi de façon unilatérale en apportant des modifications importantes aux fonctions qui existaient avant la démission de l’employéNote de bas de page 7.

[27] Je dois trancher les questions suivantesNote de bas de page 8 : la version des faits de l’appelant permet-elle de conclure que les conditions d’emploi ont été modifiées de façon importante et, si c’est le cas, n’y avait-il pas d’autres solutions raisonnables que celle de quitter l’emploi le 31 août 2021?

[28] L’appelant a travaillé chez le concessionnaire pendant 13 ans avant de démissionner. Il a passé les deux premières années au département du service, puis il a été déplacé au département des pièces, où il a travaillé pendant 10 ans. Ensuite, approximativement un an avant qu’il démissionne, on lui a demandé, ainsi qu’à son gestionnaire immédiat, C., de [traduction] « s’occuper » des tâches supplémentaires en raison du roulement du personnel. Plus précisément, ils ont dû [traduction] « s’occuper » des tâches de la réception pendant un mois, puis ils ont dû s’occuper des tâches de l’administratrice de garanties au département du service pendant 10 à 11 mois alors qu’elle devait travailler à la réception. Étant donné que l’appelant avait de l’expérience au département du service, cette responsabilité est surtout retombée sur lui.

[29] Il n’y a eu aucun changement à l’horaire de l’appelant, à son nombre d’heures ou à son salaire.

[30] Le mot « important » à l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi signifie que le changement apporté par l’employeur soit d’une certaine importance et qui sort de l’ordinaire. Les changements mineurs apportés aux fonctions ne constituent pas un motif valable pour quitter un emploi. Une partie prestataire qui a accepté le changement des conditions de travail, mais décide de démissionner plus tard ne serait probablement plus fondée à quitter son emploiNote de bas de page 9.

[31] Les tâches supplémentaires effectuées par l’appelant pendant les 10 ou 11 derniers mois de son emploi ne constituent pas une modification « importante » parce qu’elles n’ont pas changé la nature de ses responsabilités au concessionnaire. Il répondait encore aux questions du personnel et de la clientèle. Il a même affirmé qu’il n’a jamais refusé d’effectuer les tâches supplémentaires. Bien qu’il ait peut-être pensé qu’il aurait dû être payé davantage pour le faire, il n’a également jamais demandé une augmentation de salaire. Il semble que ses actions démontrent qu’il ne s’est pas opposé aux tâches supplémentaires.

[32] Par conséquent, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé que ses fonctions au concessionnaire ont été modifiées de façon importante.

[33] Je conclus aussi qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi en réponse à la modification de ses fonctions.

[34] Bien que la modification des fonctions de l’appelant a fait en sorte qu’il devait répondre à une plus vaste gamme de questions de la part du personnel et de la clientèle, sa solution, à savoir de quitter après l’avoir fait pendant 10 à 11 mois, n’était pas raisonnable. C’est surtout le cas puisque l’appelant était un employé de longue date et s’entendait bien avec le directeur général du concessionnaireNote de bas de page 10.

[35] De nombreuses affaires de la Cour d’appel fédérale ont imposé aux prestataires d’assurance-emploi l’obligation d’essayer de résoudre avec leur employeur les problèmes liés au milieu de travail ou de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de démissionnerNote de bas de page 11. Je ne peux pas ignorer cette obligation.

[36] Une solution raisonnable au départ de l’appelant aurait été de discuter avec son directeur général lorsqu’il s’est rendu compte que la charge de travail devenait trop imposante et que le stress commençait à devenir trop accablant. Après avoir demandé à l’appelant et à C. de s’occuper de la réception, l’employeur a décidé que le concessionnaire avait besoin d’un employé à ce poste et a tenté de résoudre le problème en y envoyant l’administratrice de garanties. Il incombait à l’appelant de dire à l’employeur que cette solution était problématique et de donner au directeur général la chance de remédier à la situation.

[37] Une autre solution raisonnable que celle de démissionner aurait été de continuer de travailler jusqu’à ce que l’appelant trouve un emploi convenable ailleurs, surtout puisqu’il s’occupait déjà des nouvelles tâches depuis presque un an.

[38] L’appelant n’a opté pour aucune de ces autres solutions raisonnables.

[39] Par conséquent, je conclus que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que ses fonctions ont été modifiées de sorte que démissionner le 31 août 2021 était sa seule solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions.

B) L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison de conditions de travail dangereuses pour sa santé?

[40] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui subit des conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité est fondée à quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre solution raisonnableNote de bas de page 12.

[41] J’estime que de telles circonstances n’existaient pas pour l’appelant.

[42] Dans les cas où l’effet néfaste sur la santé est invoqué comme justification, une partie prestataire doit normalement : (a) fournir une preuve médicaleNote de bas de page 13, (b) tenter de résoudre le problème avec l’employeurNote de bas de page 14 et (c) tenter de trouver un autre emploi avant de quitter le sienNote de bas de page 15.

[43] J’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel il se sentait dépassé et stressé au moment où il a démissionné. Cependant, il n’a pas de note de médecin ou de preuve médicale datant de cette époque pour appuyer le fait que son travail chez le concessionnaire a mis sa santé en danger ou qu’il devait quitter son emploi pour des raisons médicales. L’appelant a reconnu lui-même qu’il n’a pas consulté de médecin et a traité ses maux de tête occasionnels avec des médicaments en vente libre. S’il devait quitter son emploi pour des raisons de santé, comme l’a suggéré son épouse, il lui incombait de consulter un médecin avant de le faire.

[44] De même, l’appelant n’a pas tenté de résoudre les problèmes liés à sa charge de travail (la cause de son stress) avec l’employeur ou de chercher activement du travail avant de quitter son emploi.

[45] Je conclus donc que l’appelant n’a pas prouvé qu’il a connu des conditions de travail qui représentaient un danger pour sa santé tel qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi chez le concessionnaire le 31 août 2021.

[46] J’estime qu’une autre solution raisonnable que celle de démissionner aurait été de consulter son médecin au sujet du besoin potentiel de prendre congé ou de quitter son emploi pour des raisons médicales. J’estime aussi que les solutions raisonnables énoncées aux paragraphes 33 à 37 ci-dessus s’appliquent également à cet argument.

[47] L’appelant n’a opté pour aucune de ces autres solutions raisonnables.

[48] Par conséquent, je conclus que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que ses conditions de travail ont été modifiées de sorte que démissionner le 31 août 2021 était sa seule solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi pour des raisons de santé.

C) L’appelant était-il fondé à quitter son emploi parce que son milieu de travail était devenu intolérable?

[49] Des conditions de travail insatisfaisantes ne constitueront une justification pour quitter un emploi que si elles sont si manifestement intolérables que l’appelant n’avait pas d’autre solution que celle de démissionnerNote de bas de page 16. Encore une fois, il existe une obligation importante pour les prestataires de chercher des solutions afin de remédier à des conditions de travail jugées intolérables avant de démissionnerNote de bas de page 17.

[50] J’estime que de telles circonstances n’existaient pas pour l’appelant.

[51] Je reconnais que l’appelant en avait assez de remplacer son superviseur alcoolique, C., et qu’il était mécontent de devoir remplacer l’administratrice de garanties lorsqu’elle a été déplacée à la réception, surtout sans rémunération supplémentaire. Cependant, ces conditions de travail ne pourraient pas être considérées comme manifestement intolérables. Le requérant remplaçait C. [traduction] « depuis des années », et a aidé le département du service pendant 10 ou 11 mois. Il n’y a pas eu d’incident final, seulement une prise de conscience progressive que le travail devenait trop lourd pour lui.

[52] Pourtant, l’appelant n’a pris aucune mesure pour remédier à ces conditions de travail insatisfaisantes.

[53] Il était réticent à dire à l’employeur la vérité sur la raison de son départ. Il a décidé de dire qu’il prenait sa retraite plutôt que de [traduction] « créer des remous » en expliquant qu’il se sentait stressé et dépassé par son travail. Il voulait entretenir des relations cordiales avec les gens au concessionnaire parce qu’ils vivaient dans une petite ville et qu’il continuerait à les voir régulièrement. 

[54] Je reconnais les raisons personnelles pour lesquelles l’appelant a choisi d’utiliser la retraite comme excuse pour quitter son emploi. Cependant, je ne peux pas ignorer le fait qu’il s’est volontairement mis en situation de chômage sans d’abord avoir fait des démarches nécessaires pour préserver cet emploi.

[55] Une solution raisonnable aurait été que l’appelant parle à son directeur général et lui fasse part du stress qu’il ressentait, et qu’il donne à l’employeur la chance d’examiner les options pour résoudre ses problèmes. Le fait que l’appelant n’a pas permis à l’employeur d’aborder les problèmes est révélateur d’un manque d’intérêt à conserver cet emploi. 

[56] La décision de quitter un emploi pour des raisons personnelles, telle qu’une situation négative avec un collègue alcoolique ou le fait de se sentir surmené et sous-payé (comme l’a décrit l’appelant), peut très bien constituer un motif valable pour quitter un emploi. Cependant, la Cour d’appel fédérale a clairement statué qu’un motif valable pour quitter un emploi n’est pas la même chose que l’exigence légale d’une « justification »Note de bas de page 18; et qu’il est possible pour un prestataire d’avoir un motif valable pour quitter son emploi, mais sans avoir de « justification » au sens de la loiNote de bas de page 19.

[57] La Cour d’appel fédérale a aussi clairement statué que le fait de quitter son emploi pour améliorer sa situation, que ce soit la nature du travail, le salaire ou d’autres facteurs du mode de vie, ne constitue pas une justification au sens de la loiNote de bas de page 20.

[58] J’estime que l’appelant a pris la décision personnelle de quitter son emploi au concessionnaire.

[59] Bien que je reconnaisse le désir de l’appelant de réduire sa charge de travail et de se retirer d’une situation stressante avec C., il ne peut pas s’attendre à ce que les personnes qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi assument les coûts de sa décision unilatérale de quitter son emploi pour essayer d’y parvenir.

[60] Une solution raisonnable autre que celle de démissionner aurait été de faire part de ses préoccupations à son directeur général et de donner la chance à l’employeur d’y remédier. Une autre solution raisonnable aurait été de continuer de travailler au concessionnaire jusqu’à ce qu’il trouve un emploi convenable ailleurs. 

[61] L’appelant n’a envisagé aucune de ces solutions raisonnables.

[62] Par conséquent, je conclus que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il a connu des conditions de travail si manifestement intolérables que démissionner le 31 août 2021 était sa seule solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son milieu de travail était devenu intolérable. 

Conclusion

[63] L’appelant avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi au concessionnaire le 31 août 2021. Il ne s’est pas prévalu de ces solutions raisonnables et, par conséquent, n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[64] Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[65] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.