Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 356

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446567) datée du 8 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience :

Téléconférence

Date de l’audience : Le 6 avril 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 21 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-786

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, pour avoir fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire dit qu’il a été congédié parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal conformément à la nouvelle politique en matière de vaccination contre la COVID-19

[4] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Il affirme qu’il était impossible de remplir les critères de la politique étant donné le court délai imposé pour être entièrement vacciné. L’avis tardif de la nouvelle politique lui a donné moins de temps pour s’y conformer. Il dit que l’employeur n’avait pas le droit de connaître son statut vaccinal. Il n’était pas au courant du fait qu’il risquait de se faire congédier s’il ne s’y conformait pas. Il a été congédié injustement. La Commission a présumé que la politique était raisonnable alors qu’elle ne l’était pas.    

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement de l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a décidé par conséquent que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère que cette raison constitue une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[8] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal. Le prestataire n’a pas contesté cela. Je n’ai aucune preuve du contraire. J’accepte donc qu’il s’agît du motif de congédiement.   

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[9] La raison du congédiement du prestataire n’est pas une inconduite selon la loi relative à l’assurance-emploi.

[10]  Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 4.

[11] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

[12] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[13] Pour décider qu’il y a inconduite, on doit fonder sa conclusion sur des éléments de preuve clairs et non sur des conjectures et des hypothèses ni sur l’opinion de l’employeurNote de bas de page 7. On ne peut pas conclure qu’il y a inconduite si la preuve porte à confusion ni si elle est lacunaire ou incomplèteNote de bas de page 8. 

[14] Il n’incombe pas au Tribunal de décider si les mesures prises par l’employeur étaient appropriées ou justifiéesNote de bas de page 9. 

[15] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a délibérément choisi de ne pas respecter la politique. Il savait qu’il serait congédié s’il ne respectait pas la politique. Il savait que si on le congédiait, il ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. Le fait qu’il n’a pas respecté la politique a entraîné la perte de son emploi.   

[16] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’inconduite puisqu’il était impossible de respecter la politique étant donné le court délai imposé pour être entièrement vacciné. L’avis tardif de la nouvelle politique lui a donné moins de temps pour s’y conformer. Il n’était pas au courant du fait qu’il risquait de se faire congédier s’il ne s’y conformait pas. Il a été congédié injustement. La Commission a présumé que la politique était raisonnable alors qu’elle ne l’était pas.

Le contexte factuel

[17] Le prestataire travaillait en tant que gestionnaire de projet pour les déversements de carburant, pour une filiale d’ingénierie et de l’environnement de la société S. Il travaillait pour l’employeur depuis 10 ans, dont 5 ans comme gestionnaire de projet. La plus grande partie de son travail se déroulait sur le terrain, intervenant lorsqu’il y avait un déversement dans l’environnement. Il se rendait au lieu du déversement, prenait des échantillons, évaluait les besoins, organisait et ensuite supervisait le travail qui devait se faire. Cela n’exigeait pas qu’il ait un contact ni qu’il soit à proximité des entrepreneurs qui effectuaient le travail. Il préparait également de 7 à 10 rapports mensuels, soit de son propre travail, soit des notes préparées des autres. La grande partie de son travail n’engageait pas le prestataire à avoir un contact personnel avec les autres. Il travaillait dehors, seul, environ 90 % du temps. Il ne se rendait pas souvent au bureau de l’employeur, il communiquait avec lui par téléphone et par courriel.   

[18] S a crée la politique afin d’assurer un environnement de travail sûr et sécuritaire pour les employés, les clients, et les membres du public. S obligeait toutes les filiales à respecter la politique. Les termes de la politique étaient les suivants. La politique s’applique à tous les employés qui se rendent en personne à un bureau, un site de travail ou un site de S, y compris les bureaux des clients. La politique n’est pas datée, mais elle est entrée en vigueur le 12 octobre 2021, par l’intermédiaire de la déclaration suivante : « Nous espérons que ce préavis donnera à plus d’employés le temps dont ils ont besoin pour se faire vacciner. » La politique exige une vaccination obligatoire contre la COVID-19, sous réserve de certaines qualifications. À compter du 12 octobre 2021, seuls les employés entièrement vaccinés seront autorisés à se rendre sur les lieux de travail de S, y compris les sites des clients. Les employés étaient considérés comme « entièrement vaccinés » deux semaines après avoir terminé la série de vaccins (soit deux doses, soit une), ainsi que toute dose de rappel recommandée par les autorités en matière de santé. Les employés étaient tenus de divulguer leur statut vaccinal et de télécharger la preuve de leur vaccination sur le portail du site web au plus tard le 12 octobre. Les employés qui choisissaient de ne pas communiquer leur statut vaccinal devaient être considérés comme n’étant pas entièrement vaccinés. La politique prévoyait des mesures d’adaptation pour les employés qui fournissaient une raison humanitaire pour ne pas se faire vacciner. La politique prévoyait des conséquences pour les employés qui avaient choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons autres que les raisons humanitaires ou qui avaient refusé de divulguer leur statut vaccinal. Les conséquences étaient les suivantes : restreindre l’accès au lieu de travail, y compris aux sites des clients; décider si le rôle de l’employé est propice au travail à distance sur une base temporaire, toujours sous réserve des besoins de l’entreprise; modifier les termes du contrat de travail – par exemple, envisager un rôle pour l’employé qui ne nécessite pas de présence physique; être placé en congé sans solde; ou résilier le contrat de travail. Cette liste n’était pas exhaustive, et S pouvait envisager d’autres alternatives dans chaque circonstance individuelle. Les employés qui ne respectent pas la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. La politique assure la confidentialité des informations relatives à la vaccination des employés.

[19] Le 1er octobre 2021, l’employeur a affiché la politique sur le portail de travail du site web. Le prestataire a seulement vu la politique le 5 octobre puisqu’un collègue lui avait envoyé une copie de la politique par courriel le 4 octobre. Il était sur le terrain entre ces deux dates et vérifiait ses courriels. Il n’avait pas accès au portail ces jours-là. Il n’y a pas eu d’avis par courriel que la politique avait été affichée dans le portail. Les courriels des gestionnaires étaient un peu confus en ce qui concernait ce qui devait se passer si un employé n’était complètement vacciné avant le 12 octobre. On a suggéré de faire preuve de souplesse si la première dose avait été reçue et que la preuve avait été téléversée sur le portail. Mais cela devrait être négocié avec le département des ressources humaines. Le 5 octobre, le prestataire a rempli l’enquête sur le statut vaccinal, en choisissant l’option [traduction] « je préfère ne pas divulguer ». La prochaine communication de l’employeur était la lettre du 12 octobre 2021. L’employeur n’a pas envoyé d’autres communications avant d’émettre la lettre du 12 octobre 2021.     

[20] Lors de conversations avec la Commission, l’employeur a déclaré qu’il avait envoyé un courriel aux gestionnaires au sujet de cette politique. L’employeur a déclaré que tous les employés devaient être doublement vaccinés (ou présenter une preuve montrant qu’ils ont un rendez-vous), et que s’ils n’adhéraient pas, ils seraient licenciés (GD3-26). La copie du courriel du 4 octobre envoyé aux gestionnaires pour leur transmettre la politique n’évoque pas le licenciement. Il est précisé que les deux certificats de vaccination doivent être téléversés sur le portail au plus tard le 12 octobre pour que les employés puissent entrer dans le bureau de l’employeur et rencontrer les clients. Il est également précisé que si un employé n’a reçu qu’un seul vaccin à ce jour, il pourra téléverser le deuxième certificat une fois qu’il aura reçu la deuxième dose (GD2-26). Ce dernier commentaire ne fait pas partie de la politique. Deux courriels du 5 octobre transmettant la politique au prestataire ne mentionnent pas non plus le congédiement. Ils font simplement référence à une certaine flexibilité si la première dose est reçue avant le 12 octobre, et à la négociation avec les ressources humaines pour obtenir deux vaccins avant le 12 octobre (GD2-28 et 24).  

[21] Le 12 octobre 2021, le prestataire a reçu une lettre de l’employeur. La lettre faisait référence à la politique et affirmait que le prestataire avait choisi de ne pas se faire vacciner ou de ne pas fournir une preuve d’exemption pour raison humanitaire. Étant donné cela et le fait qu’il n’y avait pas de rôle que le prestataire aurait pu exercer à distance, l’employeur était contraint de mettre fin à son emploi avec motif à compter du 12 octobre. C’était le premier avis de l’employeur indiquant qu’il allait réellement mettre fin à l’emploi du prestataire, plutôt que d’appliquer les autres options de la politique.    

[22] Ce jour-là, le prestataire a communiqué avec son gestionnaire au sujet de la lettre. Le gestionnaire a dit qu’il s’agissait plutôt d’un avertissement et qu’il fallait communiquer avec les ressources humaines. Le prestataire a laissé un message sur la boite vocale des ressources humaines. Les ressources humaines ont rappelé le 14 octobre, puis ont envoyé un courriel au prestataire à 13 h 54. Les ressources humaines y indiquaient que si l’employeur était incapable de lui trouver un rôle à l’interne pour travailler à distance, et si le prestataire ne se conformait pas à la politique, on serait contraint de mettre fin à son emploi. Le courriel signalait toutefois la possibilité de prolonger le délai pour se conformer à la politique. Le plan prévoyait que le prestataire présente une confirmation écrite d’une stratégie de vaccination avant 15 h le lendemain, soit le 15 octobre. Le plan obligeait le prestataire de prendre rendez-vous pour recevoir les deux doses, de fournir une confirmation écrite montrant que les deux doses avaient été reçues et d’attendre 14 jours avant de retourner au bureau. Si le prestataire respectait le plan, il garderait son emploi et [traduction] « il n’y aura absolument aucune conséquence ni arrêt de travail ». La formulation du courriel était ambiguë quant à la première étape du plan. Il semblait exiger une preuve que la première dose avait été reçue avant la date limite, et semblait aussi accepter une preuve de la prise de rendez-vous seulement de la première dose avant la date limite.

[23] Le prestataire n’a pas déposé de plan. Le 15 octobre 2021, les ressources humaines ont téléphoné au prestataire pour l’informer qu’il avait été licencié avec motif. Il a également reçu une autre lettre de l’employeur. La lettre faisait référence à la politique. Elle déclarait que le prestataire avait [traduction] « choisi de ne pas recevoir le vaccin et n’avait fourni aucune preuve d’exemption pour des raisons humanitaires ou avait refusé de divulguer son statut vaccinal et de fournir une preuve de vaccination, ce qui équivaut à de l’insubordination et contraint l’employeur à mettre fin à l’emploi avec motif à compter du 12 octobre 2021 ».   

Décision sur l’inconduite

[24] J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait inconduite, car elle n’a pas réussi à prouver deux des quatre éléments de l’inconduite. La Commission devait prouver les quatre éléments pour avoir gain de cause. En arrivant à cette conclusion, je suis conscient que ce sont les actions du prestataire qui sont pertinentes et qu’il faut décider si elles constituent une inconduite aux fins de l’assurance-emploi. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en procédant à un congédiement injustifiéNote de bas de page 10. Ce n’est pas le rôle du Tribunal de décider si le congédiement était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 11.    

[25] En ce qui concerne le premier élément, à savoir si les actions du prestataire étaient volontaires (conscientes, délibérées, intentionnelles), la preuve est claire. Il n’a pas divulgué son statut vaccinal à l’employeur. Il a répondu à l’enquête de l’employeur en cochant l’option [traduction] « je préfère ne pas divulguer ». Il a estimé que l’employeur n’avait pas le droit de connaître son statut vaccinal. Il n’a fourni aucune autre information sur son statut vaccinal. Cet élément de preuve montre que le refus de divulguer son statut constituait une action délibérée de la part du prestataire.     

[26] L’élément d’inconduite suivant est de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. J’estime que la Commission n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve pour cet élément. Le problème a trait à la politique et à la nature des fonctions qu’exerce le prestataire pour l’employeur. La politique obligeait tous les employés à être entièrement vaccinés contre la COVID-19 avant le 12 octobre 2021. Selon la politique, seuls les employés entièrement vaccinés [traduction] « auront droit » d’accéder aux lieux de travail physiques de l’employeur et des clients. L’employeur a diffusé la politique le 1er octobre 2021. Selon l’employeur, on est [traduction] « entièrement vacciné » deux semaines après la fin d’une série de vaccins approuvés et deux semaines après avoir reçu une dose de rappel. En se fiant à cette définition, ainsi qu’à la date de diffusion, toute personne n’ayant pas reçu une série de vaccins avant la diffusion de la politique n’aurait pas pu s’y conformer avant le 12 octobre. La politique ne prévoyait aucune disposition permettant de prolonger le délai pour les employés qui ne pouvaient pas respecter le délai pour être entièrement vaccinés. De plus, la politique obligeait l’employé de divulguer son statut vaccinal et de téléverser la preuve de sa vaccination avant le 12 octobre. La politique prévoyait que l’employeur pouvait mettre en œuvre des mesures alternatives si un employé refusait de divulguer son statut vaccinal. Les cinq mesures énumérées n’étaient pas exhaustives. Trois des mesures impliquaient que l’employé pouvait continuer à travailler en exerçant un autre rôle. Les deux dernières mesures correspondaient un congé sans solde ou un licenciement. La politique prévoit ensuite que les employés qui ne respectent pas la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement.     

[27] La Commission n’a pas tenu compte du type de travail du prestataire pour déterminer si le fait qu’il ne se conforme pas à la politique pouvait l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. La Commission disposait de certains renseignements au sujet du type de travail du prestataire, mais elle n’a pas fait de suivi pour élucider la façon dont le non-respect de la politique pourrait interférer avec ses fonctions auprès de l’employeur. Le prestataire a dit à la Commission qu’il travaillait sur le terrain pour recueillir des échantillons (GD3-25). L’employeur a dit à la Commission que [traduction] « le prestataire travaille à l’extérieur la plupart du temps, mais qu’il doit aussi communiquer avec les clients en personne », et que « si le prestataire avait été vacciné, on aurait pu travailler avec lui pour réorganiser son travail » (GD3-53). Le prestataire a déclaré dans sa demande de révision que « je travaille à 90 % seul et à l’extérieur », et « je conduis seul, je travaille à l’extérieur et je prends des échantillons du sol, je ne vois presque jamais de clients et j’ai rarement des réunions à l’intérieur » (GD3-50). Il a confirmé ces observations lors de son témoignage. Il a aussi déclaré qu’il travaillait à distance lorsqu’il préparait des rapports à partir de ses notes ou de celles des autres employés. Cette preuve montre que toute interférence avec ses fonctions envers l’employeur serait minime. La déclaration de l’employeur selon laquelle il aurait pu essayer de réorganiser son travail (SI le prestataire était vacciné) prouve que toute interférence avec ses fonctions était minime et que l’employeur aurait pu travailler avec le prestataire même si ce dernier n’était pas entièrement vacciné. Cela contredit ce que l’employeur déclare dans les deux lettres de licenciement, c’est-à-dire qu’il était contraint de congédier le prestataire.          

[28] Les apories de la politique et le type de travail du prestataire m’amènent à conclure que la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver cet élément. La politique faisait en sorte qu’il était impossible pour les employés qui n’étaient pas entièrement vaccinés avant le 1er octobre 2021 de s’y conformer. Il n’y avait pas d’élément dans la politique portant sur de tels employés et cela n’a pas été rectifié par les deux courriels du 5 octobre 2021 qui suggéraient une certaine flexibilité. Le courriel du 14 octobre 2021 qui donnait au prestataire 24 h pour fournir un plan n’a pas rectifié ce problème non plus. Il avait déjà été congédié le 12 octobre. Cette lettre disait que l’employeur était [traduction] « incapable de trouver un rôle à l’interne grâce auquel vous pourriez travailler à distance, vous nous contraignez à mettre fin à votre emploi avec motif à compter du 12 octobre 2021 » (GD3-33). La déclaration selon laquelle l’employeur ne pouvait trouver aucun rôle pour le prestataire n’est pas conforme à sa déclaration subséquente à la Commission selon laquelle [traduction] « si le prestataire avait été vacciné, il aurait pu travailler avec lui pour réorganiser son travail » (GD3-53). Elle est également incompatible avec la déclaration de l’employeur dans le courriel du 14 octobre, qui affirmait « dans le cas où nous ne serions pas en mesure de trouver un poste à l’interne dans lequel vous pourriez travailler à distance » (GD-37). L’employeur avait déjà dit dans la lettre du 12 octobre qu’il n’avait pas un tel rôle. Le type de travail du prestataire, tel qu’exposé ci-dessus, montre qu’il travaillait déjà seul la plupart du temps. La majorité de son travail s’accomplissait sans contact personnel avec les autres. Comme l’a dit l’employeur, il aurait pu travailler avec lui pour réorganiser son travail. Les déclarations de l’employeur selon lesquelles il était contraint de congédier, ou n’avait pas d’autre option que de congédier le prestataire, ne sont pas crédibles. La preuve n’appuie pas la conclusion de la Commission selon laquelle elle a prouvé cet élément d’inconduite.

[29] Le troisième élément d’inconduite est de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il y avait une possibilité réelle d’être licencié s’il ne respectait pas la politique. J’estime que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve pour cet élément. Contrairement à ce que dit l’employeur dans sa déclaration (GD3-26), il n’est pas vrai que le courriel accompagnant la nouvelle politique indiquait que si on ne la respectait pas, on se ferait congédier. C’est la seule preuve que le prestataire avait une connaissance réelle de la possibilité d’un licenciement; ensuite il a reçu la lettre du 12 octobre lui annonçant qu’il avait été licencié. La politique énonçait cinq mesures pour gérer les cas où les employés ne respectaient pas la politique, la dernière étant le licenciement. J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il ne savait pas qu’il serait congédié s’il ne respectait pas la politique. Il reste à examiner si le prestataire aurait dû savoir que le licenciement était une possibilité réelle. J’estime que la Commission n’a pas prouvé cela. Comme le prestataire l’a déclaré, il était gestionnaire de projet principal depuis 2016 et entretenait de bonnes relations avec l’employeur. Son gestionnaire l’a confirmé (GD3-26). Le type de travail qu’il exerçait minimisait le contact physique avec les collègues, les clients et les entrepreneurs. Il était le seul employé dans le territoire où il travaillait, dans le nord de l’Ontario. Son collègue le plus proche se trouvait à 300 kilomètres. Il était impossible de respecter l’échéance du 12 octobre pour être un employé entièrement vacciné. La politique ne prévoyait pas d’alternative à la vaccination complète ni à l’exemption pour des raisons humanitaires dans les délais impartis. La politique énonce que les personnes qui ne se conforment pas avant la fin du délai seront considérées comme n’étant pas entièrement vaccinées. La politique prévoit des mesures alternatives applicables aux employés qui choisissent de ne pas se faire vacciner pour des raisons autres qu’humanitaires ou qui refusent de divulguer leur statut vaccinal. Il y avait quatre mesures avant le licenciement, et la possibilité d’autres alternatives dans chaque cas individuel. La politique ne présente aucun critère quant à l’application de ces mesures. Un employé ne pourrait pas prévoir quelle mesure lui serait appliquée. Étant donné ces circonstances, en particulier le type de travail qu’il exerçait, je ne suis pas convaincu que le prestataire aurait dû savoir qu’il était possible qu’il soit licencié.    

[30] La Commission a soutenu que le prestataire savait qu’il serait licencié parce que l’employeur l’avait averti qu’il allait perdre son emploi le 12 octobre 2021, puis lui avait accordé un délai supplémentaire pour garder son emploi. Cela est une mauvaise interprétation de la lettre du 12 octobre de l’employeur. Il s’agissait d’une cessation d’emploi, pas d’un avertissement. Le courriel du 14 octobre du service des ressources humaines de l’employeur a tort d’affirmer que la « lettre qui vous a été envoyée le 12 octobre 2021 avait pour but d’expliquer notre position à l’égard du fait que vous ne vous conformiez pas à la politique : Veuillez noter qu’étant donné que vous occupez un poste en contact avec la clientèle, si nous ne sommes pas en mesure de trouver un poste à l’interne dans lequel vous pourriez travailler à distance, si vous ne vous conformez pas à la politique, nous serons contraints de mettre fin à votre emploi » (GD37, l’italique apparaît dans l’original). Le texte en italique était censé citer la lettre du 12 octobre. La lettre disait en fait : « Veuillez noter qu’étant donné que vous travaillez sur le terrain et que vous fournissez des services à nos clients (lesquels sont de plus en plus nombreux à exiger que seuls les employés entièrement vaccinés se rendent sur leurs sites) et que nous ne sommes pas en mesure de trouver un poste à interne pour que vous puissiez travailler à distance, nous sommes contraints de mettre fin à votre emploi avec motif à compter du 12 octobre 2021 ». La lettre du 12 octobre ne contenait aucun avertissement. Si cette lettre avait été un avertissement, elle aurait décrit le plan présenté dans le courriel du 14 octobre, ainsi que le délai prolongé. L’employeur tentait de réécrire ce qui s’était réellement passé. La lettre de l’employeur du 15 octobre 2021 ne fait aucune référence à la lettre du 12 octobre, ni au courriel du 14 octobre, ni au plan présenté dans ce courriel, ni au délai supplémentaire. La lettre du 15 octobre met simplement fin à l’emploi à compter du 12 octobre 2021 parce que le prestataire n’a pas divulgué son statut vaccinal, puis continue en énonçant des dispositions administratives concernant la dernière paye, les avantages sociaux, les vacances dues, le retour des biens de l’employeur et ainsi de suite. Le courriel du 14 octobre ne rétablit pas l’emploi du prestataire, bien qu’il dise à la fin que si le prestataire respecte le plan, il restera employé sans subir aucune conséquence ni arrêt de travail. Premièrement, la lettre du 12 octobre provenait du président de l’employeur. Le courriel du 14 octobre provenait du gestionnaire des ressources humaines de S. Ce courriel n’a aucun pouvoir de révoquer la lettre de cessation d’emploi du président du 12 octobre. La lettre du 15 octobre provenait du premier vice-président de l’employeur, encore une fois, sans mention de la révocation de la lettre de cessation d’emploi du 12 octobre du président. La lettre du 15 octobre met également fin à l’emploi du prestataire à compter du 12 octobre, et non du 15 octobre, ce qui serait la bonne date si la cessation d’emploi du 12 octobre avait été révoquée et qu’une nouvelle échéance du 15 octobre avait été fixée. Dans ces circonstances, l’emploi du prestataire a pris fin le 12 octobre 2021. Je dois évaluer le problème d’inconduite en date du 12 octobre 2021 et c’est ce que j’ai fait. 

[31] Le quatrième élément d’inconduite est que l’inconduite présumée a entraîné la cessation d’emploi. J’estime que la Commission a prouvé cet élément. Le fait que le prestataire n’ait pas divulgué son statut vaccinal était la raison que l’employeur a donnée pour le licenciement. Le prestataire a dit avoir été ciblé et traité différemment des autres employés qui ne se sont pas conformés, et qui ont conservé leur emploi. Ces préoccupations ne sont pas suffisamment détaillées pour mettre en doute le motif du licenciement. Je conclus que le fait que le prestataire n’ait pas divulgué son statut vaccinal était la raison que l’employeur l’a congédié. Même si le fait que le prestataire n’ait pas divulgué son statut vaccinal était la cause du congédiement, cela n’établit pas en soi une inconduite aux fins de l’assurance-emploi. La Commission devait prouver les quatre éléments. Elle ne l’a pas fait.

[32] Le prestataire a évoqué le concept d’inconduite dans son avis d’appel. Il a fait référence à la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario et à trois décisions des tribunaux pour appuyer son argument selon lequel sa conduite ne constituait pas une inconduite. Cet argument n’est pas recevable. En effet, le concept d’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi est très différent du concept d’inconduite selon la Loi sur les normes d’emploi et selon le droit commun de l’emploi, tel qu’énoncé dans les décisions des tribunaux. La Loi sur les normes d’emploi ne définit pas le terme « inconduite » et s’appuie donc sur la définition du terme selon le droit commun. Les trois décisions des tribunaux auxquelles le prestataire fait référence traitent du concept d’inconduite en droit commun, aux fins de deux poursuites judiciaires pour congédiement injustifié et d’un arbitrage sous le régime d’une convention collective entre un syndicat et un employeur. La Commission et le Tribunal doivent utiliser la définition de l’inconduite prévue par la Loi sur l’assurance-emploi et ne peuvent pas utiliser la définition du droit commun pour trancher cette affaire. Le congédiement injustifié ne relève pas de la compétence de ce Tribunal. Le recours en cas de congédiement injustifié relève des tribunaux judiciaires.         

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[33] Étant donné mes constatations ci-dessus, je conclus que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[34] La Commission n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Étant donné cela, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Cela signifie que l’appel est accueilli. 

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