Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 569

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 29 avril 2022
(GE-22-533)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 29 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-328

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (le prestataire) a occupé un poste lié aux technologies de l’information pour le gouvernement du Canada. L’employeur l’a suspendu parce qu’il ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19 (la politique). Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire n’avait pas droit à des prestations parce qu’il a dû prendre un congé obligatoire en raison de son inconduite pour manquement à la politique de l’employeur. Après une révision infructueuse, le prestataire d’asile a fait appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu à la suite de son refus de respecter la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait dû prendre congé en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait et a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait été suspendu en raison de son inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens de faire appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a fait une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable d’être accueilli.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la politique de l’employeur est illégale et que les tribunaux finiront par l’invalider. Il soutient que forcer une personne à choisir entre une intervention médicale et son moyen de subsistance constitue une contrainte selon la loi et n’est pas un vrai choix.

[13] Le prestataire fait valoir que les lois canadiennes protègent son droit de ne pas divulguer ses renseignements médicaux personnels, de ne pas accepter d’intervention médicale et de ne pas participer à un essai clinique. Il soutient que ces lois existent en raison de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale et qu’elles sont le résultat direct des procès de Nuremberg et du code qui en a découlé. Le prestataire soutient que son employeur contrôle l’assurance-emploi et qu’il y a donc un conflit d’intérêts.

[14] Le prestataire occupait un poste lié aux technologies de l’information pour le gouvernement du Canada. L’employeur l’a suspendu parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Celle-ci est entrée en vigueur le 6 octobre 2021. Le prestataire n’a pas respecté la politique et n’a pas déposé de grief auprès de son syndicat.

[15] La division générale devait décider si le prestataire avait dû prendre congé en raison d’une inconduite.

[16] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que l’employé a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspension.

[18] D’après la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a dû prendre un congé parce qu’il a refusé d’être vacciné conformément à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Il a été informé de la politique de l’employeur établie pour protéger la santé et la sécurité de tous ses employés en milieu de travail et il a eu le temps de s’y conformer.

[19] La division générale a conclu que le refus du prestataire était intentionnel et volontaire. Il savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique de l’employeur pouvait entraîner une suspension. La division générale a conclu qu’il s’agissait de la cause directe de sa suspension. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite.

[20] Comme l’a déclaré la division générale, l’employeur avait le droit d’établir une politique pour protéger la santé et la sécurité de tous ses employés en milieu de travail pendant la pandémie. Le prestataire a toujours eu le droit de refuser la politique de vaccination de l’employeur. Cependant, en choisissant de ne pas recevoir le vaccin, il a pris une décision personnelle qui a eu des conséquences prévisibles sur son travail.

[21] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[22] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 1.

[23] Le prestataire soulève en outre l’argument selon lequel la politique de l’employeur enfreignait son droit de ne pas divulguer ses renseignements médicaux personnels, de ne pas accepter d’intervention médicale et de ne pas participer à un essai clinique.

[24] Je remarque que la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré qu’il est généralement permis en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario d’exiger une preuve de vaccination pour protéger les personnes au travail, pourvu que des mesures d’adaptation raisonnables soient mises en place pour les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des motifs prévus dans le CodeNote de bas page 2. Le prestataire n’a pas demandé de mesures d’adaptation.

[25] De plus, je ne vois aucune erreur révisable que la division générale aurait commise lorsqu’elle a décidé qu’elle devait rendre une décision relativement à l’inconduite uniquement dans les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation en vertu d’une autre loi, si l’existence d’une infraction est prouvée. Toutefois, il demeure que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités (plus probable qu’improbable), que l’employeur l’avait suspendu pour inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou son non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, dont la décision serait entachée.

[28] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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