Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 570

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (451422) rendue le 5 février 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelante (prestataire)
Date de la décision : Le 29 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-533

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire occupait un poste lié aux technologies de l’information pour le gouvernement. L’employeur l’a suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a alors demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 2.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations parce qu’il a dû prendre un congé obligatoire et a été congédié en raison de son inconduite pour non-respect d’une politiqueNote de bas page 3.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce que son employeur a enfreint diverses lois fédérales et provinciales, la jurisprudence et sa procédure interneNote de bas page 4. Il dit que l’employeur n’avait aucun droit de forcer ses employés à se faire injecter un vaccin expérimental et à divulguer des renseignements médicaux privés.

Question que je dois examiner en premier

[6] Le prestataire conteste le fait qu’il a été congédié. Il a dû prendre un congé obligatoire à compter du 15 novembre 2021. Il possède toujours un téléphone cellulaire, un ordinateur portable et d’autres équipements de fonction. Son employeur ne l’a pas avisé de son congédiement. Le relevé d’emploi dans le dossier indique qu’il est en congéNote de bas page 5.

[7] À l’audience, le prestataire a demandé à examiner son compte de Service Canada après l’audience pour voir si l’employeur avait établi un autre relevé d’emploi le congédiant. Dans l’affirmative, il allait en envoyer une copie au Tribunal.

[8] J’ai permis au prestataire de présenter ces renseignements après l’audience parce qu’ils sont pertinents. Après l’audience, le prestataire a confirmé qu’à sa connaissance, l’employeur n’avait établi aucun autre relevé d’emploiNote de bas page 6.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[10] La loi dit que les prestataires qui perdent leur emploi à cause d’une inconduite sont exclus des prestationsNote de bas page 7.

[11] Il précise également que les parties prestataires qui sont suspendues de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles aux prestations jusqu’à ce que leur suspension expire, qu’elles perdent leur emploi, le quittent volontairement ou qu’elles accumulent suffisamment d’heures auprès d’un autre employeur après le début de la suspensionNote de bas page 8.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[12] Je conclus que le prestataire a dû prendre un congé obligatoire (être suspendu) de son emploi le 15 novembre 2021.

[13] J’estime qu’il a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté la « Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada » et l’« Exigence de vaccination contre la COVID-19 pour les fonctionnaires fédéraux » (politique)Note de bas page 9. Cela concorde avec le témoignage du prestataire et la preuve au dossierNote de bas page 10.

Quelle était la politique de l’employeur?

[14] La politique de l’employeur est entrée en vigueur le 6 octobre 2021 et figure au dossierNote de bas page 11. Le prestataire a témoigné et a dit à la Commission qu’il avait reçu une copie de la politique par courriel le 6 octobre 2021Note de bas page 12.

[15] La politique exige que les employés soient entièrement vaccinés et qu’ils déclarent leur statut vaccinal d’ici le 29 octobre 2021Note de bas page 13.

[16] Elle prévoit des mesures d’adaptation fondées sur une contre-indication médicale certifiée, une religion ou un autre motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[17] La politique établit que les employés qui refusent d’être entièrement vaccinés ou de divulguer leur statut vaccinal devront participer à une formation en ligne sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas page 14.

[18] Elle prévoit que deux semaines après la date limite du 29 octobre 2021 pour présenter leur attestation, les employés ne pourront pas accéder au lieu de travail, se rendre sur place, voyager pour affaires, ni participer à des conférences et qu’ils devront prendre un congé administratif non payé.

[19] La politique permet à l’employeur de prendre les mesures appropriées pour régler les problèmes de non-conformité ou d’imposer toute mesure jugée appropriée.

[20] Le prestataire a convenu qu’il savait qu’il devrait prendre un congé sans solde s’il ne suivait pas la politique de vaccinationNote de bas page 15.

[21] La lettre de l’employeur datée du 1er novembre 2021 le confirme et dit que [traduction] « si vous ne vous conformez pas à la politique, vous devrez prendre un congé administratif non payé dès le 15 novembre 2021 et jusqu’à ce que vous vous conformiez à la politiqueNote de bas page 16 ».

[22] L’employeur a également écrit le 12 novembre 2021 que le prestataire serait en congé administratif non payé à compter du 15 novembre 2021 s’il ne respectait pas sa politiqueNote de bas page 17.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[23] Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas demandé de mesures d’adaptation à son employeur parce que c’était son choix personnel de se faire vacciner et de divulguer son statut vaccinalNote de bas page 18.

[24] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas demandé de mesures d’adaptation ou d’exemption à la politique pour des raisons médicales ou religieuses parce qu’il n’en avait pas besoin, car la politique était illégale.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[25] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la façon d’agir doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 19. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 20. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il voulait faire quelque chose de mal)Note de bas page 21.

[26] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas page 22.

[27] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Ce qui veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 23.

Ainsi, le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[28] Je conclus que ce qui a causé la suspension du prestataire est une inconduite selon la loi pour les raisons suivantes.

[29] Premièrement, je conclus que le prestataire a délibérément et consciemment choisi de ne pas respecter la politique de l’employeur et qu’il savait que la conséquence serait une suspension ou un congé obligatoire. Le prestataire a convenu que la politique lui avait été clairement communiquée le 6 octobre 2021 et qu’il savait qu’il devait s’y conformer au plus tard le 29 octobre 2021.

[30] La Cour a déclaré que les tribunaux administratifs doivent se concentrer sur la conduite de la partie prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant le prestataire et si cela constituait un congédiement injuste. Il faut plutôt décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné la perte de son emploiNote de bas page 24. Ici, le prestataire a fait le choix délibéré de ne pas respecter la politique de l’employeur, ce qui, selon moi, constitue une inconduite parce que cela va à l’encontre de sa politique et a entraîné une suspension.

[31] Deuxièmement, la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le vaccin demeure volontaire. Toutefois, l’obligation de présenter une preuve de vaccination pour protéger les personnes au travail ou lorsqu’elles reçoivent des services est généralement permise en vertu du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas page 25, pourvu que des mesures d’adaptation raisonnables soient mises en place pour les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des motifs prévus dans le CodeNote de bas page 26.

[32] Dans la présente affaire, la politique permettait de demander une exemption, mais le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique de l’employeur pour des motifs liés aux droits de la personne. Même si le prestataire estime que la politique était illégale, rien ne l’empêchait de demander une exemption et des mesures d’adaptation.

[33] Troisièmement, j’estime que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, et qu’il peut notamment élaborer et imposer des politiques en milieu de travail pour assurer la santé et la sécurité des employés pendant la pandémie de COVID-19.

[34] Enfin, je n’admets pas que le prestataire était forcé de se faire vacciner. Il avait plutôt un choix. Il a choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles, ce qui a entraîné des résultats indésirables, un congé et une perte de revenu.

[35] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objectif d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont au chômage. La perte d’un emploi assurable doit être involontaireNote de bas page 27.

[36] Ici, le prestataire n’a pas été congédié involontairement, car il a manifestement choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles et il a été suspendu pour cette raison.

Que se passe-t-il si le prestataire n’est pas d’accord avec la politique et la pénalité de l’employeur?  

[37] Le prestataire est en désaccord avec la politique de l’employeur pour diverses raisons, notammentNote de bas page 28 :

  1. a) il ne veut pas divulguer son statut vaccinal et les renseignements sur sa santé sont protégés par les lois sur la protection des renseignements personnels;
  2. b) sa vie privée est protégée par la loi;
  3. c) il ne consentira à aucun type de test de dépistage de la COVID-19;
  4. d) ses renseignements médicaux sont confidentiels;
  5. e) ses droits garantis par la Charte comprennent le droit à la liberté et le droit de refuser un traitement médical.

[38] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en donnant au prestataire un congé obligatoire non payé ou si l’employeur aurait pu lui offrir d’autres mesures d’adaptation.

[39] La Cour a déclaré que le rôle des tribunaux n’est pas de décider si un congédiement était justifié ou s’il constituait la sanction appropriéeNote de bas page 29.

[40] La Cour a également déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou si la sanction était justifiée. Je dois décider si la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 30. À la lumière des faits de cette affaire, j’ai décidé que la conduite du prestataire correspondait à une inconduite volontaire.

[41] Le prestataire peut avoir recours aux tribunaux judiciaires pour contester les actions de son employeur, ou à tout autre tribunal qui peut traiter de ces questions particulières. Je remarque que le prestataire travaille dans un milieu syndiqué, mais qu’il a choisi de ne pas déposer de grief parce qu’il a dit que son syndicat n’appuie pas les employés.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que le prestataire avait perdu son emploi pour inconduite. Ainsi, le prestataire n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[43] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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