Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 568

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (451201) datée du 6 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-419

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a travaillé comme éducatrice de la petite enfance pendant environ 12 ans dans un centre de la petite enfance. L’employeuse l’a d’abord congédiée le 30 septembre 2021 parce que, selon elle, la prestataire ne s’est pas conformée à sa [traduction] « politique de divulgation de la vaccination contre la COVID-19 ».

[4] La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi, indiquant qu’on l’avait mise à pied temporairementNote de bas de page 2. Par la suite, l’employeuse a délivré un relevé d’emploi modifié disant que la prestataire avait pris un congé le 30 septembre 2021Note de bas de page 3.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’elle avait été congédiée de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[6] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de l’employeuse parce qu’on lui a dit qu’elle serait mise à pied de son emploi et qu’elle pourrait recevoir des prestationsNote de bas de page 5. Elle n’est pas à l’aise avec la vaccination et affirme que son employeuse aurait pu s’adapter en lui offrant le dépistage rapide et d’autres protocoles.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai demandé plus de renseignements à la Commission avant l’audience

[7] La Commission a fait référence à la politique de l’employeuse dans ses observationsNote de bas de page 6. J’ai écrit à la Commission pour lui demander de fournir une copie de cette politiqueNote de bas de page 7.

[8] La Commission a répondu qu’elle n’a pas de copie de cette politique, mais qu’elle s’appuyait sur les déclarations que l’employeuse lui avait faitesNote de bas de page 8. Une copie de sa réponse a été transmise à la prestataire.

La prestataire a fourni des renseignements après l’audience

[9] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle avait une copie de la politique de l’employeuse et qu’elle la remettrait. J’ai accepté ce document présenté après l’audience puisqu’il était pertinent aux questions à trancherNote de bas de page 9. Une copie a été transmise à la Commission.

Question en litige

[10] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestationsNote de bas de page 10.

[12] La partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas : la fin de sa période de suspension; la perte de son emploi ou son départ volontaire; le cumul, chez un autre employeur, depuis le début de cette période, d’un nombre suffisant d’heures d’emploi assurableNote de bas de page 11.

[13] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire ne travaille plus chez l’employeuse. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[14] Il y avait deux relevés d’emploi au dossier. Le premier relevé d’emploi a été délivré le 1er octobre 2021 et indiquait que la prestataire avait été « congédiéeNote de bas de page 12 ». Le relevé d’emploi modifié a été délivré le 12 novembre 2021 et indiquait « période de congéNote de bas de page 13 ».

[15] J’ai posé des questions à la prestataire concernant sa situation d’emploi et je lui ai demandé si elle était en période de congé ou si elle avait été congédiée. Elle a déclaré qu’elle croit avoir été congédiée et qu’il n’est pas prévu qu’elle retourne au travail.

[16] La prestataire dément la déclaration de l’employeuse selon laquelle elle aurait fait pression d’une quelconque façon pour que le relevé d’emploi revienne à une période de congéNote de bas de page 14. Elle se fonde sur un courriel qu’elle a envoyé à l’employeuse pour lui demander de modifier le relevé d’emploi afin qu’elle puisse obtenir des prestationsNote de bas de page 15. Elle a affirmé que l’employeuse a plusieurs chèques mensuels postdatésNote de bas de page 16 pour ses avantages pendant une absence du travail. Elle a noté que l’employeuse encaisse systématiquement chacun des chèques une fois par mois depuis qu’elle a cessé de travailler.

[17] Je reconnais qu’il y a des preuves contradictoires au dossier concernant la situation d’emploi de la prestataire. Dans sa demande, la prestataire a écrit qu’on l’avait mise à piedNote de bas de page 17. La lettre de congédiement au dossier dit que la prestataire est en période de mise à pied temporaireNote de bas de page 18. L’employeuse a dit à la Commission que la prestataire a été congédiée, mais qu’ensuite elle a subi des pressions de la part du Conseil et du personnel pour qu’elle remplace cela par une période de congéNote de bas de page 19. La prestataire a écrit que l’avocate ou l’avocat de l’employeuse a dit qu’elle n’était ni congédiée ni ne faisait l’objet d’un congédiement déguiséNote de bas de page 20.

[18] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire n’ait pas été congédiée de son emploi, mais en période de congé. La preuve confirme qu’elle est toujours employée, mais en congé. La prestataire continue à payer pour ses avantages mensuels et s’en prévaut, ce qui donne à penser qu’il n’y a pas eu de rupture du lien d’emploi. De même, le relevé d’emploi modifié précise qu’elle est en période de congé obligatoire. Ceci correspond également à la déclaration écrite de la prestataire à la CommissionNote de bas de page 21. La témoin de la prestataire a déclaré qu’on ne leur a pas donné le choix et qu’ils ont été obligés de prendre un congé.

[19] Je reconnais également les preuves contradictoires de la part de l’employeuse, mais j’ai préféré les autres éléments de preuve au dossier. La lettre de l’employeuse qui fait partie du dossier indique que la prestataire est en mise à pied temporaireNote de bas de page 22. Par la suite, l’employeuse a dit à la Commission que la prestataire a été congédiée, mais ensuite elle a subi des pressions de la part du Conseil et du personnel pour qu’elle remplace cela par une période de congéNote de bas de page 23.

[20] J’estime que la raison pour laquelle la prestataire est en période de congé obligatoire est qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeuse. Il n’y avait aucun élément de preuve selon lequel elle avait été congédiée pour une autre raison.

Quelle était la politique?

[21] L’employeuse a mis en place une politique de divulgation de la vaccination contre la COVID-19; elle est entrée en vigueur le 13 septembre 2021.

[22] Une copie de la politique de l’employeuse a été présentée par la prestataire et est versée au dossierNote de bas de page 24.

[23] Certaines des parties pertinentes de la politique incluent notamment :

  1. a) Le médecin hygiéniste en chef a ordonné à tous les programmes agréés de garde de jeunes enfants d’élaborer, de mettre en œuvre et de veiller à la conformité avec une politique de divulgation de la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 25.
  2. b) Le centre de la petite enfance était obligé de prendre toutes les précautions raisonnables afin de préserver la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs en milieu de travail, notamment des dangers que pose une maladie infectieuse comme la COVID-19 et les variantes associées selon la Loi sur la santé et la sécurité au travailNote de bas de page 26.
  3. c) La politique s’appliquait à tout le personnel, aux bénévoles, aux élèves et aux autres personnes.
  4. d) Les employés devaient présenter à l’employeuse des renseignements concernant leur statut vaccinal.
  5. e) Les employés devaient également fournir une preuve ainsi que la confirmation indiquant qu’ils étaient pleinement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021.
  6. f) Les employés qui ne fournissent pas une preuve de vaccination complète doivent se soumettre à des tests antigéniques rapides réguliers et présenter des résultats négatifs au centre deux fois par semaine jusqu’au 30 octobre 2021 ou jusqu’à leur vaccination complète.
  7. g) Les employés qui demandent une exemption à la politique pour raisons médicales, en raison d’une croyance religieuse sincère ou pour des motifs reliés à des droits garantis par le Code des droits de la personneNote de bas de page 27de l’Ontario doivent présenter un formulaire de [traduction] « Demande de mesures d’adaptation » rempli à l’employeuse.

Quelles étaient les conséquences en cas de non-conformité?

[24] La politique dit que [traduction] « les personnes qui ne sont ni pleinement vaccinées ni inscrites au programme de dépistage rapide au plus tard le 30 octobre 2021 ne peuvent pas travailler au centre, à moins d’avoir une exemption approuvée de la direction. Le dépistage rapide ne peut pas servir de solution de rechange à la vaccination sans une exemption approuvée ».

[25] La politique comporte aussi une section intitulée [traduction] « non-conformité » et elle dit : [traduction] « Les membres du personnel qui ne se conforment pas à la politique s’exposent à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation de l’emploiNote de bas de page 28 ».

[26] La politique prévoit que les employés qui ne répondent pas aux critères de mesure d’adaptation et qui décident de ne pas se faire vacciner doivent fournir l’attestation indiquant qu’ils ont terminé une séance de formation approuvée par le conseil d’administration. Pour les membres du personnel qui ne répondent pas aux critères et décident de ne pas être vaccinés, le centre peut n’avoir d’autre option que de placer l’employé en congé sans solde ou d’envisager des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation de l’emploi.

[27] La prestataire a déclaré qu’elle ignorait qu’elle serait congédiée en raison de sa conduite. Elle a expliqué que lorsqu’elle avait choisi précédemment de ne pas se faire vacciner contre la grippe, il n’y a pas eu de conséquences. Elle a fourni une copie du guide à l’intention des employés, qui traite de maladie et des maladies infectieuses et qui montre que le personnel était invité à se faire vacciner annuellement contre la grippeNote de bas de page 29.

[28] La prestataire affirme s’être conformée à la politique parce qu’elle a été testée pour la COVID-19, qu’elle a présenté ses résultats de test et qu’elle a terminé la séance de formation. Elle a fourni la preuve du dépistage, des résultats et du fait qu’elle a terminé le programme de formationNote de bas de page 30.

[29] J’ai interrogé la prestataire au sujet de la lettre au dossier remise par son employeuseNote de bas de page 31. Elle a dit à la Commission qu’elle avait reçu une lettre, mais que l’employeuse a utilisé l’expression « mise à pied »; elle pensait donc qu’elle pouvait quand même recevoir des prestationsNote de bas de page 32. Elle se souvient d’avoir reçu un courriel, mais elle n’a pas tout examiné lorsqu’elle était au travail. Elle a remarqué qu’on y disait que cela mènerait à un congé sans solde ou au congédiement, mais elle ne se serait jamais attendue à ce que la situation aille si loin. Elle pensait également qu’elle disposait d’autres solutions de rechange.

[30] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire connaissait les conséquences de la non-conformité avec la politique d’obtention d’un premier vaccin le 30 septembre 2021, précisément qu’elle serait placée en période de congé sans solde (ou mise à pied) et éventuellement congédiée. Une réunion du personnel a aussi eu lieu le 30 septembre 2021 et la prestataire a signalé qu’un courriel a été envoyé avant cette rencontre. Bien que l’employeuse ait pu en parler comme d’une mise à pied, la preuve ne confirme pas qu’elle était attribuable à un manque de travail, mais plutôt à la non-conformité avec sa politique.

Y avait-il une raison pour laquelle la prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[31] La prestataire reconnaît qu’elle n’a pas demandé d’exemption médicale, religieuse ou relative à ses croyances à l’employeuse. Elle a expliqué qu’elle n’invoquait aucun de ces motifs.

[32] En conséquence, j’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée de la politique pour des motifs médicaux, religieux ou relatifs à ses croyances.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[33] J’estime que la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite selon la loi.

[34] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 33. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 34. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 35 (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

[35] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 36.

[36] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 37.

[37] Premièrement, la prestataire a affirmé qu’être vaccinée contre la COVID-19 n’était pas une exigence d’emploi et ne figurait pas dans son contrat de travailNote de bas de page 38. Je n’ai pas été convaincue par cet argument parce que l’employeuse a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le droit d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail et d’assurer la sécurité des employés. J’accepte également que la prestataire ait le droit de décider de se faire vacciner ou de refuser la vaccination.

[38] Deuxièmement, je reconnais que la prestataire s’est en partie conformée à la politique parce qu’elle exigeait qu’elle fasse des tests antigènes et assiste à la séance de formation. Cependant, elle ne s’est pas entièrement conformée parce qu’elle n’a pas fourni une preuve de vaccination au plus tard le 30 septembre 2021 ou obtenu une exemption de vaccination.

[39] Troisièmement, j’estime que la prestataire a délibérément et sciemment choisi de ne pas se conformer avec la politique de l’employeuse et savait que les conséquences de la non-conformité pouvaient aboutir à ce qu’elle ne soit plus en mesure de travailler (il s’agissait d’une période de congé ou d’un congédiement). La prestataire affirme qu’il ne s’agissait pas d’une façon d’agir délibérée, mais je suis en désaccord parce qu’elle a décidé de ne pas se conformer. Cela a entraîné un manquement à ses obligations envers son employeuse parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique.

[40] Enfin, je n’accepte pas que la prestataire ait été contrainte à se faire vacciner, mais plutôt qu’elle ait eu le choix. Elle a décidé de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles, ce qui a mené à des conséquences indésirables, à savoir une période de congé et une perte de revenu.

Et si la prestataire est en désaccord avec la politique de l’employeuse et avec la sanction?

[41] La prestataire a indiqué qu’elle a une avocate ou un avocat et qu’ils cherchent à rompre son lien d’emploi avec son employeuse.

[42] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeuse a porté atteinte à ses droits en la plaçant en congé sans solde ou si l’on aurait pu s’adapter à ses besoins d’une autre manière.

[43] La Cour a affirmé que le Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou si la sanction était justifiée. Il doit se demander si le geste posé par la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 39.

[44] Le recours de la prestataire est de faire des démarches en cour ou devant un autre Tribunal qui peut régler ces questions particulières.

Conclusion

[45] L’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est d’offrir une compensation aux personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans travail. La perte d’emploi contre laquelle la personne est assurée doit être involontaireNote de bas de page 40. Dans la présente affaire, elle n’était pas involontaire parce que la prestataire a choisi de ne pas se conformer avec la politique de l’employeuse pour des raisons personnelles et qu’elle savait que sa conduite entraînerait éventuellement son congédiement.

[46] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. De ce fait, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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