Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 567

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : G. W.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 avril 2022
(GE-22-419)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-313

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a travaillé comme éducatrice de la petite enfance pendant environ 12 ans dans un centre de la petite enfance. L’employeuse l’a d’abord congédiée le 30 septembre 2021 parce que, selon elle, la prestataire ne s’est pas conformée à sa politique de divulgation de la vaccination contre la COVID-19. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi, indiquant qu’on l’avait mise à pied temporairement. Par la suite, l’employeuse a délivré un relevé d’emploi modifié disant que la prestataire avait pris un congé le 30 septembre 2021.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que l’employeuse avait congédié la prestataire de son emploi en raison d’une inconduite; elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après l’échec d’une révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’employeuse avait suspendu la prestataire à la suite de son refus de se conformer à sa politique. La division générale a conclu que la prestataire aurait dû savoir que l’employeuse allait probablement la suspendre dans cette situation. La division générale a conclu que la prestataire avait été placée en période de congé de son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. La prestataire affirme que le gouvernement n’a pas ordonné la politique de vaccination; sa façon d’agir ne peut donc pas être considérée comme une inconduite selon la loi. Elle soutient que la forcer à se faire vacciner est une violation de ses droits en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

[6] Je dois décider si la prestataire soulève une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. La prestataire affirme que le gouvernement n’a pas ordonné la politique de vaccination; sa façon d’agir ne peut donc pas être considérée commune une inconduite selon la loi. Elle soutient que la forcer à se faire vacciner est une violation de ses droits en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

[13] La prestataire a travaillé comme éducatrice de la petite enfance pendant 12 ans dans un centre de la petite enfance. Selon les directives du médecin hygiéniste en chef, qui considérait que les organisations de garde d’enfants représentaient un risque élevé de transmission de la COVID-19, l’employeuse a mis une politique en œuvre. Elle est entrée en vigueur le 13 septembre 2021. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de l’employeuse.

[14] La division générale devait décider si la prestataire avait été placée en période de congé de son emploi en raison de son inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeuse ni de savoir si l’employeuse s’est rendue coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que cette suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[17] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été placée en congé parce qu’elle a refusé de se faire vacciner, comme l’exige la politique de l’employeuse en réponse à la pandémie. La prestataire a été informée de la politique mise en place par l’employeuse pour préserver la santé et la sécurité de tout le personnel sur le lieu de travail et a eu le temps de s’y conformer. La prestataire a volontairement refusé de le faire. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension. Elle savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à une suspension et à un éventuel congédiement.

[18] Comme l’a dit la division générale, l’employeuse avait le droit d’établir une politique visant à préserver la santé et la sécurité de ses employés sur le lieu de travail. La prestataire a toujours eu le droit de refuser la politique de vaccination de l’employeuse. Cependant, en décidant de ne pas se faire vacciner, elle a pris une décision personnelle qui a mené à des conséquences prévisibles sur son emploi.

[19] La division générale a conclu selon la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[21] La prestataire soulève aussi l’argument selon lequel la politique de l’employeuse était une violation de ses droits en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

[22] Je signale que la politique de l’employeuse indique que cette dernière n’était pas obligée, aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario, de tenir compte de la préférence personnelle des employés qui décident de ne pas se faire vaccinerNote de bas de page 2.

[23] De plus, je ne constate aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas se prononcer en ce qui concerne l’inconduite en fonction du Code des droits de la personne de l’Ontario, mais qu’elle devait le faire uniquement dans le cadre des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] Je suis bien conscient que la prestataire peut chercher à obtenir réparation en s’appuyant sur une loi provinciale, si une violation a eu lieu. Cela ne change pas le fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[25] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas signalé d’erreur susceptible de révision concernant la compétence ou le manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a pas soulevé d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision sur la question de l’inconduite.

[26] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale, et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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