Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 498

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (447830) datée du 25 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 19 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-588

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur l’a d’abord suspendu le 13 septembre 2021, puis il l’a congédié le 21 janvier 2022 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

[4] L’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé.

[5] La Commission a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant est en désaccord. Selon lui, il n’y a pas eu d’inconduite. Il affirme qu’il ne devrait pas avoir à être vacciné pour garder son emploi. Il a remis en question la validité de la politique parce que les personnes non vaccinées peuvent quand même avoir la COVID-19 ou la transmettre. De plus, les personnes non vaccinées ont le droit d’entrer dans le lieu de travail de l’employeur. Il soutient aussi que l’employeur n’a pas besoin de savoir quelles interventions médicales il a subies. La vaccination ne faisait pas partie de son contrat d’emploi. Il affirme aussi que la politique de vaccination enfreint son droit à la vie privée.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[7] À l’audience, nous avons discuté de certains documents pertinents que l’appelant allait déposer après la fin de l’audience. Les documents ont été déposés comme convenu et se trouvent à la page GD8 du dossier d’appel. La Commission a envoyé les documents aux pages GD9 et GD10 du dossier d’appel en réponse. Tous ces documents ont été pris en considération au moment de rendre la décision dans la présente affaire.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Une partie appelante qui perd son emploi en raison de son inconduite est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas page 2.

[10] Une partie appelante suspendue de son travail en raison de son inconduite n’a pas droit aux prestations jusqu’à ce que la période de suspension prenne fin; qu’elle perde cet emploi ou le quitte volontairement; ou qu’elle accumule assez d’heures d’emploi chez un autre employeur après le début de la suspensionNote de bas page 3.

[11] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois vérifier pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[12] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se faire vacciner comme l’exigeait la politique de vaccination de son employeur.

[13] Les documents figurant au dossier confirment que l’appelant a été mis en congé sans solde à partir du 14 septembre 2021, et qu’il a été congédié le 21 janvier 2022 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeurNote de bas page 4. L’appelant l’a confirmé lors de son témoignage.

[14] L’employeur a communiqué sa politique de vaccination à tous les employés le 4 août 2021 et a envoyé de nombreux rappels. La politique précisait que la vaccination était exigée au plus tard le 13 septembre 2021 comme condition d’emploiNote de bas page 5.

[15] Lors de son témoignage, l’appelant a confirmé qu’il savait qu’il risquait d’être congédié s’il n’était pas vacciné. Il a aussi affirmé qu’il retournerait à ce travail si cela était possible.

[16] L’appelant soutient que la politique de vaccination n’est pas raisonnable. Il a fait son travail pendant presque deux ans pendant la pandémie sans problème. De plus, le gouvernement n’a pas imposé une politique de vaccination, c’était seulement une directive. Il n’y avait aucune obligation de vaccination dans son contrat de travail.

[17] L’employeur ne voulait pas que ses employés fassent de télétravail et n’a pas gardé la possibilité de leur faire passer des tests rapides fréquemment.

[18] L’appelant a confirmé qu’il n’a pas demandé d’exemption quelconque.

[19] À l’audience, l’appelant a expliqué que l’employeur n’a pas fourni d’information concernant la sécurité des vaccins. L’employeur n’a pas non plus abordé la question de sa responsabilité dans l’éventualité où une employée ou un employé tomberait malade; il y avait uniquement l’obligation de se faire vacciner. L’appelant a aussi comparé son refus de se faire vacciner au refus de toute employée ou de tout employé de conduire ou de faire fonctionner une machine défectueuse. Ce n’est simplement pas sécuritaire. Accepter de se faire vacciner aurait pu entraîner une blessure ou la mort. Il n’y a rien de raisonnable au sujet de la politique de l’employeur.

[20] Enfin, l’appelant soutient qu’imposer la vaccination enfreint son droit à l’autonomie physique, à la vie privée et au consentement éclairé. Tous ces droits sont protégés par la Déclaration canadienne des droits. L’appelant déclare que son congédiement pour inconduite est contesté en cour, tout comme la politique de vaccination de l’employeur.

[21] Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime qu’il n’est pas contesté que l’appelant a été congédié parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[22] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[23] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 6. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle frôlait le caractère délibéréNote de bas page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas page 8 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[24] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 9.

[25] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, et ce selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 10.

[26] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant ne conteste pas le fait qu’il a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. L’appelant a eu du temps pour se conformer à la politique, puis il a été suspendu et enfin congédié. Le comportement de l’appelant correspond à la description d’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’il a agi de façon consciente et intentionnelle.

[27] La Commission soutient que l’appelant l’a fait volontairement et que le risque de perdre son emploi de cette façon était prévisible. L’appelant a agi de façon intentionnelle et il connaissait les conséquences potentiellesNote de bas page 11. Il y a un lien direct entre le refus du vaccin et la perte de l’emploi.

[28] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a refusé de suivre une politique inefficace et déraisonnable. Il a des réserves importantes au sujet de la sécurité des vaccins et l’employeur n’a pas fourni d’information sur leur sécurité ou d’autre solution aux vaccins.

[29] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite, car la preuve montre clairement que l’appelant a volontairement et consciemment choisi de ne pas recevoir le vaccin contre la COVID-19 tel qu’exigé par la politique de l’employeur.

[30] Je juge aussi qu’une fois que l’employeur a imposé une politique de vaccination, être vacciné est devenu une condition essentielle d’emploi. Bien que je sois d’accord que l’appelant a le droit de refuser la vaccination, l’employeur a le droit de gérer les activités quotidiennes de son lieu de travail. Cela comprend le droit d’élaborer et d’imposer une politique en matière de santé et sécurité en milieu de travail.

[31] Bien que je constate les préoccupations de l’appelant concernant la sécurité des vaccins en général, la protection des renseignements médicaux et ce qu’il perçoit comme être forcé de recevoir un traitement médical sur lequel il n’a pas obtenu assez d’information, mon rôle n’est pas de décider si la politique de vaccination était raisonnable ou si le congédiement était justifié. Mon rôle consistait simplement à décider si la conduite en question constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 12.

[32] Le recours dont dispose l’appelant concernant les questions susmentionnées est devant les tribunaux. Je constate que l’appelant a témoigné que des procédures judiciaires sont en cours.

[33] L’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travailNote de bas page 13. Dans la présente affaire, la perte de l’emploi était délibérée et volontaire. L’appelant savait qu’il risquait de perdre son emploi en refusant de se faire vacciner.

[34] Compte tenu de mes conclusions précédentes, j’estime que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] L’appel est rejeté.

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