Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 581

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (435718) datée du 5 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 1er février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-50

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Décision

[1] Je rejette l’appel de la prestataire. La présente décision explique mes motifs.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 30 juin 2021, pendant qu’elle était aux études à temps plein. Par conséquent, elle est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Après avoir touché la prestation d’assurance-emploi d’urgence, la prestataire a automatiquement fait la transition vers des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 3 octobre 2020. Les versements ont commencé à ce moment-là.

[4] Le 25 août 2021, la Commission de l’assurance-emploi a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La décision de la Commission a donné lieu à un trop-payé.

[5] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[6] La Commission affirme que la prestataire ne peut pas réfuter la présomption de non-disponibilité qui s’applique aux étudiants à temps plein, si elle refuse de laisser tomber ses études pour travailler à temps plein. La Commission soutient que la prestataire n’était pas disponible pour travailler, car elle était à l’école du lundi au vendredi, de 8 h à 14 h, et pouvait seulement travailler en dehors de cet horaire.

[7] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle était disponible pour travailler et avait essayé de trouver un emploi. Elle défend qu’elle avait l’habitude de travailler à temps partiel en étudiant à temps plein. Elle dit qu’elle n’a jamais eu de difficulté avant la COVID-19 à obtenir des quarts de travail qui commençaient après ses cours.

Question que je dois examiner

[8] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études à temps plein?

Analyse

[9] La loi exige que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 1. De plus, un nouvel article provisoire de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que toute personne qui suit un cours à temps plein ne peut pas toucher de prestations à moins de prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 2.

[10] La Loi exige que toute partie prestataire doit le prouver. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible »Note de bas de page 3. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 4. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on considère que les personnes aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[12] Il n’existe aucune jurisprudence pour me guider sur l’application de la présomption étant donné la nouveauté de l’article provisoire de la Loi. Je vais tout de même commencer par évaluer si la prestataire a réfuté la présomption. Je me pencherai ensuite sur la loi concernant la disponibilité.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[13] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

[14] La prestataire reconnaît qu’elle était à l’école à temps plein, de 8 h à 14 h, et qu’elle consacrait en plus du temps à étudier de façon autonome. Rien ne démontre que ce n’était pas le cas, alors je considère qu’elle était aux études à temps plein. Par conséquent, la présomption s’applique à elle.

[15] La présomption peut être réfutée, ce qui signifie qu’elle ne s’appliquerait pas. La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 5. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 6.

[16] La Commission avance que la prestataire ne peut pas réfuter la présomption de non-disponibilité parce qu’elle n’aurait pas laissé tomber ses études pour accepter de travailler à temps plein. Selon la Commission, il n’existait pas de circonstances exceptionnelles dans son cas.

[17] J’accepte le témoignage sous serment de la prestataire selon lequel elle a l’habitude de travailler à temps partiel tout en étudiant à temps plein. Je trouve qu’elle est un témoin crédible. Elle a livré un témoignage transparent et direct à propos de ses antécédents d’emploi, et ses déclarations concordaient avec ses échanges précédents avec la Commission.

[18] Je me fonde sur une décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale pour décider ceci : l’emploi antérieur à temps partiel de la prestataire et sa capacité de conserver à tout le moins un emploi de cette fréquence, tout en poursuivant des études à temps plein, constituent une circonstance exceptionnelle. J’estime que la prestataire peut réfuter la présomption de non-disponibilitéNote de bas de page 7.

[19] La prestataire a effectivement réfuté la présomption, ce qui signifie simplement que je pourrais considérer la prestataire comme disponible. Je vais maintenant examiner la loi applicable et décider si elle était disponible.

[20] La Commission soutient qu’une partie prestataire doit faire des démarches « habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi. Toutefois, la Commission n’a fait aucune observation précise sur la recherche d’emploi de la prestataire, à part accepter le fait que la prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi à temps partiel.

[21] Pour cette raison, ma décision sur le droit aux prestations conformément à l’article 50 de la Loi ne peut pas reposer sur l’absence de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. J’examinerai seulement le critère de disponibilité suivant au titre des articles 18(1)(a) et 153.161 de la Loi.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[22] Il y a trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La prestataire doit prouver les trois éléments suivants :

  1. a) vouloir retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travaillerNote de bas de page 9.

[23] Je dois examiner chacun de ces trois éléments pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 10. Pour ce faire, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 11.

La prestataire voulait retourner travailler

[24] La prestataire a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’elle trouverait un emploi convenable.

[25] La Commission soutient que la prestataire devait démontrer qu’elle était prête à laisser tomber ses études pour accepter de travailler à temps plein. Cependant, la Loi ne prévoit pas qu’une partie prestataire doive travailler à temps plein lorsqu’elle travaille habituellement à temps partiel. Pour cette raison, je considère que sa volonté de terminer ses cours tout en travaillant à temps partiel montre qu’elle voulait bien retourner travailler.

La prestataire a tenté de trouver un emploi convenable

[26] La preuve montre que la prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 12.

[27] La Commission reconnaît que la prestataire a postulé à trois emplois en octobre 2020, à deux en décembre 2020, à un en janvier 2021 et à trois en mars 2021.

[28] La prestataire dit qu’elle a fait des démarches pour trouver un emploi, surtout dans le secteur du commerce de détail, où elle travaillait avant la pandémie. Elle s’est inscrite sur des sites Web de recherche d’emploi, a adapté son CV et sa lettre de présentation à chaque demande d’emploi et a fait du réseautage auprès de ses amis et de sa famille. Elle mentionne aussi avoir cherché des emplois qui pouvaient se faire à domicile, comme un travail pour le recensement à l’administration publique, mais elle n’avait pas les qualifications requises.

[29] Après l’audience, la prestataire a fourni des preuves supplémentaires de demandes d’emploi qu’elle a pu retrouver dans ses courriels, ce qui a allongé sa liste initiale d’emplois.

[30] La prestataire avance qu’il y avait peu d’emplois disponibles à cause de la fermeture des milieux de travail pendant la COVID-19. Elle a fourni des renseignements à ce sujet pour étayer ses propos.

[31] J’admets que le marché du travail était très difficile pendant la période dont il est question ici. Les gens devaient être prêts à postuler à des postes vacants sans imposer de conditions personnelles sur leur disponibilité.

La prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de trouver un emploi

[32] La prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter de façon déraisonnable ses chances de retourner sur le marché du travail dans un emploi convenable.

[33] La Commission soutient que la prestataire devait être prête à accepter du travail à temps plein pour remplir ses obligations selon la loi. La Commission affirme que la prestataire a établi une condition personnelle en limitant ses choix uniquement au travail à temps partiel.

[34] Selon la Commission, la prestataire a aussi établi une deuxième condition personnelle, selon laquelle elle acceptait seulement le travail en dehors de son horaire d’études.

[35] La prestataire défend qu’elle n’avait pas à être disponible pour travailler à temps plein alors qu’elle travaillait à temps partiel avant. Elle dit que son horaire d’études ne limitait pas indûment ses chances de trouver du travail. Dans le commerce de détail, les quarts de travail à temps partiel sont habituellement après les heures de cours, puisque les employés à temps plein veulent les quarts de jour.

[36] Je ne suis pas d’accord avec la Commission sur le fait que la prestataire – qui avait l’habitude de travailler à temps partiel – devait prouver qu’elle était disponible pour travailler à temps plein. La Loi n’exige pas qu’une partie prestataire doive changer sa disponibilité.

[37] Toutefois, je suis d’accord avec la Commission sur le point suivant : la disponibilité de la prestataire uniquement après ses heures de cours pour tout jour ouvrable était une condition personnelle qui a pu limiter ses chances de trouver du travail dans un marché déjà difficile.

[38] Je reconnais l’argument de la prestataire selon lequel elle n’a jamais eu de difficulté à trouver du travail qui avait lieu après ses cours. Cependant, les restrictions de la pandémie ont obligé bien des détaillants à modifier leurs heures d’ouverture. Par conséquent, en se limitant à des quarts de travail de soirée et de fin de semaine, la prestataire a probablement restreint davantage le nombre d’emplois auxquels elle avait accès. La jurisprudence indique qu’une personne ne peut pas prétendre être disponible pour travailler lorsqu’elle est seulement disponible en dehors de ses heures de coursNote de bas de page 13.

[39] J’accepte le témoignage de la prestataire. Elle a dit n’avoir imposé aucune condition sur le type de travail ou le salaire qu’elle accepterait. Elle avance qu’elle est habituée à une rémunération tout juste au-dessus du salaire minimum. Elle a toutefois établi des conditions relatives à l’emplacement de son travail.

[40] La prestataire devait travailler près de son domicile. Selon elle, un déplacement de 20 minutes en auto lui prendrait plus d’une heure en transport en commun. Elle ne pouvait pas utiliser la voiture de la famille pour aller au travail, car ses parents en avaient besoin pour aller à leurs rendez-vous médicaux. Elle ne voulait pas leur demander de quitter leur domicile inutilement pendant la COVID-19 pour la reconduire. Voilà pourquoi son premier emploi était à distance de marche.

[41] La prestataire ne pouvait pas se rendre au travail en auto, mais elle ne voulait pas non plus prendre l’autobus ou le métro. Elle affirme qu’elle avait peur d’attraper la COVID-19 et de transmettre le virus à ses parents qui avaient tous deux des problèmes de santé.

[42] La prestataire habite à Toronto mais, sans auto ni transport en commun, elle pouvait uniquement travailler à Vaughan, en Ontario, où des membres de sa famille pouvaient la reconduire. Sa liste de demandes d’emploi reflète cette préférence.

[43] Je reconnais l’inquiétude de la prestataire quant à la COVID-19, mais rien ne prouve qu’on devait éviter d’utiliser le transport en commun de Toronto, même avec les précautions qui s’imposaient. Aucune preuve n’indique que le personnel soignant de ses parents avait recommandé aux membres de la famille d’éviter le transport en commun.

[44] C’est pourquoi je considère que les restrictions de la prestataire sur son lieu de travail étaient des conditions personnelles.

[45] Ces conditions personnelles auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[46] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[47] La prestataire défend qu’elle a toujours donné des réponses sincères et cohérentes à la Commission et que celle-ci n’aurait pas dû lui verser des prestations si elle n’y avait pas droit.

[48] Je suis sensible à la situation de la prestataire, mais je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 14. La Commission a le pouvoir d’imposer rétroactivement une inadmissibilité si, lors d’une révision, elle découvre qu’une partie prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Les prestations déjà versées doivent alors être rembourséesNote de bas de page 15.

Conclusion

[49] Comme la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin du 5 octobre 2020 au 30 juin 2021, elle est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pendant cette période.

[50] Par conséquent, je rejette l’appel de la prestataire.

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