Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 586

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (456865) rendue le 15 février 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-1081

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Son départ n’était pas fondé parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait loin de son domicile. La situation était difficile pour lui et sa famille. Il a quitté son emploi pour se rapprocher de chez lui. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé que le prestataire avait volontairement quitté (c’est-à-dire choisi de quitter) son emploi sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] Selon la Commission, le prestataire aurait pu chercher du travail près de chez lui avant de quitter son emploi ou il aurait pu prendre congé pour régler les problèmes personnels qu’il éprouvait à la maison.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il ne pouvait pas continuer à travailler parce qu’il voulait se rapprocher de chez lui.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeuse n’est pas une partie à l’appel

[7] Le Tribunal a entrevu la possibilité de mettre une autre partie en cause dans l’appel du prestataire : l’ancienne employeuse du prestataire. Il lui a fait parvenir une lettre pour lui demander si elle avait un intérêt direct dans l’appel et voulait être mise en cause dans l’appel (devenir une partie à l’appel). En date de la présente décision, l’employeuse n’a pas répondu à la lettre. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeuse a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas la mettre en cause dans l’appel.

Le prestataire a affirmé que j’avais un parti pris

[8] Au début de l’audience, le prestataire a déclaré qu’il estimait que mon seul but était de lui refuser des prestations. J’ai demandé au prestataire pourquoi il avait une telle impression. Ses inquiétudes semblaient découler du fait que la Commission avait décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi et qu’elle avait maintenu sa décision après avoir fait une révision. Je lui ai expliqué que le Tribunal est indépendant de la Commission et que mon rôle est de rendre une décision juste et impartiale dans son dossier. Le prestataire a dit qu’il croyait toujours que je n’étais pas en mesure de rendre une décision impartiale.

[9] Je juge que le prestataire n’a pas fourni assez d’information pour démontrer que j’avais un parti pris ou qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de ma partNote de bas de page 1. Le prestataire a fait des suppositions au sujet de mes antécédents personnels et de mon rôle au sein du Tribunal, mais il n’a relevé aucun élément de preuve ou comportement pour appuyer ses allégations.

J’ai mis fin à l’audience en raison de la conduite du prestataire

[10] Le prestataire a assisté à l’audience par téléconférence. Pendant l’audience, il était agité et a réagi de façon hostile à mes questions. À maintes reprises, il m’a dit de me référer à la déclaration écrite qui accompagnait sa demande de révision. Il m’a dit que tout ce qu’il avait à dire figurait dans cette déclaration. Le prestataire a tenu des propos dénigrants à mon égard à plusieurs reprises au cours de l’audience. J’ai mis fin à l’audience en raison de sa conduite.

Question en litige

[11] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[12] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[13] Pour décider si le prestataire a quitté son emploi de façon volontaire, je dois voir s’il avait le choix de rester ou de quitter son emploi au moment où il a cessé de travaillerNote de bas de page 2.

[14] Le prestataire travaillait dans la construction loin de chez lui. L’employeuse a dit que toutes les personnes qui ne pouvaient pas se rendre sur le lieu de travail parce qu’elles n’étaient pas vaccinées seraient admissibles à une mise à pied. Le prestataire était vacciné, mais il voulait se rapprocher de chez lui pour des raisons personnelles. Il a demandé à son gestionnaire d’inscrire son nom sur la liste des mises à pied.

[15] À l’audience, le prestataire a dit que l’employeuse ne voulait pas qu’il parte. C’était un bon employé et il n’y avait pas de pénurie de travail. Il a demandé une mise à pied parce qu’il ne voulait plus travailler si loin de son domicile.

[16] Personne ne conteste le fait que le prestataire aurait pu continuer à occuper son emploi s’il n’avait pas demandé une mise à pied. Autrement dit, il aurait pu rester en poste s’il n’avait pas pris la décision de partir. Par conséquent, je juge que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

Les parties ne sont pas d’accord sur la question de la justification

[17] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[18] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que le départ est fondé.

[19] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[20] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 5.

[21] Pour décider si le départ est fondé, je dois examiner toutes les circonstances entourant le départ du prestataire. La loi mentionne certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 6.

[22] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il devra alors démontrer que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 7.

Les circonstances entourant la démission du prestataire

[23] Le lieu de travail du prestataire était éloigné de son domicile. Un tel éloignement était difficile pour sa famille. Il a quitté son emploi parce qu’il voulait se rapprocher de chez lui.

[24] Le prestataire a déclaré que son épouse faisait une dépression, ce qui explique en partie pourquoi il voulait être plus près de chez lui.

[25] La loi prévoit certaines circonstances dont je dois tenir compte lorsque je vérifie si une personne était fondée à quitter son emploi. L’obligation de prendre soin d’un proche parent en fait partieNote de bas de page 8.

[26] Le prestataire n’a pas fourni assez de renseignements pour démontrer qu’il avait l’obligation de prendre soin de son épouse. Je reconnais que son épouse faisait une dépression, mais il n’a pas démontré qu’il prenait soin d’elle. Je conclus donc que cette circonstance ne s’applique pas au prestataire.

D’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire

[27] Je dois maintenant voir si la seule solution raisonnable qui s’offrait au prestataire était de quitter son emploi quand il l’a fait.

[28] Selon le prestataire, son départ était la seule solution raisonnable parce qu’il ne voulait plus travailler loin de chez lui.

[29] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que le prestataire aurait pu chercher du travail plus près de son domicile avant de quitter son emploi ou qu’il aurait pu prendre un congé pendant qu’il s’occupait des problèmes personnels qu’il éprouvait à la maison.

[30] Dans la plupart des cas, les prestataires ont l’obligation de faire des efforts pour trouver un autre emploi avant de décider de quitter un emploiNote de bas de page 9.

[31] Le prestataire a dit avoir cherché un emploi plus près de chez lui. Il a fait un appel téléphonique à ce sujet, mais il n’y avait aucun emploi disponible dans son coin.

[32] Je reconnais que le prestataire avait de la difficulté à travailler loin de son domicile. Je reconnais qu’il croyait avoir de bonnes raisons de quitter son emploi. Il y a cependant une différence entre le fait d’avoir de « bonnes raisons » et celui d’être « fondé à » quitter volontairement son emploiNote de bas de page 10.

[33] Je juge que le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[34] Le prestataire a peut-être de bonnes raisons personnelles qui expliquent pourquoi il a quitté son emploi, notamment que son épouse avait des problèmes de santé mentale et qu’il voulait se rapprocher de chez lui. Cependant, cela ne suffit pas à démontrer qu’il a pris une décision raisonnable ou qu’il avait un motif raisonnable de quitter son emploi.

[35] Le prestataire doit prouver que la seule solution raisonnable dans son cas était de quitter son emploi quand il l’a fait. Cela veut dire qu’il est important que le prestataire essaie de trouver une autre solution avant de démissionner. Je juge qu’il y avait en effet d’autres solutions raisonnables que le prestataire aurait pu essayer avant de partir.

[36] Il aurait pu conserver son emploi pendant quelque temps et en chercher un autre qui lui permettrait de se rapprocher de chez lui. À l’audience, il a dit avoir fait un appel téléphonique pour voir s’il y avait des emplois disponibles dans son coin. Passer un coup de téléphone montre qu’il a fait un certain effort pour trouver du travail, mais le prestataire n’a pas fourni assez d’information pour prouver qu’il a exploré cette solution raisonnable jusqu’au bout avant de démissionner. Il aurait été raisonnable de faire plus d’une tentative de trouver un autre travail plus près de chez lui avant de décider de quitter son emploi.

[37] Si le prestataire était très préoccupé par les problèmes de santé mentale de son épouse, il aurait été raisonnable qu’il demande un congé temporaire pour pouvoir être auprès de son épouse. Cela aurait été une chose raisonnable à faire au lieu de quitter son emploi pour de bon.

[38] Le prestataire n’a pas démontré que la seule chose raisonnable qu’il lui restait à faire était de quitter son emploi. D’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

Conclusion

[39] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[40] Ainsi, l’appel est rejeté.

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