Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 573

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : K. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 avril 2022
(GE-22-622)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 28 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-261

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée, car l’appel n’a pas une chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi quand elle l’a fait. La division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure et de fait. Elle soutient que la division générale a omis de faire appel à des témoins essentiels. De plus, elle dit que la division générale a présumé à tort qu’elle a volontairement quitté son emploi. Elle affirme qu’elle n’a pas démissionné. La prestataire dit que la preuve montre clairement qu’elle n’avait pas l’intention de démissionner et qu’elle prévoyait revenir.

[4] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est close.  

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[6] Il y a deux questions à trancher :

  1. i. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure lorsqu’elle a omis de demander à l’employeur de la prestataire d’être témoin?
  2. ii. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

Analyse

[7] La division d’appel doit accorder la permission d’en appeler à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. L’appel a une chance raisonnable de succès s’il est possible que la division générale ait commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou de faitNote de bas de page 3.

[8] Quant aux erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Après avoir obtenu la permission de la division d’appel, la partie prestataire passe à l’appel proprement dit. À cette étape, la division d’appel décide si la division générale a commis une erreur. Si c’est le cas, la division d’appel décide ensuite de la façon de la corriger.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure lorsqu’elle a omis de demander à l’employeur de la prestataire d’être témoin?

[10] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de procédure lorsqu’elle a omis de demander à son employeur et à ces anciens collègues de se présenter comme témoins. Surtout étant donné que la division générale a envisagé d’ajouter son employeur comme partie mise en cause. La prestataire affirme qu’ils étaient des témoins importants. La prestataire affirme qu’ils auraient été en mesure de fournir des éléments de preuve portant sur le contexte de sa prétendue démission.

[11] Elle prétend également que son employeur et ses collègues possèdent des documents, dont des messages textes. La prestataire dit qu’ils auraient dû être contraints à déposer ces éléments de preuve.

[12] La prestataire dit que les éléments de preuve de son employeur et de ses collègues étaient importants pour répondre à certaines informations contradictoires. La prestataire dit que certains éléments de preuve des témoins auraient confirmé ses déclarations. Certains éléments n’auraient peut-être pas appuyé la prestataire, mais elle dit que la division générale aurait été en mesure d’évaluer le comportement et la crédibilité des témoins. Elle dit que la membre aurait alors été en mesure de décider quels éléments de preuve étaient plus crédibles. 

[13] Si l’employeur et les collègues de la prestataire avaient témoigné, la prestataire estime que la division générale aurait ultimement décidé que sa preuve était plus fiable. Elle soutient que la membre aurait ensuite accepté sa version de ce qui s’est passé.

[14] Je ne suis pas convaincue que la cause de la prestataire soit défendable sur ce point. Il incombe à la partie de prouver son cas. Il incombe à cette partie de produire tous les éléments de preuve dont elle pense avoir besoin pour étayer et prouver son cas. Cela signifie qu’elle doit rassembler tous les documents dont elle a besoin et demander aux témoins qui peuvent l’aider d’assister à l’audience. Il est peu probable que l’employeur de la prestataire aurait répondu à une demande de la prestataire. Il incombe à la partie qui veut les témoins de les convoquer.

[15] La prestataire laisse entendre que le Tribunal de la sécurité sociale devait téléphoner aux témoins, car il a le pouvoir de mettre en cause une partie. 

[16] Dans cette affaire, le Tribunal a envisagé de mettre en cause l’employeur. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeurNote de bas de page 4. Le Tribunal a écrit qu’il aurait pu mettre en cause l’employeur dans le présent appel. Mais, l’employeur doit montrer que l’appel l’intéressait directement.

[17] Le Tribunal a également écrit que si l’employeur ne veut pas être mis en cause, il n’y a plus rien à faire. L’employeur peut simplement ignorer la lettre du Tribunal. L’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[18] Le Tribunal peut mettre en cause toute personne dans l’instanceNote de bas de page 5. Toutefois, le Tribunal ne le fait que si la décision intéresse directement cette personne. Être une partie dans l’instance ne signifie pas qu’on est témoin. Les témoins n’ont pas besoin d’être des parties dans l’instance.

[19] Bien que le Tribunal ait le pouvoir d’ajouter une personne comme partie mise en cause, cela n’habilite pas le Tribunal ni la division générale à contraindre des témoins à comparaître. La division générale n’a ni le pouvoir, ni le devoir, ni l’obligation d’identifier et de contraindre des témoins au nom d’une partie à la procédure.

[20] Étant donné son rôle de décideur, la division générale doit être entièrement indépendante et impartiale. Par conséquent, elle doit garder une certaine distance des parties. Elle ne peut pas décider qui appeler comme témoin au nom de l’une des parties. Il incombe aux parties de faire cela.

[21] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure lorsqu’elle a omis de demander à l’employeur et aux collègues de la prestataire d’être témoins.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait?

[22] La prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait. Elle prétend que si la division générale n’avait pas commis ces erreurs, elle aurait accepté qu’elle n’avait pas volontairement quitté son emploi.

[23] La prestataire soutient notamment que la division générale a commis des erreurs lorsqu’elle a décidé ce qui suit :

  • Elle a injurié son employeur et son épouse en criant contre eux;
  • Elle avait un motif caché pour avoir démissionné;
  • Elle a quitté son emploi;
  • Elle a dit qu’elle a démissionné en raison de la COVID-19 ou parce que son employeur s’en est pris à elle.

[24] La prestataire dément toutes les conclusions ci-dessus. Elle dit qu’elle a toujours eu l’intention de retourner au travail. Elle nie avoir eu un motif caché pour avoir démissionné. Elle nie également avoir démissionné et avoir dit qu’elle a démissionné, quelle que soit la raison prétendue : la COVID-19 ou le comportement de son employeur. Elle nie également qu’elle a crié contre son employeur.

[25] Étant donné les raisons énoncées ci-dessous, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale ait commis ces erreurs de fait.

Allégation qu’elle a juré et crié

[26] La prestataire affirme qu’elle n’a jamais injurié l’employeur ni crié contre lui.

[27] La division générale a indiqué que la partie défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a pris des notes pendant un appel téléphonique avec l’employeur de la prestataire. La division générale a signalé que le gestionnaire de la prestataire a dit qu’elle l’a injurié, lui et son épouse. Le gestionnaire se souvenait que la prestataire était [traduction] « fâchée, elle jurait, et elle disait qu’elle démissionnaitNote de bas de page 6 ».

[28] La division générale semble avoir accepté la version des faits de l’employeur. La division générale a conclu que la prestataire a continué à envoyer des messages textes antagoniques à l’employeurNote de bas de page 7.

[29] Toutefois, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le fait que la prestataire a envoyé des messages textes inappropriés ou antagoniques à l’employeur. La division générale ne devait pas se fier à ces faits afin de décider si la prestataire a démissionné. Tout juron allégué a eu lieu après que la prestataire a rédigé le message texte indiquant qu’elle démissionnait. Autrement dit, le fait de jurer n’avait rien à voir avec la question de savoir si la prestataire avait quitté son emploi.

[30] Comme je l’ai indiqué plus haut, pour qu’il y ait une erreur de fait qui justifie d’accorder la permission d’en appeler, il doit s’agir d’une erreur sur laquelle la division générale a fondé sa décision. Donc, si la division générale n’a pas fondé sa décision sur le fait que la prestataire a injurié son employeur, alors il n’y a pas de cause défendable.

[31] Si le comportement qui lui a été reproché était pertinent et que la division générale avait fondé sa décision dessus, il y a certains éléments de preuve qui appuieraient cette conclusion.

[32] Dans les notes téléphoniques d’une conversation avec l’employeur le 30 novembre 2021, la Commission a noté qu’il y avait eu une [traduction] « conversation animée » entre la prestataire et l’employeurNote de bas de page 8.

[33] De plus, lors d’une conversation téléphonique ultérieure avec l’employeur, le 26 janvier 2022, la Commission a noté ce qui suit [traduction] :

Il a dit que tout ce qu’il lui avait dit, c’était de ne pas aller à L—, car elle avait la COVID-19. Par la suite, elle a téléphoné à son épouse et lui, et a commencé à les injurier et leur a envoyé le message texte disant qu’elle démissionnait. Il lui a demandé d’y réfléchir (à sa décision de démissionner). Elle a téléphoné encore par la suite, mais l’employeur ne se souvient pas qu’elle ait dit qu’elle ne démissionnait pas (elle était simplement en colère et voulait revenir). Tout ce dont il se souvient, c’est qu’elle leur a téléphoné et qu’elle les a injuriés (en les appelant, entre autres, des [traduction] « trous de *** ») et qu’elle a démissionnéNote de bas de page 9. 

[34] Ailleurs, dans ses notes, l’agent a écrit que la prestataire a téléphoné quelques fois au gestionnaire entre les envois de messages textes [traduction] « pour crier et l’injurierNote de bas de page 10 ».

[35] La division générale avait droit d’accepter les déclarations de l’employeur à la Commission, même si elles contredisaient la preuve de la prestataire. La membre a expliqué comment elle a tiré ses conclusions et pourquoi elle préférait les déclarations de l’employeur.

[36] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait lorsqu’elle a décrit les conversations téléphoniques entre la prestataire et son employeur.

Un motif caché pour avoir démissionné

[37] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle avait un motif caché pour avoir démissionné.

[38] Je ne vois pas ce qui laisserait entendre dans la décision de la division générale que la membre estimait que la prestataire avait un motif caché pour avoir démissionné. Je ne suis pas convaincue que la cause de la prestataire soit défendable sur ce point.

Démission

[39] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’elle a quitté son emploi.

[40] Je ne suis pas convaincue que la cause de la prestataire soit défendable sur ce point. La prestataire a même avoué dans sa Demande à la division d’appel qu’elle a envoyé à son employeur un message texte lui disant qu’elle démissionnait.

[41] La prestataire déclare qu’il ne fallait pas la prendre au sérieux, elle n’avait jamais l’intention de démissionner. En effet, elle a communiqué avec son gestionnaire après avoir reçu sa réponse à son message disant qu’elle démissionnait. Elle prétend qu’il lui a dit de réfléchir à sa décision, et elle dit qu’elle lui a téléphoné pour lui dire qu’elle ne démissionnait pas. La prestataire me demande de conclure que la dispute montre qu’elle ne voulait pas vraiment démissionner.

[42] La prestataire a écrit :

[Elle] a envoyé un message texte disant qu’elle démissionnait, mais [N. D., le gestionnaire] lui a donné deux jours pour y réfléchir, tel qu’on le voit dans le message. [Elle] lui a téléphoné quelques secondes plus tard pour dire à N. [qu’elle ne] démissionnait [pas]Note de bas de page 11.

[43] Bien que la prestataire ait finalement décidé de ne pas quitter son emploi, elle avait déjà écrit à l’employeur pour dire qu’elle quittait son emploi. La division générale avait donc le droit d’accepter que la prestataire démissionne, même si elle a changé d’avis par la suite.

[44] Je ne suis pas convaincue que la cause de la prestataire soit défendable sur ce point.

Démissionner en raison de la COVID-19 ou parce que son employeur s’en est pris à elle

[45] La prestataire nie avoir quitté son emploi. Elle nie également avoir dit qu’elle a démissionné en raison de la COVID-19 ou parce que son employeur s’en prenait à elle. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle avait fait ces déclarations. C’est important parce que, si elle n’a pas démissionné, elle n’a pas à prouver que son départ était fondé.

Démissionner en raison de la COVID-19

[46] La prestataire nie avoir déclaré qu’elle démissionnait en raison de la COVID-19. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle a démissionné en raison de la COVID-19Note de bas de page 12.

[47] En fait, la preuve montre que la prestataire a déclaré qu’elle démissionnait parce qu’elle était malade à cause de la COVID-19. Dans son avis d’appel à la division générale, la prestataire a écrit ce qui suit [traduction] : « Je suis partie parce que j’étais malade à cause de la COVID-19Note de bas de page 13 ».

Démissionner parce que son employeur s’en est pris à elle

[48] La prestataire nie avoir déclaré avoir démissionné parce qu’elle avait l’impression que son employeur s’en prenait à elle. Elle affirme donc que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle avait démissionné parce qu’elle avait l’impression que son employeur s’en prenait à elleNote de bas de page 14.

[49] La preuve donne à penser que la prestataire avait l’impression que son employeur s’en prenait à elle. La prestataire a échangé les messages textes suivants avec son employeur [traduction] :

Prestataire : Pourquoi.

Employeur : On a fait nettoyer la L— et j’ai entendu dire que tu étais là aujourd’hui. S’il te plaît, reste en dehors jusqu’à ce qu’on ouvre à nouveau. Merci.

Prestataire : Par prudence.

Employeur : Oui, par prudence. On veut s’assurer que tu vas bien. On pensait à toi autant qu’aux clients. N.

Prestataire : Pourquoi tu me laisses pas tranquille.

Employeur : Quand tu as la covid, tu dois rester à la maison…

Prestataire : Je ne reviens pas trouve quelqu’un d’autre t’es vraiment impoli.
Dis ce que tu veux et coupe les ponts.
Je démissionne.

Employeur : S’il te plaît, réfléchis avant de prendre ta décision.

Prestataire : Tu t’en prends à moi depuis que je suis malade. J’ai fait ça quand ta sœur est décédée? Non.
T’es du côté de S. et O.
Quand je quitterai A. viendra avec moi.
Personne n’est resté à cette L—, ils ont quitté en mauvais termesNote de bas de page 15.

[50] Lors de l’audience de la division générale, la prestataire a déclaré qu’elle avait contacté son gestionnaire N. Elle lui a demandé pourquoi il lui envoyait des messages textes et lui téléphonait alors qu’elle était si malade. Elle lui a également demandé pourquoi il s’énervait autant contre elle simplement parce qu’elle s’était rendue sur le lieu de travail. Elle pense que son gestionnaire aurait pu attendre qu’elle aille mieux avant de la contacter. Elle a noté que N. lui avait téléphoné et qu’elle était [traduction] « furieuseNote de bas de page 16 ». Elle a déclaré qu’elle a démissionné sur une impulsion pour voir la réaction de son employeurNote de bas de page 17.

[51] Cette preuve appuie les conclusions de la division générale. Autrement dit, les conclusions de la division générale sont conformes à la preuve qui lui a été présentée. Par conséquent, j’estime que la prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait l’impression que son employeur la harcelait et qu’elle a donc démissionné sur une impulsion.

Conclusion

[52] La permission d’en appeler est refusée, car l’appel n’a pas une chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

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