Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 583

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (442465) datée du 17 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-347

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant (prestataire).

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé de prestations d’assurance-emploi le 1er septembre 2021. Il demande maintenant que la demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 18 avril 2021. C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demandeNote de bas de page 2.

[5] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[6] Le prestataire affirme que selon son expérience en matière de prestations d’assurance-emploi, il était raisonnable pour lui de supposer qu’il n’était pas admissible.

[7] La Commission affirme que le prestataire aurait dû confirmer son hypothèse en vérifiant le site Web de Service Canada, en communiquant avec Service Canada ou en visitant un Centre Service Canada.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[8] J’ai accordé au prestataire du temps après l’audience pour déposer des documents à l’appui de son témoignage. Il a déposé les documents dans le délai imparti. Le Tribunal a communiqué les documents à la Commission. La Commission a disposé d’un délai pour examiner les documents et formuler des objections ou des arguments supplémentaires. Elle n’a fait ni l’un ni l’autre. J’accepte les documents supplémentaires comme preuve parce qu’ils se rapportent au témoignage du prestataire, et la Commission ne subit aucun préjudice du fait que je les accepte.

Question en litige

[9] La demande initiale de prestations du prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 18 avril 2021?

Analyse

[10] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantes :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi;
  2. b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 3.

[11] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si le prestataire avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[12] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[13] Le prestataire doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 5. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard du prestataire est du 1er septembre 2021 au 18 avril 2021Note de bas de page 6.

[14] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 7. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 8.

[15] Le prestataire doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

Ce que le prestataire affirme

[16] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable pour son retard pour les raisons suivantes :

  • Il croyait qu’il ne serait pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait travaillé moins d’heures en 2020 et 2021 qu’en 2011 et 2012. Lorsqu’il a fait sa demande en 2011 et 2012, il n’avait pas assez d’heures pour être admissible aux prestations. Il a supposé qu’il en serait de même en 2021.
  • Il a dû étudier de manière intensive dans le cadre d’un examen de synthèse du 21 mai 2021 au 21 juin 2021. Il n’avait pas prévu de passer l’examen à ce moment-là. Il s’est senti malade vers la fin de sa préparation à l’examen.
  • Il se passait également d’autres choses qui avaient une incidence sur son état psychologique. Il travaillait et faisait des recherches, et avait des contacts avec son professeur, d’autres départements, sa famille et son propriétaire. Il avait besoin de temps pour réfléchir à tout cela et retrouver sa motivation après avoir fait l’objet d’intimidation et de harcèlement.
  • Il a demandé des prestations dès qu’il a été en mesure de le faire. Il a eu du mal à trouver la motivation, mais il a fait sa demande, même s’il pensait ne pas être admissible.
  • Il a expliqué que, malgré ce qui se passait, s’il avait su qu’il était admissible à des prestations d’assurance-emploi, il en aurait fait la demande plus tôtNote de bas de page 9.
  • Il n’a pas grandi au Canada et ne connaît donc pas bien ses droitsNote de bas de page 10.

[17] Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas communiqué avec Service Canada pour savoir s’il était admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. Il a déclaré avoir communiqué avec l’Agence du revenu du Canada au sujet de la prestation canadienne d’urgence et de la prestation canadienne de la relance économique. Il a fourni des preuves concernant les demandes de prestation canadienne d’urgence présentées entre le 15 mars 2020 et le 1er août 2020Note de bas de page 12. Il dit qu’il était au courant de la prestation canadienne d’urgence, de la prestation canadienne de la relance économique et des prestations de l’assurance-emploi. Il a fourni des preuves de captures d’écran montrant qu’il a regardé les informations relatives aux demandes d’assurance-emploi le 7 septembre 2021 (après la période en question), et les informations concernant la prestation canadienne d’urgence et la prestation canadienne de la relance économique en décembre 2020 (avant la période en question)Note de bas de page 13.

Ce que la Commission affirme

[18] La Commission soutient que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Elle affirme ce qui suit :

  • Le prestataire n’a pas cherché à savoir s’il était admissible à des prestations. Il aurait dû confirmer son hypothèse d’inadmissibilité aux prestations en consultant plus tôt le site Web de Service Canada, en communiquant avec Service Canada ou en se rendant à son Centre Service Canada local.
  • Il n’aurait pas dû supposer qu’il n’était pas admissible sur la base d’une demande faite près de dix ans plus tôt sans vérifier si les conditions d’admissibilité ou les règles relatives aux prestations avaient changé.
  • Il n’y a aucune preuve selon laquelle le prestataire a été privé de la possibilité de se renseigner ou de faire une demande plus tôt qu’il ne l’a fait.
  • Pendant la période de retard, le prestataire s’est préparé à un examen qu’il a ensuite effectué, et a communiqué (ou tenté de communiquer) avec divers départements, y compris deux bureaux d’ombudsman.
  • Comme le prestataire n’a pas été privé de faire ces choses, il aurait pu se renseigner sur son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi ou présenter une demande plus tôt.
  • Aucune preuve médicale ne démontre qu’il était médicalement incapable de se renseigner sur les prestations ou de présenter une demande de prestations.
  • Les expériences du prestataire avec ses anciens employeurs ne sont pas pertinentes quant à son retard à demander des prestations.

Ce que je constate

[19] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.

[20] Premièrement, le prestataire ne s’est pas conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pour s’informer de ses droits et obligations.

[21] Depuis 2020, il est bien connu que de nombreux changements ont été apportés aux prestations offertes aux Canadiennes et aux Canadiens. La preuve montre que le prestataire était au courant de la prestation canadienne de la relance économique et la prestation canadienne d’urgence. Il savait ce qu’étaient les prestations d’assurance-emploi, car il en avait déjà fait la demande et en avait même reçu par le passé.

[22] Dans ces circonstances, une personne raisonnable et prudente :

  • n’aurait pas compté sur son expérience passée depuis longtemps pour déterminer son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi;
  • aurait communiqué avec Service Canada (par téléphone ou en personne) ou aurait consulté Internet pour savoir comment faire une demande de prestations d’assurance-emploi.

[23] Il ne suffit pas que le prestataire ait communiqué avec l’Agence canadienne du revenu ou qu’il se soit fié aux renseignements fournis par son employeur (ou son syndicat), car le programme d’assurance-emploi est administré par Service Canada, et non par l’Agence canadienne du revenu ou son employeur (ou son syndicat).

[24] Le fait qu’il pensait qu’il ne serait pas admissible n’est pas suffisant. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé que l’ignorance de la loi, même de bonne foi, ne suffit pas pour établir un motif valableNote de bas de page 14.

[25] Deuxièmement, j’estime que le prestataire n’a pas fait de démarches rapides pour se renseigner sur les prestations d’assurance-emploi. Cela est dû au fait qu’il n’a pas fait de demande de renseignements auprès de Service Canada jusqu’à ce qu’il fasse une demande de prestations d’assurance-emploi. Le fait d’examiner les informations de son employeur (ou de son syndicat) concernant la prestation canadienne de la relance économique ou la prestation canadienne d’urgence ne satisfait pas à ce critère.

[26] Le prestataire dit qu’étant donné tout ce qui se passait, il ne pouvait pas envisager de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il dit avoir fait sa demande dès qu’il a été en mesure de le faire. Toutefois, lorsque les gens demandent des prestations d’assurance-emploi, ils se trouvent souvent dans des situations difficiles, le fait d’être au chômage ne représentant souvent qu’une petite partie de leurs difficultés. De telles circonstances ne sont pas exceptionnelles et ne suppriment pas l’obligation d’agir rapidement.

[27] Pour ces raisons, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans sa demande de prestations.

[28] Je n’ai pas besoin d’examiner si le prestataire remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. Puisqu’il n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[29] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[30] L’appel est rejeté.

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