Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 489

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. Y.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (460569) datée du 10 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
 
Date de la décision : Le 26 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-1139

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Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire.

[2] Le prestataire n’était pas disponible pour travailler du 21 janvier 2021 au 17 novembre 2021 parce qu’il était en détention.

[3] L’exception pour toute personne qui « n’a pas été déclarée coupable » de l’infraction pour laquelle elle était détenue est inapplicable dans son cas. Par conséquent, il est impossible de prolonger sa période de prestations au-delà des 52 semaines normales.

Aperçu

[4] Le prestataire a été détenu au Canada du 21 janvier 2021 au 7 octobre 2021, en attendant son extradition aux États-Unis. Après son transfert en détention aux États-Unis, il a accepté de plaider coupable à un des chefs d’accusation contre lui en échange du temps de détention déjà passé. Il a été libéré le 17 novembre 2021 et est revenu au Canada.

[5] Le prestataire a fait une demande de prestations le 18 novembre 2021. Le Tribunal de la sécurité sociale a accepté d’antidater sa demande au 31 janvier 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations du 31 janvier 2021 au 17 novembre 2021, car il n’était pas disponible pour travailler lors de sa détention.

[6] La Commission a versé au prestataire 11 semaines de prestations, de la semaine du 14 novembre 2021 jusqu’à la fin de la période de prestations, soit le 29 janvier 2022. Cependant, le prestataire veut recevoir 45 semaines de prestations.

[7] Il est d’accord sur le fait qu’il n’était pas disponible pour travailler. Il soutient tout de même que sa période de prestations doit être prolongée. Il affirme que sa détention en attendant son extradition ne découlait pas d’une infraction au Code criminel et qu’il n’a pas de casier judiciaire ici. Il dit ne pas avoir été déclaré coupable aux États-Unis; il a seulement plaidé coupable pour éviter un procès.

[8] La Commission déclare que la période de prestations du prestataire ne peut pas être prolongée, car il a plaidé coupable à un des chefs d’accusation pour lesquels il était détenu en attendant son extradition. Voilà pourquoi la Commission soutient que l’expression « n’a pas été déclaré coupable » est inapplicable dans son cas.

Questions que je dois trancher

[9] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant qu’il était détenu?

[10] Le prestataire remplit-il les conditions pour que sa période de prestations soit prolongée?

Documents présentés après l’audience

[11] Après l’audience, le prestataire a fourni de l’information que j’ai acceptée comme étant pertinente au présent appel. J’ai transmis cette information à la Commission qui n’a formulé aucun commentaire additionnel.

Analyse

1. Disponibilité pour le travail

[12] Pour toucher des prestations régulières d’assurance-emploi, une personne doit démontrer qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableFootnote 1. Elle doit prouver que sa disponibilité pour tout jour ouvrable de sa période de prestations est plus probable qu’improbable.

[13] Pour le prouver, le prestataire doit répondre aux trois critères suivants. Il doit démontrer :

  1. a) qu’il désirait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert;
  2. b) qu’il a exprimé ce désir par des efforts pour se trouver un emploi;
  3. c) qu’il n’avait aucune condition personnelle pouvant limiter excessivement ses chances de retourner sur le marché du travailFootnote 2.

Le prestataire n’était pas disponible pour travailler

[14] J’estime que le prestataire ne répondait pas aux critères ci-dessus lorsqu’il était détenu pendant sa période de prestations. Jusqu’à sa remise en liberté, il avait une condition personnelle qui limitait excessivement ses chances de retourner sur le marché du travail.

[15] Le prestataire ne soutient plus qu’il était disponible pour travailler. Dans ce cas, je n’ai pas à pousser davantage l’analyse de la disponibilité.

2. Prolongation de la période de prestations

[16] La loi établit la durée de la période de prestations et les conditions à satisfaire pour qu’elle soit prolongée.

[17] La durée d’une période de prestations est de 52 semaines à moins qu’une personne réponde à une des conditions permettant d’obtenir une prolongationFootnote 3. La période de prestations se termine soit à la fin des 52 semaines soit lorsque les prestations ont été versées pour le nombre maximal de semaines prévu, selon ce qui arrive en premierFootnote 4. La période de prestations peut prendre fin même si une personne n’a pas reçu toutes ses prestations.

[18] Parfois, il se peut qu’une période de prestations soit prolongée si une personne n’a pas touché ses prestations, en tout ou en partie, pour une des raisons établies dans la loiFootnote 5.

[19] À titre d’exemple, une période de prestations peut être prolongée du nombre de semaines qu’une personne était « détenu[e] dans une prison, un pénitencier ou un autre établissement semblable », seulement si elle « n’a pas été déclaré[e] coupable de l’infraction pour laquelle [elle] était détenu[e] ni de toute autre infraction se rapportant à la même affaire »Footnote 6.

Que dit le prestataire?

[20] Le prestataire dit avoir été arrêté et détenu au Canada du 13 janvier 2021 au 7 octobre 2021 en attendant son extradition aux États-Unis.

[21] Le prestataire explique que l’arrêté d’extradition comportait trois chefs d’accusation aux États-Unis, dont un de blanchiment d’argent international. Il n’a pas fourni de preuve des chefs d’accusation ni de son plaidoyer de culpabilité. Par conséquent, je fonde ma décision sur ses propos entourant les chefs d’accusation et les paramètres de son plaidoyer de culpabilité.

[22] Le prestataire affirme que son transfert aux États-Unis a été retardé à cause des restrictions liées à la COVID-19 et de sa propre infection à la maladie. Dans l’information que le prestataire a fournie après l’audience, il mentionne que la contestation de son extradition a aussi pris du temps. Le 7 octobre 2021, le prestataire a été transféré à un centre de détention aux États-Unis. Il soutient qu’à son départ du Canada, [traduction] « aucun chef d’accusation contre lui n’était prouvé ou en suspens ».

[23] Le prestataire dit avoir plaidé coupable à un des chefs d’accusation contre lui dans le cadre d’une négociation de plaidoyer. En retour, on lui a accordé de troquer une peine d’emprisonnement contre le temps déjà passé en détention et de faire tomber les autres chefs d’accusation. Le 17 novembre 2021, les autorités des États-Unis l’ont laissé revenir au Canada.

[24] Le prestataire avance qu’il a plaidé coupable à une accusation [traduction] d’« exportation sans permis » et qu’il ne s’agit pas d’une infraction au Code criminel. À son audience, le prestataire a expliqué qu’il a été arrêté pour avoir exporté, à partir des États-Unis, des produits contrôlés (électriques et électroniques) sans permis vers un pays où les sanctions des États-Unis s’appliquent.

[25] Le prestataire soutient qu’il n’a pas été déclaré coupable; il a seulement plaidé coupable à un des chefs d’accusation pour éviter la longue attente d’un procès et lui permettre de revenir au Canada. Il mentionne ne pas avoir de casier judiciaire ici. Il avance que le chef d’accusation auquel il a plaidé coupable n’est pas une infraction au Code criminel, bien qu’elle le soit aux États-Unis. C’est pourquoi il défend qu’il devrait avoir droit à une prolongation de sa période de prestations pour le temps où il était détenu avant son extradition concernant le chef d’accusation en question.

Que dit la Commission?

[26] Selon la Commission, les dispositions entourant la prolongation de la période de prestations ne précisent pas que l’infraction d’une personne détenue doit relever du Code criminel.De plus, l’infraction n’a pas à entraîner un casier judiciaire au Canada. La Commission soutient aussi qu’un plaidoyer de culpabilité ne signifie pas que la personne a été jugée non coupable.

Le prestataire ne remplit pas les conditions pour une prolongation de la période de prestations

[27] J’estime que le prestataire ne répondait pas aux conditions nécessaires pour obtenir une prolongation de sa période de prestations. Les dispositions en la matière sont claires. Je suis d’accord avec la Commission sur le fait que les paragraphes suivants n’indiquent pas que l’infraction doit être un crime au Canada ou mener à un casier judiciaire au pays.

[28] Le prestataire a été incarcéré dans un centre de détention pendant sa période de prestations, ce que l’on peut qualifier comme « une prison, un pénitencier ou un autre établissement semblable »Footnote 7. Il était « détenu », ce qui signifie une détention continue sans libération conditionnelle pour le travail ou autre raison.

[29] De plus, le prestataire ne peut pas dire qu’il « n’a pas été déclaré coupable » des chefs d’accusation pour lesquels il était détenu, puisqu’il a plaidé coupable à l’un d’eux. Son plaidoyer de culpabilité signifie qu’il a reconnu sa culpabilité à l’un des chefs d’accusation.

[30] Le prestataire avance qu’il n’a pas été déclaré coupable des chefs d’accusation plus sérieux qui pesaient contre lui; ils ont été abandonnés dans le cadre d’une négociation de plaidoyer. Toutefois, la loi précise « toute autre infraction se rapportant à la même affaire ». Essentiellement, cela revient à dire que, peu importe le chef d’accusation pour lequel le prestataire était détenu, s’il a été déclaré coupable (ou a plaidé coupable), il ne remplit pas les conditions pour une prolongation de la période de prestations.

Conclusion

[31] Le prestataire était inadmissible aux prestations lors de sa détention parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[32] La période de prestations du prestataire ne peut pas être prolongée. L’exception pour les personnes qui n’ont pas été déclarées coupables de l’infraction pour laquelle elles étaient détenues est inapplicable dans son cas.

[33] Dans les circonstances, je rejette l’appel du prestataire.

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