Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 214

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (441473) rendue le 2 décembre 2021 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-79

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] J. S., la prestataire, travaille à temps partiel comme chauffeuse d’autobus scolaire. Le 28 septembre 2021, elle a demandé des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle ne pouvait plus faire autant d’heures additionnelles. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 19 septembre 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler et qu’elle se limitait à un emploi au conseil scolaire pour lequel elle travaillait habituellement. Pour recevoir des prestations régulières, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que les prestataires cherchent un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler.

[5] Selon la Commission, la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle limitait ses recherches à un emploi à temps plein au conseil scolaire où elle travaillait déjà ou à un emploi à temps partiel en dehors de son horaire de chauffeuse d’autobus.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et déclare qu’elle a toujours été disponible pour travailler à temps plein, mais qu’elle ne devrait pas avoir à accepter quelque chose qui ne lui fournirait pas les mêmes avantages sociaux que le conseil scolaire. Si elle pouvait trouver un emploi à temps plein offrant des avantages équivalents ou supérieurs, elle quitterait son emploi à temps partiel.

Question en litige

[7] La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[10] En deuxième lieu, la Loi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[12] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour vérifier si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[13] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, il faut que la prestataire ait continué à chercher un emploi convenable.

[14] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 6 :

  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emploi en ligne ou auprès d’agences de placement;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • présenter des demandes d’emploi.

[15] La Commission affirme que la prestataire n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. La Commission lui a demandé de décrire ses démarches de recherche d’emploi et elle a seulement dit qu’elle vérifiait le site Guichet-Emplois.

[16] La Commission ajoute que l’information sur le marché du travail montre que des possibilités d’emploi s’offraient à la prestataire, mais que les conditions personnelles qu’elle s’imposait rendaient ces possibilités nulles. La Commission dit que la prestataire limitait ses recherches à son employeur actuel et qu’elle était satisfaite de son emploi à temps partiel. La prestataire n’a pas démontré qu’elle cherchait un autre travail que son emploi actuel.

[17] La prestataire n’est pas d’accord. Elle cherchait un emploi ailleurs qu’au conseil scolaire, mais elle ne voulait pas laisser tomber l’emploi de chauffeuse d’autobus et perdre les avantages sociaux qu’il lui procurait. Selon la prestataire, ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’elle était disponible pour travailler.

[18] Je juge que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[19] La prestataire n’a pas consigné les détails de ses recherches d’emploi. Elle a mentionné à la Commission qu’elle remplaçait les secrétaires dans les écoles du conseil scolaire durant leur congé de maladie. Elle aurait aussi fait plus d’heures comme chauffeuse d’autobus scolaire s’il y en avait eu. Je ne considère pas que ce sont là des preuves de ses activités de recherche d’emploi, car la prestataire attendait d’être rappelée par son employeur actuel. Elle n’essayait pas activement de trouver un emploi.

[20] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle cherchait des emplois partout dans la péninsule et ailleurs qu’au conseil scolaire. Elle vérifiait notamment les sites d’emplois pour la région et communiquait avec son syndicat chaque semaine. Son curriculum vitae était prêt et elle discutait avec des employeuses et employeurs susceptibles de chercher du personnel. Elle vérifiait les emplois dans le secteur de la vente au détail qui se trouvaient plus loin de chez elle. Elle a communiqué avec le Tim Hortons près de chez elle, le kiosque de loterie du centre commercial et un restaurant du coin. Toutefois, elle ne dit pas qu’elle a effectivement posé sa candidature pour des emplois vacants.

[21] Je juge que le témoignage de la prestataire est crédible parce que ce qu’elle m’a raconté correspond à ce qu’elle avait déjà dit à la Commission. J’ai pu lui poser des questions sur ses déclarations et elle y a répondu de façon claire et directe.

[22] La prestataire affirme qu’elle cherchait un emploi à temps plein qui était équivalent ou supérieur à l’emploi à temps partiel qu’elle occupait déjà. Le problème, c’est que je ne vois aucune preuve de ce qu’elle avance. Les quelques demandes de renseignements dont elle parle visaient des postes qui pourraient venir s’ajouter à son emploi à temps partiel.

[23] La prestataire a aussi déclaré que personne n’embauche. Cette affirmation aurait pu être confirmée si elle avait montré qu’elle a communiqué avec bon nombre d’employeuses et d’employeurs depuis septembre 2021. Ce que je constate, c’est qu’elle a seulement mentionné avoir fait trois ou quatre demandes de renseignements sur des emplois et s’être informée des emplois à temps partiel qui pourraient s’adapter à son horaire de chauffeuse d’autobus. Cela ne montre pas qu’elle a cherché un autre emploi, sans pouvoir en trouver un.

[24] Malheureusement, je conclus qu’elle n’a pas prouvé que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[25] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 7 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[26] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 8.

Désir de retourner au travail

[27] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible.

[28] Je remarque que la prestataire n’a jamais cessé complètement de travailler. Elle a demandé des prestations parce que la pandémie de COVID-19 a réduit le nombre d’heures de travail qu’elle pouvait obtenir au conseil scolaire. Avant la pandémie, elle pouvait accumuler plus d’heures en conduisant l’autobus lors de sorties scolaires, mais cela n’était plus possible.

[29] La prestataire a aussi expliqué qu’elle avait obtenu son permis de conduire pour autobus dans le but d’avoir un emploi au conseil scolaire. Au départ, elle voulait occuper un poste de secrétaire dans une école et elle remplaçait les secrétaires pendant leurs absences. Étant donné le manque de poste permanent, elle a commencé à conduire un autobus pour pouvoir conserver ses avantages sociaux et pour être sur la liste de candidates lorsqu’un poste de secrétaire deviendrait disponible.

[30] Je juge que les gestes de la prestataire montrent qu’elle n’a pas arrêté de travailler, mais qu’elle a simplement subi une réduction de ses heures en raison de la pandémie. Elle était toujours déterminée à travailler et elle aurait fait plus d’heures si elle en avait eu la possibilité. Elle s’était fixé des objectifs à long terme pour sa carrière et elle faisait les choix qui, selon elle, allaient la rapprocher de ces objectifs.

Faire des efforts pour trouver un emploi convenable

[31] La prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[32] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut. La liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 9.

[33] Les démarches que la prestataire a faites pour trouver un nouvel emploi consistaient notamment à discuter avec des employeuses et employeurs d’un travail à temps partiel en dehors de son horaire actuel, à parcourir les sites d’emplois et à essayer de faire plus d’heures auprès de son employeur actuel. C’est ce que j’ai expliqué plus haut, lorsque j’ai vérifié si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnables.

[34] De tels efforts n’étaient pas suffisants pour répondre aux exigences de ce deuxième élément, car la preuve montre qu’elle cherchait uniquement des emplois à temps partiel qui pourraient venir se greffer à son emploi actuel. Elle n’a pas démontré qu’elle cherchait un emploi à temps plein qui pouvait égaler ce qu’elle gagnait en conduisant un autobus à temps partiel.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[35] La prestataire a bel et bien établi des conditions personnelles qui ont peut-être trop limité ses chances de retourner au travail.

[36] La prestataire affirme que ce n’est pas ce qu’elle a fait, car elle cherchait un emploi qui lui permettrait de combler ses heures de sorte qu’elle travaillerait à temps plein tout en conservant son emploi de chauffeuse d’autobus à temps partiel. Elle soutient qu’elle ne devrait pas avoir à quitter un emploi syndiqué avec une pension et des avantages sociaux pour accepter un autre emploi à temps plein.

[37] Selon la Commission, la prestataire a limité sa disponibilité pour un autre emploi en excluant les heures normales de travail, c’est-à-dire de 9 h à 16 h la semaine. La prestataire s’impose également des restrictions pour avoir un salaire acceptable et des avantages sociaux obligatoires, ce qui réduit les possibilités d’emplois.

[38] Je ne crois pas que la prestataire limitait ses recherches à des emplois au conseil scolaire où elle travaillait déjà. Je constate cependant qu’elle cherchait seulement des emplois à temps partiel qui pouvaient venir s’ajouter à son emploi à temps partiel ou qui lui offriraient des conditions équivalentes ou meilleures que son emploi actuel.

[39] La prestataire affirme qu’elle était disponible pour un emploi à temps plein et qu’elle aurait quitté son poste au conseil scolaire pour un emploi à temps plein lui offrant des conditions de travail semblables. Toutefois, d’après son témoignage, je ne vois rien qui montre qu’elle cherchait effectivement un tel emploi.

[40] La prestataire a dit avoir parlé à des employeuses et employeurs à propos de possibilités d’emploi. Elle affirme que personne n’avait la possibilité de s’adapter à ses heures. Cela montre qu’elle tenait à garder son emploi à temps partiel.

[41] Elle fait aussi valoir qu’elle ne devrait pas être obligée d’accepter un emploi à temps plein qui offre des conditions moins avantageuses que son emploi actuel. C’est vrai, mais la preuve ne démontre pas qu’elle cherchait un emploi ou a posé sa candidature à des postes dont le salaire ou les avantages sociaux étaient comparables à son emploi actuel.

[42] Je comprends pourquoi la prestataire voulait conserver son emploi à temps partiel et rester membre de son syndicat. Elle croyait avoir bientôt la possibilité d’obtenir un emploi de secrétaire si elle continuait de travailler pour le conseil scolaire. Toutefois, pour remplir les conditions requises et recevoir prestations d’assurance-emploi, il faut démontrer qu’on est disponible pour travailler dès qu’un emploi convenable est disponible. Si la prestataire est déterminée à rester avec son employeur actuel pour une possibilité future, elle choisit de restreindre sa disponibilité à court terme. Cela l’empêchera de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Somme toute, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?

[43] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[44] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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