Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 612

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : J. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Melanie Allen (observations écrites seulement)

Décision portée en appel :

Décision de la division générale datée du 28 décembre 2021

(GE-21-2167)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 7 juillet 2022
Numéro de dossier : AD-22-39

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que l’appelante, J. N. (prestataire), avait volontairement quitté son emploi dans un restaurant-minute. La division générale a également conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Elle a jugé qu’elle avait d’autres solutions raisonnables. En conséquence, elle a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Puisqu’elle avait déjà reçu des prestations, l’exclusion a entraîné un trop-payé de prestations.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante. En particulier, elle soutient que la division générale a eu tort de décider que P. était seulement un collègue de travail plutôt qu’un superviseur. La prestataire soutient que la division générale a ensuite aggravé son erreur en négligeant d’établir s’il y avait des relations conflictuelles avec lui.

[4] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de fait en ce qui a trait à savoir si elle avait d’autres solutions raisonnables lorsqu’elle a quitté son emploi. Elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte de l’environnement de travail antagoniste qui rendait déraisonnable le fait de rester au travail ou de prendre un congé. Elle ajoute que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait cherché du travail avant de partir. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi et qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable.

[5] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission affirme qu’il n’y a pas de motifs d’appel. Elle demande donc à la division d’appel de rejeter l’appel de la prestataire.

Questions en litige

[6] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur importante lorsqu’elle a décidé que P. était le collègue de la prestataire plutôt qu’un superviseur?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur importante quant à savoir si la prestataire avait d’autres solutions raisonnables lorsqu’elle a quitté son emploi?

Analyse

[7] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La division générale a-t-elle commis une erreur importante lorsqu’elle a décidé que P. était le collègue de la prestataire plutôt qu’un superviseur?

[8] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur importante lorsqu’elle a décidé que P. était un collègue plutôt qu’un superviseur. Elle dit que si la division générale avait reconnu que P. était un superviseur, elle aurait accepté qu’elle avait des relations conflictuelles avec un superviseur. Elle dit qu’elle aurait dû aussi conclure qu’elle n’était pas la principale responsable de ces relations conflictuelles.

[9] Si P. avait effectivement été superviseur et que la prestataire avait eu des relations conflictuelles avec lui, dont elle n’était pas la principale responsable, la prestataire aurait pu être fondée à quitter son emploi au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Par contre, si P. n’était pas son superviseur et qu’il était simplement un collègue avec lequel la prestataire avait des relations conflictuelles, il est possible qu’elle n’ait pas été fondée à quitter son emploi.

Article 29c)(x) de la Loi sur l’assurance-emploi

[10] L’article 29c)(x) de la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire peut être fondée à quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre solution raisonnable s’il existait des relations conflictuelles avec une superviseure ou un superviseur, si la partie prestataire n’était pas la principale responsable des relations conflictuelles.

[11] Il ressort clairement de l’article de loi que les relations conflictuelles doivent être avec une superviseure ou un superviseur. Il ne doit pas nécessairement s’agir de la superviseure immédiate ou du superviseur immédiat de la partie prestataire. L’antagonisme n’a pas à être avec le superviseur direct de la prestataire. Dans la présente affaire, il suffirait de prendre en considération l’article 29c)(x) de la Loi sur l’assurance-emploi si la prestataire établissait que P. était un superviseur. Il n’était pas tenu d’être son superviseur immédiat.

Décision de la division générale

[12] Voici ce que la division générale a écrit :

Je reconnais que, pendant l’audience, la prestataire a présenté un témoignage incohérent lorsqu’elle a mentionné P. Au début, elle a insisté pour préciser que P. était un superviseur. Cependant, en poursuivant son témoignage, elle a parlé de P. comme d’un collègue.

J’ai tenu compte du fait que l’employeur désigne P. comme un collègue, ainsi que des incohérences dans le témoignage de la prestataire. Je ne suis pas convaincue que P. était le superviseur de la prestataire. Cela dit, même si c’était le cas, il faudrait quand même que la prestataire démontre qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 3.

[13] À première vue, la division générale ne semblait pas tirer de conclusions quant à savoir si P. était un superviseur, plutôt que s’il était le superviseur de la prestataire.

[14] Cependant, la division générale a conclu qu’en fin de compte, la nature de la relation entre P. et la prestataire n’était pas entièrement déterminante de l’issue. La division générale a conclu que la prestataire devait tout de même démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

Arguments de la prestataire

[15] La prestataire nie avoir déjà témoigné que P. était un collègue de travail. Elle dit que seul son employeur a fait référence à lui comme étant un collègue. Cependant, elle laisse entendre que les déclarations de son employeur ne sont pas fiables. Elle dit aussi qu’une personne qui ne travaillait pas avec P. a fourni de l’information et qu’elle connaissait peu la position de P. au restaurant.

[16] Les notes de conversations téléphoniques de la Commission montrent que la prestataire a fait référence à P. comme étant un employéNote de bas de page 4. La prestataire affirme que cela est inexact et qu’elle n’aurait jamais fait référence à P. comme étant un employé. Elle affirme l’avoir décrit comme un superviseur. En d’autres mots, elle affirme que la Commission a mal consigné la conversation téléphoniqueNote de bas de page 5. Toutefois, je n’ai pas à tenir compte de ce point, car la division générale n’a tiré aucune conclusion au sujet de cette déclaration. En effet, la division générale ne s’est pas fondée sur la déclaration pour tirer ses conclusions.

[17] La prestataire soutient qu’elle a toujours décrit P. comme étant son superviseur, de sorte que la division générale aurait dû accepter sa preuve. Elle dit que l’entreprise l’a présenté comme un superviseur. Son porte-nom l’identifiait également comme un superviseur. Elle reconnaît toutefois que cela ne figurait pas dans la preuve présentée à la division générale. Je ne peux pas tenir compte de cet élément de preuve, car en général, la division d’appel n’accepte pas de nouveaux éléments de preuve.

[18] Cependant, il est arrivé à plusieurs reprises au cours de l’audience à la division générale que la prestataire décrive P. comme étant un superviseur.

Examen de la preuve par la prestataire à la division générale

[19] La prestataire soutient que la division générale a commis une importante erreur de fait lorsqu’elle a conclu que son témoignage était incohérent lorsqu’elle a décrit P. Elle nie qu’elle l’ait déjà qualifié de collègue de travail.

[20] La prestataire affirme que, tout au long de l’audience devant la division générale, elle a fait référence à P. comme étant un superviseurNote de bas de page 6 :

  • 27 min 34 s – P. était l’un des superviseurs;
  • 28 min 9 s – elle travaillait pour P. et S., mais n’avait pas de véritable superviseur immédiat;
  • 28 min 40 s – son poste se rapportait aux deux superviseurs;
  • 41 min 33 s – quand elle a parlé directement à P., elle a dit [traduction] « et puisque vous êtes mon superviseur »;
  • 52 min 14 s – quand elle a parlé avec I., la gérante, et B., la propriétaire, elle a dit qu’il n’y avait pas d’excuse pour P. [traduction] « surtout qu’il était un superviseur »
  • 1 h 13 min 20 s – elle a confirmé auprès de la membre de la division générale qu’elle avait fait référence à P. comme étant un superviseur, et qu’il était au même niveau que S.;
  • 1 h 29 min 12 s – selon les notes d’une conversation téléphonique de la Commission, A. A. des Ressources humaines a dit que P. était un collègueNote de bas de page 7. La prestataire affirme que c’est l’une des choses qu’elle a soulignées, que P. était un superviseur. Il n’était pas son superviseur, mais en théorie, il aurait pu lui dire quoi faire. Il était [traduction] « responsable des tâches de supervision pendant son quart de travailNote de bas de page 8 ».

[21] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas de superviseur immédiat. Elle a également laissé entendre que P. n’était pas son superviseur, mais qu’en théorie il pouvait lui dire quoi faire. Pourtant, elle a aussi dit à P. [traduction] « puisque vous êtes mon superviseur ». Cette preuve a brouillé les lignes quant au rôle de supervision de P. à l’égard de la prestataire.

Autres éléments de preuve à la division générale

[22] La prestataire n’a pas fait référence à P. comme étant un collègue de travail à l’audience devant la division générale. La seule fois où elle lui a fait référence comme étant un collègue de travail est lorsqu’elle a abordé les observations de la CommissionNote de bas de page 9 à la division générale. La Commission a laissé entendre que la prestataire aurait pu discuter des problèmes qu’elle avait avec son collègue.

[23] La prestataire a également déclaré ce qui suit :

  • 30 min 15 s – elle [traduction] « a travaillé avec un autre employé qui se trouve être P. en fait, et une fois que j’ai commencé à travailler seule, c’est à ce moment que j’ai commencé à avoir des problèmes avec P. […] Il était en quelque sorte un employé à tout faire, étant donné qu’il était un superviseur. Je suppose que c’était en quelque sorte l’exigence. »
  • 34 min 11 s – [traduction] « Oui [la catastrophe] était entièrement l’œuvre de P. Il n’y a jamais eu une autre personne qui a travaillé le matin avant moi qui ait fait une telle catastrophe. »
  • 1 h 34 min à 1 h 34 min 45 s – [traduction] « [B.] ne s’occupait pas vraiment des euh… des conflits entre les employés au travail. »

[24] En plus de faire référence à P. comme son superviseur ou un superviseur, la prestataire a aussi fait référence à P. comme étant un employé.

[25] Elle n’a pas fait référence à S., I. ou B. comme étant des employés.

Conclusions concernant les constatations de la division générale relatives à P.

[26] La division d’appel peut intervenir si la division générale a fait une erreur du genre énuméré à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Dans le cas des erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur cette conclusion erronée, et elle doit avoir tiré celle-ci de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Autrement, la division d’appel doit respecter les conclusions de fait de la division généraleNote de bas de page 10.

[27] La division générale a écrit que, lorsque [traduction] « [la prestataire] a poursuivi son témoignage, elle a fait référence à P. comme étant un collègue de travail ». Toutefois, la prestataire n’a pas parlé de P. comme étant un collègue de travail, sauf lorsqu’elle a fait référence aux observations de la Commission. Il est clair que la division générale a déformé le témoignage de la prestataire.

[28] Cependant, la prestataire n’a pas non plus toujours décrit P. comme étant un superviseur. Elle l’a aussi appelé [traduction] « un autre employé ». Elle ne faisait référence à personne d’autre qui occupait un poste de supervision ou de gestion comme un « employé ».

[29] La prestataire a utilisé à la fois les termes « superviseur » et « employé » pour décrire P. Ce sont les deux seuls titres qu’elle a utilisés pour le décrire. Aux yeux de la prestataire, il n’y avait peut-être pas de distinction entre le fait d’être un superviseur ou un employé.

[30] La division générale a conclu que la prestataire n’était pas cohérente dans sa description de P. Comme les deux seules descriptions qu’elle a utilisées étaient « superviseur » et « employé », logiquement, la division générale a dû conclure que les deux mots ne signifiaient pas la même chose. De ce fait, il est clair que la division générale a supposé que le terme « employé » était équivalent au terme « collègue ».

[31] Il est également utile d’examiner le contexte dans lequel la prestataire a décrit P. La description que la prestataire a faite de sa relation avec P. était davantage une relation entre collègues de travail qu’une relation entre un superviseur et une employée. La prestataire avait établi des procédures pour préparer des plateaux de produits de sorte que, le lendemain matin, il suffisait de prendre les plateaux et de faire cuire les produits. Elle a déclaré que P. et I. avaient approuvé les procédures. Elle s’attendait à ce que tout le monde, y compris P., suive ces procédures.

[32] La prestataire a dit à P. de faire attention au nombre de produits. Elle a dit qu’elle devait toujours lui rappeler ce qu’il devait faire. Elle ne faisait certainement pas preuve de la même déférence que l’on pourrait normalement faire à l’égard d’un superviseur. Autrement dit, le fait qu’elle donnait des directives à P. et qu’elle lui disait quoi faire donne l’impression qu’elle ne le considérait pas (ou qu’elle ne le traitait pas) comme s’il était un superviseur, et encore moins comme s’il était son superviseur.

[33] Il aurait pu être raisonnable pour la division générale de voir seulement des différences mineures dans la preuve de la prestataire, plutôt que des incohérences. Il aurait donc pu être raisonnable qu’elle arrive à la conclusion que la preuve de la prestataire était cohérente tout au long du processus.

[34] Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il était tout aussi raisonnable pour la division générale de conclure qu’il y avait des incohérences dans la preuve de la prestataire. Il était également raisonnable de conclure que P. n’était pas le superviseur immédiat de la prestataire ni même un superviseur.

[35] La division générale a déformé la preuve de la prestataire en concluant que celle-ci avait fait référence à P. comme étant un collègue de travail. Cependant, il ressort clairement de la preuve et du contexte que la division générale considérait le mot « employé » comme synonyme du mot « collègue ». En plus d’avoir dit que P. était son superviseur ou un superviseur, la prestataire a également affirmé que P. était un employé.

[36] De plus, la division générale a accepté la déclaration de l’employeur à la Commission selon laquelle P. était un collègueNote de bas de page 11. La prestataire affirme que la déclaration n’est pas fiable parce qu’elle provient d’une personne qui ne connaît pas la position de P. Bien que cela puisse être le cas, le fait que l’employeur ne connaissait pas P. n’était pas en preuve à la division générale, de sorte que la division générale avait le droit d’accepter la déclaration à première vueNote de bas de page 12.

[37] La division générale a déformé le mot exact que la prestataire a utilisé pour décrire P. Toutefois, elle n’a pas commis d’erreur de fait sans tenir compte de la preuve dont elle disposait lorsqu’elle a conclu que P. n’était pas le superviseur de la prestataire ou un superviseur. Il y avait des éléments de preuve contradictoires au sujet de la position de P., et la division générale avait le droit de soupeser la preuve et de préférer la preuve qui indiquait qu’il était un employé, et d’interpréter « employé » comme signifiant autre chose qu’un superviseur.

[38] Quoi qu’il en soit, si la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, la question de la position de P. au restaurant est devenue sans objet.

La division générale a-t-elle commis une erreur importante quant à savoir si la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi?

[39] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur importante lorsqu’elle a décidé qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi. Elle dit que si la division générale avait reconnu que P. était un superviseur, elle aurait accepté qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Elle soutient qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce qu’elle retourne dans un milieu de travail conflictuel.

[40] La division générale a reconnu que la prestataire avait travaillé dans des conditions difficiles. Cependant, malgré cela, la division générale a conclu qu’elle avait d’autres solutions raisonnables à son départ. Elle a conclu que la prestataire aurait pu :

  1. i. attendre que la gérante arrive pour discuter de ses préoccupations;
  2. ii. accepter l’offre de la propriétaire de rester au travail, au moins jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi;
  3. iii. discuter de ses préoccupations d’ordre médical avec son médecin;
  4. iv. demander un congé jusqu’à ce qu’elle se rétablisse suffisamment pour retourner au travail et mieux gérer la situation. Ensuite, si elle voulait tout de même quitter son emploi, elle aurait pu continuer de travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi.

Possibilité de discuter de ses préoccupations avec la direction

[41] La prestataire affirme qu’elle a témoigné à la division générale qu’elle avait soulevé ses préoccupations au sujet de la compétence et de la conduite de P. Elle a essayé de parler directement à P. au début, mais elle n’a pas vu d’amélioration dans son travail. Elle arrivait au restaurant le matin et voyait que P. avait tout laissé dans un état désastreux.

[42] Elle prétend avoir ensuite fait part de ses préoccupations à sa gérante. Elle le faisait toutes les semaines. I. lui a promis qu’elle parlerait à P., mais la prestataire n’a jamais vu d’amélioration dans son travailNote de bas de page 13.

[43] La division générale a reconnu que la prestataire a témoigné avoir discuté de ses préoccupations avec sa géranteNote de bas de page 14. Par contre, de toute évidence, la division générale a conclu que la prestataire pouvait continuer de parler avec sa gérante pour trouver une solution.

[44] En effet, la prestataire a parlé plus tard avec I. (en présence de S.). La prestataire a déclaré que sa gérante l’avait approchée. Elle lui a demandé si l’entreprise pouvait faire quelque chose pour qu’elle reste. La gérante a offert à la prestataire de former un nouveau boulanger.

[45] La prestataire a accepté l’offre. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Si je peux former le nouveau boulanger et que ça signifie que P. ne travaille plus à ce poste, je peux faire en sorte que cela fonctionne. Je peux tout à fait travailler avec P. dans la mesure où il ne travaille pas à ce poste le jour avant moi, et elles ont toutes les deux acceptéNote de bas de page 15 ».

[46] Toutefois, à ce moment-là, la prestataire avait déjà remis sa démission, que l’employeur a par la suite acceptée. La discussion que la prestataire a eue avec I. par la suite montre que le fait de discuter de ses préoccupations et d’explorer des solutions potentielles aurait pu constituer une solution de rechange raisonnable à la démission.

Possibilité d’accepter l’offre de la propriétaire de continuer à travailler

[47] Quant à l’allusion au fait qu’elle aurait pu accepter l’offre de rester de la propriétaire, la prestataire affirme qu’à ce moment, les problèmes qu’elle éprouvait n’avaient pas été réglés et qu’elle ne pouvait donc pas rester. Si on lui avait offert la possibilité de former un nouveau boulanger, elle aurait accepté de retirer sa démissionNote de bas de page 16.

[48] La prestataire a déclaré que lorsqu’elle a donné son préavis, elle [traduction] « avait simplement besoin de sortir de ce milieu de travail. [Elle] préférait ne pas travailler pendant un certain temps que d’être stressée mentalement, contrariée et en colère constamment. [Elle] avait l’impression qu’il valait mieux être sans emploi pour un petit bout de temps que de continuer à travailler à un endroit où on ne [l’]écoutait pas et où [son] emploi [lui] nuisaitNote de bas de page 17 ».

[49] Toutefois, dans l’état actuel des choses, la prestataire a également déclaré que B. avait cherché à la rencontrer. Il voulait voir s’il y avait une façon d’arranger les chosesNote de bas de page 18.

[50] Cette solution de rechange est liée à la précédente, de sorte que la division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que l’acceptation de l’offre de la propriétaire de continuer à travailler était une solution de rechange raisonnable à celle de la démission. La prestataire aurait pu rester et explorer des solutions potentielles, comme celle de former un nouveau boulanger.

Possibilité de discuter de ses préoccupations d’ordre médical avec son médecin

[51] La prestataire affirme qu’elle n’a pas quitté son emploi pour des raisons médicales, même si elle avoue que P. a aggravé son niveau de douleur et de stressNote de bas de page 19. Elle dit aussi qu’elle n’est pas partie pour des raisons médicales, car elle savait comment gérer son état.

[52] Toutefois, les arguments et les preuves de la prestataire laissent entendre que ses préoccupations d’ordre médical ont été prises en compte dans sa décision de partir :

  1. i. Elle a soutenu que la façon logique de régler ses problèmes médicaux était de s’éloigner de P. Comme sa gérante ne l’aidait pas, elle a pensé que la prochaine chose logique à faire était de démissionnerNote de bas de page 20.
  2. ii. À l’audience devant la division générale, elle a déclaré que son médecin ne lui avait pas dit de démissionner et qu’elle avait pris cette décision par elle-même. Elle cherchait un autre emploi et avait postulé pour des postes, mais rien ne s’était encore concrétisé. Elle a dit : [traduction] « Je me suis dit que je prendrais une pauseNote de bas de page 21 ».
  3. iii. La prestataire a également déclaré qu’elle [traduction] « avait simplement besoin de sortir de cet environnement de travail ». Elle a aussi dit qu’elle préférait ne pas travailler pendant un certain temps que d’avoir à être stressée, contrariée et en colère constammentNote de bas de page 22.
  4. iv. La prestataire a également déclaré ce qui suit : [traduction] « plus P. me stressait avec ce qu’il faisait et la façon dont les choses se déroulaient au travail, plus ma fibromyalgie s’aggravait et plus ma douleur augmentait. Moins je dormais, plus j’avais des problèmes physiques et mentaux. Voilà pourquoi j’ai décidé qu’il ne valait pas la peine pour ma santé de rester dans ce poste et de continuer travailler dans ces conditionsNote de bas de page 23. »

[53] Certains de ces éléments de preuve donnent à penser que la prestataire a quitté son emploi afin de pouvoir prendre une pause pour son bien-être physique et mental. Autrement dit, la preuve laisse entendre que les problèmes de santé de la prestataire ont contribué à son départ de son emploi. Comme la division générale l’a conclu, il aurait été raisonnable pour la prestataire de consulter son médecin (ou un autre professionnel de la santé).

Possibilité de demander un congé

[54] La prestataire soutient qu’il aurait été déraisonnable de demander un congé. Elle prétend qu’un congé aurait seulement été utile pendant la courte période où elle aurait été en congé. Malgré cela, elle affirme que son niveau de stress aurait été le même pendant son congé. Elle aurait quand même pensé au fait qu’elle devait retourner travailler avec P. La prestataire soutient également qu’un congé n’aurait rien arrangé parce qu’elle se serait retrouvée [traduction] « dans le même pétrin et avec le même manque d’organisation qu’avant […]Note de bas de page 24 ».

[55] La prestataire a fait remarquer que, par le passé, elle s’était toujours assurée d’avoir un autre emploi avant de quitter son emploi. Elle soutient que le fait qu’elle a démissionné de son emploi au restaurant avant d’avoir trouvé un autre emploi montre à quel point les choses n’allaient pas bien. Elle dit que cela montre qu’elle avait l’impression qu’elle n’avait pas d’autres options que celle de partir.

[56] La prestataire a effectivement cherché du travail avant de quitter son emploi. En fait, elle a expliqué que, c’est parce qu’elle avait cherché du travail avant de quitter son emploi qu’elle a pu obtenir un poste si rapidement après son départNote de bas de page 25. Elle a également fait remarquer que lorsqu’elle a quitté son emploi, elle a postulé pour tellement d’autres emplois qu’elle était convaincue que quelque chose se concrétiserait. Elle souligne qu’elle a trouvé un emploi dans les deux semaines suivant sa dernière journée de travailNote de bas de page 26. (On ne sait pas si elle a trouvé du travail grâce à ses efforts avant ou après son départ, mais cela ne change rien.)

[57] Cependant, si la prestataire était partie en congé, elle aurait pu profiter de l’occasion pour chercher du travail et, peut-être même trouver un emploi pendant cette période. De cette façon, elle n’aurait pas eu à penser à retourner au restaurant et aurait pu éviter de travailler dans des conditions difficiles.

Conclusion concernant les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire avait des solutions de rechange raisonnables au départ

[58] Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la division générale pouvait raisonnablement conclure que la prestataire avait des solutions de rechange raisonnables à son départ.

La division générale a-t-elle commis d’autres erreurs de fait importantes?

[59] La prestataire soutient que la division générale a commis d’autres erreurs de fait sur lesquelles elle a fondé sa décision.

[60] Par exemple, la division générale a décrit le nouveau boulanger comme le nouveau « chef », alors que la prestataire a toujours décrit cet employé comme un boulanger. La membre a également déclaré que la prestataire devait quitter son emploi [traduction] « pour réduire son stress mental et sa colèreNote de bas de page 27 ». La prestataire fait remarquer qu’elle n’a jamais utilisé le mot « colère ». De plus, la membre a écrit que la prestataire avait obtenu un emploi manuelNote de bas de page 28. La prestataire nie avoir effectué du travail physique. Elle avait témoigné qu’elle ne considérait pas ses tâches comme physiquement laborieuses.

[61] J’estime que ces types d’erreurs n’ont aucune incidence sur la décision de la division générale. La division générale n’a pas fondé sa décision sur ces conclusions.

Trop-payé

[62] La prestataire a un trop-payé.

[63] La division d’appel n’a pas le pouvoir d’annuler le trop-payé. Toutefois, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de radier les trop-payés lorsqu’ils créent une contrainte excessive. Il faudrait que la prestataire demande à la Commission d’envisager de radier sa dette.

[64] La prestataire peut également communiquer avec le Centre d’appels et de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada au 1-866-864-5823 pour discuter de ses options de remboursement.

Conclusion

[65] La division générale disposait d’éléments de preuve qui lui ont permis de conclure que 1) P. n’était pas du tout le superviseur de la prestataire ou même un superviseur, et 2) la prestataire avait des solutions de rechange raisonnables à son départ de son emploi. Par conséquent, l’appel est rejeté.

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