Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 631

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (456875) datée du 22 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-874

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a dit qu’il avait été congédié parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique de l’employeur sur la COVID-19 (la politique).

[4] Le prestataire ne conteste pas que c’est ce qui s’est produit. Il affirme que, entre autres raisons, l’employeur n’avait légalement aucun droit d’imposer la politique, parce que celle-ci constituait une violation de ses droits constitutionnels et une atteinte à sa vie privée. L’employeur n’avait pas le droit, au titre de la Constitution, de demander ses renseignements médicaux. La politique était discriminatoire à son égard en raison de ses renseignements médicaux. La politique n’était pas raisonnable. Il avait payé des cotisations d’assurance-emploi pendant 11 ans et demi, et il avait donc droit à des prestations d’assurance-emploi. S’il n’avait pas droit aux prestations, la Commission devrait lui rembourser toutes les cotisations qu’il avait payées.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Les exigences de la justice naturelle à l’audience

[6] La justice naturelle exige que le Tribunal agisse selon l’équité procédurale. Elle exige que le prestataire soit informé de la cause qu’il défend. Il faut lui donner l’occasion de témoigner de ce qui s’est passé, d’expliquer les raisons pour lesquelles il devrait obtenir des prestations et d’expliquer en quoi la décision de la Commission est erronée. Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que l’audience satisfait aux exigences de la justice naturelle.

[7] À l’audience, j’ai expliqué le critère juridique de l’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi. Le prestataire a dit qu’il s’appuyait sur les motifs de l’appel énoncés ci-dessus. J’ai expliqué la compétence limitée du Tribunal et qu’en raison de ce pouvoir limité, je ne pouvais pas me prononcer sur certains de ces motifs. J’ai ensuite dit que ma décision écrite expliquerait pourquoi il en était ainsi. J’ai ensuite expliqué que je devais trancher son appel en fonction de la preuve, de la définition d’inconduite de l’assurance-emploi et dans les limites du pouvoir du Tribunal. Le prestataire a dit qu’il voulait mettre fin à l’audience et me laisser rendre une décision fondée sur les documents au dossier. Je lui ai donc expliqué que l’audience lui donnait l’occasion de présenter son témoignage et que sans celui-ci, je pourrais uniquement me prononcer en me fondant sur les documents. Je lui ai dit que c’était l’occasion pour lui de contester tout ce qui était écrit dans les documents, et qu’il était aussi possible qu’il ait des éléments de preuve qui ne figuraient pas dans les documents. Enfin, je lui ai dit qu’il pourrait expliquer les motifs de son appel en plus de détails ainsi que répondre aux motifs de la décision de la Commission. Le prestataire a accepté de continuer. J’ai posé des questions sur ce qui s’était passé au sujet de la politique et de sa réaction. Le prestataire n’avait pas les documents d’appel avec lui. Je lui ai donné l’occasion de prendre une pause pour obtenir les documents afin qu’il puisse les consulter, mais il a refusé de le faire. J’ai résumé ce que disaient divers documents pour vérifier si leur contenu était exact et complet. Je lui ai lu une partie des motifs de la Commission appuyant sa décision, et demandé de commenter. À la fin de l’audience, je lui ai demandé s’il avait autre chose à ajouter. Il n’a rien ajouté.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique dans les délais prescrits, même s’il a été avisé de la politique et de la date limite, et reçu des rappels.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[11] La raison pour laquelle le prestataire a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[12] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire de conclure qu’elle voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[13] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse ou son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 5.

[14] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[15] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire ne s’est pas conformé à la politique. Il savait qu’il serait congédié s’il ne s’y conformait pas. Sa non-conformité a entraîné son congédiement. Elle constituait un manquement à ses obligations envers l’employeur. Son refus de se conformer était volontaire.    

[16] Le prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite parce que l’employeur n’avait pas le droit d’imposer la politique selon la Constitution. L’employeur n’avait pas le droit d’exiger qu’il divulgue ses renseignements médicaux personnels sur son statut vaccinal. La politique était discriminatoire à son égard en fonction de ses renseignements médicaux. La politique n’était pas raisonnable. Il n’a pas commis d’inconduite.

[17] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce qu’elle a prouvé les quatre éléments d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi. Je vais d’abord exposer les faits de cette affaire, puis je traiterai de la décision sur la question d’inconduite. À la fin, j’exposerai les raisons pour lesquelles je ne peux pas traiter de certains des motifs du prestataire à l’appui de son appel.

Les faits

[18] Le prestataire est technologue médical. Il travaillait dans un laboratoire médical pour l’employeur depuis 2010. En septembre 2021, l’employeur a émis la politique.

[19] La politique énonçait les exigences qui suivent. Elle s’applique aux employés, y compris au prestataire. Elle est conçue pour veiller au bien-être du personnel tout en trouvant un équilibre avec le droit à la vie privée des employés. Dans la mesure permise par la loi applicable, tous les employés doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19. Tous les employés doivent consigner leur statut vaccinal et télécharger leur certificat de vaccination dans le système informatique de l’employeur, ou fournir une mesure d’adaptation approuvée pour être exemptés de la politique. La date limite pour la vaccination ou l’exemption est le 15 octobre 2021. Les employés doivent recevoir leur première dose de vaccin avant la date limite et une deuxième dose dans le délai recommandé par les autorités sanitaires. Un employé est entièrement vacciné deux semaines après avoir reçu la deuxième dose du vaccin. Il est possible d’obtenir une exemption pour des raisons médicales ou pour une croyance religieuse sincère. Les employés doivent présenter une demande écrite pour toute mesure d’adaptation. Les employés qui ne se conforment pas à la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Si un employé ne fournit pas de renseignements sur son statut vaccinal, on supposera qu’il n’est pas vacciné.

[20] L’employeur a envoyé un avis par courriel aux employés au sujet de la politique le 23 septembre 2021. Le prestataire avait reçu une copie de la politique et l’a lue. Il a reçu un courriel de rappel le 1er octobre 2021 avec les étapes à suivre avant le 15 octobre 2021. Le prestataire n’a suivi aucune des deux étapes. L’employeur a envoyé un autre courriel de rappel le 13 octobre 2021. Le courriel ajoutait que les employés qui avaient choisi de ne pas se faire vacciner avant le 15 octobre seraient mis en congé sans solde et pourraient finir par perdre leur emploi. Le prestataire n’a rien fait. L’employeur a congédié le prestataire le 20 octobre 2021 parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique.

[21] Le prestataire a déclaré qu’il comprenait qu’il serait congédié s’il ne se conformait pas à la politique. C’est ce qu’il avait compris, malgré la politique faisant référence à des mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiement, et le courriel du 13 octobre faisant référence à un congé sans solde et à la perte possible de son emploi.

[22] Le prestataire n’a pas cherché à obtenir une exemption pour raisons médicales ou religieuses. Il a fait le choix personnel de ne pas se conformer à la politique.

Décision sur l’inconduite

[23] J’estime que la Commission a démontré l’existence des quatre éléments de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, je ne peux pas accepter l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas commis d’inconduite. Sa compréhension de l’inconduite diffère de ce qu’elle signifie dans le contexte de l’assurance-emploi.

[24] Le premier élément de l’inconduite est de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. La politique exigeait que le prestataire soit vacciné et qu’il fournisse une preuve de vaccination à l’employeur. La politique prévoyait des mesures disciplinaires en cas de non-conformité, allant jusqu’au congédiement. Le prestataire n’a pas fourni la preuve requise à l’employeur ni demandé une exemption à la politique. Le prestataire savait que s’il était congédié, il ne serait plus en mesure de s’acquitter de ses obligations envers l’employeur.  

[25] Le deuxième élément de l’inconduite est de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette conduite. Les déclarations du prestataire à la Commission et son témoignage montrent qu’il savait qu’il serait probablement congédié s’il ne respectait pas la politique.

[26] Le troisième élément du caractère volontaire consiste à établir si la conduite du prestataire était consciente, délibérée et intentionnelle. Les déclarations du demandeur à la Commission et son témoignage montrent qu’il a fait un choix personnel de ne pas se conformer à la politique. Ce choix était volontaire.

[27] Le quatrième élément d’inconduite est que la conduite du prestataire a causé la perte de son emploi. Tous les éléments de preuve confirment que le prestataire a été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique.   

[28] Sur la base de ces motifs, la Commission a prouvé le bien-fondé de son argumentation.  

Raison pour laquelle je ne peux traiter de certains des motifs du prestataire à l’appui de son appel

[29] La compétence du Tribunal est limitée, de sorte qu’il n’a pas le pouvoir légal de rendre des ordonnances pour remédier à toutes les questions soulevées par le prestataire. La compétence du Tribunal se limite à examiner la majorité (mais non la totalité) des décisions que la Commission peut rendre dans le cadre de l’administration de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi. Le Tribunal peut seulement traiter les appels qui impliquent une décision de la Commission au titre de la Loi et du Règlement, suivis de la décision découlant de la révision de la décision initiale de la CommissionNote de bas de page 7, suivie d’un appel devant le Tribunal. Le pouvoir du Tribunal d’accorder une réparation est limité. Il peut rejeter l’appel. Il peut aussi confirmer, annuler ou modifier en tout ou en partie la décision de la Commission, ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 8. Ce pouvoir doit être exercé dans les limites de la législation sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence. Le Tribunal n’a pas d’autorité de surveillance sur les actions de la Commission. Il n’a pas non plus le pouvoir d’ordonner à la Commission de faire des choses en dehors de sa compétence limitée et des exigences de la Loi sur l’assurance-emploi. Ainsi, le Tribunal ne peut pas ordonner à la Commission de rembourser au prestataire les cotisations d’assurance‑emploi qu’il a versées au fil des ans.    

[30] Le prestataire affirme que la politique constituait une violation de ses droits constitutionnels et une atteinte à sa vie privée. L’employeur n’avait pas le droit, selon la Constitution, de demander ses renseignements médicaux ou d’imposer la politique. En bref, la Constitution ne s’applique pas directement aux personnes ou aux entreprises. Elle n’interdit pas à l’employeur d’imposer la politique ou de recueillir des renseignements médicaux auprès des employés. Les règles concernant ce qu’un employeur peut ou ne peut pas faire seront établies par une loi fédérale ou provinciale, comme les lois sur la santé et la sécurité au travail ou sur la protection des renseignements personnels. Le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur ces lois ou les appliquer.

[31] Le prestataire affirme que la politique était discriminatoire à son égard en raison de son état de santé. La discrimination telle qu’elle est définie dans la Loi canadienne sur les droits de la personne n’inclut pas l’état de santé, à moins qu’il puisse être démontré que ce statut constitue une invalidité. Il n’y a aucune preuve d’invalidité dans la présente affaire. Le problème du prestataire est que l’employeur veut qu’il divulgue des renseignements sur la santé, portant ainsi atteinte à sa vie privée. Le Tribunal n’a pas compétence en matière de protection de la vie privée. Ces questions sont traitées par des tribunaux constitués au titre de la législation relative à la protection de la vie privée.

[32] Le prestataire affirme que la politique n’était pas raisonnable. Ce n’est pas une question sur laquelle je peux me prononcer. Dans les cas où une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, l’analyse porte sur l’acte ou l’omission du prestataire et la conduite de l’employeur n’est pas une considération pertinenteNote de bas de page 9. Il n’est donc pas nécessaire que j’évalue la politique pour voir si elle est raisonnable afin d’établir s’il a été congédié pour inconduite.

[33] Le prestataire dit qu’il avait payé des cotisations d’assurance-emploi pendant 11 ans et demi et qu’il avait donc droit à des prestations d’assurance-emploi. Ce n’est pas un énoncé exact de la loi. Le régime d’assurance-emploi n’est pas comme un régime de pension, comme la pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC). Dans le cas de celle-ci, un cotisant cotise pendant toute sa vie active, et à la retraite, il a droit à une pension mensuelle fondée sur les cotisations versées au fil des ans. Le régime d’assurance-emploi n’accorde pas automatiquement le droit aux prestations d’assurance-emploi à une personne qui a cotisé au régime et qui se retrouve au chômage. Au titre du régime d’assurance-emploi, le prestataire doit prouver qu’il répond à un certain nombre de critères d’admissibilité, comme un nombre minimal d’heures d’emploi assurable au cours de l’année précédant la demande de prestations, ou qu’il n’est pas exclu pour inconduite. Dans la présente affaire, le prestataire a été exclu pour avoir perdu son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’il ne répond pas aux critères d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi.

Ainsi, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] À la lumière de mes conclusions ci-dessus, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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