Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 614

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Prestataire : E. P.
Commission : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (457078) datée du 7 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 20 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 2 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-801

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modification. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 25 octobre 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle est disponible pour travailler. La prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’est pas disponible parce qu’elle n’est pas prête à quitter son emploi actuel pour accepter un emploi à temps plein.  

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle a essayé de chercher un autre emploi, mais que les heures de travail des autres emplois étaient incompatibles avec son emploi actuel. 

Question en litige

[7] La prestataire est-elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’est pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[12] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si la prestataire est disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[13] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire sont habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois décider si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[14] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 6 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec des employeurs éventuels.

[15] La Commission affirme que les démarches de la prestataire ne sont pas suffisantes pour trouver un emploi.

[16] La Commission déclare qu’elle a rendu la prestataire inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Dans ses observations, elle dit qu’elle peut exiger d’une partie prestataire qu’elle prouve qu’elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[17] Les notes de la Commission ne mentionnent pas qu’elle a demandé à la prestataire de prouver qu’elle était disponible en lui envoyant un dossier détaillé de ses recherches d’emploi.

[18] Je trouve convaincante une décision de la division d’appel sur les inadmissibilités au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon la décision, la Commission peut demander à une partie prestataire de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Elle peut rendre la partie prestataire inadmissible si elle ne se conforme pas à cette demande. Cependant, elle doit demander à la partie prestataire de fournir cette preuve et lui préciser le type de preuve qui répondra à ses exigencesNote de bas de page 7.

[19] J’estime que la Commission n’a pas demandé à la prestataire de lui remettre son dossier de recherche d’emploi pour prouver qu’elle est disponible. C’est pourquoi je conclus qu’elle n’est pas inadmissible aux termes de cette partie de la loi.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[20] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 8 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[21] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 9.

Vouloir retourner travailler

[22] La prestataire a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[23] La prestataire travaille comme superviseuse de la petite caisse pour une société communautaire de jeux et de divertissement. Elle occupe cet emploi à temps plein depuis huit ou neuf ans. Le lieu de travail de la prestataire a été fermé temporairement plus d’une fois en raison de la pandémie. C’est pourquoi elle a reçu la prestation canadienne d’urgence, qui s’est ensuite transformée en prestations d’assurance-emploi. 

[24] Dans son avis d’appel, la prestataire a déclaré qu’elle reçoit 1 000 $ par mois en prestations de retraite de, mais que cette somme d’argent n’est pas suffisante pour subvenir à ses besoins. Elle dit que c’est la raison pour laquelle elle ne peut pas prendre sa retraite.

[25] La prestataire a témoigné que chaque fois que son lieu de travail a rouvert pendant la pandémie, elle a été l’une des premières à être rappelée au travail.

[26] J’accepte le fait que la prestataire veut travailler parce qu’elle en a besoin. Elle a travaillé à temps partiel récemment et a témoigné que dans les trois semaines précédant l’audience, elle avait repris son travail à temps plein. Même si la prestataire n’a pas fait beaucoup de démarches pour trouver un autre emploi, ce que j’aborderai ci-dessous, je conclus qu’elle a démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable serait disponible.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[27] La prestataire n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[28] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci‑dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas de page 10.

[29] Lorsqu’elle a parlé à la Commission en février 2022, la prestataire a dit qu’elle ne postulait pas pour des emplois parce que sa disponibilité était limitée en fonction de son emploi actuel. Elle a déclaré qu’elle ne souhaitait pas abandonner son emploi à temps partiel pour accepter un emploi à temps plein, et qu’elle ne postulait pas pour d’autres emplois à temps partiel.

[30] J’ai demandé à la prestataire ce que disent les notes de la Commission de février 2022. Elle a reconnu qu’elle ne voulait pas abandonner son emploi. Elle a dit qu’elle se rendait dans des magasins de vêtements pour chercher du travail, mais qu’ils interféraient avec l’emploi qu’elle avait. Elle a ajouté qu’elle avait un problème de santé qui faisait en sorte qu’il lui était difficile de saisir et de soulever des objets. La prestataire a dit, par exemple, que chez Tim Hortons, les employés doivent être capables de soulever de 20 à 40 livres, ce qu’elle ne peut pas faire.

[31] J’ai demandé à la prestataire ce qu’elle avait fait pour trouver du travail, en gardant à l’esprit la liste des activités de recherche d’emploi énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi. La prestataire a déclaré qu’elle avait envoyé des curriculum vitae à deux magasins de détail en septembre ou en octobre 2021, mais qu’elle n’avait pas reçu de réponse. Elle a dit avoir demandé à certains de ses collègues, mais qu’ils lui ont dit qu’il était impossible de trouver un emploi à temps plein. 

[32] La prestataire a déclaré être allée dans une station-service où elle achète de l’essence environ deux mois avant l’audience, et avant cela aussi. Elle a dit que le propriétaire avait dit qu’ils embauchaient pour les vendredis et les samedis. Cependant, la prestataire a déclaré qu’elle ne voulait pas abandonner son emploi parce qu’elle savait qu’elle retournerait y travailler à temps plein après la COVID-19. La prestataire a dit qu’elle n’avait pas postulé pour d’autres emplois parce qu’il n’y avait pas d’emplois nulle part. 

[33] J’estime que la prestataire a fait des démarches conformes aux activités énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi pour essayer de trouver du travail. Ces démarches comprennent le fait de parler à des amis, de parler à un employeur potentiel et de postuler pour deux emplois dans le commerce de détail. Cependant, je ne trouve pas cela suffisant pour les six mois depuis que la prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. 

[34] Les notes de la Commission révèlent que lorsqu’elle a parlé à la prestataire en février 2022, elle a trouvé 639 emplois sur le site de Guichet emplois à moins d’une heure de trajet du domicile de la prestataire. Pourtant, la prestataire a témoigné avoir parlé à un seul employeur potentiel à ce moment-là. Compte tenu du témoignage de la prestataire, je ne suis pas convaincue qu’elle a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable. 

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[35] La prestataire a établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[36] La Commission soutient que la prestataire n’était pas prête à quitter son emploi actuel pour accepter un emploi à temps plein. Selon elle, la prestataire ne voulait pas non plus accepter un deuxième emploi à temps partiel, car il pourrait entrer en conflit avec son emploi.

[37] La prestataire dit qu’elle ne pensait pas qu’il était réaliste de quitter son emploi pour aller travailler à plus de 200 kilomètres au salaire minimum, surtout avec le coût de l’essence.

[38] Les notes de la Commission montrent qu’elle a dit à la prestataire que les emplois qu’elle avait trouvés se trouvaient au plus à une heure de route de son domicile. Malgré la réponse de la prestataire ci-dessus, j’estime qu’il n’est pas raisonnable de conclure que les 639 emplois relevés par la Commission étaient tous situés à 200 kilomètres de son domicile et payés au salaire minimum. Selon la preuve de la prestataire, je ne peux pas dire qu’elle ait tenté d’obtenir l’un de ces emplois. J’estime qu’en ne faisant pas cela, il est possible qu’elle ait limité ses chances de retourner travailler à temps plein.  

[39] De plus, j’estime, d’après le témoignage de la prestataire, qu’elle attendait de retourner occuper son emploi actuel à temps plein. Elle a confirmé à l’audience qu’elle n’abandonnerait pas son emploi pour accepter un emploi à temps plein. Je comprends cela puisque la raison de la fermeture temporaire de son lieu de travail est la situation inhabituelle causée par la pandémie. Cependant, j’estime que cela signifie que la prestataire a peut-être limité ses chances de retourner travailler à temps plein.

Alors, la prestataire est-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[40] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[41] La prestataire a témoigné au sujet du trop-payé de 1 113 $ qui a découlé de la décision de la Commission selon laquelle elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle a dit qu’elle est contrariée parce que la Commission veut qu’elle rembourse ces prestations, mais que ce n’était pas de sa faute. 

[42] J’éprouve de la sympathie pour la prestataire. Cependant, la loi prévoit qu’une partie prestataire qui a reçu des prestations auxquelles elle n’est pas admissible doit les rembourserNote de bas de page 11. Même si je suis sensible à la situation de la prestataire, je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 12.

Conclusion

[43] La prestataire n’a pas démontré qu’elle est disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté avec modification. Pour clarifier, je ne conclus pas que la prestataire est inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cependant, elle est inadmissible au titre de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.

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