Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 623

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation de délai et de permission de faire appel

Partie prestataire : A. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 mars 2022
(GE-22-101)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 12 juillet 2022
Numéro de dossier : AD-22-343

Sur cette page

Décision

[1] Une prolongation du délai pour présenter la demande de permission de faire appel est accordée. Toutefois, la permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire (la prestataire) a travaillé dans l’un des magasins de vente au détail d’appareils ménagers de l’employeur pendant plus de 11 ans. À l’automne 2021, elle était l’administratrice de ce magasin. Elle devait être au magasin pour faire la majorité de son travail. Son travail en magasin nécessitait une interaction personnelle avec d’autres membres du personnel. L’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19 (la politique). C’est à ce moment que la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (la Commission) a établi que la prestataire avait été suspendue de son poste en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait qu’il était possible que l’employeur la suspende dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été mise en congé pour inconduite.

[5] La prestataire cherche maintenant à obtenir la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. La prestataire soutient que la politique de vaccination était illégale et allait à l’encontre de son contrat de travail. Elle soutient que le fait de la forcer à se faire vacciner constitue une violation de ses droits constitutionnels.

[6] Je dois décider si la prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] Une prolongation de délai devrait-elle être accordée pour que la prestataire puisse demander la permission de faire appel?

[9] Dans l’affirmative, la prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[11] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, elle doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[12] Par conséquent, avant de pouvoir accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

Une prolongation de délai pour demander la permission de faire appel devrait-elle être accordée à la prestataire?

[13]  La prestataire a expliqué qu’elle avait déposé son appel en retard parce qu’elle était bouleversée lorsqu’elle a reçu la décision de la division générale. Elle avait besoin de temps pour trouver la force de présenter sa demande de permission de faire appel.

[14] J’estime que compte tenu des circonstances et du fait que le retard n’est pas important, l’octroi à la prestataire d’une prolongation du délai pour déposer sa demande de permission de faire appel servirait l’intérêt de la justice et ne causerait aucun préjudice à la CommissionNote de bas de page 1.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[15] La prestataire soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. La prestataire soutient que la politique de vaccination était illégale et allait à l’encontre de son contrat de travail. Elle soutient que le fait de la forcer à se faire vacciner constitue une violation de ses droits constitutionnels.

[16] La prestataire a travaillé dans l’un des magasins de vente au détail d’appareils ménagers de l’employeur pendant plus de 11 ans. À l’automne 2021, elle était l’administratrice de ce magasin. Elle devait être au magasin pour faire la majorité de son travail. Son travail en magasin nécessitait une interaction personnelle avec d’autres membres du personnel. L’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[17] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son poste en raison de son inconduite.

[18] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employée ou l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[19] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni d’établir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas de page 2.

[20] À la lumière de la preuve, la division générale a établi que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se faire vacciner conformément à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Elle avait été informée de la politique de l’employeur mise en place pour assurer la santé et la sécurité de toutes ses employées et tous ses employés en milieu de travail, et elle avait eu le temps de s’y conformer. Le refus de la prestataire était intentionnel et volontaire, et il s’agit de la cause directe de sa suspension. Elle savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[21] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[23] La prestataire soutient que la politique de l’employeur allait à l’encontre de son contrat de travail et qu’elle enfreignait ses droits constitutionnels.

[24] Comme l’a précisé la division générale, le contrat de travail donnait à l’employeur la liberté de modifier les modalités du contrat de travail en fonction des besoins de l’entreprise. De plus, la politique de l’employeur n’est pas une loi et a été mise en œuvre par une entreprise privée. Par conséquent, la division générale a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur l’argument de la prestataire fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés.

[25] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement dans le cadre des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[26] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation au titre d’une autre loi, si une violation est établieNote de bas de page 5. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[27] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou son non-respect d’un principe de justice naturelle. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, dont la décision serait entachée.

[28] Après avoir révisé le dossier d’appel et la décision de la division générale et compte tenu des arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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