Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – disponibilité pour travailler – permis de travail valide – division d’appel – erreur de fait – sans tenir compte de la preuve – réparation

Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) de février à mai 2021. La Commission a rejeté sa demande parce qu’il n’était pas considéré comme disponible pour travailler sans permis de travail valide.

Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale (DG), qui était d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire n’était effectivement pas disponible pour travailler. Le prestataire a ensuite fait appel à la division d’appel (DA), qui a accueilli l’appel et a conclu que la DG avait commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve importants concernant les chances du prestataire de retourner travailler.

La DG a conclu que le prestataire avait des chances limitées de retourner travailler parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il pouvait légalement travailler en février 2021. Mais en concluant que le prestataire avait limité ses chances de retourner travailler en février 2021, la DG a ignoré des éléments de preuve importants et non contestés. Le prestataire était retourné au travail, et ce de façon répétée, pendant la période d’avril 2020 à juillet 2021 entre les permis de travail. Son employeur habituel l’a réembauché trois fois (en juillet 2020, en novembre 2020 et en mai 2021). En tout, le prestataire a travaillé pendant plus de neuf mois sur la période de 15 mois sans permis. Son employeur et lui se fondaient (que cela ait été à juste titre ou non) sur le statut implicite. La DG savait que le prestataire était retourné travailler en mai 2021. Elle a affirmé que la compréhension de l’employeur de la situation d’emploi du prestataire n’était pas une preuve de cette situation. Mais la DG n’a pas tenu compte de la capacité avérée du prestataire de travailler entre les permis de travail au moment de décider s’il avait limité indûment ses chances de retourner travailler. La DA a décidé que la DG avait tiré cette conclusion de fait sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

La DA a ensuite rendu la décision que la DG aurait dû rendre. Elle a conclu que la situation du prestataire relativement aux permis de travail n’avait pas limité indûment ses chances de retourner travailler en février 2021. Ainsi, l’inadmissibilité en raison de la non-disponibilité pour travailler a été levée.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 617

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : L. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angèle Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 janvier 2022 (GE-21-2576)

Membre du Tribunal : Shirley Netten
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 8 juillet 2022
Numéro de dossier : AD-22-147

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire, L. M., était disponible pour travailler en février 2021.

Aperçu

[2] Le prestataire veut recevoir des prestations d’assurance-emploi de février à mai 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé de ne pas lui verser de prestations parce qu’il n’était pas considéré comme étant disponible pour travailler sans permis de travail valide.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a convenu avec la Commission que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Le prestataire a fait appel à la division d’appel.

[4] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur en ne tenant pas compte d’importants éléments de preuve concernant les chances du prestataire de retourner travailler. Le prestataire remplissait les conditions requises pour être considéré comme étant disponible pour travailler. Son inadmissibilité est levée.

Questions en litige

[5] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en omettant de tenir compte d’éléments de preuve pertinents concernant les chances du prestataire de retourner travailler?
  2. b) La division générale a-t-elle commis d’autres erreurs révisables?
  3. c) Comment l’erreur de la division générale doit-elle être corrigée?

Certains aspects de la décision de la division générale ne sont pas contestés

[6] Les parties n’ont pas contesté les aspects suivants de la décision de la division générale :

  • Pour obtenir des prestations, le prestataire devait prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 1.
  • La division générale a correctement énoncé les trois facteurs de la décision Faucher qu’il faut examiner lorsqu’il est question de la disponibilitéNote de bas de page 2.
  • Les deux premiers facteurs de la décision Faucher — soit vouloir retourner travailler et faire des efforts pour trouver un emploi convenable — étaient remplisNote de bas de page 3.

[7] Le litige porte sur le troisième facteur de la décision Faucher — soit la question de savoir si le prestataire a établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner sur le marché du travail.

La division générale a commis une erreur de fait

[8] L’un des moyens d’appel à la division d’appel est que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 4.

[9] Comme le fait remarquer la représentante de la Commission, ce moyen d’appel exige de la déférence à l’endroit des conclusions de fait de la division générale. La division d’appel peut intervenir seulement si une conclusion est contraire aux éléments de preuve, si elle n’est pas étayée par les éléments de preuve ou si elle ne tient pas compte d’éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 5.

[10] La division générale a conclu que les chances du prestataire de retourner au travail étaient limitées parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il pouvait travailler légalement en février 2021.

[11] Le prestataire n’avait pas de permis de travail entre le 12 avril 2020 et le 19 juillet 2021. La division générale s’est donc concentrée sur la question de savoir s’il remplissait les conditions requises pour avoir le statut implicite. Pour trancher cette question, elle a examiné la preuve concernant les demandes de permis de travail qu’il a présentées à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). La division générale n’a pas été convaincue que le prestataire avait rempli les conditions d’IRCC pour avoir le statut implicite.

[12] Toutefois, en concluant que le prestataire avait limité ses chances de retourner travailler en février 2021, la division générale a ignoré des éléments de preuve non contestés et pertinents montrant qu’il était retourné travailler, à plusieurs reprises, pendant la période d’avril 2020 à juillet 2021 entre ses permis de travail. Son employeur habituel l’a réembauché trois fois (en juillet 2020, en novembre 2020 et en mai 2021). En tout, le prestataire a travaillé pendant plus de 9 mois sur la période de 15 mois durant laquelle il n’avait pas de permis. Son employeur et lui ont présumé (à juste titre ou non) qu’il avait le statut implicite.

[13] Je suis d’accord avec la représentante de la Commission pour dire que la division générale savait que le prestataire était retourné travailler en mai 2021Note de bas de page 6. La division générale a affirmé que la compréhension que l’employeur avait de la situation d’emploi du prestataire n’était pas une preuve qu’il avait le statut impliciteNote de bas de page 7. Cependant, la division générale n’a pas tenu compte de la capacité démontrée du prestataire de travailler entre ses permis de travail au moment de décider s’il avait limité indûment ses chances de retourner travaillerNote de bas de page 8. La division générale a tiré cette conclusion de fait sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[14] Cette erreur me permet d’intervenir.

Je n’ai pas à me prononcer sur les autres erreurs soulevées

[15] Deux autres erreurs possibles ont été soulevées dans le présent appel.

[16] Il y a d’abord une question d’équité procédurale. À l’audience, la membre de la division générale a dit au prestataire qu’elle admettait son témoignage selon lequel il avait demandé un permis de travail à l’aide de son avocat en 2020, et qu’elle reconnaissait qu’il avait le statut implicite à ce moment-là. Dans sa décision, elle a rejeté ce témoignage et a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait un statut impliciteNote de bas de page 9. Cela soulève une préoccupation au sujet du droit du prestataire d’être entendu. Il se pourrait bien qu’il ait supposé qu’il n’avait pas besoin de fournir d’autres renseignements sur son statut implicite d’après les assurances que la membre lui avait données.

[17] Il y a ensuite une possible erreur de droit. Une autre façon d’envisager l’erreur de fait évoquée ci-dessus est de la voir comme une erreur de droit : la division générale a peut-être appliqué le mauvais critère juridique en se concentrant uniquement sur la question de savoir si le prestataire satisfaisait aux critères d’IRCC relativement au statut implicite et en ne se demandant pas si sa situation limitait indûment ses chances de retourner travailler.

[18] Puisque cette erreur de fait me permet d’intervenir, je n’ai pas besoin de décider si la division générale a commis ces autres erreurs.

Comment devrais-je corriger l’erreur de la division générale?

[19] Je ne vois aucun avantage à renvoyer cette affaire à la division générale, où elle a commencé il y a plus d’un an. L’erreur de la division générale porte sur un seul aspect de sa décision, et je peux maintenant rendre la décision que la division générale aurait dû rendre si elle n’avait pas commis cette erreurNote de bas de page 10. Il y a suffisamment d’éléments de preuve pour que je puisse me prononcer sur le troisième facteur en litige : le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner travailler?

Le fait que le prestataire n’avait pas de permis de travail officiel n’a pas limité indûment ses chances de retourner travailler

[20] Je reconnais que généralement, le fait qu’une personne n’ait pas de permis de travail limite, voire réduit à néant, ses chances de retourner travailler. Il s’agit toutefois d’une question de fait qu’il faut trancher dans chaque cas.

[21] La représentante de la Commission a mentionné deux décisions de la division d’appel dans lesquelles on a conclu que les prestataires n’étaient pas disponibles parce qu’ils ne pouvaient pas prouver qu’ils avaient légalement le droit de travaillerNote de bas de page 11. Je ne trouve pas ces décisions convaincantes, parce que les faits diffèrent. Contrairement au présent appel, les demandes de permis de travail des deux prestataires avaient été officiellement refusées et ils n’avaient pas démontré qu’ils pouvaient travailler alors qu’ils n’avaient pas permis de travail officiel.

[22] Dans l’une de ces décisions, la division d’appel a souligné qu’aucun employeur n’était disposé à embaucher le prestataire et elle a conclu qu’il était « incapable de travailler en raison de l’absence d’un permis de travail valideNote de bas de page 12 ». Dans le présent appel, le prestataire a pu travailler malgré le fait qu’il n’avait pas de permis de travail officiel.

[23] Après avoir examiné les éléments de preuve portés à la connaissance de la division générale, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le fait que le prestataire n’avait pas de permis de travail officiel n’a pas limité indûment ses chances de retourner au travail. Les détails suivants sont importants :

  • Le prestataire avait des permis de travail officiels avant et après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi en février 2021, ainsi qu’un employeur régulier.
  • IRCC permet aux résidents temporaires qui avaient le statut implicite et qui ont demandé de le prolonger de continuer à travailler jusqu’à ce qu’une décision soit rendue. Bien qu’IRCC rende une décision concernant le permis de travail, rien n’indique qu’IRCC rend une décision concernant le statut implicite.
  • Le prestataire n’a pas, selon la prépondérance des probabilités, reçu un avis de IRCC indiquant que son permis de travail avait été refusé. Je tire cette conclusion en me fondant sur le témoignage incontesté du prestataire, sur l’absence de documents indiquant le contraire et sur l’éventuel permis de travail approuvé. Malgré la longue période d’avril 2020 à juillet 2021 durant laquelle le prestataire n’avait pas de permis de travail et les normes de service affichées par IRCC, je ne peux pas présumer que le prestataire a reçu un refus durant cette périodeNote de bas de page 13. Par ailleurs, il me paraît peu probable que le prestataire, un résident temporaire qui rend compte régulièrement aux autorités de l’immigration (comme il l’a déclaré), aurait risqué son statut au Canada en travaillant après qu’on lui ait refusé un permis de travail.
  • Le prestataire satisfaisait peut-être aux critères d’IRCC pour avoir le statut impliciteNote de bas de page 14. Néanmoins, lui et son employeur ont agi en présumant qu’il était autorisé à travailler.
  • L’employeur a réembauché le prestataire trois fois au cours de la période entre les permis de travail, avant et après février 2021.
  • L’Agence du revenu du Canada a jugé que l’emploi du prestataire pendant cette période était assurable, sans soulever de question au sujet de la légitimité de cet emploi.

[24] En fin de compte, j’estime qu’il est possible que le prestataire avait le statut implicite de manière informelle étant donné que les acteurs clés ont présumé qu’il l’avait et les antécédents professionnels réels du prestataire. Dans ces circonstances inhabituelles, les chances du prestataire de retourner travailler en février 2021 n’ont pas, été limitées par le fait qu’il n’avait pas permis de travail officiel.

Le prestataire était disponible pour travailler

[25] J’ai conclu que la situation du prestataire relativement à son permis de travail ne limitait pas indûment ses chances de retourner au travail.

[26] La Commission n’a pas soutenu que le prestataire avait établi d’autres conditions personnelles qui le restreignaient. Je reconnais qu’il priorisait un retour au travail chez son employeur habituel : il prévoyait de retourner lorsque les restrictions liées à la pandémie seraient levées et un nouvel employeur n’aurait peut-être pas reconnu qu’il avait le statut implicite. La division générale a établi qu’il s’agissait de la meilleure chance pour le prestataire de retourner au travail, et a souligné que la nature de cette mise à pied aurait compromis ses chances de trouver un autre emploi. Il n’y a aucune raison pour moi de modifier ces conclusions de fait (incontestées) de la division générale. Compte tenu tout cela, j’estime plus probable qu’improbable qu’en se concentrant à retourner à son emploi habituel, le prestataire n’a pas indûment limité ses chances de retourner travailler dès que possibleNote de bas de page 15. En effet, la période de chômage du prestataire a été relativement courte.

[27] Par conséquent, le prestataire satisfaisait au troisième facteur de la décision Faucher (le seul en litige). Le prestataire était donc disponible pour travailler lorsqu’il a demandé des prestations en février 2021. L’inadmissibilité est levée.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de fait. La situation du prestataire relativement à son permis de travail ne limitait pas indûment ses chances de retourner travailler en février 2021. L’inadmissibilité de non-disponibilité est levée.

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