Assurance-emploi (AE)

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Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c AG, 2022 TSS 670

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Jessica Grant
Partie intimée : A. G.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 décembre 2021 (GE-21-1934)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 25 juillet 2022
Numéro de dossier : AD-22-4

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a décidé que l’intimée (prestataire) n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 18 juin 2021, parce qu’elle suivait une formation qui n’était pas autorisée et qu’elle n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

[3] La division générale a déterminé que la prestataire désirait retourner sur le marché du travail et qu’elle avait effectué des efforts pour se trouver un emploi pendant ses études. Elle a également déterminé que le prestataire ne limitait pas ses chances de trouver un emploi. La division générale a conclu que le prestataire était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 18 juin 2021.

[4] La division d’appel a accordé à la Commission la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a erré en droit en ignorant la preuve au dossier et en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[5] Je dois décider si la division générale a erré en droit en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi.

[6] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[10] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, Je dois rejeter l'appel.

Remarques préliminaires

[11] Je n’ai pas tenu compte des documents produits par la Commission devant la division d’appel afin de rendre la présente décision. Je n’ai donc pas considéré si des exceptions à la règle générale m’interdisant d’examiner de nouveaux éléments de preuve recevaient application en l’espèce.

Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi?

[12] La division générale a conclu que la prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n'était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein parce qu'elle travaillait à temps partiel depuis plusieurs années tout en étudiant à temps plein.

[13] La division générale a déterminé que la prestataire manifestait une volonté de retourner sur le marché du travail, faisait suffisamment d'efforts pour se trouver du travail et ne s'était pas fixée de conditions personnelles limitant ses chances de retourner sur le marché du travail. La division générale a conclu que la prestataire était disponible au sens de la loi du 5 octobre 2020 au 18 juin 2021.

[14] La Commission soutient que la division générale a ignoré la preuve au dossier démontrant que la prestataire n’avait fait aucune recherche d’emploi pendant plusieurs semaines de la période en litige et qu’elle attendait un retour au travail chez son employeur habituel, malgré une date de retour au travail inconnue. Elle soutient que la division générale a erré en concluant que la prestataire avait exprimé le désir de retourner sur le marché du travail par des efforts constants afin de trouver un emploi convenable.

[15] La Commission soutient que la division générale a également erré en concluant que la prestataire n’avait pas limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail malgré les exigences de sa formation. Elle fait valoir que la prestataire imposait des restrictions à sa disponibilité en raison de ses études de jour du lundi au vendredi. De plus, la prestataire limitait sa disponibilité à son employeur habituel, ce qui restreignait davantage ses chances de trouver un emploi convenable.

[16] La Commission soutient que la division générale a de plus ignoré la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale qui a confirmé qu’un prestataire qui restreint sa disponibilité au travail pour des heures ou des jours à l’extérieur de son horaire de cours n’a pas prouvé sa disponibilité au sens de la loi.

[17] La prestataire soutient qu'elle était admissible aux prestations parce qu'elle a toujours travailler à temps partiel tout en fréquentant l'école à temps plein avant sa mise à pied causée par la pandémie. Elle fait valoir qu’elle devait demeurer disponible pour son employeur habituel en tant que professeure de danse mais qu’elle a également postulé à d’autres emplois offerts par son employeur. La prestataire soutient que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle était disponible à travailler au sens de la loi.

Vérification de l’admissibilité

[18] La prestataire a établi une demande de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 4 octobre 2020.

[19] La loi stipule que la Commission peut, à tout moment après le versement des prestations à un prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation, vérifier que le prestataire a droit à ces prestations en exigeant la preuve qu'il était capable de travailler et disponible pour travailler n'importe quel jour ouvrable de sa période de prestations.Note de bas de page 2

[20] Cette disposition, qui fait partie des Mesures temporaires pour faciliter l'accès aux prestations, reconnaît implicitement que pendant la pandémie, la vérification de l’admissibilité peut ne pas avoir été possible au moment où les prestations sont initialement versées, et pour permettre une vérification ultérieure même après la fin des prestations.

[21] Je remarque que la disposition était en vigueur lorsque la prestataire a demandé des prestations.Note de bas de page 3

[22] Par conséquent, la Commission pouvait vérifier à tout moment que la prestataire avait droit aux prestations d'assurance-emploi même après avoir reçu les prestations d'assurance-emploi.

Disponibilité

[23] La division générale a conclu que le prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n'était pas disponible pour travailler pendant qu'elle suivait une formation à temps plein. Elle a accepté que la prestataire avait démontré une tendance continue à travailler à temps partiel tout en suivant une formation à temps plein.

[24] Cependant, renverser la présomption signifie seulement que la prestataire n'est pas présumée indisponible. La division générale devait encore examiner les exigences de la loi et décider si la prestataire était effectivement disponible.

[25] Pour être considéré comme disponible à travailler, un prestataire doit démontrer qu'il est capable et disponible à travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 4

[26] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. a) Le désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas de page 5

[27] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel le prestataire peut prouver que, ce jour-là, il était capable et disponible pour travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 6

[28] Aux fins de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), un jour ouvrable est n'importe quel jour de la semaine, sauf le samedi et le dimanche.Note de bas de page 7

[29] La division générale a déterminé que la prestataire avait fait des efforts pour se trouver un emploi convenable en postulant pour d’autres postes offert par son employeur dans l’attente de son rappel pour son travail de professeure de danse.

[30] Il est de jurisprudence constante qu’un prestataire ne peut pas simplement attendre d'être rappelé au travail et doit chercher activement un emploi pour avoir droit aux prestations.Note de bas de page 8 Le maintien du lien d'emploi ne rend pas nécessairement une personne disponible pour travailler.Note de bas de page 9

[31] Je suis d’avis que la preuve devant la division générale démontre clairement que le prestataire attendait d’être rappelé au travail par son employeur habituel pendant ses études. Même s'il fallait considérer qu'elle cherchait du travail, sa recherche était tardive et limitée aux postes offerts par son employeur habituel, ce qui va à l'encontre de sa disponibilité.

[32] Je suis d’avis que la division générale a erré dans son interprétation du 2e facteur de l’affaire Faucher et en concluant que la prestataire avait démontré le désir de retourner sur le marché du travail par des efforts pour trouver un emploi convenable.

[33] L’autre question de droit soulevée par la Commission est l'interprétation que fait la division générale du 3e facteur de l’affaire Faucher, à savoir ne pas fixer de conditions personnelles qui pourraient indûment limiter les chances de retour sur le marché du travail.

[34] Je remarque que les récentes décisions de la division d’appel sur cette question ne sont pas unanimes.

[35] Dans l'affaire J.D., il a été jugé que la prestataire qui avait manifesté l'intention de ne chercher qu'un travail à temps partiel qui n'interférait pas avec ses études à temps plein avec des contraintes similaires à celles qui préexistaient à sa perte d'emploi, n'avait pas limité indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.Note de bas de page 10

[36] Cependant, dans l’affaire R.J., la division d'appel a conclu que la restriction de la disponibilité à seulement certains moments de certains jours constituait l'établissement de conditions personnelles susceptibles de limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas de page 11

[37] La question de la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein a fait l'objet de nombreuses décisions au fil des ans.

[38] Le principe suivant a émergé de la jurisprudence arbitrale antérieure:

-La disponibilité doit être démontrée pendant les heures régulières pour chaque jour de travail et ne peut être limitée à des heures irrégulières résultant d'un horaire de programme de formation qui limite considérablement la disponibilité.Note de bas de page 12

[39] Dans une décision rendue par un juge-arbitre, une prestataire qui suivait des cours de 8 h 30 à 15 h 30 et qui était disponible en tout temps en dehors de son horaire de cours, a été considérée comme non disponible pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 13

[40] La Cour d'appel fédérale (CAF) a rendu plusieurs décisions concernant la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein.

[41] Dans Bertrand, la Cour a conclu que la prestataire, dont la disponibilité se limitait aux heures de travail entre 16 h et minuit, n'était pas disponible aux fins de la Loi sur l’AE.Note de bas de page 14

[42] Dans Vézina, la Cour a suivi Bertrand et a conclu que les intentions du prestataire de travailler les fins de semaine et les soirs démontraient un manque de disponibilité pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 15

[43] Dans Rideout, la Cour a conclu que le fait que le prestataire n'était disponible que pour travailler deux jours par semaine plus les fins de semaine constituait une limite à sa disponibilité pour un travail à temps plein.Note de bas de page 16

[44] Dans Primard et Gauthier, la Cour a souligné qu'une journée de travail excluait les fins de semaine en vertu du Règlement sur l'assurance-emploi et a conclu qu'une disponibilité de travail restreinte aux seuls soirs et fins de semaine est une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas de page 17

[45] Dans Duquet, la Cour, appliquant les facteurs Faucher, a déterminé que le fait d'être disponible seulement à certains moments certains jours restreignaient la disponibilité et limitait les chances d'un prestataire de se trouver un emploi.Note de bas de page 18

[46] De la jurisprudence de la CAF, je peux tirer les principes suivants :

  1. Un prestataire doit être disponible durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable de la semaine;
  2. Restreindre la disponibilité à certaines heures de certains jours de la semaine, dont les soirs et les fins de semaine, représente une limitation de la disponibilité pour travailler et établit une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[47] Sur la base de ces principes établis par la CAF, je ne peux tout simplement pas suivre la décision J.D. de la division d'appel. Je ne trouve d’ailleurs aucune explication dans la décision J.D. pour laquelle la division d’appel a choisi de ne pas suivre la jurisprudence contraignante de la CAF concernant la disponibilité d'un prestataire lorsqu'il suit des cours de formation à temps plein.

[48] La prestataire soutient qu'elle a cherché du travail à temps partiel qui n'interférait pas avec ses études à temps plein avec des contraintes similaires à celles qui préexistaient à sa perte d'emploi causée par la pandémie. Elle fait valoir qu’elle n’avait que deux journées d’école obligatoires et était donc disponible à travailler cinq jours par semaine. La prestataire fait valoir qu’elle a toujours démontré sa volonté de travailler pendant ses études en fournissant un historique de travail à temps partiel.Note de bas de page 19

[49] Je reconnais qu'un prestataire peut établir une demande de prestations fondée sur le travail à temps partiel. Cependant, ils ne doivent pas fixer de condition personnelle qui pourrait limiter indûment leurs chances de retourner sur le marché du travail pour être considérés comme disponibles pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE. Le fait de chercher du travail en dehors d'un horaire scolaire est une condition personnelle pouvant limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[50] La preuve démontre que la prestataire suivait une formation à temps plein et qu’elle n’était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, soit quelques jours par semaine, les soirs de semaine et la fin de semaine. Elle a indiqué ne pas être disposée à abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein. 

[51] Sur la base de cette preuve, la division générale a conclu que la prestataire ne s'était pas fixée de conditions personnelles limitant indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[52] Je constate à la lecture de la décision de la division générale que celle-ci semble confondre la question de la présomption de non disponibilité avec l’analyse du 3e facteur de l’affaire Faucher.

[53] Je suis d’avis que la division générale ne pouvait user de la présomption de non-disponibilité et de la pandémie pour établir qu’il y avait absence de conditions personnelle pouvant limiter indûment les chances de la prestataire à retourner travailler.Note de bas de page 20

[54] Je suis également d’avis que la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence contraignante de la CAF et en interprétant de manière erronée le 3e facteur de l’affaire Faucher, soit l'absence de conditions pouvant limiter indûment la disponibilité d'un prestataire pour travailler.

[55] Je suis donc justifié d’intervenir.

Remède

[56] Considérant que les deux parties ont eu l'occasion de présenter leur cause devant la division générale sur la question de disponibilité, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas de page 21 

[57] La preuve démontre que la prestataire était inscrite à temps plein à l’Université de Montréal. Elle n’était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, soit quelques jours par semaine, les soirs de semaine et la fin de semaine. De plus, la prestataire n'était pas disposée à abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein. Ces deux conditions l'empêchaient d'obtenir des emplois du lundi au vendredi pendant les heures régulières de travail.

[58] Conformément à l'article 18(1) (a) de la Loi sur l'AE et en appliquant la jurisprudence de la CAF, je conclus que la prestataire n'était pas disponible et incapable d'obtenir un emploi convenable les jours ouvrables d'une période de prestations parce que sa disponibilité était indûment restreinte par les exigences du programme qu'elle suivait à l’Université de Montréal.

[59] Tel que souligné par la Cour d’appel fédérale, les causes comme celle de la prestataire sont des causes sympathiques et la tentation est forte pour le Tribunal de s'écarter de la règle de droit pour rendre un jugement à caractère équitable, mais il faut bien se garder d’y succomber.Note de bas de page 22

[60] Pour les motifs susmentionnés, j'accueille l'appel de la Commission.

Conclusion

[61] L’appel est accueilli.

[62] La prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 18 juin 2021, parce qu’elle suivait une formation qui n’était pas autorisée et qu’elle n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

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