Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 654

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (448615) datée du 20 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante

Date de la décision : Le 12 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-564

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il étudiait. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 26 avril 2021 au 14 janvier 2022, car il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, une partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc qu’une partie prestataire soit à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible puisqu’il étudiait à temps plein. Elle a également affirmé que le prestataire n’a pas fait de démarches d’emploi afin de pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi et qu’il s’imposait des conditions qui limitaient sa disponibilité.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que ses cours avaient lieu le soir et qu’il était disponible pour travailler pendant la journée. Il affirme qu’il a déjà travaillé et étudié en même par le passé. Il a indiqué qu’il ne pensait pas avoir besoin de chercher un autre emploi parce qu’il avait un emploi qu’il reprendrait aussitôt que son ancien employeur le rappellerait. Il demande le rétablissement de ses prestations.

Question

[7] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant qu’il étudiait?

Analyse

[8] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance‑emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[11] La Commission a établi que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui étudient à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles étudient à temps plein.

[13] La loi a été modifiée récemment et de nouvelles dispositions s’appliquent au prestataire. D’après ce que je lis des nouvelles dispositions, la présomption d’indisponibilité a été déplacéeNote de bas page 6. Un étudiant à temps plein n’est pas présumé indisponible, mais doit plutôt prouver sa disponibilité comme tout autre prestataire.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi (Article 50(8))

[14] Le premier article de loi que je vais examiner prévoit qu’une partie prestataire doit prouver que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 7. Cet article exige qu’une partie prestataire prouve qu’elle fait des efforts pour trouver un emploi afin d’avoir droit à des prestations.

[15]  Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 8. Je dois décider si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[16] Je dois aussi évaluer les démarches du prestataire pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance‑emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemplesNote de bas page 9 :

  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • communiquer avec des employeurs;
  • présenter des demandes d’emploi.

[17] La Commission dit que le prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour essayer de trouver un emploi. Elle affirme que le prestataire a avoué qu’il n’a pas cherché d’autre emploi convenable après avoir été mis à pied en avril 2021. Le prestataire a été mis à pied and a établi une demande initiale débutant le 25 avril 2021.

[18] Après avoir rempli le questionnaire de la Commission sur les cours et le programme de formation, la Commission a interrogé le prestataire sur sa scolarité et ses efforts pour trouver un emploi. Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il ne cherchait pas et n’avait pas cherché d’emploi.

Attendre d’être rappelé au travail

[19] Le prestataire a fait savoir à la Commission qu’il avait déjà un emploi et qu’il attendait d’être rappelé. Dans son témoignage, le prestataire a déclaré qu’il aurait agi injustement envers son employeur s’il avait trouvé un autre emploi alors que son employeur s’attendait à ce qu’il revienne immédiatement lorsqu’il serait rappelé. Il n’a donc pas essayé de trouver un autre emploi.

[20] L’Employeur a effectivement fourni au prestataire une lettre indiquant son intention de le rappeler, mais il n’a fourni aucune assurance d’un rappel imminent. En fait, il n’a été rappelé que le 10 septembre 2021. Il s’agit d’une période de près de six mois.

[21] La Commission a conclu que le prestataire ne s’était pas conformé aux exigences de faire des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un autre emploi. Elle a donc fait en sorte qu’il soit inadmissible aux prestations.

[22] Il a confirmé ces faits dans ces observations et son témoignage. Le prestataire déclare qu’il ne devrait pas être tenu de chercher un autre emploi puisqu’il avait déjà un emploi auquel il retournerait.

[23] Une partie prestataire ne peut pas simplement attendre d’être rappelée au travail. Elle doit être à la recherche d’un emploi afin d’être admissible aux prestationsNote de bas page 10.

Travailler en étudiant

[24] Le prestataire est inscrit à un programme en enseignement technique. Il a déclaré que ses cours avaient lieu le soir et qu’il était donc disponible pour travailler à temps plein. D’après le témoignage et les observations du prestataire, je suis convaincu qu’il est capable de travailler à temps plein et de suivre sa formation. Je reconnais que ses études se font principalement en ligne et que des ressources d’apprentissage sont disponibles le soir pour lui permettre de terminer ses études. En fait, il l’a fait au moins deux fois, y compris avant sa mise à pied en avril 2022 et du 20 septembre 2021 au 29 octobre 2021.

[25] J’estime que la participation à la partie en ligne du cours ne nuit pas à la capacité du prestataire de trouver et de conserver un emploi à temps plein et ne l’empêcherait pas non plus de faire des démarches raisonnables pour trouver cet emploi.

Périodes d’indisponibilité admises

[26] Le prestataire a indiqué deux périodes pendant lesquelles il ne pouvait pas accepter de travail : lorsque la garderie de ses enfants était fermée en raison des restrictions relatives à la Covid-19 et lorsqu’il devait participer à un stage d’enseignement. Il a affirmé qu’à part ces périodes, il était disponible pour travailler.

[27] Le prestataire a expliqué qu’il ne pouvait pas accepter de travail lorsque la garderie de ses enfants était fermée du 12 avril 2021 au 4 juillet 2021, en raison de restrictions relatives à la Covid-19. Il dit qu’il devait rester à la maison pour s’occuper d’eux. Il laisse entendre qu’il ne devrait pas être tenu de chercher un emploi pendant cette période, car il ne pouvait pas accepter de poste tout en s’occupant de ses enfants.

[28] Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il aurait fait si son employeur l’avait rappelé pendant cette période, il a déclaré qu’il aurait demandé à son beau-père de l’aider à s’occuper des enfants. Il a également suggéré que l’horaire de travail de sa conjointe était flexible, ce qui aurait pu le permettre de retourner à son travail.

[29] Je soupçonne que s’il a pu prendre ces dispositions pour accepter un rappel, il aurait pu les prendre pour un autre emploi. Cela lui aurait permis de faire les démarches nécessaires pour chercher et évaluer d’autres emplois, puis de déterminer s’ils convenaient à sa situation. Il ne l’a pas fait. Par conséquent, je conclus que l’obligation de rester à la maison avec ses enfants ne peut être considérée comme une raison valable pour ne pas effectuer une recherche d’emploi. Il avait des options raisonnables qui lui auraient permis de chercher au moins un emploi.

[30] Le prestataire est retourné au travail du 20 septembre 2021 au 29 octobre 2021. Il a déclaré qu’il a commencé son stage d’enseignement à la mi-novembre 2021. Le stage a eu lieu du 9 novembre 2021 au 21 décembre 2021, soit une période d’environ six semaines. Il a confirmé qu’il n’aurait pas pu accepter un emploi pendant cette période. Il a déclaré que son stage n’était pas rémunéré et que c’est pour cela qu’il a renouvelé sa demande d’assurance-emploi.

[31] Il n’existe pas de preuve démontrant que le prestataire a tenté de commencer sa recherche d’emploi après la fin de son stage.

[32] Je conclus que le prestataire n’a pas fait de démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable du 25 avril 2021 au 14 janvier 2022. Il s’est contenté d’attendre que son employeur le rappelle, même si rien ne garantissait qu’il se fasse rappeler.

Capable de travailler et disponible à cette fin (Article 18(1))

[33] Je dois aussi examiner si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 11. La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour trancher cette question. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 12 :

  1. a) Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[34] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas page 13.

Désir de retourner au travail

[35] Le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.

[36] Le prestataire a clairement indiqué dans ses déclarations qu’il n’était prêt à retourner chez son ancien employeur que lorsqu’il serait rappelé. Dans sa demande initiale de prestations en avril 2021, il a indiqué qu’il n’accepterait de travailler que s’il pouvait commencer après la fin de son programme. Dans sa demande de renouvellement de novembre 2021, il a indiqué que s’il devait choisir entre accepter un poste et terminer son programme, il terminerait son programme.

[37] Le prestataire a dit qu’il était disponible pour travailler, mais la volonté de travailler n’est pas synonyme de disponibilitéNote de bas page 14. Son objectif est de commencer une nouvelle carrière qui éliminera le besoin de faire encore des demandes de prestations d’assurance-emploi. Je suis convaincu que l’objectif principal du prestataire (attitude et conduite) était, et demeure toujours, l’achèvement de son programme. Il l’a dit dans son témoignage.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[38] Le prestataire n’a pas fait de démarches pour trouver d’emploi convenable.

[39] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut. La liste me sert seulement de référenceNote de bas page 15.

[40] Le prestataire n’a pas fait de démarches pour trouver un emploi convenable au moment de perdre son emploi ni par la suite. Il ne s’est pas inscrit à des banques d’emploi en ligne, il n’a pas présenté de demandes d’emploi ni évalué des possibilités d’emploi. Il s’est contenté d’attendre un rappel de son employeur et d’être indisponible pendant la période de son stage. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si le prestataire avait fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi.

[41] Les efforts du prestataire n’étaient pas suffisants pour répondre aux exigences du deuxième facteur parce que la loi exige qu’une personne recherche activement un emploi. Il ne savait pas vraiment quand son employeur le rappellerait au travail. Le prestataire devait essayer de trouver un autre emploi.

Limiter indûment ses chances de retourner au travail

[42] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner au travail.

[43] Selon la Commission, le prestataire a limité ses possibilités de réemploi; il n’attendait que d’être rappelé par son ancien employeur. Pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi, une partie prestataire doit être disposée à accepter un autre emploi convenable. De plus, il doit rechercher activement un tel emploi. Il ne peut s’attendre à recevoir des prestations tout en limitant sa volonté de travailler à un seul employeur.

[44] Le prestataire affirme qu’il n’a pas cherché d’autres emplois parce que cela aurait été injuste envers son employeur d’accepter un autre emploi et ne pas retourner. Le prestataire doit se souvenir que son employeur l’a mis à pied. Il incombe alors au prestataire de démontrer qu’il cherchait activement un emploi pour avoir droit aux prestations.

[45] Le prestataire confirme qu’il a accepté de suivre un stage pendant six semaines. Il a dit que le stage n’était pas rémunéré. Il a déclaré qu’il a demandé de nouveau des prestations d’assurance-emploi puisqu’il participait à un stage et ne touchait aucun revenu afin de subvenir au besoin de son ménage. Le prestataire a affirmé qu’il n’abandonnerait pas son stage ni son programme en vue d’accepter un emploi. Il a soutenu que sa formation mènerait à un meilleur emploi et enrayerait le besoin de recourir plus tard aux prestations d’assurance-emploi.

[46] Le prestataire a également choisi de ne pas faire de recherche d’emploi pendant que la garderie de ses enfants était fermée. Il dit qu’il devait s’occuper de ses enfants. Toutefois, il a aussi déclaré qu’il avait des options qui auraient pu lui permettre de travailler pour son ancien employeur. Par conséquent, le fait que le prestataire a choisi de rester à la maison avec ses enfants constituait un choix qui a limité indûment ses chances de trouver un emploi puisqu’il avait des options qui auraient pu lui donner la possibilité de chercher un emploi.

[47] Je conclus que le prestataire a établi des conditions qui ont limité indûment ses chances de trouver un emploi. Il a limité les emplois qu’il était prêt à accepter; il n’acceptait que d’être rappelé par son ancien employeur. De plus, il n’était pas disposé à chercher ou à accepter un emploi du tout pendant son stage et lorsque la garderie de ses enfants était fermée.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[48]  Compte tenu de mes conclusions relatives aux trois facteurs, je conclus que le prestataire n’a pas montré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[49] Le prestataire a clairement indiqué qu’il n’était pas prêt à abandonner sa formation en vue d’accepter un emploi. De plus, alors qu’il aurait pu travailler à temps plein tout en poursuivant ses études, il n’a fait aucun effort pour le faire, à l’exception de sa simple volonté de retourner chez son ancien employeur une fois rappelée.

[50] Être « disponible » pour travailler signifie plus que d’attendre de se faire offrir un poste. Une partie prestataire ne peut pas décider de ne pas chercher du travail en attendant d’être rappelée chez un ancien employeurNote de bas page 16. Il faut faire des efforts pour trouver un autre emploi. Pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, cet effort doit être soutenu et orienté vers la recherche d’un emploi convenable.

Conclusion

[51] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Ainsi, je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[52] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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