Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 361

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. G.
Partie intimée : Commission del’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (433441) datée du 4 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-130

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire ne remplit pas tous les critères établis dans la loi pour obtenir un délai plus long que les 30 jours normalement accordés pour demander une révision.

Aperçu

[2] Le prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 20 mai 2016.

[3] Le 11 janvier 2017, la Commission de l’assurance-emploi a envoyé au prestataire une lettre annonçant qu’il n’avait pas droit aux prestations de maladie, faute de certificat médicalNote de bas de page 1.

[4] Le 3 septembre 2021, la Commission a reçu une demande de révision de sa décision du 11 janvier 2017.

[5] La Commission a décidé de ne pas réviser sa décision du 11 janvier 2017, car la demande de révision a été faite après le délai de 30 jours normalement accordé. L’explication du prestataire pour son retard ne correspondait pas aux exigences de la loi qui permettent de réviser une décision après le délai de 30 jours.

[6] Le prestataire affirme qu’il était incapable de demander une révision plus tôt, car il avait des difficultés financières qui l’ont laissé sans téléphone, sans ordinateur ni accès à un véhicule.

[7] Le prestataire déclare qu’il vit dans une région éloignée sans accès à un centre de Service Canada. Ce n’est qu’en septembre 2021 qu’il a repris les choses en main.

Questions en litige

[8] Je dois décider ceci :

[9] Le prestataire a-t-il présenté sa demande de révision après le délai de 30 jours normalement accordé pour ce faire?

[10] La Commission a-t-elle agi de manière judiciaire en refusant au prestataire de prolonger le délai de 30 jours permettant de demander une révision?

Analyse

Le prestataire a-t-il présenté sa demande de révision après le délai de 30 jours normalement accordé pour ce faire?

[11] Le prestataire a présenté sa demande de révision après les 30 jours permis, et même, plus de 365 jours après avoir reçu la communication de la décision initiale.

[12] Une partie prestataire peut – dans les 30 jours suivant la date où elle reçoit communication d’une décision qui la concerne et selon les modalités prévues par règlement – demander à la Commission de réviser cette décisionNote de bas de page 2.

[13] La décision de la Commission que le prestataire souhaite faire réviser lui a été envoyée sous forme de lettre le 11 janvier 2017Note de bas de page 3.

[14] Le prestataire atteste qu’il a reçu la lettre du 11 janvier 2017. Je remarque qu’il en a joint une copie à sa demande de révision, dans laquelle il indique avoir reçu la lettre datée du 11 janvier 2017Note de bas de page 4, ce qui confirme qu’il a bel et bien pris connaissance de cette lettre.

[15] Il est raisonnable de croire que le courrier peut être acheminé en 10 jours. Par conséquent, le prestataire aurait reçu la lettre du 11 janvier 2017 au plus tard le 21 janvier 2017. Comme cette lettre présentait la décision de la Commission, le droit du prestataire d’en appeler et le délai pour ce faire, je considère que la décision de la Commission a été communiquée au prestataire au plus tard le 21 janvier 2017.

[16] Comme la Commission a reçu la demande de révision du prestataire le 3 septembre 2021Note de bas de page 5, je considère que cette demande a été présentée après le délai de 30 jours établi dans la loi pour permettre de demander une révision, et même, plus de 365 jours après l’envoi de la décision initiale.

La Commission a-t-elle agi de manière judiciaire en refusant au prestataire de prolonger le délai de 30 jours permettant de demander une révision?

[17] J’estime que la Commission n’a pas agi de manière judiciaire en prenant sa décision, car elle a ignoré certains facteurs pertinents.

[18] La décision de la Commission d’accorder ou non un délai plus long pour permettre à une partie prestataire de présenter une demande de révision relève d’un pouvoir discrétionnaire (dépendant de la Commission)Note de bas de page 6. Il m’est impossible de modifier une décision discrétionnaire à moins qu’elle ait été prise de manière non judiciaire.

[19] Une décision discrétionnaire est prise de manière non judiciaire si le décideur agit de mauvaise foi, ou dans un but ou pour un motif irrégulier, s’il prend en compte un facteur non pertinent ou ignore un facteur pertinent, ou s’il agit de manière discriminatoire. Toute décision discrétionnaire prise de cette manière sera annuléeNote de bas de page 7.

[20] Je suis d’accord avec le prestataire lorsqu’il avance que la Commission n’a pas agi de manière judiciaire en prenant sa décision, puisqu’elle a omis de prendre en compte certains facteurs pertinents. Le prestataire avait des difficultés financières et vivait dans une petite région éloignée, ce qui, selon lui, l’a empêché de demander une révision plus tôt.

[21] La Commission fait remarquer que le prestataire n’a jamais parlé de cette situation lors de la communication initiale. Il l’a soulevée seulement dans son avis d’appel, ce qui peut paraître suspectNote de bas de page 8.

[22] Je comprends la position de la Commission sur le fait qu’après avoir essuyé un refus, le prestataire soulève soudainement une situation dont il n’avait jamais été question. Cependant, j’estime que les difficultés financières du prestataire, la région où il vivait et l’incidence que ces réalités ont pu avoir sur sa capacité de présenter une demande de révision sont des facteurs pertinents. La Commission a omis d’en tenir compte en prenant sa décision.

[23] Comme la Commission n’a pas pris sa décision de manière judiciaire, en ignorant des facteurs pertinents, je vais rendre la décision que la Commission aurait dû rendre, en vertu de l’article 54(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[24] Comme le prestataire a présenté une demande de révision au moins 365 jours après la date où il a reçu communication de la décision initialeNote de bas de page 9, je dois examiner les quatre critères suivants :

  • La partie prestataire a-t-elle une explication raisonnable à l’appui de sa demande de prolongation du délai permettant de demander la révision?
  • A-t-elle manifesté l’intention constante de demander la révision?
  • La demande de révision a-t-elle des chances raisonnables de succès?
  • L’autorisation d’un délai plus long pour demander la révision porterait-elle préjudice à la Commission ou à toute autre partie?

Explication raisonnable pour le retard

[25] J’estime que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard.

[26] Selon la Commission, il n’est pas raisonnable de croire que le prestataire était incapable de se rendre à un de ses bureaux dans sa région ou de communiquer avec elle par téléphone au cours des cinq dernières années.

[27] La Commission souligne que le prestataire dit avoir essayé de se rendre au bureau de sa région et qu’il a été capable de présenter une demande de prestations en janvier 2019. On peut ainsi réfuter tout argument voulant que le prestataire était incapable physiquement et mentalement d’entrer en contact avec la Commission.

[28] Le prestataire confirme avoir reçu la lettre du 11 janvier 2017. Il n’a pas demandé de révision à ce moment-là, parce que celle-ci devait être présentée en personne et que c’était compliqué pour lui.

[29] Le prestataire dit qu’il travaillait et vivait dans une région éloignée.

[30] Le prestataire avance que sa région était reliée à la ville dans laquelle se situait le centre de Service Canada par une route où il y avait des travaux majeurs, qui sont d’ailleurs encore en cours.

[31] À cause de ces travaux, la route était très souvent fermée. Pour aller au centre de Service Canada, il fallait partir au bon moment, lorsque la route était ouverte.

[32] Le prestataire dit qu’il allait en ville seulement les fins de semaine pour ne pas s’absenter de son travail. Il aurait pu se rendre au centre de Service Canada le lundi matin, mais c’était fermé à ce moment-là.

[33] En plus, le médecin du prestataire pratiquait dans une autre ville à deux heures de distance. Pour contester le refus de la Commission, faute de certificat médical, le prestataire aurait dû prendre une journée de congé, partir au moment où la route était ouverte, aller chercher le certificat médical de son médecin, puis retourner à temps au centre de Service Canada lorsque c’était ouvert.

[34] Selon le prestataire, la Commission ne comprend pas la réalité des gens en région éloignée. Le centre de Service Canada est ouvert seulement quelques jours par semaine, à certains moments précis. Ce n’est pas comme dans les grandes villes.

[35] Le prestataire affirme que ce n’était pas facile de prendre une journée de congé. Sa situation financière était grave, puisque sa dette à la Commission était retenue sur ses chèques de paie, et ainsi, il ne lui restait presque rien. L’ensemble de ses difficultés financières faisaient qu’il ne pouvait pas se permettre de prendre congé pour s’occuper de la révision.

[36] Le prestataire ajoute qu’il n’avait pas d’ordinateur et qu’il n’en a toujours pas aujourd’hui, alors il ne pouvait pas procéder en ligne. Pour lui, la seule façon de demander une révision était en personne.

[37] Selon le prestataire, la Commission a tort d’affirmer qu’il a payé sa dette sans la contester. Il n’a pas payé sa dette; elle était retenue à même ses chèques de paie. Il ne pouvait rien faire. Le paiement était involontaire.

[38] Le prestataire conteste qu’il ait fait une autre demande de prestations en janvier 2019, comme la Commission l’avance. Et même si c’était vrai, on peut faire ce type de demande par téléphone, ce qui est impossible pour une demande de révision.

[39] Le prestataire mentionne qu’en septembre 2021, lorsqu’il a présenté sa demande de révision, il était déménagé en ville et avait un nouvel emploi qui lui permettait d’avoir une semaine de congé après deux semaines de travail. Il pouvait alors se rendre au centre de Service Canada.

[40] J’estime que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard.

[41] J’accepte ce qui suit : le prestataire n’avait pas d’ordinateur, sa situation financière était grave, il était contraint d’emprunter une route souvent fermée et avait accès à un centre de Service Canada dont l’horaire était restreint.

[42] Malgré tout, le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable.

[43] Le prestataire a dit qu’une demande de révision doit se faire en personne, mais c’est faux.

[44] Dans la lettre du 11 janvier 2017 que le prestataire confirme avoir reçue, on mentionne clairement plus d’une fois qu’une personne peut contester un trop-payé ou obtenir de l’aide concernant une révision par téléphone. Le prestataire aurait pu appeler la Commission pour contester la décision.

[45] Si le prestataire avait téléphoné pour expliquer sa situation, la Commission aurait pu lui envoyer par la poste les formulaires de révision, mais il ne l’a pas fait.

[46] Le prestataire a mentionné qu’il avait de la difficulté à payer sa facture de téléphone et à garder le service, mais il n’a pas dit qu’il n’avait jamais eu de téléphone avant septembre 2021. Bref, il aurait pu appeler la Commission avant cette date.

[47] Comme il était possible de joindre la Commission par téléphone, le prestataire aurait toujours pu emprunter le téléphone d’une connaissance pour faire l’appel.

[48] De plus, même si c’était difficile de perdre une journée de paie en prenant congé, le prestataire aurait pu se le permettre pour aller à un centre de Service Canada et lancer le processus, s’il était vraiment décidé à demander une révision en personne et si le remboursement de la dette découlant de la décision du 11 janvier 2017 lui causait des difficultés financières de plus en plus importantes.

Intention constante de demander une révision

[49] J’estime que le prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de demander une révision.

[50] La Commission soutient que le prestataire était au courant de la décision datée du 11 janvier 2017 et qu’il a attendu au 3 septembre 2021 pour demander une révision. Rien n’indique qu’il ait fait des démarches pour résoudre la question avant septembre 2021.

[51] Je suis d’accord avec l’observation de la Commission.

[52] Le prestataire dit s’être senti défait après avoir reçu la décision du 11 janvier 2017 de la Commission, car il comparait son combat à celui de David contre Goliath. Il avance que ce sentiment l’a fait abandonner en quelque sorte.

[53] En fait, le prestataire a dit à la Commission qu’il avait présenté sa demande de révision en septembre 2021, parce que sa partenaire lui avait demandé. J’estime que ce fait, ainsi que ses déclarations de défaite et d’abandon, montre qu’il n’avait pas l’intention constante de demander une révision. Il n’a jamais agi avant septembre 2021 pour contester la décision du 11 janvier 2017.

Chances raisonnables de succès

[54] J’estime que le prestataire a une chance raisonnable de succès, car la question sous-jacente, sur laquelle je ne rends pas de décision ici, est que le prestataire s’est vu refuser des prestations de maladie, faute de certificat médical. Toutefois, il en a fourni un dans son avis d’appel, ce qui pourrait satisfaire aux exigences.

[55] La Commission déclare aussi que le prestataire a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 10.

Préjudice à toute autre partie

[56] J’estime que l’autorisation d’un délai plus long pour permettre au prestataire de demander la révision ne porterait préjudice à aucune partie.

[57] La Commission affirme que cette autorisation lui porterait préjudice, sans toutefois préciser en quoi ce serait préjudiciableNote de bas de page 11.

[58] Je ne pense pas que ce serait préjudiciable puisque la question ici porte sur l’absence de certificat médical, que le prestataire a fourni à ce jour. La Commission ne subirait pas de préjudice en évaluant si le certificat médical satisfait aux exigences de la loi.

[59] Même s’il y a très longtemps, presque cinq ans, que la Commission a pris sa décision initiale, elle n’a pas besoin de revenir en arrière et de se pencher sur tous les renseignements des parties. Elle n’a qu’à examiner le certificat médical fourni par le prestataire.

Résumé

[60] Même si le prestataire remplit deux critères sur quatre permettant d’accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, ce n’est pas suffisant. Il doit remplir les quatre critères pour obtenir un délai supplémentaire.

[61] Comme il n’a pas rempli tous les critères, j’estime qu’on ne peut pas lui accorder plus de temps pour lui permettre de demander une révision. Par conséquent, sa demande de révision est en retard et ne sera pas examinée par la Commission.

Conclusion

[62] L’appel est rejeté. Le prestataire a demandé une révision après le délai de 30 jours qui permet de présenter une demande, et même, plus de 365 jours après avoir été informé de la décision.

[63] Cependant, lorsque la Commission a refusé d’accorder plus de temps au prestataire pour demander une révision, j’estime que sa décision n’a pas été prise de manière judiciaire, puisqu’elle a omis de prendre en compte un facteur pertinent.

[64] Je rends la décision que la Commission aurait dû rendre. Je conclus que le prestataire ne remplit pas les quatre critères établis dans la loi et que, par conséquent, il n’obtiendra pas plus de temps pour demander une révision.

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