Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 660

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (451808) datée du 6 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante (prestataire)
Date de la décision : Le 25 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-296

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Décision

[1] Je rejette l’appel en modifiant la date d’exclusion. 

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) lorsqu’il l’a fait. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi à compter du 25 août 2021.

Aperçu

[3] Le prestataire a arrêté de travailler le 24 juin 2021 en vue d’entamer sa troisième année d’apprentissage en plomberie. La formation a eu lieu du 27 juin 2021 au 30 juillet 2021. À la fin de la formation, le prestataire n’est pas retourné au travail et n’a pas communiqué avec son employeur. 

[4] Le 5 août 2021, l’employeur a reçu un courriel de l’Industry Training Authority [Autorité de la formation industrielle] indiquant que le prestataire avait échoué à sa formation. Lorsque l’employeur n’a pas eu de nouvelles du prestataire, le gestionnaire lui a envoyé un message texte le 17 août 2021, lui demandant quel était son plan. Le prestataire a répondu qu’il voulait retourner au travail, mais qu’il avait encore besoin de [traduction] « quelques semaines si c’est possible ».  

[5] Quelques jours plus tard, l’employeur a demandé au prestataire de le contacter. Comme il n’a pas répondu immédiatement, l’employeur a décidé de le congédier. L’employeur a donné au prestataire un préavis de deux semaines. Il lui a donné la possibilité de travailler pendant les deux semaines restantes, mais le prestataire n’a pas répondu. Le 29 septembre 2021, l’employeur a émis un relevé d’emploi indiquant que la raison de la séparation était un congédiement.     

[6] Plusieurs mois plus tard, la Commission a effectué un examen. Le 31 janvier 2022, elle a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi, sans justification. Elle a imposé une exclusion rétroactive à compter du 26 août 2021. Cette décision a entraîné un paiement excédentaire de 2 750,00 $ en prestations d’assurance-emploi. La Commission a maintenu cette décision après révision.   

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Il affirme qu’il n’a pas démissionné, mais plutôt que son employeur l’a congédié. Il demande que l’on annule le paiement excédentaire.  

Questions en litige

[8] Est-ce que le prestataire a volontairement quitté son emploi ou bien est-ce qu’il a été congédié?

[9] S’il a volontairement quitté, est-ce qu’il avait une justification? Si l’employeur l’a congédié, est-ce que la Commission a prouvé qu’il avait inconduite?

[10] La Commission a-t-elle imposé l’exclusion rétroactive dans le délai prescrit?  

[11] Puis-je défalquer ou réduire le trop-payé?

Analyse

Départ volontaire vs congédiement

[12] Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il existe des cas où la preuve n’élucide pas pourquoi la partie prestataire est sans emploi.  

[13] La loi a établi que je dois traiter la décision rendue par la Commission, non pas la décision que la Commission aurait pu ou aurait dû rendre, d’après notre bon sensNote de bas de page 1.  

[14] Dans ce cas, la Commission a examiné comment l’emploi du prestataire a pris fin et a imposé une exclusion. La Commission a exclu le prestataire du bénéfice de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a conclu qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. Donc, la question que je dois trancher est celle de savoir si le prestataire est exclu des prestations d’assurance-emploi.   

[15] Le parlement a décidé de lier les exclusions pour départ volontaire et pour inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Donc, si j’interprète les faits d’une manière légèrement différente pour conclure qu’il s’agit d’un cas de démission (départ volontaire) plutôt que d’un cas de congédiement, je ne m’éloigne pas de l’objet que je suis appelée à examiner, soit une exclusionNote de bas de page 2.    

Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire a quitté volontairement

[16] Le droit indique que pour déterminer si une personne a volontairement quitté son emploi, on doit savoir si la partie prestataire avait le choix de resterNote de bas de page 3. 

[17] Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il s’agit d’un cas de départ volontaire. Le prestataire avait le choix de retourner au travail après avoir terminé sa formation, mais ne l’a pas fait.

[18] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il n’a pas communiqué avec son employeur et n'est pas retourné au travail dès que sa formation a pris fin le 30 juillet 2021. Il ne conteste pas non plus le fait que son employeur a communiqué avec lui le 17 août 2021, afin de connaître son plan.  

[19] Le prestataire dit qu’au lieu de retourner au travail à ce moment-là, il a essayé de reprendre ses études; il a demandé quelques semaines de congé de plus. Quelques jours plus tard, il n’avait toujours pas répondu à la demande de l’employeur qui voulait lui parler au téléphone, et ne s’était toujours pas rendu au travail; l’employeur a mis fin à son emploi, lui donnant un préavis de deux semaines. L’employeur lui a ensuite proposé de travailler pendant ces deux semaines, mais le prestataire a simplement choisi de ne pas répondre.

[20] Je reconnais que l’employeur a dit à la Commission que lorsque le prestataire n’est pas retourné au travail, et n’a pas répondu immédiatement à sa demande, il l’a congédié le 25 août 2021. L’employeur a confirmé qu’on avait besoin du prestataire au travail parce qu’il y avait [traduction] « définitivement des heures » à travaillerNote de bas de page 4. 

[21] Après examen des faits, tels qu’énoncés ci-dessus, je conclus que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Il est raisonnable de conclure que l’emploi du prestataire se serait poursuivi s’il était retourné au travail immédiatement après avoir terminé sa formation. Il a eu une deuxième chance de retourner au travail lorsque l’employeur a communiqué avec lui quelques semaines plus tard. L’employeur a confirmé qu’on avait besoin de lui au travail parce qu’il avait des heures pour lui. Ainsi, les faits soutiennent que le prestataire a entrepris la cessation d'emploi lorsqu’il ne s’est pas présenté au travail. Cela signifie donc qu’il est parti volontairement.       

[22] Je vais ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[23] Le droit indique qu’une personne est exclue du bénéfice de prestations si elle a quitté son emploi volontairement et sans justificationNote de bas de page 5. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que la personne était fondée à quitter son emploi.

[24] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». La loi précise qu’une personne est fondée à quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle établit que la personne doit tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 6.

[25] Il revient au prestataire de prouver qu’il avait une justification. Il doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de démissionnerNote de bas de page 7.

Les circonstances du départ du prestataire  

[26] Le prestataire ne conteste pas qu’il n’est pas retourné au travail et qu’il n’a pas communiqué avec son employeur après la fin de sa formation. Il avoue que c’était [traduction] « irresponsable » de ne pas le contacter. Il dit qu’il était [traduction] « déçu » qu’il avait échoué à sa troisième année de formation, il essayait de reprendre ses études dès que possible.  

[27] Le prestataire a expliqué qu’il travaillait pour le même employeur lorsqu’il a suivi sa deuxième année de formation. Il dit que dès qu’il a terminé sa deuxième année de formation, il a communiqué avec son gestionnaire, lequel a décidé qu’il retournerait au travail la semaine suivante. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas communiqué avec son employeur à la fin de sa troisième année de formation, le prestataire a répété qu’il était « déçu » et a choisi de s’inscrire à sa formation avant de retourner au travail.     

[28] Le prestataire dit qu’il essayait de reprendre sa formation le plus tôt possible. Il ne voulait pas retourner au travail sans avoir de date à donner à son employeur. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il aurait fait s’il avait repris sa formation à une date qui ne convenait pas à son employeur, le prestataire a répondu qu’il aurait choisi de suivre sa formation et de reconsidérer son statut d’emploi.

[29] Le prestataire confirme qu’il ne voulait pas retourner au travail lorsque son employeur a communiqué avec lui le 17 août 2021. Il dit avoir eu besoin de plus de temps pour essayer de suivre un autre cours de formation et obtenir une batterie pour sa voiture. Plus tard au cours de l’audience, il s’est contredit en disant qu’il aurait trouvé un moyen de se rendre au travail s’il avait su que son employeur avait besoin de lui.    

Autres solutions raisonnables

[30] Selon moi, ces circonstances, qu’elles soient considérées séparément ou de façon cumulative, ne correspondent pas à une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire avait d’autres alternatives raisonnables que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[31] Je conviens avec la Commission qu’une autre solution raisonnable aurait été que le prestataire communique avec son employeur et l’informe de son statut dès la fin de sa formation. Il aurait pu retourner au travail après la fin de son cours et chercher des cours disponibles en ligne après le travail. Il aurait pu aussi retourner au travail lorsque l’employeur a communiqué avec lui le 17 août 2021.

[32] Le droit a maintenu que, dans les cas où une partie prestataire est absente du travail pendant une longue période sans permission, elle est considérée comme ayant quitté volontairement, sans justificationNote de bas de page 8.

[33] Je reconnais que le prestataire a fait le choix personnel d’essayer de terminer sa formation avant que l’Industry Training Authority [Autorité de la formation industrielle] ne sépare les billets de plomberie et d’installation de gaz. Bien qu’un tel choix personnel puisse constituer une bonne raison, il ne répond pas aux exigences pour prouver un motif valable pour quitter son emploi et faire supporter par d’autres le fardeau de son chômageNote de bas de page 9.

[34] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que l’exclusion doit être fixée à compter du 22 août 2021. J’estime que la date d’entrée en vigueur de l’exclusion est le 25 août 2021, pour les raisons suivantes.

[35] La preuve incontestée est que l’employeur a dit au prestataire qu’ils n’allaient plus travailler ensemble au cours de leur conversation téléphonique le 25 août 2021. Il a offert au prestataire la possibilité de travailler deux semaines de plus, mais le prestataire n’a pas répondu. Selon le relevé d’emploi, le dernier jour de rémunération du prestataire était le 25 août 2021. Je considère donc comme un fait établi que la cessation d’emploi a eu lieu le 25 août 2021.         

[36] Je tiens à préciser que si j’avais conclu qu’il s’agissait d’un congédiement, ce que je n’ai pas fait, les faits auraient étayé la conclusion selon laquelle le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela entraînerait également une exclusion des prestations régulières d’assurance-emploi. Le prestataire a agi volontairement lorsqu’il a choisi de ne pas se présenter au travail ni d’informer son employeur de son absence. C’était un choix conscient et délibéré. Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il avait une obligation envers son employeur de se présenter au travail et de l’aviser une fois que sa formation avait pris fin, comme il l’avait fait par le passé. En plus d’être considéré comme un départ volontaire, sans justification, la loi précise également que le fait de ne pas aviser un employeur d’une absence constitue une inconduiteNote de bas de page 10.

Exclusion rétroactive

[37] La loi précise également que la Commission dispose d’un délai de 36 mois (3 ans) après le versement des prestations pour réviser une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. Si la Commission est d’avis que le prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse, elle peut réexaminer sa demande dans les 72 mois (6 ans)Note de bas de page 12.

[38] On comprend que le prestataire aurait voulu que la Commission examine plus tôt les raisons pour lesquelles son emploi a pris fin. Si la Commission l’avait fait, le montant du trop-payé aurait peut-être été moins élevé. Toutefois, cela ne prouve pas que la Commission a commis une erreur dans son examen.

[39] Dans ce cas, le prestataire a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 1er août 2021. Selon les documents au dossier, la Commission a commencé son examen le 21 octobre 2021. La Commission a avisé le prestataire de l’exclusion rétroactive le 31 janvier 2022, soit dans le délai de 36 mois autorisé pour modifier les demandesNote de bas de page 13. Par conséquent, j’estime que la Commission n’a pas commis d’erreurs dans l’examen de ses demandes.

Annuler ou réduire le trop-payé de prestations

[40] La loi précise qu’une personne a l’obligation de rembourser les prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’est pas admissibleNote de bas de page 14.

[41] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payéNote de bas de page 15. Ce pouvoir appartient à la Commission. Je n’ai pas non plus le pouvoir d’ordonner à la Commission de renoncer à un trop-payé.

[42]  Je compatis avec le prestataire, compte tenu des circonstances qu’il a mentionnées. Ma décision n’est pas fondée sur l’équité ou les difficultés financières. Elle est plutôt fondée sur les faits dont je dispose et sur l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux faire aucune exception et je n’ai aucune latitude. Je ne peux pas interpréter ou réécrire la loi d’une manière qui est contraire à son sens ordinaire, pas même pour un motif de compassionNote de bas de page 16.

Conclusion

[43] Je rejette l’appel en modifiant la date d’exclusion. 

[44] Le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi à compter du 25 août 2021.

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