Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 673

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. B.
Représentante : E. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (452655) rendue le 21 janvier 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mars 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelante
Représentante de l’appelante

Date de la décision : Le 6 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-562

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue, puis congédiée, en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, la prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire l’a suspendue pour non-respect de sa politique de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait violé ses politiques en refusant de se faire vacciner. Elle a été suspendue pour un temps, puis a été congédiée pour non-respect de la politique.

[4] La prestataire soutient que, même si elle n’a pas respecté la politique de vaccination, elle a une raison médicale de ne pas s’y conformer. Elle ajoute que la politique n’était pas en place au moment de son embauche.

[5] La Commission a conclu que la prestataire avait été congédiée pour une inconduite. Elle a donc conclu que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

Questions préliminaires

[6] La prestataire a présenté des documents supplémentaires au Tribunal. Ils n’ont pas été portés à ma connaissance à l’audience, mais que je les ai reçus après l’audience et j’en ai tenu compte dans ma décision. La prestataire a déposé un document de 83 pages le 29 mars 2022. Il porte la mention GD‑6. Elle a fourni la copie d’un échange par courriel entre elle et son employeur le 29 mars 2022. Le document porte la mention GD‑7. Le 31 mars 2022, elle a soumis un courriel avec des billets et des dossiers médicaux en pièce jointe. Il s’agit du document GD‑8. Enfin, le 5 avril 2022, la Commission a répondu aux documents supplémentaires déposés par la prestataire. La réponse porte la mention GD‑9.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite et remplit-elle les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[8] Pour savoir si la prestataire a été suspendue et si elle a fini par perdre son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

[9] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 4).

[10] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit mise à pied pour cette raisonNote de bas de page 5.

[11] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi aborde les cas de suspension pour inconduite. Cela n’entraîne pas une exclusion du bénéfice des prestations, mais bien une inadmissibilité aux prestationsNote de bas de page 7. Selon la décision que je vais rendre, cette distinction pourrait être pertinente.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[13] La prestataire a été mise en congé le 13 novembre 2021. Elle a été congédiée le 2 décembre 2021.

[14] La prestataire et la Commission conviennent que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Le personnel devait présenter une preuve de vaccination avant une date limite. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique avant la date limite. L’employeur a établi qu’elle ne pouvait plus travailler pour son entreprise après cette date. J’admets que c’est la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et congédiée est effectivement une inconduite au sens de la loi.

[16] Le rôle du Tribunal n’est pas de décider si le congédiement était justifié ou si c’était la sanction appropriéeNote de bas de page 8.

[17] Selon la Commission, la prestataire n’est pas en mesure de travailler parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur sur la COVID-19. Elle ajoute qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire était au courant de la politique, de ses exigences et de la date limite pour s’y conformer. Elle connaissait les conséquences du non‑respect de la politique. Elle a choisi de ne pas s’y conformer et, en conséquence, elle a été suspendue.

[18] La prestataire admet qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner, mais elle soutient qu’elle a une raison médicale sérieuse de refuser le vaccin contre la COVID-19. Elle a dit à la Commission que l’employeur savait qu’elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19 lors de son embauche le 10 juin 2021. Elle ajoute qu’elle a signé un formulaire indiquant qu’en cas d’éclosion de COVID-19, elle serait affectée ailleurs puisqu’elle n’était pas vaccinée. Elle a déclaré qu’au moment de son embauche, le fait d’avoir reçu le vaccin contre la COVID-19 n’était pas une condition d’emploi.

[19] La prestataire a déclaré que, le 20 août 2021, son superviseur a informé le personnel que tout le monde allait devoir se faire vacciner ou fournir un document officiel pour le refus du vaccin. La prestataire a présenté le formulaire de refus du vaccin dans les jours qui ont suivi. Ainsi, elle devait se soumettre à des tests antigéniques deux fois par semaine et fournir la preuve de tests négatifs pour continuer à travailler.

[20] Le 2 novembre 2021, la gestionnaire de la prestataire l’a informée de la modification de la politique relative à la COVID-19. Elle lui a dit que la vaccination était obligatoire à compter du 1er novembre 2021. L’employeur a donné 10 jours à la prestataire pour recevoir le vaccin. Le 11 novembre 2021, la prestataire a envoyé un courriel à l’employeur pour lui demander plus de temps. Elle a expliqué qu’elle avait une maladie auto-immune de la thyroïde qui était non maîtrisée depuis l’enfance. L’employeur lui a conseillé de communiquer avec l’équipe de santé et de sécurité au travail pour discuter de ce qui serait acceptable comme exemption médicale.

[21] Le 13 novembre 2021, la prestataire a été mise en congé sans solde en raison du non-respect de la politique de l’employeur. Le 1er décembre, l’équipe de santé et de sécurité au travail a communiqué avec la prestataire pour lui demander si elle avait obtenu une exemption médicale. La prestataire a répondu que non. On lui a ensuite demandé si elle allait recevoir le vaccin. Elle a répondu qu’elle ne divulguerait plus son statut vaccinal. Elle a été congédiée le lendemain.

[22] La prestataire a déclaré qu’elle a communiqué avec des médecins au sujet d’une exemption médicale, mais qu’elle n’a pas été en mesure d’en obtenir une. Elle a ajouté qu’elle ne refusait pas le vaccin, mais qu’elle hésitait en raison de son problème de santé. Elle a déclaré que l’employeur lui avait donné très peu de temps pour obtenir une exemption médicale. Elle a expliqué qu’il faut des mois pour obtenir un rendez-vous avec une ou un spécialiste et que l’employeur s’attendait à ce qu’elle fournisse une note dans un délai de 10 jours. Elle a ajouté que les médecins n’ont pas l’autorisation d’accorder des exemptions médicales à moins qu’une personne soit allergique à un des ingrédients du vaccin ou qu’elle ait déjà subi des effets indésirables. Elle a affirmé que ses médecins ne pouvaient pas lui donner une exemption parce qu’elle ne répondait à aucun de ces critères.

[23] La prestataire a aussi déclaré qu’elle avait dû recevoir certains vaccins pour obtenir l’emploi. Celui contre la COVID-19 n’était pas requis au moment de son embauche. Elle a déclaré qu’à sa connaissance, elle n’avait jamais eu de réaction indésirable à un vaccin, mais elle a précisé qu’elle ressent de la fatigue après avoir reçu un vaccin et qu’elle ne peut pas recevoir le vaccin contre la grippe parce qu’il la rend malade.

[24] La prestataire fait valoir qu’elle n’aurait pas dû être congédiée parce qu’elle est représentée par un syndicat et qu’elle ne peut pas être congédiée sans motif valable. Elle a déposé deux griefs auprès de son syndicat. Elle a ajouté qu’elle ne cherche pas à être exemptée du vaccin contre la COVID-19, mais qu’elle souhaite que ses médecins aient plus de temps pour s’assurer qu’elle n’aura aucun effet indésirable.

[25] Le dossier contient une copie du programme de surveillance de la vaccination contre la COVID-19 qui a été mis en œuvre par l’employeur. Le document est daté de juillet 2021. La prestataire a confirmé qu’il s’agit d’une copie de la politique de l’employeur.

[26] Il est clair que la conduite ayant mené à la suspension et au congédiement de la prestataire était le refus de se conformer à la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19. La prestataire admet avoir refusé de suivre la politique de l’employeur et que c’est la raison pour laquelle elle n’était plus autorisée à travailler. Elle a confirmé à l’audience que la seule raison pour laquelle elle n’a pas suivi la politique de l’employeur était qu’elle s’inquiétait des effets du vaccin sur son problème de thyroïde.

[27] Un des éléments que je dois considérer dans l’analyse de l’inconduite est la question de savoir si la conduite de la prestataire était délibérée. La représentante a soutenu que la conduite de la prestataire n’était pas délibérée parce qu’elle n’avait rien fait de mal à personne et qu’elle n’avait pas l’intention de perdre son emploi. Elle a fait valoir que la prestataire pensait que l’employeur lui permettrait de continuer à subir des tests antigéniques et qu’il lui trouverait une place à un autre étage que celui désigné pour la COVID-19.

[28] Pour que la conduite soit délibérée, il faut que la prestataire agisse de façon consciente, voulue ou intentionnelle. En assurance-emploi, pour dire qu’un geste est « voulu », il n’est pas nécessaire de prouver que la personne avait l’intention de faire quelque chose de mal. D’après la preuve, il est clair que le non-respect des exigences de la politique de vaccination était un geste conscient, voulu et intentionnel. L’employeur exigeait que la prestataire se conforme à la politique. En réponse, elle a choisi de ne pas s’y conformer. C’était une conduite délibérée.

[29] Même si, selon la représentante, la prestataire pensait être en mesure de continuer à subir des tests antigéniques et qu’elle croyait pouvoir trouver une place à un autre étage que celui désigné pour la COVID-19, je conclus qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La prestataire a reconnu avoir reçu et compris la politique de l’employeur. Elle a déclaré que son employeur lui avait parlé des modifications apportées à la politique sur la COVID-19 et qu’il lui avait donné 10 jours pour s’y conformer. Une copie de la politique se trouve au dossier de la prestataire. On peut y lire que [traduction] « si aucune preuve de la première dose n’est présentée d’ici le 26 novembre 2021, le personnel sera congédié ». Elle précise aussi que [traduction] « si aucune preuve de la deuxième dose n’est présentée d’ici le 21 décembre 2021, le personnel sera congédiéNote de bas de page 9 ». La prestataire n’a pas contesté qu’elle était au courant de cette politique.

[30] Le refus de la prestataire de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur constitue une inconduite au sens de l’assurance-emploi. Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a démontré que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, que le refus a entraîné une suspension, que la conduite était délibérée et que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée ou suspendue si elle ne respectait pas la politique de l’employeur.

Somme toute, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[31] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que la prestataire a été suspendue le 12 novembre 2021 en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date jusqu’à son congédiement pour inconduite. Comme elle a été congédiée le 2 décembre 2021, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à partir de cette date.

Autres questions

[32] Je comprends que la situation médicale de la prestataire est exceptionnelle. Elle a fourni des éléments de preuve importants au sujet de son problème de thyroïde et des conséquences qu’elle subit. De plus, sa mère et elle ont toutes deux livré un témoignage crédible et cohérent au sujet de son problème de santé et des inquiétudes qu’elle éprouve au sujet du vaccin contre la COVID-19. Je n’ai aucun doute sur leur honnêteté ni sur la sincérité de leurs préoccupations. Je crois comprendre qu’elle a aussi changé de médecin parce que la personne la plus habituée à traiter son problème de santé ne pratique plus la médecine à sa clinique. Je reconnais qu’elle trouve la décision de la Commission injuste. Malheureusement pour la prestataire, elle n’a pas pu produire des éléments de preuve médicale démontrant qu’elle ne pouvait pas recevoir le vaccin contre la COVID-19. En l’absence de tels éléments, ou bien d’une autre raison médicale ou d’un motif fondé sur les droits de la personne, la prestataire a volontairement refusé de se conformer à la politique de l’employeur.

[33] La prestataire a aussi fait valoir que la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur n’était pas en place lorsqu’elle a été embauchée. Je souligne qu’en cas de grief syndical ou d’une allégation de congédiement déguisé, la prestataire doit engager d’autres processus pour régler ces questions.

[34] Enfin, au cours de la révision, la prestataire a avancé que le gouvernement avait déclaré que toute personne ayant perdu son emploi pour non-respect d’une politique relative à la COVID-19 ne pourrait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi et qu’il avait imposé aux employeurs une nouvelle norme pour la production des relevés d’emploi. Je ne suis pas au courant de la prétendue nouvelle norme de production des relevés d’emploi. Il importe toutefois de préciser qu’aucun ordre de gouvernement n’a dicté l’issue de la présente affaire. C’est à moi de rendre la décision, en fonction du droit applicable et des éléments de preuve au dossier. Je suis libre de décider si j’accueille ou non l’appel. Après un examen approfondi des faits et des observations, j’ai conclu qu’il faut le rejeter.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 12 novembre 2021.

[36] Je conclus également que la prestataire a été congédiée pour inconduite le 2 décembre 2021. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date.

[37] L’appel est donc rejeté.

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