Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 692

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse  : S. A.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 mai 2022
(GE-22-579)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 2 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-390

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] L’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Selon l’employeur, la prestataire a enfreint sa politique en refusant de se faire vacciner contre la COVID-19. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie intimée (la Commission) a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations étant donné que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a porté en appel la décision de la Commission devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur allait probablement la suspendre vu les circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Elle soutient que ses conditions d’emploi n’ont jamais été tributaires d’un vaccin expérimental. La prestataire soutient que les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada. Elle soutient également que son employeur l’a rappelée au travail, ce qui démontre qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une quelconque erreur révisable que la division générale aurait commise et qui conférerait une chance de succès à l’appel.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que la prestataire soulève une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui conférerait une chance de succès à l’appel?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs révisables sont les suivantes :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon quelconque.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres mots, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Elle soutient que ses conditions d’emploi n’ont jamais été tributaires d’un vaccin expérimental. La prestataire soutient que les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada. Elle soutient que son employeur l’a rappelée au travail, ce qui démontre qu’il n’y a pas eu d’inconduite.  

[13] La prestataire a travaillé pour l’employeur pendant 27 ans. En août 2021, l’employeur a mis en œuvre une politique exigeant que les employés soient entièrement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021. La prestataire n’a pas respecté la politique. L’employeur a suspendu la prestataire.

[14] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

[15] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée puisqu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait qu’il était probable que l’employeur la suspend vu les circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[16] La notion d’inconduite ne signifie pas que la conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale est de décider si la prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de déterminer si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu la prestataire, de sorte ce que la suspension serait injustifiéeNote de bas de page 1.  

[18] En se basant sur la preuve prépondérante, la division générale a conclu que la prestataire a été suspendue parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Elle avait été informée à plusieurs reprises de la politique de l’employeur mise en place pour protéger la santé et la sécurité de tous ses employés et on lui a donné plusieurs chances à se conformer. La prestataire a choisi de refuser; ce refus était délibéré. La division générale a conclu qu’elle savait que son refus de se conformer pouvait entraîner une suspension parce que l’employeur avait refusé auparavant sa demande d’accommodement. Cela était la cause directe de sa suspension.

[19] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20]  Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[21] La prestataire soutient en outre que la politique de l’employeur contrevenait aux dispositions de son contrat. La prestataire soutient que les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada. Elle soutient que son employeur l’a rappelée au travail, ce qui démontre qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[22] Je ne vois pas d’erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement en fonction des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[23] Comme mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’une inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais si la prestataire était coupable d’une inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite avait entraîné la suspension de la prestataire. La preuve prépondérante démontre clairement que la prestataire a refusé de suivre la politique de l’employeur en réponse à la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[24] Je suis bien conscient que la prestataire pourrait chercher à obtenir réparation par le truchement d’une autre instance, si une violation a eu lieuNote de bas de page 4. Cela ne change pas le fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[25] Même si la prestataire affirme que l’employeur l’a rappelée au travail, cela ne change pas la nature de l’inconduite qui a d’abord mené à sa suspensionNote de bas de page 5.

[26] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision comme une erreur de compétence ou un manquement de la division générale à un principe de justice naturelle. Elle n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[27] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire pour soutenir sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[28] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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