Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 693

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (452324) datée du 26 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 mars 2022
Personne présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 20 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-579

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire l’a suspendue de son emploi puisqu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination relative à la COVID-19. L’employeur a dit à la Commission qu’elle avait enfreint sa politique en refusant de se faire vacciner.

[4] La prestataire ne nie pas qu’elle a refusé de se faire vacciner. Elle affirme que l’employeur ne peut pas la contraindre de se faire vacciner. Elle soutient également que la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail, donc elle ne devrait pas être applicable. Elle ajoute qu’elle a droit aux prestations de l’assurance-emploi parce qu’elle a longtemps cotisé au programme.

[5] La Commission a accepté la raison de suspension de l’employeur. Elle a décidé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a conclu que la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[6] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, et est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Le droit

[7] Dans cette affaire, la prestataire n’a pas été congédiée initialement de son emploi. Le relevé d’emploi indique qu’elle a été placée en congé autorisé. La prestataire a déclaré qu’elle estime avoir été congédiée parce que l’employeur ne lui permet pas d’aller travailler. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire pourrait retourner au travail dès qu’elle se conforme à la politique relative à la COVID-19Note de bas de page 2.

[8] Les parties sont d’accord pour dire que la prestataire n’a pas respecté la politique relative à la COVID-19 de l’employeur; c’est ce comportement qui a amené l’employeur à l’interdire de travailler. 

[9] La Loi sur l’assurance-emploi aborde les cas où les prestataires ont été suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite, au lieu d’être congédiés. Cela ne signifie pas qu’ils sont exclus du bénéfice de prestations, ils sont plutôt considérés inadmissiblesNote de bas de page 3.

[10] Étant donné ce qui précède, j’estime que la question est de savoir si la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison d’une suspension pour inconduiteNote de bas de page 4.

Analyse

[11] La Commission soutient que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[12] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois savoir pourquoi elle a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si selon la loi, cette raison correspond à une inconduite. 

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[13] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur relative à la vaccination contre la COVID-19.

[14] L’employeur a dit à la Commission que la prestataire a été placée en congé autorisé puisqu’elle n’était pas entièrement vaccinée. L’employeur a ajouté qu’on a prévenu les employés [traduction] « plusieurs mois » avant décembre 2021 qu’ils devraient respecter la politique en matière de vaccination. La politique a été annoncée publiquement le 25 août 2021; elle obligeait tous les employés à être entièrement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021. Si un employé n’était pas entièrement vacciné au plus tard cette journée-là, il était placé en congé autorisé à compter du 31 octobre 2021.

[15] La prestataire a dit à la Commission qu’elle a été placée en congé autorisé à compter du 31 octobre 2021 parce qu’elle n’était pas entièrement vaccinée. Elle dit qu’elle a reçu par courriel une copie de la politique le 25 août 2021 et a confirmé que celle-ci déclarait que les membres du personnel devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021, sinon ils s’exposeraient à des conséquences pouvant aller jusqu’au congé non payé et au congédiementNote de bas de page 5.

[16] La prestataire a confirmé qu’elle n’avait pas soumis d’exemption médicale ou religieuse à son employeur. Elle a cependant envoyé un courriel à son employeur pour lui dire qu’elle n’avait pas besoin d’être vaccinée et qu’elle est citoyenne canadienne. L’employeur a refusé de lui fournir des mesures d’adaptation.

[17] De plus, l’employeur a envoyé un courriel à la prestataire le 22 octobre 2021 pour lui rappeler l’exigence en place de se faire vacciner au plus tard le 30 octobre 2021. Le courriel rappelait aux employés qu’ils avaient été informés de la politique le 25 août 2021 et des conséquences découlant de la non-conformité. Parmi les conséquences, les employés ne seraient pas autorisés à revenir sur le lieu de travail et seraient considérés comme pas disponibles pour s’acquitter de leurs fonctions. La prestataire n’a pas reçu des heures de travail après le 31 octobre 2021, alors elle a [traduction] « supposé que c’était parce qu’elle n’avait pas été vaccinée ». Elle a déclaré qu’à compter du 1er mai 2022, les employés qui ne se conforment pas à la politique relative à la COVID-19 sont congédiés.

[18] Je conclus que la preuve confirme que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur relative à la COVID-19.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[19] Selon la loi, la raison de la suspension de la prestataire est une inconduite.

[20] La prestataire a soutenu qu’elle n’a pas commis d’inconduite parce qu’elle n’a rien fait de mal. J’estime qu’il y a une différence entre l’utilisation courante du mot « inconduite » et le sens juridique de ce mot dans le cadre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[22] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 8.

[23] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[24] Le Tribunal n’a pas à décider si la suspension était justifiée ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 10.  

[25] La Commission affirme qu’il s’agit d’un fait incontesté que la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination COVID-19 de l’employeur avant le 30 octobre 2021. Elle affirme que la prestataire a pris la décision personnelle de ne pas se conformer à la politique de l’employeur et qu’elle savait qu’elle serait placée en congé sans solde, voire congédiée.

[26] La prestataire dit qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’a rien fait de mal. Elle a dit qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19, et que son employeur ne lui a pas offert d’autres solutions, comme un test rapide. Elle a également soutenu que rien dans son contrat de travail initial n’indique qu’elle doit recevoir un vaccin pour travailler.

[27] Il est clair que la conduite qui a mené à la suspension de la prestataire était son refus de respecter la politique de l’employeur relative à la COVID-19.

[28] Je n’ai pas reçu les détails de la politique de l’employeur. Ce Tribunal ne peut pas décider si l’employeur aurait pu fournir des options de test rapide dans les circonstances particulières de son domaine de travail. De plus, la prestataire a déclaré qu’elle fait partie d’un syndicat, mais que celui-ci n’intervient pas dans les questions relatives à la politique de vaccination. Si la prestataire s’inquiète du fait que l’employeur ait enfreint sa convention collective, le processus d’appel de cette question se trouve dans la convention collective. Ce Tribunal n’est pas l’instance appropriée pour recevoir cet argument.

[29] Un élément de l’analyse de l’inconduite consiste à décider si la conduite de la prestataire était délibérée. Le caractère délibéré exige que le comportement de la prestataire soit conscient, voulu ou intentionnel. Aux fins de l’assurance-emploi, le mot « intentionnel » ne recouvre pas la preuve de l’intention de faire quelque chose de mal. D’après la preuve, il est clair que l’action de la prestataire de ne pas se conformer aux exigences de la politique de vaccination était consciente, voulue et intentionnelle. L’employeur exigeait qu’elle se conforme à la politique. Elle a plutôt choisi de ne pas s’y conformer. C’était un acte délibéré.

[30] De plus, je trouve que la prestataire savait qu’elle pouvait être placée en congé sans solde pour avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Elle en a été informée dans le courriel du 25 août 2021 de son employeur et a reconnu lors de l’audience qu’elle savait que cela pouvait arriver. Par conséquent, je conclus qu’elle savait que le résultat de sa décision de refuser de suivre la politique pouvait être une suspension sans solde.

[31] L’acte de refuser de se conformer à la politique de l’employeur constitue une inconduite aux fins de l’assurance-emploi. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a non seulement prouvé que la prestataire a consciemment refusé de se conformer à la politique, mais également que ce refus a entraîné sa suspension, que sa conduite était délibérée et qu’elle savait qu’elle pouvait être congédiée ou suspendue de son emploi si elle ne se conformait pas.

Donc, la prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[32] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Autres questions

[33] La prestataire a déclaré qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi, de sorte qu’elle a le droit d’en recevoir.

[34] Le fait de cotiser au programme d’assurance-emploi ne donne pas automatiquement à une personne le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle est en chômage. Comme les autres programmes d’assurance, la personne doit être admissible aux prestations. La prestataire n’est pas admissible parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la loi.

[35] Dans la demande de révision, la prestataire a déclaré que la vaccination ne peut être rendue obligatoire et qu’il existe des options de test qui n’ont pas été offertes par son employeur. Pour appuyer sa déclaration concernant la vaccination obligatoire, elle a inclus une section d’une page d’un rapport intitulé « Rapport sur l’immunisation au Canada, 1996 ». Ce document indique que l’immunisation n’est pas obligatoire au Canada et ne peut être rendue obligatoire en raison de la Constitution canadienne.

[36] Il n’y a aucune preuve qu’on a forcé la prestataire à recevoir un vaccin. On lui a dit que son employeur avait mis en œuvre une politique et qu’elle avait le choix de s’y conformer en vue de continuer à travailler, ou de refuser et de ne plus être en mesure de travailler.  

[37] La Commission a soutenu que le but du programme d’assurance-emploi est de protéger les personnes qui, sans en être responsables, se retrouvent temporairement sans emploi. L’assurance-emploi n’est pas conçue pour protéger ceux qui choisissent de devenir chômeurs et de transférer le fardeau de cette décision sur le contribuable canadien. Dans le cas présent, la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de son employeur, même si elle savait qu’elle pouvait être suspendue ou congédiée en raison de ce choix.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. 

[39] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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