Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 690

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Parties demanderesse : J. F.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 mai 2022
(GE-22-611)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 1er août 2022
Numéro de dossier : AD-22-374

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire travaillait comme intervenante pour aider les personnes sourdes-aveugles dans leurs activités de la vie quotidienne. L’employeur a d’abord suspendu la prestataire, puis l’a congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19. Selon l’employeur, elle a refusé de consentir au dépistage de la COVID-19 fourni par l’employeur et a refusé de divulguer son statut vaccinal. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi.   

[3] La partie défenderesse (la Commission) a décidé que la prestataire a d’abord été suspendue et ensuite congédiée en raison de sa propre inconduite, donc elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après sa demande de révision, la prestataire a interjeté appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur et non parce qu’elle a modifié le formulaire de divulgation. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur allait probablement la suspendre et la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée de son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire souhaite maintenant obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Selon elle, il n’appartient pas à la Commission ni à la division générale de décider et de punir la prestataire pour le licenciement, que cela se soit fait pour un motif valable ou sans motif. Elle affirme qu’elle avait le droit légal de ne pas divulguer son statut vaccinal. La prestataire soutient que l’employeur l’a illégalement tourmentée et intimidée en exigeant qu’elle atteste qu’elle a reçu le vaccin. 

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une quelconque erreur révisable que la division générale aurait commise et qui conférerait une chance de succès à l’appel.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que la prestataire soulève une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui conférerait une chance de succès à l’appel?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs révisables sont les suivantes :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon quelconque.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres mots, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Elle soutient qu’il n’appartient pas à la Commission ni à la division générale de décider et de punir la prestataire pour le licenciement, que cela se soit fait pour un motif valable ou sans motif. Elle fait valoir qu’elle avait le droit légal de ne pas divulguer son statut vaccinal. La prestataire soutient que l’employeur l’a illégalement tourmentée et intimidée en exigeant qu’elle atteste qu’elle a reçu le vaccin.

[13] La prestataire travaillait comme intervenante pour l’employeur, cela consistait à informer et à aider les personnes sourdes-aveugles dans tous les aspects de la vie quotidienne. Elle fournissait à ses clients les renseignements et l’aide nécessaires pour accomplir leurs tâches, y compris les soins personnels, les sorties, les repas, les médicaments, etc. En septembre 2021, l’employeur a mis en œuvre une politique qui exigeait que les employés signent un formulaire d’attestation, lequel comprenait la divulgation du statut vaccinal de l’employé. La prestataire n’a pas respecté la politique.

[14] La division générale devait décider si la prestataire a été congédiée de son emploi en raison de son inconduite.

[15] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur et non parce qu’elle a modifié le formulaire de divulgation. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur allait probablement la suspendre et de la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue puis congédiée en raison de son inconduite.

[16] La notion d’inconduite ne signifie pas que la conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale est de décider si la prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension et son licenciement, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de déterminer si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu et congédié la prestataire, de sorte ce que ces actions seraient injustifiéesNote de bas de page 1.

[18] En se basant sur la preuve prépondérante, la division générale a conclu que la prestataire a été suspendue et congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Elle avait été informée à plusieurs reprises de la politique de l’employeur mise en place pour protéger la santé et la sécurité de tous ses employés et on lui a donné plusieurs chances à se conformer. La prestataire a choisi de refuser; ce refus était délibéré. La division générale a conclu qu’elle savait que son refus de se conformer pouvait entraîner une suspension et son congédiement parce que l’employeur avait refusé auparavant sa demande d’accommodement. Cela était la cause directe de sa suspension et son congédiement.

[19] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.  

[20] Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[21] La prestataire soutient en outre que la politique de l’employeur contrevient aux dispositions de son contrat et enfreint son droit à la vie privée. Elle soutient qu’il n’appartient pas à la Commission ni à la division générale de décider et de punir la prestataire pour le licenciement, que cela se soit fait pour un motif valable ou sans motif.  

[22] Je ne vois pas d’erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement en fonction des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[23] Comme mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’une inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais si la prestataire était coupable d’une inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite avait entraîné la perte de son emploi. La preuve prépondérante démontre clairement que la prestataire a refusé de suivre la politique de l’employeur en réponse à la pandémie et que cela a entraîné son congédiement.

[24] Je suis bien conscient que la prestataire pourrait chercher à obtenir réparation par le truchement d’une autre instance, si une violation a eu lieuNote de bas de page 4. Cela ne change pas le fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison de son inconduite.

[25] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision comme une erreur de compétence ou un manquement de la division générale à un principe de justice naturelle. Elle n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[26] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire pour soutenir sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[27] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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