Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur de la prestataire a adopté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID 19 de la société mère. La politique s’appliquait à tout le personnel. La prestataire ne voulait pas se faire vacciner. Son employeur l’a mise en congé sans solde. Par la suite, la prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission a refusé de lui verser des prestations parce qu’elle avait été suspendue pour inconduite. La Commission a maintenu sa décision après avoir révisé le dossier.

La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale (DG). Celle ci a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Elle a rejeté l’appel de façon sommaire parce que la suspension de la prestataire découlait d’une inconduite. La prestataire a fait appel de cette décision devant la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG avait commis une erreur en rejetant l’appel de la prestataire de façon sommaire. Même si la DG avait de sérieux doutes au sujet des arguments de la prestataire, elle ne pouvait pas conclure de façon adéquate que l’appel était manifestement voué à l’échec malgré les éléments de preuve ou les arguments pouvant être présentés à l’audience. La DA a conclu que la DG n’avait pas mentionné explicitement dans sa décision le bon critère à appliquer et qu’elle avait rendu, sur la foi du dossier, une décision erronée sur le fond de l’affaire. La DA a conclu qu’en décidant de rejeter l’appel de façon sommaire, la DG n’avait pas appliqué le critère approprié. C’était une erreur de droit. Elle a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la DG pour réexamen.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 730

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : R. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 juin 2022 (GE-22-1268)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 5 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-355

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’appelante (prestataire) était infirmière dans un centre de soins public. Son employeur a adopté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 applicable à tout le personnel, comme la direction générale l’imposait. L’appelante ne voulait pas être vaccinée. Son employeur l’a donc mise en congé sans solde.

[3] Lorsque la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, l’intimée (Commission de l’assurance-emploi) lui a refusé des prestations parce qu’elle avait été suspendue en raison d’une inconduite. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. L’appelante a donc porté en appel la décision découlant de la révision devant la division générale.

[4] La division générale a décidé que l’appel de la prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès et l’a rejeté de façon sommaire. La division générale considérait que la prestataire avait choisi par elle-même de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, qu’elle savait qu’elle serait suspendue et qu’elle l’a été en raison de son refus. La division générale a conclu que la suspension de la prestataire découlait de son inconduite.

[5] La prestataire soutient qu’elle n’a pas eu l’occasion de parler à une personne en chair et en os, même si elle a déposé de nombreux documents justificatifs. Selon elle, le fait de prendre une décision médicale pour elle-même n’est pas une inconduite selon la loi. Elle avance que l’employeur n’a pas négocié avec son syndicat et que des griefs ont été déposés en son nom. Elle affirme que la loi lui donne le droit de refuser un traitement. La prestataire fait valoir que la Commission doit démontrer la validité et la légalité de la politique puisqu’il s’agit de la raison de sa suspension.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire.

[7] J’accueille l’appel de la prestataire. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a établi que, quand la division d’appel traite des appels au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal d’appel administratif pour toute décision rendue par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance semblable à celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2.

[11] En conséquence, je dois rejeter un appel à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait fait une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle commis une erreur en décidant de rejeter l’appel de façon sommaire?

[12] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire.

[13] La division d’appel a établi que le critère à appliquer en cas de rejet sommaire est le suivant :

  • L’appel est-il manifestement dénué de fondement et clairement voué à l’échecNote de bas de page 3?

[14] Pour être clair, la question est de savoir si cet échec est prévisible, peu importe la preuve ou les arguments présentés à l’audience. Le critère lié au rejet sommaire d’un appel est élevé.

[15] Voici des exemples de cas clairement voués à l’échec :

  • Une partie prestataire ne remplit pas les conditions requises.
  • Une partie prestataire n’a pas assez d’heures d’emploi assurable (impossibilité de rendre une décision sur ces heures).
  • Il est question de la répartition de la rémunération non contestée d’une partie prestataire (obligation de remboursement).
  • Une partie prestataire a atteint le nombre maximal de semaines pour des prestations de maladie.

[16] Ces exemples montrent sans ambiguïté lorsqu’une affaire est clairement vouée à l’échec ou que cet échec est prévisible.

[17] Il est important de mentionner que le Parlement a adopté un cadre législatif et réglementaire qui n’autorise pas la section de l’assurance-emploi de la division générale à rendre des décisions sur la foi du dossier. La règle générale est que la partie appelante doit avoir la possibilité d’être entendue. Le rejet sommaire ne devrait pas être élargi pour contourner cette intention.

[18] En contexte de rejet sommaire, il est donc inapproprié d’examiner une affaire sur le fond en l’absence des parties, puis de conclure que l’appel n’a aucune chance de succès.

[19] Dans son avis d’appel devant la division générale, la prestataire a mentionné, entre autres choses, que son choix éclairé de refuser le traitement n’est pas une inconduite selon la loi. Elle a fait valoir qu’elle était prête à poursuivre l’écouvillonnage quotidien et à porter le masque comme convenu, tel qu’elle l’avait fait les 20 premiers mois de la pandémie. Selon elle, la Commission n’a pas bien vérifié la validité de la politique de l’employeur et le fait qu’il avait ignoré ses droits à la vie privée et à la liberté de choix établis par la loi.

[20] J’estime que, même si la division générale avait de sérieux doutes sur les arguments de la prestataire, elle ne pouvait pas décider que l’appel était clairement voué à l’échec, peu importe la preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à une audience.

[21] Je considère que la division générale a omis de mentionner explicitement dans sa décision le critère à appliquer. Elle a tranché l’affaire sur le fond, sur la foi du dossier, alors qu’elle n’aurait pas dû.

[22] J’en conclus que la division générale n’a pas appliqué le bon critère pour décider que l’appel devait être rejeté de façon sommaire. C’est une erreur de droit.

[23] J’ai donc le pouvoir d’intervenir dans cette affaire.

Réparation

[24] Comme la division générale n’a pas appliqué le bon critère, j’accueille l’appel. Il convient de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.