Assurance-emploi (AE)

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Citation : ER c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 959

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (430752) datée du 24 août 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 octobre 2021
Personne présentes à l’audience : L’appelante
Date de la décision : 28 octobre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1768

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle suivait une formation. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[2] La prestataire travaille comme serveuse et massothérapeute. Le 17 mars 2020, elle est mise à pied en raison de la pandémie de la COVID-19. Elle reçoit des prestations d’urgence jusqu’au mois de septembre 2020.

[3] Par la suite, sa demande est transférée à la Commission de l’assurance-emploi. Elle demande des prestations d’assurance-emploi régulière. Une période de prestations est établie à partir du 27 septembre 2021.

[4] À l’hiver 2021, la prestataire suit une formation à temps plein en dessin du bâtiment. Elle déclare à la Commission qu’elle est disponible pour travailler aux mêmes conditions qu’avant la perte de ses emplois.

[5] Selon la Commission, la prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations à partir du 11 janvier 2021, parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle est disponible pour travailler pendant ses études à temps plein.

[6] Pour sa part, la prestataire soutient qu’elle a été mal informée par Commission concernant sa demande de prestations d’assurance-emploi. De plus, la Commission a tardé à prendre sa décision ce qui a engendré un trop payé de 8 780 $.

[7] Elle a pourtant fait des recherches pour se trouver un emploi. De plus, elle est mère d’une enfant dont elle assume la garde à 25 %.

Question en litige

[8] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant qu’elle suivait une formation ?

Analyse

[9] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[10] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[11] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance‑emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[12] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[13] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui suivent une formation à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui suivent une formation ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles suivent une formation à temps plein.

[14] Je vais d’abord voir si je peux présumer que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite les deux articles de loi portant sur la disponibilité.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[15] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

[16] La prestataire reconnaît qu’elle étudie à temps plein, et rien ne démontre que ce n’est pas le cas. J’accepte le fait que la prestataire suit une formation à temps plein. La présomption s’applique donc à la prestataire.

[17] La présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est‑à‑dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[18] La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en suivant une formationNote de bas de page 6. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 7.

[19] Je retiens que la prestataire a commencé à suivre une formation en dessin de bâtiment à partir du mois de janvier 2021 à raison de 30 heures par semaine. Elle s’est informée auprès de la Commission pour savoir si elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a compris qu’elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[20] Pendant ses études, elle a fait des démarches pour se trouver un emploi dans le domaine de la restauration et de la massothérapie. Elle cherchait un emploi similaire à celui qu’elle occupait avant de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[21] Avant la pandémie de la COVID-19, elle occupait trois emplois. Elle a eu des difficultés à se trouver un emploi. En novembre 2020, elle a fait des démarches pour se trouver un emploi. Comme, elle a un enfant, elle a été également limitée dans ses recherches. De plus, il y a eu des périodes de couvre-feux ce qui a limité également la recherche d’emploi.

[22] Selon la Commission, la prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle est aux études. Elle n’a pas un historique d’emploi et d’études en même temps.

[23] Toujours selon la Commission, la prestataire n’a pas démontré qu’il existe des circonstances exceptionnelles lui permettant de travailler pendant ses études. La prestataire a l’obligation d’assister à ses cours, elle ne peut pas modifier l’horaire de ses cours ni avoir des conditions particulières pour être exemptée de sa présence au cours. Elle priorise ses études, elle ne peut pas travailler pendant ses heures de cours ni travailler à temps plein.

[24] Je tiens à préciser que la notion de disponibilité ne correspond pas à un emploi à temps plein de 9 à 5. En fait, il faut démontrer que l’on soit disponible chaque jour ouvrable pour travailler. Un jour comprend 24 heures. De plus, certains emplois ont des horaires atypiques.

[25] Maintenant, est-ce que la prestataire a renversé la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible à partir du mois de janvier, parce qu’elle étudie à temps plein ?

[26] Je suis d’avis que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un historique d’étudiante à temps plein qui est en mesure de travailler. En effet, la preuve ne permet pas de conclure que la prestataire a déjà travaillé en fréquentant l’école.

[27] Cependant, en raison de la pandémie, elle se trouve dans des circonstances exceptionnelles. Si elle n’avait pas perdu ses emplois en raison de la pandémie, elle n’aurait pas demandé des prestations d’assurance-emploi.

[28] La disponibilité est une question de faitNote de bas de page 8. Par conséquent, je suis d’avis qu’il faut tenir compte de la pandémie de la COVID-19 qui a modifié le mode de vie des gens. Les règles sanitaires ont évolué durant cette période. Il y a eu des couvre-feux, des fermetures d’entreprises, des accès limités à des services.

[29] Par ailleurs, la prestataire suivait une formation, la Commission lui a versé des prestations pour revenir sur sa décision 8 mois plus tard. Pendant ce temps, la prestataire a tout de même fait quelques recherches d’emplois.

[30] Dans cette perspective, je suis d’avis que la prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité, parce qu’elle suit une formation à temps plein.

[31] Le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que la prestataire n’est pas disponible. Je dois cependant encore examiner les deux articles de loi applicables et décider si la prestataire est réellement disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[32] Le premier article de loi que je vais examiner prévoit qu’une partie prestataire doit prouver que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9.

[33] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire sont/étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10. Je dois décider si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[34] Je dois aussi évaluer les démarches de la prestataire pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance‑emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 11 :

  • évaluer les possibilités d’emploi ;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation ;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement ;

[35] La Commission affirme que les démarches de la prestataire n’étaient pas suffisantes pour trouver un emploi. En fait, la prestataire a déclaré ne pas avoir vraiment cherché un emploi. Elle a postulé à quelques endroits seulement.

[36] La prestataire n’est pas d’accord. La Commission savait que la prestataire avait moins de disponibilité en raison de ses études. Elle a tardé à analyser son dossier. Si elle avait été informée dès le départ qu’elle ne pouvait pas recevoir des prestations d’assurance-emploi ou les conditions, elle aurait fait une plus grande recherche d’emploi. Elle a communiqué à plusieurs reprises avec la Commission pour obtenir des informations. Elle a tout de même fait quelques recherches d’emploi.

[37] Je suis d’avis que compte tenu du contexte de la pandémie de la COVID-19, la prestataire a fait des efforts raisonnables et habituels pour se trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[38] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 12. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 13 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert ;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable ;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner travailler.

[39] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 14.

Vouloir retourner travailler

[40] Je retiens que la prestataire a perdu son emploi dans le domaine de restauration et de soins de santé en raison de la pandémie. Elle s’est inscrite à une formation en dessin de bâtiment à la session hiver 2021, afin d’améliorer ses chances de se trouver un emploi convenable pendant la pandémie.

[41] Elle a déclaré à la Commission qu’elle préférait poursuivre ses études plutôt que de travailler. Elle a tout de même cherché un emploi. Cependant, son dossier n’a pas été traité avant le début de ses cours. Il s’agit de malentendu avec la Commission, elle voulait travailler, mais étant donné qu’elle recevait des prestations, elle croyait que son dossier était en règle avec la Commission.

[42] Je suis d’avis que la prestataire voulait retourner sur le marché du travail. Il faut tenir compte du contexte de la pandémie et de la Commission qui tarde à prendre une décision dans son dossier.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[43] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci‑dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas de page 15.

[44] Comme je l’ai mentionné plus tôt, la prestataire a fait quelques recherches d’emploi pendant ses études. Compte tenu du contexte, je suis d’avis que ses démarches étaient suffisantes.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[45] Selon la Commission, la prestataire a limité ses chances de retourner sur le marché du travail en limitant les heures de disponibilité en dehors de ses heures de cours. Ainsi, elle était disponible qu’à certaines heures de certains joursNote de bas de page 16.

[46] Pour sa part, la prestataire a compris qu’elle devait se trouver un emploi aux mêmes conditions ou même meilleur. Elle considère ne pas avoir restreint les heures d’emploi, parce qu’elle pouvait travailler les mêmes heures. Cependant, en raison de la pandémie, il y avait des mesures restrictives, par exemple un couvre-feu, des limites au nombre de personnes dans un espace.

[47] Je retiens que la Commission ne conteste pas le fait qu’une agente ait pu induire en erreur la prestataire concernant son admissibilité. Toutefois, elle prétend que cela ne change pas la situation.

[48] Je ne suis pas d’accord. Si la Commission n’avait pas donné des informations erronées à la prestataire, la situation n’aurait pas été la même.

[49] Je suis d’avis que la prestataire n’a pas limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail dans un contexte de pandémie. Elle était disponible pour travailler le même nombre d’heures avant la pandémie, mais elle était limitée en raison de cette pandémie.

[50] En outre, j’en suis venue à la conclusion que la prestataire a renversé la présomption de non-disponibilité, lorsqu’elle suivait une formation à plein.

[51] Je ne suis pas d’accord avec la Commission que le fait de suivre une formation à temps plein limite ses chances. La Commission s’appuie sur les décisions Duquet et Gauthier.

[52] Je suis d’avis que ce n’est pas tenir compte de la décision CyrenneNote de bas de page 17. À quoi bon établir une présomption, si dès qu’un prestataire suit une formation à temps plein, il limite indûment ses chances de retourner travailler.

[53] Dans cette perspective, comme il s’agit d’une question de fait, il faut tenir compte de la pandémie de la COVID-19. En fait, la pandémie a limité les chances que des prestataires qui sont en mesure de renverser la présomption de non-disponibilité se trouvent un emploi.

[54] La Commission soutient également que la prestataire a limité sa disponibilité, lorsqu’elle a refusé un emploi à la SAQNote de bas de page 18 en posant des restrictions géographiques. Sa candidature a aussi été refusée dans u restaurant, parce qu’elle n’a pas donné de disponibilité.

[55] Pour sa part, la prestataire a expliqué qu’elle devait tenir compte de ses responsabilités familiales.

[56] Je suis d’avis que les emplois n’étaient pas convenables au sens du Règlement. En effet, l’alinéa 9.002 (1) b) prévoit que le travail ne doit pas être incompatible avec les obligations familiales de la prestataire, et ce, même si elle n’en assume pas la totalité.

[57] Pour ces raisons, j’estime que la prestataire n’a pas indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire ?

[58] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[59] Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de la preuve au dossier, du témoignage crédible de la prestataire et de ses explications plausibles.

Conclusion

[60] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que la prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations.

[61] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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