Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 689

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (445733) datée du 28 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 24 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-711

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a coûté son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait comme associé de livraison pour une compagnie de café. L’employeur l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 2. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la CommissionNote de bas de page 5. Il n’a pas démissionné et n’a pas été congédié. Le prestataire affirme qu’il est victime de discrimination, que la politique était inconstitutionnelle et qu’il s’agit de coercition médicale pour le forcer à se faire vacciner.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire ne travaille plus pour son employeur. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[8] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le prestataire a quitté son emploi, s’il a été congédié ou s’il y a eu un manque de travail.

[9] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire était un nouvel employé et qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccinationNote de bas de page 6. Au lieu de le mettre en congé, ils l’ont congédié. Le congédiement est également inscrit dans le relevé d’emploi modifié qui a été émisNote de bas de page 7.

[10] La Commission s’est fondée sur la déclaration et le relevé d’emploi de l’employeur pour appuyer sa décision selon laquelle le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 8.

[11] Le prestataire soutient que son relevé d’emploi initial aurait dû préciser qu’il y avait un « manque de travail » parce qu’il n’y avait pas de travail pour lui, particulièrement parce qu’il n’avait pas été vaccinéNote de bas de page 9. Il a dit que le relevé d’emploi initial disait qu’il avait « démissionné », et qu’il avait donc téléphoné au service des ressources humaines, qui a inscrit « congédiement ».

[12] Je conclus que le prestataire a été congédié de son emploi le 20 octobre 2022. J’ai préféré la déclaration de l’employeur et le relevé d’emploi qui montrent que le prestataire a été congédié.

[13] Je n’ai pas été convaincue par l’argument du prestataire selon lequel il y avait eu un manque de travail. La preuve montre que l’employeur avait encore du travail pour les employés, mais que le prestataire devait se conformer à la politique de vaccination pour continuer à travailler. De plus, le prestataire a affirmé que son superviseur lui avait dit [traduction] « si tu ne te fais pas vacciner, tu ne pourras pas travailler pour cette compagnie ».

[14] Enfin, le prestataire convient qu’il n’avait pas le choix de continuer à travailler et qu’il n’avait donc pas démissionné.

Quelle était la politique de l’employeur?

[15] L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19. Une copie de cette politique figure au dossierNote de bas de page 10.

[16] La politique exige que les employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 20 novembre 2021 et qu’ils fournissent une preuve de vaccination à l’employeur.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[17] Le prestataire convient que la politique lui a été communiquée par son employeur vers le 19 octobre 2021. Il y a eu une réunion Zoom avec tous les employés. On leur a dit que la vaccination était obligatoire. Le prestataire a ensuite parlé au téléphone avec son superviseur le 20 octobre 2021 et celui-ci lui a dit qu’il devait être vacciné.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[18] La politique précise que [traduction] « les personnes visées qui ne se conforment pas à l’exigence de vaccination pourraient faire l’objet de mesures administratives ou disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi ou de contratNote de bas de page 11 ».

[19] Le prestataire a reconnu que son superviseur lui avait dit qu’il n’y aurait pas de travail pour lui s’il décidait de ne pas se faire vacciner.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[20] La politique prévoit des exemptions pour « les personnes visées qui choisissent de ne pas se faire vacciner au titre de la législation sur les droits de la personne (p. ex., invalidité ou croyances religieuses), et précise qu’elles peuvent être admissibles à une demande de mesures d’adaptationNote de bas de page 12 ».

[21] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas présenté de demande d’exemption parce qu’il n’est pas religieux et qu’il ne répond pas aux critères médicaux.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 14.

[23] Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une mauvaise intention (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement constitue une inconduite au titre de la loiNote de bas de page 15.

[24] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 16.

[25] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 17.

[26] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs qui suivent.

[27] Premièrement, j’estime que le prestataire a délibérément et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur et qu’il savait que son refus de se conformer entraînerait son congédiement. La politique a été communiquée au prestataire le 19 octobre 2021 et de nouveau le 20 octobre 2021. On lui a dit qu’il n’y aurait pas de travail pour lui s’il ne se faisait pas vacciner.

[28] La Cour a déclaré que les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite de la partie prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de façon à ce que cela constitue un congédiement injuste, mais plutôt si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 18.

[29] Dans la présente affaire, le prestataire a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur. Cette conduite contrevenait à la politique de l’employeur et il savait qu’elle entraînerait la perte de son emploi.

[30] Une partie de l’argument du prestataire est qu’il n’a pas commis d’inconduite véritable, comme un vol, ou un acte de violence ou de harcèlement. Cependant, la Cour a déjà décidé qu’il n’est pas nécessaire que l’inconduite ait été commise avec une intention coupable pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au titre de la loiNote de bas de page 19.

[31] Deuxièmement, la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le vaccin demeure volontaire, mais que l’obligation de présenter une preuve de vaccination pour protéger les personnes au travail ou qui reçoivent des services est généralement permise au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 20, pourvu que des mesures de protection soient mises en place pour s’assurer que des mesures d’adaptation raisonnables soient fournies aux personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des motifs prévus dans le CodeNote de bas de page 21.

[32] Dans la présente affaire, le prestataire a admis qu’il n’avait pas demandé d’exemption à la politique de l’employeur parce qu’il ne satisfaisait pas aux critères médicaux ou religieux.

[33] Troisièmement, je reconnais que le prestataire a le droit de décider s’il veut se faire vacciner. Je reconnais également que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail pour assurer la santé et la sécurité des employés.

[34] Dans l’affaire qui nous concerne, le prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles, même s’il savait que cela pourrait nuire à l’exercice de ses fonctions envers son employeur. L’employeur lui a dit que la politique avait été mise en œuvre parce que la clientèle voulait que les conducteurs soient vaccinés. Cela a donné lieu à des résultats indésirables, comme des pertes d’emplois et de revenus.

[35] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans travail. La perte d’un emploi assuré doit être involontaireNote de bas de page 22. Il ne s’agit pas d’un droit automatique, même si la partie prestataire a cotisé au Régime d’assurance-emploi.

[36] À mon avis, le prestataire n’a pas été congédié involontairement parce que c’est son refus de se conformer à la politique de l’employeur qui a mené à son congédiement. Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[37] Le prestataire n’est pas d’accord avec la politique et la sanction de l’employeur pour diverses raisons. Il a expliqué qu’il avait été victime de discrimination, que la politique portait atteinte à ses droits garantis par la Charte, qu’il s’agissait d’un vaccin expérimental et que son employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation, etc.

[38] La Cour a déclaré que le rôle des tribunaux n’est pas d’établir si un congédiement par l’employeur était justifié ou s’il constituait la sanction appropriéeNote de bas de page 23.

[39] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte aux droits du prestataire en tant qu’employé lorsqu’il l’a congédié, ou s’il aurait pu ou dû prendre des mesures d’adaptation à son égard.

[40] Le recours du prestataire contre son employeur consiste à poursuivre ses réclamations en cour, ou devant tout autre tribunal qui peut traiter de ces questions particulières.

[41] Je dois établir si la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 24. À la lumière des faits de la présente affaire, j’ai déjà décidé que la conduite du prestataire équivaut à une inconduite volontaire.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[43] L’appel est donc rejeté.

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