Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 733

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (462091) rendue le 4 avril 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Date de la décision : Le 3 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1269

Sur cette page

Introduction

[1] L’employeuse de l’appelant a mis en place une politique exigeant que tout le personnel se fasse vacciner contre la COVID-19 ou passe des tests de dépistage rapide deux fois par semaine. L’appelant n’a pas respecté le protocole de test. Son employeuse l’a mis en congé sans solde. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée a rejeté la demande de prestations. Elle a expliqué que l’appelant n’avait pas droit aux prestations parce qu’il avait été suspendu à la suite d’une inconduite.

[2] L’appelant a demandé la révision de cette décision. L’intimée n’a pas modifié sa décision, sauf pour préciser que l’inadmissibilité s’appliquait seulement du 25 octobre 2021 au 26 novembre 2021, car l’appelant avait repris le travail.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit décider s’il faut rejeter l’appel de façon sommaire.

Droit applicable

[4] Selon l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale du Tribunal rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précise qu’avant de rejeter sommairement un appel, la division générale doit aviser la partie appelante par écrit et lui accorder un délai raisonnable pour présenter des observations.

[6] L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les personnes qui sont suspendues de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations jusqu’à la fin de la période de suspension, la perte de l’emploi, le départ volontaire ou le cumul dans un autre emploi d’un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations.

Preuve

[7] Le dossier porté à ma connaissance comprend une copie de la politique de vaccination de l’employeuse. Elle s’intitule « Politique de vaccination contre la COVID-19 ». Elle a été publiée le 1er septembre 2021 et comprend les renseignements suivants :

  • L’employeuse s’attend à ce que tout le personnel soit pleinement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 15 octobre 2021, à moins qu’une exception s’applique.
  • Lorsque des vaccins sont disponibles et qu’une ou un membre du personnel n’a toujours pas reçu le vaccin, elle ou il devra en divulguer la raison par écrit (par exemple, pour des raisons médicales ou un autre motif protégé par la loi).
  • Si la ou le membre du personnel a choisi de ne pas se faire vacciner pour un motif non médical ou non protégé par la loi, les circonstances seront examinées et les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité au travail seront prises à l’égard de cette personne, y compris la restriction de son accès au lieu de travail, sa mise en congé sans solde, sa mise à pied, la réduction de ses heures de travail ou la modification ou résiliation de son contrat de travail.
  • Les membres du personnel qui ne sont pas pleinement vaccinés devront respecter tous les protocoles de dépistage jugés appropriés par l’employeuse, y compris le passage de tests antigéniques rapides ou d’autres tests qui peuvent se faire chaque jour ouvrable ou à tout autre moment déterminé par l’employeuse.
  • Quand une ou un membre du personnel fournit une raison médicale ou une autre raison valide fondée sur des motifs protégés par la loi, les mesures d’adaptation appropriées seront élaborées ou mises en œuvre si possible.
  • L’employeuse décidera si la raison du refus de la vaccination est valide sur une base individuelle.
  • Rien ne garantit qu’une ou un membre du personnel qui ne reçoit pas les doses de vaccin recommandées pourra continuer à occuper un emploi effectif dans son poste actuel, ou tout autre poste, peu importe la raison.
  • L’employeuse ne garantit pas l’emploi d’une ou un membre du personnel qui refuse de fournir une preuve de vaccination complète à une cliente ou un client de l’employeuse qui exige une telle preuve pour l’accès à ses locaux.
  • Les membres du personnel qui ne respectent pas la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[8] L’employeuse a donné à l’intimée une copie d’un courriel qu’elle a envoyé à tout le personnel le 9 septembre 2021. Le message mentionne une réunion de tout le personnel qui a eu lieu ce jour-là. Une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 est jointe au message. La politique devait aussi être publiée sur les portails de l’entreprise et du personnel et elle allait être envoyée à la même adresse courriel où les membres du personnel recevaient leur chèque de paie.

[9] L’employeuse a remis à l’appelant une lettre datée du 21 octobre 2021. Il y en a une copie au dossier. Voici ce que l’employeuse dit dans la lettre :

  • La politique a été mise en œuvre le 9 septembre.
  • Les communications diffusées après cette date ont fourni des renseignements sur l’application de la politique.
  • Aux termes de cette politique, tous les membres du personnel ont le choix de présenter une preuve de vaccination au plus tard le 15 octobre 2021 ou de se soumettre deux fois par semaine à des tests de dépistage rapide de la COVID-19.
  • Les personnes qui ne respectent pas l’une ou l’autre de ces conditions sont placées en congé sans solde.
  • L’appelant n’avait fourni aucune preuve de vaccination.
  • Il a fait savoir qu’il ne passerait pas les tests deux fois par semaine.
  • Il était donc mis en congé sans solde immédiatement.
  • Le congé prendrait fin lorsqu’il accepterait de se conformer aux exigences de la politique tant qu’elle était en vigueur.

[10] Il y a deux relevés d’emploi au dossier. Le premier, produit le 27 octobre 2021, indique que l’appelant a été congédié. On peut voir sur le deuxième, qui date du 6 janvier 2022, qu’il s’agit d’une version modifiée du premier relevé. Il montre que l’appelant était en congé autorisé.

[11] Dans sa demande de prestations, déposée le 25 octobre 2021, l’appelant a écrit qu’il avait été congédié ou suspendu. Il a précisé que c’était en raison de son refus de se soumettre à la nouvelle version de la politique de vaccination contre la COVID-19, qui aurait heurté ses croyances personnelles et ses croyances religieuses profondes.

[12] L’intimée a déposé les notes prises durant ses conversations avec l’employeuse de l’appelant. Cette dernière a déclaré que l’appelant avait été mis en congé parce qu’il refusait de se conformer à la politique de vaccination. La politique a été communiquée à tout le personnel lors d’une réunion le 9 septembre 2021. Il fallait que tout le personnel soit vacciné au plus tard le 15 octobre 2021 ou que chaque personne passe un test de dépistage rapide tous les deux jours à compter du 15 octobre. Le 15 octobre 2021, l’appelant a refusé les deux options. Il n’a pas donné d’explication. Le 19 octobre 2021 et le 21 octobre 2021, il n’a pas présenté le résultat de ses tests. Le 21 octobre 2021, il a été placé en congé sans solde. Il est revenu au travail le 29 novembre 2021, car il acceptait alors de subir les tests rapides.

[13] L’intimée a aussi déposé les notes prises durant ses conversations avec l’appelant. On peut y lire que l’intimée a dit avoir assisté à la réunion du 9 septembre 2021 et avoir reçu la politique par courriel. Il savait que s’il ne respectait pas la politique, il risquait d’être congédié. Il a confirmé qu’il ne se ferait pas vacciner et qu’il n’a pas subi les tests les 19 octobre 2021 et 21 octobre 2021. Il savait qu’il n’y avait aucune exemption à la politique pour des raisons religieuses. Par la suite, il était retourné au travail et faisait les tests rapides.

Observations

[14] L’appelant a fait valoir qu’il avait été congédié pour avoir refusé de subir de force des actes médicaux qui violaient ses croyances religieuses, qui sont profondes et sincères. Les actes médicaux ne figuraient pas dans son contrat de travail et n’étaient pas pertinents dans le cadre de ses fonctions. Ni lui ni son employeuse n’ont qualifié sa cessation d’emploi de suspension et aucune allégation d’inconduite n’a été faite.

[15] L’intimée a soutenu que personne ne conteste le fait que l’appelant ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeuse en date du 15 octobre 2021. Son congé sans solde a été décrété par l’employeuse, de sorte que sa cessation d’emploi est considérée comme une suspension. Il est lui-même à l’origine de la suspension parce qu’il a été mis au courant de la politique, y compris des conséquences du non-respect de celle-ci, et il a fait le choix personnel de ne pas se conformer à la politique.

Analyse

[16] La seule question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a été mis en congé (suspendu) pour inconduiteNote de bas de page 1.

[17] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’il y avait une réelle possibilité d’en subir les conséquencesNote de bas de page 2.

[18] L’intimée doit prouver que l’appelant a été mis en congé en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a dû cesser de travailler en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3.

[19] Les éléments de preuve déjà au dossier montrent que l’employeuse de l’appelant avait mis en place une politique de vaccination qui exigeait que le personnel soit vacciné. À compter du 15 octobre 2021, les membres du personnel qui n’avaient pas reçu le vaccin devaient passer tous les deux jours un test antigénique rapide. La politique décrivait aussi les conséquences de ne fournir aucune preuve de vaccination. Cette politique a été communiquée au personnel de différentes façons.

[20] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il connaissait la politique de l’employeuse. Les notes de l’intimée montrent que l’appelant a confirmé qu’il ne se ferait pas vacciner. Il n’était pas non plus d’accord avec les tests rapides qui nécessitaient des prélèvements à l’aide d’un écouvillon. Il n’a pas subi de test les 19 octobre et 21 octobre 2021. Il savait qu’il subirait des conséquences s’il ne respectait pas la politique.

[21] L’appelant fait valoir que la politique de l’employeuse était illégale. Je ne vois aucune décision rendue par une autorité juridique ou toute autre autorité qui confirme cela. Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer la validité des politiques de l’employeuse.

[22] L’appelant fait aussi valoir qu’il a subi de la pression pour se faire vacciner et que les actes médicaux requis ne figuraient pas dans son contrat de travail et n’étaient pas utiles dans le cadre de ses fonctions.

[23] Dans le cas d’une exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, l’analyse porte surtout sur ce que les prestataires ont fait ou omis de faire. Seule la conduite de l’appelant sert à décider s’il y a eu inconduite. La conduite de l’employeuse n’est pas pertinenteNote de bas de page 4.

[24] Quoi qu’il en soit, l’appelant n’a fourni aucune preuve de son contrat de travail ni de ses obligations envers son employeuse. La seule obligation présentée au Tribunal est le respect de la politique de vaccination et de dépistage.

[25] L’appelant avance que son employeuse ne l’a pas accusé d’inconduite.

[26] La façon dont l’employeuse a qualifié la conduite n’est pas pertinente. Selon la jurisprudence, pour décider si les prestataires ont droit à des prestations, c’est l’« inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi qui est pertinente, et pas nécessairement la façon dont l’employeuse définit l’inconduiteNote de bas de page 5. La question de savoir si l’employeuse estime ou non que la conduite [de l’appelant] était une inconduite ne permet pas de savoir s’il s’agissait d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] Ce n’est pas au Tribunal de décider si la pénalité imposée par l’employeuse était la sanction appropriéeNote de bas de page 6. La seule chose dont je dois décider est si la conduite [de l’appelant] constitue une inconduiteNote de bas de page 7.

[28] [L’appelant] affirme qu’il fait l’objet de discrimination en raison de ses croyances religieuses. Il n’a pas précisé de quelles croyances religieuses il s’agissait et a dit que ce n’est pas approprié que l’intimée s’informe à ce sujet.

[29] Je ne vois rien qui prouve cette affirmation. L’appelant a été mis en congé sans solde non pas en raison de la religion à laquelle il adhère, mais parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeuse exigeant que les personnes non vaccinées subissent des tests de dépistage rapide. S’il estimait que la politique l’empêchait de pratiquer sa religion, il fallait en discuter avec l’employeuse. L’exemption de l’obligation de suivre une politique mise en place par l’employeuse pour protéger la santé et la sécurité du personnel et d’autres personnes n’est pas un droit protégé par la loi.

[30] En ce qui concerne les règles de l’assurance-emploi, je ne vois aucune preuve montrant que l’appelant a été traité différemment en raison de ses convictions religieuses. Il n’a pas vraiment expliqué quelles sont ses convictions religieuses. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestataires dont la suspension découle d’une inconduite ne sont pas admissibles aux prestations. L’inadmissibilité n’est pas imposée uniquement aux personnes qui appartiennent à une religion particulière.

[31] Les prestataires ont le droit de ne pas se faire vacciner. C’est leur choix. Cependant, elles et ils ne sont pas à l’abri des conséquences de ce choix. Dans la présente affaire, les conséquences étaient que [l’appelant] devait passer des tests antigéniques rapides deux fois par semaine. Les éléments de preuve déjà au dossier montrent qu’il a refusé de subir les tests à deux reprises. L’appelant a dit à l’intimée qu’il savait que le non-respect de la politique avait des conséquences. Il a choisi délibérément de ne pas s’y conformer malgré tout. Il a été suspendu parce qu’il ne respectait pas la politique de l’employeuse. C’est là une inconduite au sens de la loi. Il n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[32] Le 20 mai 2022, le Tribunal a envoyé une lettre à l’appelant pour l’informer de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire. L’appelant a été invité à déposer des éléments de preuve supplémentaires s’il estimait que le dossier était incomplet.

[33] En réponse à cette lettre, l’appelant n’a fourni aucun nouvel élément de preuve. Il a fait valoir qu’il ne pouvait pas y avoir d’inconduite de sa part, car il n’avait enfreint aucune politique légale de l’entreprise qui ne violait pas directement ses droits de la personne. Il a expliqué ses frustrations et sa colère à l’égard de Service Canada, et maintenant du processus du Tribunal, et il a exigé que toutes les contributions qu’il avait versées à l’assurance-emploi lui soient retournées.

[34] La preuve montre que l’appelant savait que la politique de son employeuse exigeait qu’il passe des tests antigéniques rapides deux fois par semaine. L’appelant savait que ne pas subir les tests avait des conséquences. Comme il n’était pas d’accord avec la politique, il a choisi de ne pas subir les deux premiers tests. La lettre de son employeuse explique qu’il a été mis en congé sans solde à cause de ce refus. Ces faits montrent que la façon dont l’appelant s’est conduit est considérée comme une inconduite par la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence.

[35] Comme aucun élément de preuve ne pourrait changer ces faits, l’appelant n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[36] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

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