Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c AM, 2022 TSS 736

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : A. Fricker
Partie intimée : A. M.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 mars 2022 (GE-22-290)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante

Date de la décision : Le 8 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-216

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées, et son choix est irrévocable.

Aperçu

[2] L’intimée, A. M. (prestataire), a demandé et reçu des prestations de maternité de l’assurance-emploi, puis des prestations parentales. Dans sa demande de prestations, elle a choisi les prestations parentales prolongées, soit des prestations d’un taux inférieur, versées au cours d’une plus longue période.

[3] La prestataire a inscrit dans le formulaire de demande qu’elle désirait recevoir 61 semaines de prestations. Elle a reçu son premier versement de prestations parentales aux alentours du 23 juillet 2021. Le 20 novembre 2021, elle a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, et a demandé de passer à l’option standard.

[4] La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle a déclaré qu’il était trop tard pour changer d’option, après le versement des prestations parentales. La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision.

[5] La prestataire a fait appel avec succès devant la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que la prestataire avait l’intention de choisir des prestations parentales standards et qu’elle voulait recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales combinées pendant un an.

[6] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Elle fait valoir que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en accueillant l’appel.

[7] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que ce choix était irrévocable.

Questions préliminaires

[8] Une audience par téléconférence était prévue dans cette affaire pour le 29 juin 2022. La prestataire n’a pas participé à l’audience. Je suis convaincue qu’elle a reçu l’avis d’audience et qu’elle était au courant de la date et de l’heure de l’audienceNote de bas de page 1. J’ai tenu l’audience en l’absence de la prestataire.

Questions en litige

[9] Je me suis penchée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner et d’appliquer la jurisprudence contraignante?
  2. b) Dans l’affirmative, quelle est la meilleure façon de réparer l’erreur de la division générale?

Analyse

[10] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc examiner si la division générale aNote de bas de page 2 :

  • omis d’offrir un processus équitable;
  • omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • fondé sa décision sur une importante erreur se rapportant aux faits en cause.

Contexte

[11] Il y a deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards — le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Prestations parentales prolongées — le taux de prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[12] La prestataire a soumis une demande de prestations de maternité et de prestations parentales commençant le 4 avril 2021Note de bas de page 3. Dans sa demande, la prestataire a dit que sa dernière journée de travail était le 7 avril 2021 et qu’elle ne savait pas la date de son retour au travailNote de bas de page 4.

[13] La prestataire a indiqué qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après avoir reçu des prestations de maternité. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées. On lui a demandé combien de semaines de prestations elle souhaitait recevoir, et elle a choisi 61 semaines à partir du menu déroulantNote de bas de page 5.

[14] Le premier versement de prestations prolongées a été effectué le 23 juillet 2021. La prestataire a communiqué avec la Commission le 20 novembre 2021 pour demander la modification de son choix afin de recevoir des prestations parentales standardsNote de bas de page 6. La Commission a rejeté la demande de la prestataire. La Commission a dit qu’il était trop tard pour la prestataire de changer d’option étant donné qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales. La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision.

Décision de la division générale

[15] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée dans son formulaire de demandeNote de bas de page 7. Il a également accepté le fait que la prestataire voulait des prestations standards. Dans ses déclarations à la Commission et dans son avis d’appel à la division générale, elle a toujours dit qu’elle voulait toucher des prestations pendant un anNote de bas de page 8.

[16] La division générale a conclu qu’elle devait tenir compte de toutes les preuves pertinentes pour déterminer l’option choisie par la prestataire, y compris les preuves de l’intention de la prestataireNote de bas de page 9. Elle a conclu que la prestataire prévoyait de s’absenter du travail pendant un an, ce qui appuyait son intention de choisir les prestations parentales standards. La division générale a accepté la position de la prestataire qui a écrit à la Commission qu’elle avait dit à son employeur qu’elle prévoyait de retourner au travail en mars 2022Note de bas de page 10. Compte tenu de la preuve de l’intention de la prestataire, la division générale a conclu qu’elle avait l’intention de choisir les prestations parentales standards.

[17] La prestataire n’a pas assisté à l’audience devant la division générale. La division générale a déclaré que la prestataire n’a pas trouvé le formulaire de demande simple et a communiqué avec Service Canada pour obtenir de l’aide. Elle a accepté le fait que la prestataire ait demandé un an de prestations, mais que l’option prolongée ait été cochéeNote de bas de page 11.

[18] La division générale a conclu que la prestataire a choisi les prestations parentales standards, et non les prestations prolongées, parce que c’était l’option qu’elle avait l’intention de choisir. Pour cette raison, elle a conclu qu’il n’y avait rien à révoquer en ce qui concerne le choix des prestations de la prestataireNote de bas de page 12.

L’appel de la Commission devant la division d’appel

[19] La Commission soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs dans sa décision. Elle met de l’avant les arguments suivants :

  • La division générale a commis une erreur de droit en modifiant le choix de la prestataire pour qu’elle reçoive des prestations standards au lieu des prestations prolongées après avoir reçu des versements.
  • La division générale a excédé sa compétence en décidant quelle option la prestataire avait choisie dans son formulaire de demande et la validité de ce choix.
  • La division générale a commis une erreur de droit en ne suivant pas les directives de la Cour fédérale.
  • La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis d’exiger que la prestataire remplisse ses obligations de connaître ses droits et privilèges au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

La division générale a commis une erreur de droit en ne suivant pas la jurisprudence contraignante

[20] Dans sa décision, la division générale n’a pas tenu compte de la décision Karval de la Cour fédéraleNote de bas de page 13. Dans la décision Karval, la Cour fédérale a conclu qu’il incombe aux prestataires de lire attentivement les options qui leur sont offertes et d’essayer de les comprendre. Si les options ne sont pas claires, les prestataires doivent se renseigner auprès de la Commission. Elle a conclu que le taux de prestations et l’irrévocabilité du choix sont tous deux clairement énoncés dans le formulaire de demandeNote de bas de page 14.

[21] La décision Karval est une jurisprudence contraignante. Cela signifie que la division générale était tenue de la prendre en considération. Si la division générale a choisi de ne pas suivre les principes énoncés dans la décision Karval, elle doit expliquer pourquoiNote de bas de page 15.

[22] Le juge de la Cour fédérale dans la décision Karval a conclu qu’il n’existe aucune réparation pour les prestataires qui commettent une erreur et fondent leur choix sur un malentenduNote de bas de page 16. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas trouvé le formulaire simple et avait demandé de l’aide, mais elle n’a pas interrogé la prestataire à ce sujet, car cette dernière n’a pas assisté à l’audience.

[23] La division générale a conclu que la prestataire voulait choisir les prestations parentales standards et a reçu de l’aide par téléphone pour remplir la demande. Elle a conclu que la prestataire ne savait pas qu’elle choisissait de recevoir des prestations prolongées. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer et d’appliquer la décision contraignante de la Cour fédérale dans l’affaire Karval lorsqu’elle a rendu cette décision.

[24] Puisque j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à examiner les autres arguments de la Commission.

Je vais rectifier l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[25] À l’audience que j’ai présidée, la Commission a fait valoir que, si la division générale avait commis une erreur, je devais alors rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 17.

[26] Je suis d’accord. J’estime que dans la présente affaire, il convient de remplacer la décision de la division générale par ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et le dossier de preuve est suffisant pour que je rende une décision.

La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et le choix était irrévocable

[27] La division d’appel et la division générale ont rendu un certain nombre de décisions concernant le choix des prestations parentales standards ou prolongées. Dans plusieurs de ces décisions, le Tribunal a examiné quel type de prestations la partie prestataire a effectivement choisi. Lorsqu’il y a des renseignements contradictoires dans le formulaire de demande, le Tribunal a décidé quelle option la partie prestataire a probablement choisie. Dans d’autres cas, le Tribunal a tenu compte de l’intention de la partie prestataire lorsqu’elle a fait son choix.

[28] Une décision récente de la Cour d’appel fédérale, intitulée Canada (Procureur général) v Hull (décision Hull), s’est penchée sur l’interprétation appropriée des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 18.

[29] Dans la décision Hull, la prestataire avait choisi l’option des prestations parentales prolongées sur son formulaire de demande et avait demandé 52 semaines de prestations parentales, après les prestations de maternité. La prestataire a reçu des prestations parentales prolongées pendant plusieurs mois avant de se rendre compte de son erreur. Le formulaire de demande l’avait rendue confuse et elle avait l’intention de recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales combinées pendant un an. La division générale a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales standards.

[30] Dans la décision Hull, la Cour a déclaré :

[traduction]
La question de droit aux fins de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi est la suivante : le mot « choisir » désigne-t-il ce que la partie prestataire indique comme étant son choix de prestations parentales dans le formulaire de demande ou désigne-t-il ce que la partie prestataire « avait l’intention » de choisirNote de bas de page 19?

[31] La Cour a jugé que le choix d’une partie prestataire correspond à ce qu’elle choisit sur son formulaire de demande, et non à ce qu’elle aurait pu vouloirNote de bas de page 20. Elle a également conclu qu’une fois que le versement des prestations parentales a commencé, le choix ne peut pas être révoqué, ni par la partie prestataire, ni par la Commission, ni par le TribunalNote de bas de page 21.

[32] En appliquant la décision Hull de la Cour aux circonstances de la prestataire, il est clair qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. C’était l’option choisie dans le formulaire de demande. Elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines. Le choix était irrévocable dès que le versement de ces prestations a commencé.

[33] Le législateur a choisi de ne pas inclure d’exceptions à l’irrévocabilité du choix. Il est malheureux pour la prestataire qu’une erreur sur un formulaire de demande puisse avoir des conséquences financières importantes pour elle. Je compatis à sa situation. Toutefois, je dois appliquer la loi telle qu’elle est écriteNote de bas de page 22. Je conclus que la législation et la jurisprudence confirment qu’un choix ne peut pas être révoqué au motif qu’il y a eu une erreur.

[34] Les prestataires peuvent modifier leur choix après la présentation du formulaire de demande, mais avant le versement des prestations parentales. Les prestataires peuvent créer un compte auprès de Service Canada pour vérifier la date de début et le taux de leurs prestations de maternité et de leurs prestations parentales. Les prestataires ont ainsi la possibilité de s’assurer que le choix fait sur leur formulaire de demande était bien celui souhaité.

[35] Je comprends que le choix de la prestataire de recevoir des prestations parentales prolongées était une erreur. Elle avait l’intention de choisir les prestations parentales standards. Cependant, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que l’intention de la personne au moment où elle a rempli le formulaire n’est pas pertinente pour déterminer son choix.

[36] La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande. C’était son choix et, après que les prestations lui aient été versées, il est devenu irrévocable.

Conclusion

[37] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et le choix était irrévocable.

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