Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 709

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. Y.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (449169) datée du 24 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 mars 2022
Personne présente à l’audience :

Partie appelante

Date de la décision : Le 25 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-557

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire, A. Y., a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le 14 octobre 2021, le responsable provincial de la santé en Colombie-Britannique a donné un ordre selon lequel toute personne employée par un conseil régional de santé devait être vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021. Le prestataire a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Il a été placé en congé sans solde. On lui a dit qu’il devait recevoir une première dose du vaccin avant le 15 novembre 2021 pour pouvoir continuer à travailler. Le prestataire a toujours refusé. Le 15 novembre 2021, on a mis fin à l’emploi du prestataire.   

[4] La Commission a accepté la raison de licenciement de l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Il soutient que les actions de l’employeur qui l’a congédié ont violé son contrat et étaient injustes et illégales. Il affirme qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite, mais plutôt parce qu’il n’a pas respecté l’obligation de se faire vacciner, laquelle le contraignait à prendre des médicaments expérimentaux dangereux comme condition d’emploi. Cela va à l’encontre de sa convention collective.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie au présent appel

[6] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie prestataire une lettre lui demandant s’il souhaite être ajouté comme une partie potentielle à l’appel. Dans cette affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. L’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[7] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre en cause l’employeur dans l’appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations juridiques à l’employeur.

Ma compétence

[8] Je reconnais que le prestataire était d’abord en congé sans solde (c’est-à-dire qu’il était suspendu) de son emploi et qu’il a demandé immédiatement des prestations. Un article de la Loi sur l’assurance-emploi traite de l’inadmissibilité pour cette raisonNote de bas de page 2.  

[9] Cependant, au moment où la Commission a rendu une décision concernant ses prestations, le prestataire avait déjà été congédié, et la décision de la Commission reflétait ce changement de statut. Cela n’a pas changé dans la décision de révision de la Commission.     

[10] Ma compétence est fondée sur la décision de révision. Dans cette décision, la Commission déclare qu’elle ne peut pas verser de prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 24 octobre 2021, parce que le prestataire a perdu son emploi le 25 octobre 2021, en raison d’une inconduite.  

[11] Ainsi, même si le prestataire était d’abord en congé sans solde, puisque la Commission n’a fait que prendre une décision initiale et réviser sa décision excluant le prestataire du bénéfice de prestations parce qu’il a été congédié en raison d’une inconduite, je ne rendrai une décision que sur la question de l’exclusionNote de bas de page 3, où le dernier jour de travail était le 24 octobre 2021.  

Question en litige

[12] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si selon la loi cette raison correspond à une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[14] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a choisi de ne pas respecter l’ordre donné par le responsable provincial de la santé, selon lequel toute personne employée par un conseil régional de santé devait être vaccinée contre la COVID-19.

[15] Le prestataire a déclaré qu’il avait été initialement placé en congé sans solde le 25 octobre 2021 parce qu’il avait refusé de recevoir ce qu’il estimait être un médicament dangereux et expérimental. Il a dit que les exigences étaient claires; les employés devaient se faire vacciner, sinon ils seraient placés en congé sans solde, ce qui pouvait mener à un licenciement. Il a compris cela grâce aux courriels qui ont été envoyés aux employés et aux discussions qu’il a eues avec son superviseur et son gestionnaire.

[16] Il affirme que son superviseur et son gestionnaire ont entamé des conversations avec lui parce qu’ils ont remarqué que selon leurs dossiers il n’était pas vacciné. Ils voulaient le mettre au courant de la politique qui serait bientôt mise en œuvre. Celle-ci prévoyait que le prestataire serait mis en congé sans solde le 26 octobre 2021. Ensuite, ils ont obtenu plus d’informations et la politique s’est développée davantage; le licenciement du prestataire a eu lieu le 15 novembre 2021.

[17] Le prestataire a confirmé qu’il a eu des réunions avec son superviseur et son gestionnaire, lesquels ont discuté de la politique avec lui. Il y a également eu une réunion de licenciement au cours de laquelle on lui a lu la lettre de licenciement. À ce moment-là, il n’y avait rien qu’il pouvait dire pour les faire changer d’avis.

[18] La lettre de licenciement datée du 15 novembre 2021 indique que le statut du prestataire passe de congé sans solde à cessation d’emploi. La lettre explique que le prestataire avait été informé par écrit le 25 octobre 2021 qu’il devait être vacciné contre la COVID-19 afin de pouvoir travailler pour l’autorité provinciale des services de santé après le 26 octobre 2021. À partir du 15 novembre 2021, l’employeur n’a pas été en mesure de confirmer que le prestataire avait reçu sa première dose de vaccination contre la COVID-19. Pour cette raison, son statut est passé de « congé sans solde » à « congédiement » à compter du 15 novembre 2021.   

[19] Le prestataire ne conteste pas que son employeur l’a placé en congé sans solde et l’a ensuite congédié parce qu’il ne s’est pas fait vacciner comme l’exigeait la politique provinciale. Je ne vois aucun élément de preuve venant contredire cela. Alors, je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à l’ordre provincial en matière de santé selon lequel les employés des services de santé devaient être vaccinés contre la COVID-19.  

La raison du congédiement du prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[20] La raison du congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi.

[21] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Autrement dit, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Une inconduite désigne aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire de conclure qu’il voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[22] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 7.

[23] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite parce que le prestataire savait et comprenait qu’il était placé en congé sans solde puisqu’il n’avait pas respecté l’obligation de se faire vacciner et n’a pas fourni d’exemption médicale ou religieuse approuvée. Pourtant, le prestataire a volontairement fait le choix de ne pas se conformer à l’ordre provincial de se faire vacciner.

[25] Le prestataire affirme qu’il n’y avait pas d’inconduite étant donné qu’il a perdu son emploi en raison de la politique de vaccination, non pas pour une raison négative. Il soutient qu’il a été congédié injustement et illégalement et que son expert-conseil en ressources humaines mène une procédure de grief.

[26] Le prestataire a déclaré qu’il savait que l’ordre provincial en matière de santé était en vigueur et qu’il s’appliquait à lui. Il a dit qu’il avait envisagé de demander un accommodement religieux, mais que lorsqu’il a vu qu’ils étaient tous rejetés, il n’a pas pris la peine d’en demander un.

[27] Le prestataire a fourni une copie d’une lettre d’un avocat qui a été envoyée au président du syndicat; il s’y trouve un bon nombre d’arguments contre l’ordre provincial. Il a expliqué que cette lettre avait été préparée et envoyée avant que l’ordre du responsable provincial de la santé ne soit donné et avant qu’il ne soit lui-même placé en congé sans solde. Bien qu’il soit d’accord avec cette lettre, il affirme qu’elle n’a pas été envoyée à son employeur, mais seulement au syndicat. Bien que le document fournisse des arguments contre l’ordre provincial, il n’a pas été envoyé à l’employeur du prestataire et il n’évoque pas la situation particulière du prestataire. De sorte que je ne le considère pas comme pertinent ou informatif pour décider si le congédiement du prestataire était dû à ses propres actions.

[28] Le prestataire confirme que des courriels ont été envoyés à tout le monde au sujet de la politique. À l’approche du 26 octobre 2021, les messages sont devenus plus précis. Les exigences étaient claires : tous les travailleurs de la santé devaient se faire vacciner, sinon ils seraient mis en congé et pourraient être licenciés. Il était conscient de cette possibilité. Son superviseur et son gestionnaire lui en avaient parlé.

[29] Le prestataire a également confirmé que même s’il connaissait la possibilité d’être mis en congé, il a décidé de ne pas se faire vacciner. Il a estimé que son employeur ne pouvait pas le contraindre à prendre un médicament expérimental et que cela ne faisait pas partie de sa convention collective.  

[30] Le prestataire soutient que l’exigence d’être vacciné va à l’encontre de sa convention collective. La conformité à une convention collective doit être arbitrée selon les termes de cette convention et ne s’applique pas dans cette affaire à la question de l’admissibilité du prestataire. Je constate que le prestataire a déposé un grief contre son employeur.

[31] Cependant, je note que dans la convention collective que le prestataire a envoyée au Tribunal pour appuyer sa cause, il y a une clause qui précise qu’un employé peut être obligé par l’employeur de se faire vacciner à moins que son médecin ait avisé par écrit qu’une telle procédure peut avoir un effet négatif sur sa santéNote de bas de page 9. Dans le cas présent, je ne vois pas d’avis écrit du médecin du prestataire. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas de motifs justifiant une exemption médicale.

[32] Le prestataire a déclaré que l’employeur est passé directement au licenciement sans lui donner aucune option. Il dit qu’il aurait pu le laisser travailler en ligne de la maison ou lui demander de suivre une formation pour continuer à travailler. Il est d’avis que l’employeur aurait dû lui offrir d’autres options que d’être placé en congé.

[33] Dans les cas d’exclusion du bénéfice de prestations d’assurance-emploi pour cause d’inconduite, l’analyse est axée sur les actes ou omissions du prestataire. Si le prestataire connaissait les règles et les conséquences de leur non-respect, la conduite de l’employeur n’est pas une considération pertinenteNote de bas de page 10. 

[34] Le prestataire a soutenu qu’il avait droit de refuser de se faire vacciner. Cela est vrai. Toutefois, cela ne le soustrait pas aux conséquences de ce refus. Le prestataire savait qu’il y avait un ordre provincial en place, savait que cet ordre s’appliquait à lui, savait qu’il y avait une possibilité d’être placé en congé et finalement de perdre son emploi s’il ne se conformait pas. Sachant tout cela, il a quand même choisi de refuser de se faire vacciner. 

[35] En refusant de se faire vacciner, en vertu de l’ordonnance sanitaire provinciale, le prestataire devait être placé en congé sans solde. Comme il était en congé sans solde, il ne pouvait pas s’acquitter de ses obligations envers son employeur. Cela répond aux critères d’inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite. Le prestataire a été congédié parce qu’il n’a pas respecté un ordre provincial en matière de santé auquel il était assujetti. Il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Il était au courant de l’ordre et des conséquences qui en découlent pour les personnes qui ne s’y conformaient pas. Pourtant, il a quand même choisi de refuser le vaccin. C’était une décision délibérée. Par conséquent, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.  

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[39] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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