Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 740

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : N. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 avril 2022 (GE-22-242)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Date de la décision : Le 9 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-334

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] N. S. est la prestataire dans cette affaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a versé des prestations d’assurance-emploi d’urgence du 22 mars au 12 septembre 2020. Il est important de noter que la Commission a effectué un paiement anticipé de 2 000 $ sur quatre semaines en avril 2020.

[3] Le dossier de la prestataire est complexe. Par conséquent, il est utile de résumer l’historique de sa demande de manière assez détaillée.

[4] À un moment donné au milieu de sa demande, la prestataire est devenue admissible aux prestations liées au travail partagé plutôt qu’aux prestations d’assurance-emploi d’urgence. Ce changement est particulièrement complexe, car :

  • la Commission a retardé le traitement du changement jusqu’en novembre 2020;
  • les parties n’étaient pas d’accord sur la date d’entrée en vigueur du changement;
  • un changement de dates d’admissibilité nécessite un nouveau calcul de différentes prestations, y compris d’éventuels trop-payés et moins-payés.

[5] Le taux de prestations hebdomadaires de la prestataire était plus élevé pour les prestations d’assurance-emploi d’urgence que pour les prestations liées au travail partagé. En raison des retards de la Commission, la prestataire a reçu des prestations au taux prévu pour les prestations d’assurance-emploi d’urgence pendant toute la durée de sa période de prestations. La Commission affirme avoir radié (annulé) le trop-payé créé par cet ajustement des tauxNote de bas de page 1.

[6] Toutefois, la Commission a traité le paiement anticipé de quatre semaines de manière quelque peu différente. Initialement, la Commission a déclaré qu’elle recouvrerait le paiement anticipé de 2 000 $ à partir d’avril 2020 en retenant les paiements pour les semaines commençant le 14 juin, le 21 juin, le 2 août et le 9 août 2020. Les parties s’entendent pour dire que la Commission n’a pas versé de prestations d’assurance-emploi d’urgence supplémentaires à la prestataire pendant ces semaines.

[7] Toutefois, pour que la Commission puisse recouvrer une partie du paiement anticipé au cours d’une semaine donnée, la prestataire devait être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi d’urgence au cours de cette semaine. Le changement de l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’urgence au fil du temps, en fonction des différentes décisions dans son dossier, a causé beaucoup de confusion.

[8] Dans le cadre de la réévaluation de la Commission en novembre 2020, celle-ci a décidé que la prestataire était admissible aux prestations liées au travail partagé (et non aux prestations d’assurance-emploi d’urgence) à compter du 3 mai 2020Note de bas de page 2.

[9] Autrement dit, la prestataire a reçu un trop-perçu de prestations d’assurance-emploi d’urgence pendant ces quatre semaines en juin et en août 2020 (puisqu’elle a reçu le paiement en avril 2020) et un moins-perçu de prestations liées au travail partagé. Au lieu de compenser l’un par l’autre, la Commission a versé à la prestataire 948 $ en prestations liées au travail partagé et lui a envoyé un avis de dette de 2 000 $ pour les prestations d’assurance-emploi d’urgence.

[10] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale. Cela a modifié ses dates d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi d’urgence encore une fois. La division générale a conclu que la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence jusqu’au 4 juillet 2020.

[11] Par conséquent, la Commission a pu récupérer la moitié du paiement anticipé d’avril 2020 parce qu’elle avait retenu les paiements de prestations d’assurance-emploi d’urgence pendant les semaines commençant le 14 juin et le 21 juin 2020. La Commission n’a pas pu récupérer l’autre moitié de l’avance parce qu’elle n’avait pas retenu de paiements pendant d’autres semaines entre le 22 mars et le 4 juillet 2020.

[12] La prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Cependant, elle a besoin de la permission pour aller de l’avant avec son appel.

[13] Malheureusement pour la prestataire, j’ai conclu que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne peux pas lui donner la permission de faire appel.

Question préliminaire : les nouveaux éléments de preuve de la prestataire

[14] Je n’ai pas pris en compte les nouveaux éléments de preuve de la prestataire.

[15] Un nouvel élément de preuve est une preuve que la division générale n’avait pas au moment où elle a rendu sa décision. Dans la présente affaire, les nouveaux éléments de preuve de la prestataire comprennent des relevés bancairesNote de bas de page 3.

[16] Il y a quelques exceptions à la règle générale contre la prise en compte de nouveaux éléments de preuve, mais aucune ne s’applique au cas présentNote de bas de page 4. De plus, les relevés bancaires de la prestataire n’ajoutent que peu de choses aux éléments de preuve qui se trouvent déjà dans le dossier ou aux questions en litige.

Questions en litige

[17] La décision porte sur deux questions :

  1. a) La division générale aurait-elle pu fonder sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas recouvré auprès de la prestataire les prestations d’assurance-emploi d’urgence en août 2020?
  2. b) Y a-t-il une autre raison de donner à la prestataire la permission de faire appel?

Analyse

[18] Une procédure en deux étapes s’applique à la plupart des dossiers de la division d’appel. Le présent appel en est à la première étape : la permission de faire appel.

[19] Le critère juridique auquel la prestataire doit satisfaire à cette étape est faible : existe-t-il une cause défendable grâce à laquelle l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 5? Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je ne peux pas donner à la prestataire la permission de faire appelNote de bas de page 6.

[20] Pour trancher cette question, j’ai cherché à savoir si la division générale aurait pu commettre une erreur pertinenteNote de bas de page 7.

L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur importante concernant la question de savoir si la Commission avait recouvré des paiements auprès de la prestataire en août 2020

[21] La prestataire soutient que la division générale s’est contredite dans les deux paragraphes suivants de sa décision :

Paragraphe 10 Paragraphe 35
Le 6 avril 2020, [la prestataire] a reçu un paiement anticipé de 2 000 $, qui a été récupéré sur ses prestations pour les semaines du 14 juin 2020, du 21 juin 2020, du 2 août 2020 et du 9 août 2020. La Commission a avisé la prestataire que ces paiements étaient retenus afin de rembourser l’avance de 2 000 $. Il n’y a aucune preuve que la prestataire a remboursé la deuxième moitié du paiement de prestations d’assurance-emploi d’urgence d’une somme de 1 000 $ avant que sa demande soit convertie en prestations liées au travail partagé à compter du 5 juillet 2020.

[22] L’argument de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[23] Respectueusement, pour récupérer une partie du paiement anticipé d’avril 2020, la Commission a dû retenir les paiements de prestations d’assurance-emploi d’urgence pour une semaine où la prestataire était admissible à ces prestations. Cependant, son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi d’urgence a changé au fil du temps, avec les différentes décisions qui ont été rendues dans son dossier.

[24] La Commission a d’abord estimé qu’elle avait récupéré la totalité de l’avance en retenant les paiements qu’elle devait à la prestataire pendant deux semaines en juin et deux semaines en août 2020.

[25] Cependant, après avoir réévalué son cas en novembre, la Commission a conclu que la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence après le 3 mai 2020. Puisque la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence en juin et en août 2020, la tentative de la Commission de récupérer le paiement anticipé s’est avérée infructueuse.

[26] En résumé, la Commission n’a pas versé à la prestataire de prestations d’assurance-emploi d’urgence pour les semaines commençant le 14 juin, le 21 juin, le 2 août et le 9 août 2020, et elle n’était pas non plus admissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploi d’urgence pour ces semaines.

[27] Cependant, les choses ont changé à nouveau lorsque la division générale a décidé plus tard que la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence jusqu’au 4 juillet 2020. La Commission avait donc réussi à récupérer la moitié de l’avance d’avril 2020 en retenant les paiements pendant les semaines du 14 juin et du 21 juin 2020.

[28] La Commission n’a toujours pas été en mesure de récupérer l’autre moitié de l’avance pour les semaines commençant le 2 août et le 9 août 2020. Bien que la Commission n’ait pas versé à la prestataire des prestations d’assurance-emploi d’urgence pendant ces semaines, elle n’y était pas admissible non plus.

[29] Par conséquent, l’argument de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Les paragraphes ci-dessus ne sont pas contradictoires. Ils reflètent plutôt l’évolution de la situation concernant le recouvrement de l’avance par la Commission sur la base des différentes décisions qui ont été prises dans son dossier et de son admissibilité à une prestation par rapport à une autre.

[30] Pour être clair, ce n’est pas comme si la prestataire n’avait reçu aucune prestation pour les semaines du 2 août et du 9 août 2020. Elle était plutôt admissible à des prestations liées au travail partagé pendant ces semaines. La Commission dit avoir versé ces prestations à la prestataire en novembre 2020, au moment où elle a réévalué son dossierNote de bas de page 8.

[31] Au total, la prestataire a reçu 17 semaines de prestations d’assurance-emploi d’urgence, y compris l’avance de quatre semaines versée en avril 2020. La moitié de ce montant est attribuée aux semaines commençant le 14 juin et le 21 juin 2020. L’autre moitié du paiement anticipé ne peut pas être attribuée à une autre semaine parce que l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’urgence a pris fin le 4 juillet 2020.

[32] Voici un résumé de son admissibilitéNote de bas de page 9 :

Semaine Date de début Date de paiement Avance
1 22 mars 2020 10 avril 2020
28 avril 2020
2 29 mars 2020 10 avril 2020
3 4 avril 2020 10 avril 2020
4 12 avril 2020 24 avril 2020
5 19 avril 2020 24 avril 2020
6 26 avril 2020 8 mai 2020
7 3 mai 2020 8 mai 2020
8 10 mai 2020 22 mai 2020
9 17 mai 2020 22 mai 2020
10 24 mai 2020 5 juin 2020
11 31 mai 2020 5 juin 2020
12 7 juin 2020 19 juin 2020
13 14 juin 2020 6 avril 2020 Coche
14 21 juin 2020 6 avril 2020 Coche
15 28 juin 2020 3 juillet 2020

Il n’y a pas d’autres raisons de donner à la prestataire la permission de faire appel

[33] Dans le reste de ses arguments, la prestataire exprime essentiellement des griefs, dont certains sont dirigés vers la division générale, mais dont la plupart sont dirigés vers la Commission. Par exempleNote de bas de page 10 :

  • La Commission a fait preuve d’incohérence en annulant certains trop-payés et pas d’autres.
  • Elle ne devrait pas être tenue responsable des erreurs et des retards de la Commission (ou de ceux de son employeur).
  • La Commission n’aurait pas dû verser d’avances.
  • La Commission lui a fourni des renseignements trompeurs et portant à confusion, et a rendu les choses trop complexes.
  • Il est injuste qu’elle ne dispose que de 30 jours pour demander à la Commission de réviser une décision, alors que la Commission a trois ans pour réévaluer son dossier.
  • Plutôt que de lui verser des paiements insuffisants, la Commission aurait dû utiliser cet argent pour compenser d’éventuels paiements excessifs.
  • La Commission et la division générale auraient pu s’expliquer plus clairement.

[34] Pour toutes ces raisons, la prestataire a perdu confiance en la Commission. Elle dit aussi que les 1 000 $ restants devraient être radiés ou déduits de tout paiement futur d’assurance-emploi qui lui est dû.

[35] Certaines des plaintes de la prestataire sont légitimes. Cependant, aucune d’entre elles ne constitue une erreur pertinente qui me permettrait d’intervenir dans cette affaireNote de bas de page 11.

[36] Le Tribunal doit appliquer la loi lorsqu’il décide si une personne est admissible à des prestations. Cela signifie que le Tribunal ne peut pas accorder de prestations à une personne en raison de la désinformation ou du mauvais service qu’elle a reçu de la Commission, ou en raison de ses besoins financiersNote de bas de page 12.

[37] De plus, la loi donne à la Commission de larges pouvoirs pour réexaminer la demande d’une personne et pour modifier une décision antérieureNote de bas de page 13. De même, seule la Commission a le pouvoir d’annuler la dette de la prestataireNote de bas de page 14. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de réviser ces décisions.

[38] Par conséquent, je ne vois aucune autre raison d’accorder à la prestataire la permission de faire appel.

[39] En plus des arguments de la prestataire, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 15. La division générale a résumé la loi et a utilisé des éléments de preuve pour appuyer sa décision. Je n’ai pas trouvé d’éléments de preuve à l’appui de l’appel de la prestataire que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

[40] Je compatis avec la situation de la prestataire et je regrette le stress que cette affaire lui a causé.

Conclusion

[41] J’ai conclu que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de refuser d’accorder la permission d’en appeler. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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