Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 795

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : U. P.
Répondant : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 juillet 2022
(GE-22-1143)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 9 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-433

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel, ce qui met un terme à l’appel.

Aperçu

[2] U. P. est le prestataire dans la présente affaire. Il a quitté le Canada le 6 octobre 2019 pour rendre visite à sa belle-mère gravement malade en Inde. Il a tenté à plusieurs reprises de revenir au Canada, mais n’a pu le faire avant le 1er février 2022 en raison des restrictions liées à la pandémie au Canada et en Inde.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 7 octobre 2019, parce qu’il ne répondait à aucune des exceptions pour avoir été à l’étranger. Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal.

[4] La division générale a décidé que le prestataire avait répondu à une exception admissible pour avoir été à l’étranger du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019, mais pas par la suite. Le prestataire n’était donc pas admissible aux prestations du 14 octobre 2019 jusqu’à la fin de sa période de prestations. La division générale a également décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations même après son retour au Canada puisque sa période de prestations avait pris fin à ce moment-là.  

[5] Le prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Toutefois, il doit obtenir la permission de faire appel pour que le dossier aille de l’avant.

[6] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a dit qu’il demandait des prestations pour toute sa période de prestations plutôt qu’à compter du 21 mars 2020, lorsqu’il a tenté de revenir au Canada, mais qu’il n’a pas pu le faire en raison de restrictions.   

[7] Je suis sensible à la situation du prestataire. Toutefois, je dois refuser la permission de faire appel, car je suis convaincue que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question préliminaire - nouveaux éléments de preuve

[8] Je ne peux pas tenir compte des documents relatifs au billet d’avion ou du communiqué de presse concernant les restrictions de voyage que le prestataire a fournis avec sa demande à la division d’appel.

[9] De nouveaux éléments de preuve sont des éléments qui n’avaient pas été portés à la connaissance de la division générale avant qu’elle rende sa décision.

[10] Habituellement, la division d’appel n’accepte pas de nouveaux éléments de preuve concernant les questions sur lesquelles la division générale s’est prononcée. Cela est dû au fait que la division d’appel n’instruira pas l’affaire de nouveau. Elle décide plutôt si la division générale a commis certaines erreurs et, si c’est le cas, elle décide comment les corriger. Ce faisant, la division d’appel examine les éléments de preuve dont disposait la division générale au moment de rendre sa décision.

[11] J’ai examiné le dossier qui était devant la division générale. Ni les documents relatifs au billet d’avion ni le communiqué de presse n’étaient devant la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision. Il s’agit donc de nouveaux éléments de preuve. Il existe seulement quelques exceptions qui me permettent d’examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas page 1. Aucune de ces exceptions ne s’applique aux nouveaux éléments de preuve du prestataire. Je ne peux donc pas en tenir compte au moment de rendre ma décision.

Questions en litige

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a déclaré que le prestataire demandait des prestations pour toute sa période de prestations plutôt que seulement à compter du 21 mars 2020?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a commis une autre erreur susceptible de révision?

Analyse

[12] La procédure à la division d’appel comporte deux étapes. La partie prestataire doit d’abord obtenir la permission de faire appel. Si la permission est refusée, l’appel s’arrête là. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. C’est à ce moment que l’on décide du bien-fondé de l’appel.

[13] Je dois refuser la permission de faire appel si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. La loi dit que je peux me pencher seulement sur certains types d’erreursNote de bas page 3. Par « chance raisonnable de succès », on veut dire qu’il existe un argument défendable voulant que la division générale ait peut-être commis au moins une de ces erreursNote de bas page 4.

[14] Il s’agit d’un seuil peu élevé. La barre est basse. Satisfaire au critère pour obtenir la permission de faire appel ne signifie pas nécessairement que l’appel sera accueilli.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence

[15] La division générale n’a pas commis d’erreur de compétence lorsqu’elle a déclaré que le prestataire demandait des prestations pour toute sa période de prestations.

[16] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de compétence en disant qu’il demandait des prestations pour toute sa période de prestationsNote de bas page 5. Il affirme qu’il demande seulement des prestations à partir du 21 mars 2022, parce qu’il a réservé son billet d’avion pour revenir au Canada le 20 mars 2020, mais qu’il n’a pas pu revenir en raison de restrictions de voyage. Je crois que le prestataire voulait dire qu’il demandait des prestations à partir du 21 mars 2020, et que la référence à 2022 est seulement une erreur typographique.

[17] Une erreur de compétence signifie que la division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle devait trancher ou qu’elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.

[18] La division générale n’a pas commis une erreur de compétence.

[19] Le 19 octobre 2019, la Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations à partir du 7 octobre 2019, pour une période indéterminée, parce qu’il se trouvait à l’étranger. Elle a également décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations à compter du 7 octobre 2019, pour une période indéterminée, parce qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant qu’il était à l’étranger.

[20] Le prestataire a demandé une révision de ces décisions. La Commission a rendu une décision découlant d’une révision le 4 mars 2022, confirmant ses deux décisions initiales. Le prestataire a fait appel de cette décision découlant d’une révision au Tribunal.

[21] La loi confère au Tribunal le pouvoir de trancher les questions émanant de la décision découlant d’une révision portée en appelNote de bas page 6. Comme la Commission exclut le prestataire du bénéfice des prestations à partir du 7 octobre 2019 pour une période indéterminée, la division générale devait décider si cette inadmissibilité pouvait être levée à un moment ou un autre après le 7 octobre 2019.

[22] La division générale a examiné si le prestataire avait droit à des prestations du 7 octobre 2019 à la fin de sa période de prestations. Elle a conclu que le prestataire avait seulement droit aux prestations du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019, car c’était la seule partie de sa période de prestations pendant laquelle il répondait à une exception permise pour avoir été à l’étranger.

[23] Même si la division générale a mal compris que le prestataire voulait seulement des prestations à partir du 21 mars 2020, au lieu de toute sa période de prestations, il ne s’agit pas d’une erreur de compétence ou d’un autre type d’erreur révisable qui aurait eu une incidence sur l’issue. En effet, la division générale s’est demandé si l’inadmissibilité pouvait être levée à tout moment pendant la période de prestations, ce qui aurait compris la période du 21 mars 2020 à la fin de la période de prestations.

[24] La division générale a décidé les questions qu’elle devait trancher. Je ne vois rien dans la décision de la division générale qui me porte à croire que la division générale a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. Il est donc impossible de soutenir que la division générale ait commis une erreur de compétence.

Il est impossible soutenir que la division générale ait commis d’autres erreurs révisables

[25] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit, qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante ou qu’elle a manqué à l’équité procédurale.

[26] La division générale a cité et appliqué les lois appropriées.

[27] Une partie prestataire qui n’est pas au Canada n’a pas droit aux prestations à moins qu’elle réponde à une des exceptions permisesNote de bas page 7.

[28] Les raisons permises pour se trouver à l’étranger sont assujetties aux exigences de disponibilité de la Loi sur l’assurance-emploi. Cela signifie que pour éviter d’être exclue du bénéfice des prestations, une partie prestataire doit être à l’étranger pour l’une des raisons permises et satisfaire aux critères de disponibilitéNote de bas page 8.

[29] La division générale a décidé que le prestataire n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019, car il répondait à une des exceptions établies. Il en est ainsi parce qu’il était à l’étranger pour une des raisons permises, soit pour rendre visite à un membre de sa famille immédiate qui était gravement malade, et qu’il avait démontré qu’il satisfaisait aux exigences de disponibilité pour cette période de sept joursNote de bas page 9.

[30] La division générale a compris que le prestataire avait tenté à trois reprises de revenir au Canada, mais qu’il n’avait pas pu le faire en raison de restrictions de voyage. La division générale a également compris qu’en mars 2020, le Canada a imposé des restrictions de voyage et que, lorsqu’elles ont été levées le 21 novembre 2020, l’Inde avait imposé des restrictions qui empêchaient le retour du prestataireNote de bas page 10.

[31] Cependant, la division générale a décidé que le fait de ne pas pouvoir revenir au Canada en raison des restrictions liées à la pandémie ne faisait pas partie des exceptions permises par la loi pour se trouver à l’étranger. Rien n’indique que le prestataire répondait à d’autres exceptions entre le 14 octobre 2019 et la fin de sa période de prestations. Par conséquent, la division générale a décidé que le prestataire demeurait inadmissible du 14 octobre 2019 jusqu’à la fin de sa période de prestations.   

[32] La division générale n’a eu d’autre choix que d’en arriver à cette conclusion, puisqu’il n’y a aucune preuve que le prestataire a répondu à une exception autorisée du 14 octobre 2019 jusqu’à la fin de sa période de prestations. Une personne à l’étranger n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à moins qu’elle réponde à une exception autoriséeNote de bas page 11.

[33] Malheureusement, comme l’a fait remarquer la division générale, être coincé à l’étranger en raison des restrictions de voyage du gouvernement ne fait pas partie des exceptions permises par la loi.

[34] La division générale a également conclu à juste titre que, malgré sa sympathie pour le prestataire, elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de déroger à la loi ou de refuser de l’appliquerNote de bas page 12.

[35] Le prestataire a soutenu devant la division générale qu’il aurait dû recevoir des prestations à son retour au Canada le 1er février 2022. Cependant, la division générale a décidé que ce n’était pas possible.

[36] La division générale a souligné que la durée d’une période de prestations varie pour chaque personne, mais que la durée maximale est de 52 semaines, à moins qu’une prolongation ne soit accordéeNote de bas page 13. Cependant, même après des prolongations, la loi dit qu’une période de prestations peut seulement durer 104 semaines au maximum. La division générale a expliqué que cela signifie qu’aucune prestation n’est payable à une partie prestataire plus de 104 semaines après l’établissement de sa demande.

[37] La division générale a décidé que la période de prestations du prestataire avait commencé le 6 octobre 2019, mais elle ne savait pas quand elle avait pris fin, car la Commission ne lui avait pas fourni ces renseignements.

[38] La division générale a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que le prestataire était admissible à une prolongation de sa période de prestations, et qu’elle n’avait tiré aucune conclusion quant à son admissibilité à une prolongation.

[39] Toutefois, la division générale a estimé que, même si la période de prestations du prestataire avait été prolongée au maximum de 104 semaines, sa période de prestations aurait pris fin 104 semaines après le début de la période. Comme le prestataire est revenu au Canada 121 semaines après le début de sa période de prestations, il n’a pas pu recevoir de prestations puisque sa période de prestations avait déjà pris fin à ce moment-là.

[40] La division générale a demandé au prestataire s’il avait présenté une nouvelle demande après son retour au Canada, et il a confirmé qu’il ne l’avait pas faitNote de bas page 14. Ainsi, la division générale pouvait seulement tenir compte de l’admissibilité du prestataire à la période de prestations existante.

[41] La division générale n’a eu d’autre choix que de conclure que le prestataire ne pouvait recevoir de prestations au cours de la période de prestations actuelle à son retour le 1er février 2022. Personne ne conteste que la période de prestations du prestataire a commencé le 6 octobre 2019.

[42] Le prestataire est revenu au Canada le 1er février 2022, après la fin de sa période de prestations, même s’il avait obtenu toutes les prolongations possibles. Comme la division générale l’a précisé, la durée maximale d’une période de prestations, même après une prolongation, est de 104 semainesNote de bas page 15. Aucune prestation ne pouvait être versée au prestataire après la fin de la période de prestations, car les prestations sont uniquement payables pendant la période de prestationsNote de bas page 16.

[43] J’ai examiné l’ensemble du dossier écrit et écouté l’enregistrement de l’audience. Je suis convaincue que la division générale n’a pas mal compris ou ignoré les éléments de preuve qui pourraient avoir une incidence sur l’issue du présent appelNote de bas page 17. La division générale a fondé sa décision sur l’a preuve portée à sa connaissance. Elle a abordé les arguments du prestataire et fourni des motifs clairs de sa décision.

[44] Le prestataire n’a signalé aucune injustice procédurale de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve que la procédure a été inéquitable.

[45] Le prestataire n’a soulevé aucune cause défendable permettant de soutenir que la division générale a commis des erreurs révisables.

[46] Je suis convaincue que le présent appel n’a aucune chance raisonnable d’être accueilli et je dois donc refuser la permission de faire appel au prestataire.

Conclusion

[47] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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