Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : UP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 739

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : U. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (4459681) datée du 2 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1143

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modifications.

[2] L’appelant a droit à sept jours de prestations d’assurance-emploi (du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019) parce qu’il a quitté le Canada pour rendre visite à un membre de sa famille immédiate qui était gravement malade. Cependant, il est inadmissible pour le reste de sa période de prestations parce qu’il était à l’étranger et qu’aucune des exceptions prévues par la loi ne s’applique à lui.

[3] L’inadmissibilité de sa demande est modifiée de sorte qu’elle commence le 14 octobre 2019 au lieu du 7 octobre 2019. Elle se poursuit jusqu’à la fin de la période de prestations de l’appelant.

Aperçu

[4] Le 1er octobre 2019Note de bas page 1, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le 6 octobre 2019, il a quitté le Canada et s’est rendu en Inde pour rendre visite à sa belle-mère gravement maladeNote de bas page 2. Il n’avait pas de date de retour et ne savait pas pendant combien de temps il serait absent, mais il avait pris des dispositions pour qu’on communique avec lui au sujet de toute possibilité d’emploi et il était prêt à retourner chez lui dans les 48 heures si on lui offrait un emploiNote de bas page 3. L’intimée (la Commission) a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas au Canada, et elle a imposé une inadmissibilité à sa demande à compter du 7 octobre 2019.

[6] L’appelant est revenu au Canada le 1er février 2022.

[7] Il a demandé à la Commission de réviser sa décision de ne pas lui verser de prestations d’assurance-emploi. Il a dit qu’il n’a pas pu revenir au Canada plus tôt en raison des restrictions de voyage imposées pour lutter contre la pandémie mondiale de COVID-19.

[8] La Commission a maintenu l’inadmissibilité de sa demande, et l’appelant a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Il demande à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant toute sa période de prestationsNote de bas page 4  parce qu’il était au chômage et coincé à l’étranger pour des raisons indépendantes de sa volonté.

Question en litige

[10] Je dois décider si l’appelant a droit à des prestations d’assurance-emploi à compter du 7 octobre 2019Note de bas page 5.

Analyse

[11] Les prestations d’assurance-emploi ne sont pas payables aux parties prestataires pendant qu’elles sont à l’étrangerNote de bas page 6, sauf dans les cas expressément prescrits par le Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas page 7.

[12] L’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi permet à une partie prestataire de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger si elle voyage pour l’une des raisons suivantes :

  • subir un traitement médical qui n’est pas promptement disponible au Canada;
  • assister aux funérailles d’un membre de la famille immédiate (7 jours);
  • accompagner un membre de la famille immédiate à l’hôpital pour un traitement médical qui n’est pas disponible au Canada (7 jours);
  • rendre visite à un membre de la famille immédiate qui est gravement malade ou blessé (7 jours);
  • faire une recherche d’emploi sérieuse (14 jours) ou assister à une véritable entrevue d’emploi (7 jours).

[13] L’appelant est responsable de prouver qu’il répond aux exigences d’une ou de plusieurs des exceptions prévues dans le Règlement sur l’assurance-emploi afin de surmonter la règle générale interdisant le versement de prestations aux parties prestataires qui sont à l’étrangerNote de bas page 8.

Question en litige no 1 : L’appelant répond-il à l’une ou l’autre des exceptions?

[14] Oui.

[15] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il a dû se rendre en Inde parce que la mère de son épouse était gravement malade.
  • À la page GD3-29 du dossier d’appel, la Commission dit qu’il n’était [traduction] « pas tenu » d’aller en Inde, mais ce n’est pas vrai. Il a dû s’y rendre en raison de l’état de santé grave de sa belle-mère.
  • Il a quitté le Canada et s’est rendu en Inde le 6 octobre 2019.

[16] Je me suis demandé si l’appelant répondait à l’exception offerte aux parties prestataires qui voyagent pour rendre visite à un membre de leur famille immédiate qui est gravement maladeNote de bas page 9.

[17] Selon la loi, la mère de l’épouse ou l’époux d’une partie prestataire (c.-à-d. une belle-mère) est considérée comme un membre de la famille immédiateNote de bas page 10.

[18] Il ne fait aucun doute que le voyage de l’appelant visait à rendre visite à la mère de son épouse, qui était gravement malade à l’époque. Par conséquent, j’estime que le motif de son voyage fait partie de l’exception pour rendre visite à un membre de sa famille immédiate qui était gravement malade.

Question en litige 2 : Cela signifie‑t‑il que l’appelant a droit à des prestations d’assurance-emploi au titre de cette exception?

[19] Oui, mais seulement pour sept jours.

[20] L’exception prévoit jusqu’à sept jours consécutifs de prestations d’assurance-emploi lorsque la raison du voyage est de rendre visite à un membre de la famille immédiate qui est gravement maladeNote de bas page 11.

[21] Cependant, la loi dit que l’appelant doit quand même démontrer qu’il est disponible pour travailler pendant ces sept jours pour recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 12.

[22] Les sept jours commencent le lendemain de la date du départ du Canada. Pour que l’appelant reçoive des prestations d’assurance-emploi pendant sept jours, il doit démontrer qu’il était disponible pour travailler du 7 au 13 octobre 2019.

[23] Le 19 octobre 2019, l’appelant a rempli un questionnaire pour les personnes de l’extérieur de la région ou du Canada. Il a fourni sa date de départ (le 6 octobre 2019) et a précisé qu’il avait pris des dispositions pour qu’on puisse le joindre sans délai au sujet de toute possibilité d’emploi qui pourrait se présenter pendant qu’il était à l’étranger, et qu’il était prêt à revenir à la maison dans les 48 heures s’il se voyait offrir un emploi (voir la page GD3-18 du dossier d’appel).

[24] J’accepte les déclarations de l’appelant sur le questionnaire comme preuve crédible de sa disponibilité. Elles ont été faites au même moment que son départ du Canada et avant toute décision défavorable à l’égard de sa demandeNote de bas page 13, et la Commission ne conteste pas leur fiabilité. Je suis également convaincue qu’après avoir pris ces dispositions et avoir été prêt à retourner chez lui dans les 48  heures, l’appelant a satisfait aux exigences de disponibilité pour une partie prestataire qui bénéficie de l’une des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas page 14.

[25] Cela signifie que l’appelant a droit à des prestations d’assurance-emploi pendant sept jours, soit du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019.

Question en litige no 3 : L’appelant est-il inadmissible aux prestations d’assurance-emploi après cela?

[26] Oui.

[27] L’appelant peut seulement être recevoir un maximum de sept jours  de prestations au titre de l’exception à laquelle il répond.

[28] Aucune preuve ne porte à croire qu’il soit admissible à d’autres exceptions.

[29] Comme il est demeuré à l’étranger après l’expiration de l’exception de sept jours, il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 14 octobre 2019.

Question en litige no 4 : Pendant combien de temps l’appelant est-il inadmissible aux prestations d’assurance-emploi?

[30] Il est inadmissible jusqu’à la fin de sa période de prestations.

[31] L’appelant affirme que l’inadmissibilité à l’égard de sa demande ne devrait pas être une inadmissibilité indéfinie qui se prolonge pour toujours. Il est revenu au Canada, mais la Commission n’a pas levé l’inadmissibilité de sa demande à son retour.

[32] Il y a une raison à cela.

[33] Une période de prestations est la période pendant laquelle une partie prestataire admissible peut recevoir des prestations. La période maximale de prestations est habituellement de 52 semainesNote de bas page 15, mais le droit réel de chaque prestataire varie d’un cas à l’autre et dépend d’un certain nombre de facteursNote de bas page 16.

[34] Les périodes de prestations commencent toujours un dimanche. Plus précisément, la période de prestations débute, selon le cas : a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération; b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunérationNote de bas page 17. Une fois qu’une période de prestations est établie, elle dure des semaines consécutives.

[35] Une période de prestations peut être prolongée dans certaines circonstancesNote de bas page 18, jusqu’à concurrence de 104 semainesNote de bas page 19. Toutefois, aucune prestation n’est payable à une partie prestataire plus de 104 semaines après l’établissement de sa demande.

[36] Le 1er octobre 2019, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission a établi qu’il était admissible aux prestations d’assurance-emploi pour cette demande et a établi une période de prestations pour lui à compter du 6 octobre 2019Note de bas page 20.

[37] Cela signifie que la période de prestations de l’appelant a commencé le 6 octobre 2019.

[38] Je ne sais pas quelle était la durée de la période de prestations pour cette demandeNote de bas page 21.

[39] Je sais toutefois que l’appelant est demeuré à l’étranger jusqu’au 2 février 2022, soit 121 semaines après le début de sa période de prestations. Donc, même si sa période de prestations a été prolongée jusqu’à concurrence de 104 semainesNote de bas page 22, elle a pris fin avant son retour au Canada. Cela signifie que l’inadmissibilité imposée pour avoir été à l’étranger doit se poursuivre pour le reste de sa période de prestations.

[40] La Commission n’a pas à lever l’inadmissibilité à l’égard de la demande de l’appelant parce qu’elle demeure en place jusqu’à la fin de sa période de prestations. Cela ne signifie pas que l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi indéfiniment, seulement qu’il est inadmissible pendant toute la période de prestationsNote de bas page 23.

Question en litige no 5 : Autres arguments de l’appelant

[41] L’appelant affirme que ce n’est pas sa faute s’il ne pouvait pas revenir au Canada.

[42] Il soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la façon dont la pandémie mondiale de COVID-19 l’a empêché de recevoir les prestations d’assurance-emploi auxquelles il avait droit.

[43] Il a déclaré ce qui suit :

  • Lui et sa famille ont grandement souffert de la pandémie.
  • Il a tenté à trois reprises de revenir au Canada, mais en raison des restrictions de voyage au Canada et en Inde, il n’a pas pu revenir avant le 1er février 2022.
  • En mars 2020, le gouvernement canadien a cessé de permettre aux gens de revenir au Canada.
  • Il a perdu ses prestations d’assurance-emploi parce que le Canada l’a empêché de rentrer chez lui, et non à cause de quoi que ce soit qu’il ait fait.
  • La décision du Canada n’était pas son problème. Il avait déjà un billet d’avion. Lui et sa femme étaient prêts à quitter l’Inde.
  • Les restrictions de voyage au Canada ont été levées le 21 novembre 2020, mais à ce moment-là, il y avait des restrictions sur les voyages aériens en provenance de l’Inde, alors il ne pouvait toujours pas partir.
  • Les restrictions liées à la pandémie en Inde étaient telles qu’il ne pouvait même pas sortir.
  • Lorsqu’il est revenu au Canada, sa période de prestations d’assurance-emploi était terminée.
  • Comment pourrait-il survivre?
  • Le gouvernement canadien a proposé des modifications à l’assurance-emploi et des programmes pour la pandémie. Il devrait également y avoir des mesures d’assurance-emploi pour aider les personnes comme lui qui ont également eu des difficultés parce qu’elles ont été coincées à l’étranger en raison de la pandémie.

[44] Je suis sensible à la situation difficile dans laquelle l’appelant s’est trouvé pendant son séjour en Inde, et je reconnais les conséquences financières que cela a entraînées. Je conviens que l’imposition de diverses interdictions de voyager en raison de la pandémie mondiale de COVID-19 était entièrement indépendante de sa volonté.

[45] Toutefois, le fait de ne pas pouvoir revenir au Canada en raison de la pandémie ne fait pas partie des exceptions prévues par la loi. Aussi, aucune disposition d’urgence n’a été adoptée pour permettre le versement de prestations régulières d’assurance-emploi aux parties prestataires coincées à l’étranger en raison de la pandémie. Les seules exceptions permises sont les exemptions spécifiques énumérées à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas page 24.

[46] Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’ajouter la situation de l’appelant à la liste des exceptions ou d’interpréter la loi autrement que par son sens ordinaire. Je dois me laisser guider par la directive de la Cour suprême du Canada selon laquelle un arbitre est lié par la loi et ne peut pas refuser de l’appliquer, même pour des raisons d’équitéNote de bas page 25.

[47] Mis à part les sept premiers jours de sa période de prestations, l’appelant n’a pas prouvé qu’il est admissible à toute autre exception relative aux voyages prévue à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi. Par conséquent, je conclus que l’article 37 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique et qu’il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 14 octobre 2019 à la fin de sa période de prestations parce qu’il était à l’étranger pendant cette période.

Conclusion

[48] L’appelant a droit à des prestations d’assurance-emploi pendant sept jours, du 7 octobre 2019 au 13 octobre 2019. Cela s’explique par le fait que ses déplacements pendant cette période se sont faits dans le cadre d’une exception prévue par la loiNote de bas page 26, et qu’il était disponible pour travailler. Le but de son voyage était de rendre visite à un membre de sa famille immédiate (sa belle-mère) qui était gravement malade. Il avait également pris des dispositions pour qu’on communique avec lui au sujet des possibilités d’emploi, et il était prêt à revenir au Canada dans les 48 heures s’il recevait une offre d’emploiNote de bas page 27.

[49] Toutefois, l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 14 octobre 2019 à la fin de sa période de prestations. Il en est ainsi parce qu’il était à l’étranger pendant cette période et qu’il n’a pas prouvé qu’il était admissible à l’une ou l’autre des exceptions prévues par la loi.

[50] L’appel est rejeté.

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