Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 747

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (477215) datée du 26 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1689

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Cela signifie que je suis en désaccord avec la prestataire et que je conclus qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Il y a quelques mois, la prestataire a assumé la garde intrafamiliale temporaire de cinq petits-enfants. Elle a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi parce qu’elle s’occupe d’un nouveau-né et de quatre autres enfants, et qu’elle ne peut donc pas travailler. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande de prestations d’assurance-emploi. Elle a dit que la prestataire n’était pas admissible aux prestations parce que les enfants n’avaient pas été placés chez elle à des fins d’adoption. La prestataire juge qu’elle a droit à des prestations parce qu’elle cotise au régime d’assurance-emploi, qu’elle s’occupe de cinq enfants et qu’elle essaie de garder la famille ensemble.

Question en litige

[3] La prestataire a-t-elle droit à des prestations parentales?

Analyse

[4] Les prestations parentales visent à soutenir les personnes qui s’absentent du travail pour prendre soin de leur nouveau-né ou d’un enfant qui leur a été confié aux fins d’adoption au titre des lois provinciales sur l’adoptionNote de bas de page 1.

[5] Je dois décider si les enfants ont été placés avec la prestataire aux fins d’adoption au titre des lois de l’OntarioNote de bas de page 2. Il s’agit d’une décision factuelle qui doit être prise en fonction de la preuveNote de bas de page 3.

[6] Les faits de base de cette affaire ne sont pas contestés. La prestataire et la personne avec qui elle est en couple ont la garde temporaire des cinq enfants d’un membre de la famille. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a émis un plan de soins pour les enfants confirmant que la prestataire et la personne avec qui elle est en couple étaient responsables des besoins des enfants à compter du 4 mars 2022Note de bas de page 4. Les documents de la Cour précisent que la Société de l’aide à l’enfance a retiré temporairement les enfants de la garde de leurs parents biologiquesNote de bas de page 5. La prestataire a expliqué à la Commission que le placement des enfants résultait d’une ordonnance d’urgence des tribunaux et qu’il ne visait pas l’adoption.

[7] La Commission soutient que la prestataire n’a pas droit aux prestations parentales parce qu’elle n’a pas prouvé que les enfants ont été placés chez elle aux fins d’adoption au titre des lois de l’Ontario, comme l’exige la loi.

[8] J’ai demandé à la prestataire de définir la garde intrafamiliale. Elle n’était pas certaine de la définition exacte, mais elle a dit qu’il ne s’agissait pas d’une adoption. Elle a dit que les enfants lui seraient confiés pendant au moins six mois, mais que cela pourrait être plus long. Elle a ajouté que les enfants sont adoptables et qu’il est possible qu’elle entame des démarches en ce sens à l’avenir. Je lui ai demandé si le processus d’adoption était en cours. Elle a dit qu’il n’était pas possible de les adopter à l’heure actuelle, parce que le ministère des services à l’enfance et à la famille donnait du temps aux parents biologiques pour qu’ils abordent les problèmes liés à la protection des enfants qui ont mené à ce que ceux-ci soient retirés de leur garde. Il se peut que la prestataire puisse adopter les enfants à l’avenir, mais pour l’instant cela n’est pas possible.

[9] La prestataire a soutenu que la demande de prestations d’assurance-emploi précise que le congé parental est pour les personnes qui prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant récemment adoptéNote de bas de page 6. Elle a dit que l’un des enfants avait seulement six mois lorsqu’elle en a assumé la garde, et qu’elle devrait donc être admissible puisqu’elle s’occupe d’un nouveau-né.

[10] Je vois pourquoi la prestataire ne comprenait pas comme il faut. La demande de prestations d’assurance-emploi demande aux prestataires de choisir un type de prestations. Une des options est la suivante :

Prestations parentales : vous prenez soin d’un ou de plusieurs nouveau-nés ou enfants nouvellement adoptés.Note de bas de page 7

Ce formulaire semble tenter de simplifier la loi. Cependant, il ne s’agit pas de la loi. En cas de désaccord entre le formulaire de demande et la Loi sur l’assurance-emploi, c’est la loi qui doit être respectée.

[11] La Loi dit ce qui suit :

[…] des prestations doivent être payées à un prestataire qui prend soin de son ou de ses nouveau-nés ou d’un ou plusieurs enfants placés chez lui en vue de leur adoption en conformité avec les lois régissant l’adoption dans la province où il résideNote de bas de page 8.

J’estime que la loi est claire et que ces prestations sont offertes aux personnes qui prennent soin de leurs propres nouveau-nés biologiques, car la loi précise « de son ou de ses nouveau-nés ».

[12] La loi dit aussi que les prestations parentales sont payables si vous prenez soin d’un enfant qui vous a été confié en vue de son adoption, conformément aux lignes directrices établies dans votre province de résidenceNote de bas de page 9. La Cour d’appel fédérale a fait la lumière sur le sens de cette disposition dans l’affaire HunterNote de bas de page 10.

[13] Dans l’arrêt Hunter, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le législateur avait choisi des termes généraux pour décrire le critère législatif énoncé à l’article 23(1), et que le législateur devait avoir reconnu que le placement d’un enfant en vue de son adoption peut survenir dans diverses circonstances. La Cour a conclu que, dans certains cas, une loi provinciale ou des documents relatifs à la garde d’un enfant peuvent fournir une réponse concluante à la question factuelle posée par l’article 23(1) quant à l’objet du placement de l’enfantNote de bas de page 11.

[14] Je considère que l’arrêt Hunter signifie que la question factuelle à laquelle il faut répondre est de savoir si le placement des enfants visait l’adoption au titre des lois de l’Ontario. Le critère législatif n’exige pas de documents précis comme une ordonnance du tribunal accordant la garde permanente pour le prouver. Il faut répondre à la question en examinant toutes les preuves.

[15] Cela signifie que ce ne sont pas tous les placements d’un enfant sous la garde d’une personne qui seront admissibles aux prestations parentales. Il doit y avoir des preuves à l’appui d’une conclusion de fait selon laquelle l’objet du placement est l’adoption au sens juridique (au titre des lois régissant l’adoption dans la province de résidence de la partie prestataire).

[16] Dans la présente affaire, la prestataire a affirmé de façon claire et constante qu’elle a la garde intrafamiliale temporaire des enfants. Elle a également expliqué qu’elle n’a pas la possibilité de les adopter à l’heure actuelle, parce qu’il y a un processus du tribunal de la famille en cours qui donne le temps aux parents biologiques d’aborder les problèmes qui ont amené les enfants à être retirés de leur garde. J’estime que la preuve appuie le fait que les enfants n’ont pas été placés auprès de la prestataire aux fins d’adoption au titre des lois régissant l’adoption en Ontario.

[17] Je reconnais que la prestataire a une entente de garde intrafamiliale, mais la garde n’est pas la même chose que l’adoption. Il s’agit de concepts distincts sur le plan juridique. L’adoption implique la cession des droits parentaux existants et la prise en charge juridique des droits et responsabilités parentaux par le nouveau parent.

[18] Bien que la distinction puisse ne pas sembler pertinente dans la relation quotidienne entre la personne ayant la garde de l’enfant et l’enfant, elle est importante en droit. Avec l’adoption, l’enfant cesse d’être l’enfant des parents biologiques et devient l’enfant du parent adoptif. La loi prévoit un processus officiel pour l’adoption d’un enfantNote de bas de page 12.

[19] J’estime que la garde des enfants n’équivaut pas à un placement en vue de l’adoption au titre des lois régissant l’adoption en Ontario. Pour recevoir des prestations parentales, la Loi sur l’assurance-emploi exige clairement une intention de poursuivre le processus juridique d’adoption. La loi ne fait pas simplement référence à l’« adoption », ce qui pourrait comprendre un arrangement semblable à l’adoption. Elle qualifie plutôt le mot « adoption » en précisant que le placement doit avoir pour objet l’adoption au titre des lois de la province de résidence de la partie prestataire. L’affaire Hunter précise qu’aucun document précis n’est requis pour satisfaire à ce critère. Toutefois, il doit y avoir suffisamment de preuves pour tirer une conclusion de fait selon laquelle le placement visait l’adoption au titre des lois de l’OntarioNote de bas de page 13.

[20] Je ne suis pas en mesure de conclure que les enfants ont été placés chez la prestataire aux fins d’adoption au titre des lois de l’Ontario.

[21] La prestataire a fait valoir qu’elle travaille fort et qu’elle est honnête, qu’elle n’a pas eu recours au régime d’assurance-emploi depuis plus de 20 ans et qu’elle n’avait demandé aucune prestation liée à la pandémie. Elle a dit qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi, mais qu’elle ne le ferait pas si elle avait le choix, et qu’elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas obtenir de prestations parentales alors qu’elle s’occupe de [traduction] « cinq enfants innocents, afin qu’ils ne soient pas séparés et placés dans le système ». Je comprends sa frustration. Cependant, même si elle a cotisé au régime d’assurance-emploi, cela ne lui donne pas automatiquement droit à des prestations. La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme tout autre régime d’assurance, les prestataires doivent satisfaire aux conditions du régime pour obtenir des prestationsNote de bas de page 14.

[22] Je suis sensible à la situation pénible de la prestataire. Elle a dit qu’elle avait perdu sa voiture et qu’elle essayait de ne pas perdre sa maison. Elle a dit qu’elle éprouve des difficultés financières et qu’elle doit fournir de la nourriture, des vêtements et un foyer aux enfants. Malheureusement, la loi ne prévoit pas des prestations pour toutes les situations où une personne joue le rôle d’un parent. Je reconnais que cela place des personnes comme la prestataire dans une situation difficile.

[23] La prestataire a fait valoir que les [traduction] « règles […] doivent être révisées pour des personnes comme moi ».  Je n’ai pas le pouvoir d’apporter des modifications à la loi. Si la prestataire souhaite poursuivre cet argument, il est préférable qu’elle le fasse auprès des législateurs.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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