Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 743

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (455495) datée du 1er mars 2022 rendue par la Commission de l’assurance emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante

Date de la décision : Le 3 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1227

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. Son employeur a mis en œuvre un programme qui exigeait que les employés se fassent vacciner contre la COVID-19 ou se soumettent régulièrement à des tests de dépistage. La prestataire n’a pas subi de test de dépistage et n’a pas fourni de preuve de vaccination à l’employeur. L’employeur l’a donc congédiée.

[4] La Commission a décidé que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’elle a volontairement quitté son emploi. Elle soutient que l’employeur l’a congédiée après qu’elle a posé des questions sur les changements apportés à ses tâches et la sécurité du vaccin.

Questions que je dois d’abord examiner

L’employeur n’est pas partie au présent appel

[6] Le Tribunal a identifié l’ancien employeur de la prestataire comme une partie potentielle à son appel. Le Tribunal a envoyé à l’employeur une lettre lui demandant s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu en date de la présente décision. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie à l’appel.

La demande de mesures d’adaptation de la prestataire

[7] Avant l’audience et à l’audience elle-même, la prestataire et son représentant ont demandé des mesures d’adaptation en invoquant des normes du droit national et internationalNote de bas de page 2. Le représentant a précisé que l’article 27 de la Convention de Vienne et l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiquesNote de bas de page 3 s’appliquent au traitement de l’appel de la prestataire par le TribunalNote de bas de page 4.

[8] Le représentant a fait valoir que j’avais l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation à la prestataire jusqu’à la limite de la contrainte excessive. Selon le représentant, cela signifiait reconnaître que la prestataire a subi un préjudice du fait de l’application de la loi et de ses règlements. Cela signifiait également qu’il fallait offrir une réparation immédiate à la prestataire sous la forme d’une indemnisation complète pour sa demande d’assurance-emploi antidatée à octobre 2021.

[9] Je reconnais que la prestataire éprouve des difficultés financières parce qu’elle a perdu son emploi et qu’on lui a refusé des prestations d’assurance-emploi. Elle a livré un témoignage convaincant sur sa situation.

[10] Cependant, en tant que membre du Tribunal, je suis tenue d’appliquer la loi. Je ne peux pas exempter la prestataire des exigences de la Loi sur l’assurance-emploi ou de son règlement, peu importe à quel point je compatis à sa situationNote de bas de page 5.

[11] La prestataire fait appel de la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Ma décision doit donc porter sur cette question de droit. Si je ne rendais pas de décision sur l’exclusion de la prestataire, il s’agirait d’un manquement à l’équité procédurale parce que j’aurais refusé d’exercer ma compétence sur la question dont je suis saisie.

[12] Je n’ai aucun doute que la prestataire éprouve des difficultés financières parce qu’elle a perdu son emploi et qu’on lui a refusé des prestations d’assurance-emploi. Toutefois, je conclus qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a fait l’objet de traitements cruels, inhumains ou dégradants en raison de son assujettissement aux exigences de la Loi sur l’assurance-emploi. L’assurance-emploi est un régime d’assurance. Et, comme pour les autres régimes d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour être admissible.

[13] À la fin de l’audience, le représentant a clairement indiqué que la prestataire devait régler ses prestations d’assurance-emploi en raison de ses besoins financiers immédiats. La prestataire a également déclaré qu’elle avait besoin que cela soit fait [traduction] « aujourd’hui ». J’ai donc tout fait pour rendre cette décision rapidement.

Question en litige

[14] La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi ou l’employeur l’a-t-il congédiée?

[15] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[16] Une partie prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, à moins qu’elle puisse prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 6.

[17] De même, une partie prestataire qui a été congédiée en raison d’une inconduite est également exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 7.

[18] Parfois, il n’est pas clair si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi ou si l’employeur l’a congédiée. Ces deux notions sont liées dans la Loi sur l’assurance-emploi. Il s’agit de savoir si une personne a provoqué son propre chômage, soit en mettant fin à sa relation d’emploi sans justification, soit en perdant son emploi en raison d’une inconduite.

[19] Comme ces motifs d’exclusion sont liés, il m’appartient de rendre une décision fondée sur l’un ou l’autre de ces motifs. Autrement dit, lorsque le motif de la cessation d’emploi de la prestataire n’est pas clair, j’ai compétence pour décider si elle repose sur un départ volontaire ou un congédiement pour inconduiteNote de bas de page 8.

[20] Dans la présente affaire, il n’est pas clair que la prestataire a volontairement quitté son emploi. Elle a constamment déclaré à la Commission et au Tribunal qu’elle n’avait pas démissionné. Elle dit plutôt que c’est l’employeur qui l’a congédiée.

[21] La prestataire travaillait comme réceptionniste. En septembre 2021, l’employeur a mis en place un programme qui exigeait que les employés soient vaccinés contre la COVID-19 ou qu’ils se soumettent à des tests réguliers de dépistageNote de bas de page 9.

[22] La prestataire était en congé au moment de la mise en œuvre de ce programme. Elle a déclaré que la gestionnaire de bureau lui a envoyé plusieurs messages textes l’informant qu’elle devait présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou subir un test de dépistage avant de retourner au travail.

[23] La prestataire est retournée au travail le 21 septembre 2021. La gestionnaire de bureau a envoyé un courriel à tous les employés pour leur demander de présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou un résultat négatif à un test de dépistageNote de bas de page 10. Deux heures plus tard, la gestionnaire de bureau a envoyé à la prestataire un courriel lui demandant de fournir une copie de son résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19Note de bas de page 11.

[24] Le lendemain, la gestionnaire de bureau a de nouveau envoyé un courriel à la prestataire. Le courriel indiquait que l’employeur exigeait que tous les employés soient [traduction] « entièrement vaccinés ou présentent un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19 administré dans les 72dernières heures ». La gestionnaire de bureau a déclaré qu’elle avait demandé des renseignements à la prestataire à de nombreuses reprises [traduction] « sans obtenir de réponse ». Elle a demandé à la prestataire de répondreNote de bas de page 12.

[25] La prestataire a répondu qu’elle se sentait stressée par ces changements. Elle avait besoin de temps pour parler à son médecin et s’adapter aux nouvelles exigences relatives à la vaccination contre la COVID-19 et aux tests de dépistage. Elle a dit qu’elle pourrait fournir une note médicale si nécessaireNote de bas de page 13. La gestionnaire de bureau lui a répondu qu’elle devait se faire vacciner contre la COVID-19 ou fournir un résultat négatif à un test de dépistage et qu’elle devait présenter une note médicaleNote de bas de page 14.

[26] La prestataire a dit qu’elle a continué de travailler jusqu’au 27 septembre 2021. Elle travaille habituellement de la maison et se rend au bureau au besoin. Le 27 septembre, elle était au bureau pour une réunion. Elle a déclaré qu’elle avait communiqué avec le président et directeur général pour l’informer d’un changement d’horaire et que celui-ci lui avait demandé si elle avait été vaccinée ou si elle avait fourni un résultat négatif à un test de dépistage. Elle lui a répondu qu’elle ne l’avait pas fait. Le président et directeur général lui a dit de quitter le bureau.

[27] La gestionnaire de bureau a appelé la prestataire après qu’elle ait quitté le bureau et lui a dit qu’elle était mise en congé jusqu’à ce se conforme à l’exigence de vaccination ou des tests de dépistage.

[28] La prestataire a affirmé qu’elle avait envoyé un courriel à la gestionnaire de bureau et au président et directeur général pour leur poser des questions sur la sécurité et l’efficacité du vaccin. Elle a dit qu’elle était prête à se faire vacciner si l’employeur confirmait que le vaccin n’aurait aucun effet nocif sur sa santé et qu’un médecin assumerait la responsabilité juridique et financière de toute complication qu’elle pouvait développer et de toute interaction qu’elle devait avoir avec le personnel dans le cadre de ces procéduresNote de bas de page 15.

[29] La gestionnaire de bureau a envoyé un courriel à la prestataire le 4 octobre 2021. Elle a réitéré dans celui-ci que le programme de l’employeur exigeait que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19 ou qu’ils présentent un résultat négatif à un test de dépistage deux fois par semaine. Le courriel indique que l’employeur a [traduction] « tenté de collaborer avec [la prestataire] pour obtenir les renseignements demandés ». Il mentionne ensuite que l’employeur a une politique sur l’abandon de poste. Tout employé qui s’absentait du travail pendant trois jours consécutifs sans en aviser la gestionnaire de bureau était réputé avoir démissionné. La gestionnaire de bureau ajoute que si la prestataire ne [traduction] « lui répondait pas » d’ici la fin de la journée, cela signifierait qu’elle avait abandonné son posteNote de bas de page 16.

[30] La prestataire a répondu à ce courriel le 5 octobre 2021. Elle a affirmé qu’elle avait été occupée et qu’elle continuait de travailler de la maisonNote de bas de page 17. La gestionnaire de bureau a rapidement répondu à la prestataire par courriel que son rôle exigeait qu’elle soit au bureau et qu’elle n’avait pas été autorisée à travailler uniquement de la maison. Elle a déclaré que la prestataire ne leur avait pas fourni la preuve de vaccination demandée ou un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19. L’employeur considérait maintenant qu’elle avait abandonné son posteNote de bas de page 18.

[31] L’employeur a envoyé à la prestataire une lettre datée du 5 octobre 2021. La lettre indique que la prestataire [traduction] « ne respecte pas les normes et les protocoles de santé et de sécurité de l’entreprise ». L’employeur allait lui verser sa dernière paie et produire son relevé d’emploi. On demandait à la prestataire de retourner son équipement de travail, y compris son ordinateur et sa clé de bureauNote de bas de page 19.

[32] L’employeur a produit un relevé de travail avec le commentaire suivant : [traduction] « l’employée ne respecte pas les protocoles de santé et de sécurité de l’entrepriseNote de bas de page 20 ».

[33] J’estime que les éléments de preuve au dossier confirment que l’employeur a amorcé la cessation d’emploi de la prestataire. J’accorde du poids à ses déclarations constantes selon lesquelles l’employeur l’a mise en congé, puis congédiéeNote de bas de page 21. Cela est appuyé par la lettre de cessation d’emploi et le relevé d’emploi préparés par l’employeur.

[34] Comme la prestataire a été congédiée, je dois décider si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[35] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[36] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur. La politique exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19 ou qu’elle fournisse un résultat négatif à un test de dépistage toutes les 72 heures.

[37] La Commission et la prestataire ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle cette dernière a perdu son emploi. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été congédiée parce que les directives de santé exigeaient que tous les employés soient entièrement vaccinés ou qu’ils fournissent des résultats négatifs à des tests de dépistage deux fois par semaine. La prestataire avait refusé de faire l’un ou l’autre pour des raisons personnellesNote de bas de page 22.

[38] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que la véritable raison pour laquelle elle a perdu son emploi est qu’elle a posé des questions à l’employeur.

[39] La prestataire a déclaré que son emploi avait changé en septembre 2021. Auparavant, elle devait respecter le port du masque et la distanciation physique au travail. Elle devait également soumettre les visiteurs à un dépistage de la COVID-19 en leur posant des questions et en prenant leur température. Ces procédures ont toutefois changé en septembre.

[40] Le 16 septembre 2021, le conseil d’administration de l’employeur a adopté le programme provincial de restrictions aux exemptions. Ce programme exigeait que tous les employés et les visiteurs soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 ou présentent un résultat négatif à un test de dépistage administré au cours des 72 dernières heures. Le nouveau processus de dépistage pour les visiteurs exigeait désormais une preuve de vaccination, une preuve de résultat de test ou une lettre d’exemption médicaleNote de bas de page 23.

[41] La prestataire a déclaré qu’elle avait demandé à l’employeur si son contrat de travail avait été modifié à la suite de ces changements, mais a dit qu’elle n’avait reçu aucune réponse à cette question.

[42] La gestionnaire de bureau a envoyé plusieurs courriels à la prestataire pour lui demander de se conformer aux exigences et de présenter un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19Note de bas de page 24. La prestataire a répondu qu’elle avait besoin de temps pour s’adapter aux changements et parler à son médecinNote de bas de page 25.

[43] La prestataire a déclaré que le 27 septembre 2021, le président et directeur général lui a ordonné de retourner à la maison lorsqu’elle lui a dit qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’avait pas obtenu de résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19.

[44] Selon la prestataire, la gestionnaire de bureau l’a appelée plus tard ce jour-là et lui a dit qu’elle était mise en congé. Elle lui a demandé de rendre sa clé de bureau.

[45] La prestataire a ensuite envoyé à l’employeur un courriel contenant des questions sur la sécurité et l’efficacité du vaccin. Ce courriel contenait des questions précises sur le contenu, les essais cliniques et les effets indésirables du vaccin. Comme il est indiqué au paragraphe 28 ci-dessus, la prestataire a écrit dans son courriel qu’elle était prête à se faire vacciner si l’employeur remplissait certaines conditions. Elle dit qu’elle n’a pas reçu de réponse à ces questions.

[46] La gestionnaire de bureau a dit à la Commission qu’elle avait répondu à la prestataire qu’elle n’était pas médecin et qu’elle ne pouvait pas répondre à ces questions. Elle a dit à la prestataire que la politique n’exigeait pas qu’elle se fasse vacciner.

[47] Le 4 octobre 2021, la gestionnaire de bureau a de nouveau envoyé un courriel à la prestataire pour lui demander de se conformer aux exigences du programme de restrictions aux exemptions de l’employeur en présentant une preuve de vaccination ou un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19. La gestionnaire de bureau a déclaré que si la prestataire ne lui répondait pas avant la fin de la journée, on considérerait qu’elle avait abandonné son poste.

[48] La prestataire n’a pas répondu à la demande de la gestionnaire de bureau. Elle a plutôt affirmé qu’elle travaillait toujours de la maison. La gestionnaire de bureau a répondu que le poste de la prestataire exigeait qu’elle travaille à partir du bureau et que, pour ce faire, elle devait satisfaire aux exigences du programme de restrictions aux exemptions. Comme elle ne s’était pas conformée à ces exigences, elle a été congédiéeNote de bas de page 26.

[49] Je ne suis pas d’accord avec la position de la prestataire selon laquelle elle a été congédiée pour avoir posé des questions sur les nouveaux protocoles liés à la COVID-19 au travail. La preuve dont je dispose montre que l’employeur l’a congédiée parce qu’elle a choisi de ne pas présenter de preuve de vaccination contre la COVID-19 ou un résultat négatif à un test de dépistage, et que c’est cette conduite qui a mené à son congédiement. Par conséquent, j’estime qu’il est plus probable que le fait que la prestataire n’ait pas respecté les exigences du programme de restrictions aux exemptions soit la véritable raison de son congédiement.

[50] La prestataire a posé des questions sur les changements apportés à ses tâches après son retour de vacances le 21 septembre 2021. Elle a aussi envoyé un courriel à l’employeur contenant des questions sur la sécurité et l’efficacité du vaccin après avoir été mise en congé le 27 septembre 2021. Toutefois, la prestataire avait été avertie à plusieurs reprises avant ces dates qu’elle devait présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou un résultat négatif à un test de dépistage pour pouvoir travailler. Elle a également été suspendue du travail le 27 septembre 2021 pour ne pas avoir respecté ces conditions.

[51] L’employeur n’a pas immédiatement congédié la prestataire pour avoir posé des questions. Il lui a plutôt donné d’autres occasions de fournir les renseignements exigés par la politique. La gestionnaire de bureau a indiqué dans le courriel daté du 4 octobre 2021 que si la prestataire ne fournissait pas les renseignements demandés, elle perdrait son emploi. La prestataire n’a pas présenté de preuve de vaccination contre la COVID-19 ni de résultat négatif à un test de dépistage. Le courriel du 4 octobre 2021 et le congédiement subséquent de la prestataire appuient le fait qu’elle a été congédiée pour ne pas s’être conformée à la politique de l’employeur.

[52] J’estime que l’acte principal pour lequel la prestataire a perdu son emploi est qu’elle a choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur qui exigeait qu’elle présente une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou un résultat négatif à un test de dépistage.

La prestataire a-t-elle été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[53] La prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[54] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être volontaire. Cela signifie qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 27. Par inconduite, on entend aussi une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 28. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 29.

[55] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 30.

[56] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 31.

[57] La Commission a présenté ses observations sur la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi. Toutefois, ses observations comprennent les facteurs à prendre en considération pour décider si la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite. Plus précisément, la Commission affirme que la prestataire savait qu’elle devait se conformer à la politique de l’employeur pour continuer à occuper son poste. Elle a noté que la prestataire avait choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 et de ne pas se soumettre à un test de dépistage. Ce faisant, la Commission soutient qu’elle a délibérément fait le choix de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[58] La prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur était injuste et portait atteinte à ses droits. Choisir de se faire vacciner contre la COVID-19 ou de subir un test de dépistage est une décision médicale personnelle et elle ne devrait pas être forcée de subir une telle procédure médicale.

[59] Le représentant souligne que la prestataire n’a jamais refusé de se faire vacciner contre la COVID-19 ou de se soumettre à un test de dépistage.

[60] Je reconnais que la prestataire a demandé une exemption à la politique en raison de ses croyances spirituellesNote de bas de page 32. Elle a cependant dit que l’employeur ne lui avait pas accordé cette exemption. La prestataire savait que l’employeur ne l’avait pas exemptée de la politique. Néanmoins, elle a choisi de ne pas s’y conformer.

[61] Le représentant de la prestataire a soutenu que celle-ci n’avait jamais refusé de se conformer à la politique. Toutefois, la prestataire devait présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou un résultat négatif à un test de dépistage pour s’y conformer. En ne le faisant pas, elle s’est placée dans une situation de non-conformité à la politique. Si la prestataire avait eu l’intention de s’y conformer, elle aurait pu en informer son employeur et demander une prolongation du délai pour le faire.

[62] La prestataire a délibérément et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur. Il est clair d’après la preuve qu’elle savait qu’elle perdrait son emploi en ne le faisant pas.

[63] La prestataire a été informée de la politique de l’employeur en septembre 2021. Elle a choisi de ne pas fournir de preuve de vaccination contre la COVID-19 ou de résultat négatif à un test de dépistage, comme l’exigeait la politique. Elle a été renvoyée du travail et mise en congé le 27 septembre 2021. On lui a demandé de rendre sa clé de bureau à ce moment-là. Une semaine plus tard, l’employeur l’a avertie qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne fournissait pas les renseignements exigés par la politique. Cet élément de preuve m’indique qu’elle savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite au sens de la loi et de la jurisprudence décrites ci-dessus.

[64] La prestataire a déclaré que la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail lorsqu’elle a été embauchée.

[65] L’employeur a le droit de gérer ses opérations quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en œuvre cette politique comme exigence pour tous ses employés, celle-ci est devenue une condition d’emploi pour la prestataire.

[66] Je comprends les préoccupations de la prestataire selon lesquelles la politique de l’employeur n’était pas équitable et ne lui donnait pas d’autre option que de se faire vacciner contre la COVID-19 ou de subir un test de dépistage. Je reconnais qu’elle n’est pas d’accord avec cette politique et qu’elle estime qu’elle viole ses droits humains. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en la congédiant alors qu’il aurait pu lui offrir d’autres mesures d’adaptation.

[67] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur était raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire était justifié. Le Tribunal doit décider si la conduite de la partie prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 33.

[68] La prestataire peut avoir d’autres recours pour faire valoir ses allégations selon lesquelles la politique de l’employeur violait ses droits humains et qu’elle a été injustement congédiée. Ces questions doivent toutefois être traitées par la cour ou le tribunal approprié.

La prestataire a-t-elle donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[69] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[70] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[71] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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