Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 328

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : C. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : J. Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 juillet 2021 (GE-21-991)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée 

Date de la décision : Le 10 août 2022
Numéro de dossier : AD-21-281

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire est inadmissible aux prestations du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi. Par la suite, il a quitté le Canada le 2 décembre 2020 pour assister aux funérailles de sa mère et prendre soin de sa sœur qui était malade. La sœur du prestataire est également décédée alors qu’il prenait soin d’elle.

[3] Le prestataire est tombé malade pendant qu’il était à l’étranger et a dû retarder son retour. La Commission a appliqué une exemption pour qu’il puisse recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant sept jours pour assister aux funérailles de sa mère. Le prestataire a été déclaré inadmissible aux prestations du 9 décembre 2020 au 26 mars 2021 parce qu’il se trouvait à l’étranger.

[4] Après révision, la Commission a accordé une autre exemption de sept jours, à concurrence 14 jours. L’inadmissibilité allant du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021 est demeurée inchangée. Le prestataire a porté cette décision de révision en appel devant la division générale.

[5] En ce qui concerne l’inadmissibilité, la division générale a décidé que le prestataire a droit à une exemption de sept jours soit pour assister aux funérailles de sa mère ou pour prendre soin de sa sœur malade, et qu’il ne pouvait pas combiner les exemptions pour ces deux membres de sa famille. La division générale a imposé une inadmissibilité du 9 décembre 2020 au 26 mars 2021.

[6] Le prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis une erreur parce que la Commission avait accordé sept autres jours, à concurrence de 14 jours, et qu’il ne faisait pas appel de la période allant du 9 décembre au 16 décembre 2020.

[7] J’ai décidé que la division générale a omis d’offrir un processus équitable et a outrepassé sa compétence. Je rends également la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que le prestataire est inadmissible aux prestations du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021.

Questions en litige

[8] Je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle omis d’offrir un processus équitable?
  2. b) La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en imposant une période d’inadmissibilité plus longue que ce que la Commission avait déterminé lors de la révision?
  3. c) Dans l’affirmative, comment faudrait-il corriger l’erreur?

Analyse

[9] Dans la présente affaire, je peux intervenir seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc examiner si la division généraleNote de bas de page 1 :

  • a omis d’offrir un processus équitable;
  • a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[10] Le prestataire a quitté le Canada le 1er décembre 2020 pour prendre soin de sa sœur malade et assister aux funérailles de sa mèreNote de bas de page 2. Il prévoyait de rentrer au Canada le 6 février 2021, mais il a contracté la COVID-19 et a été incapable de revenir avant le 26 mars 2021Note de bas de page 3.

[11] La partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle elle est à l’étrangerNote de bas de page 4. Il existe quelques exceptions à cette règle, y compris l’absence pour visiter un proche parent malade et pour assister aux funérailles d’un proche parentNote de bas de page 5. Il est possible de combiner ces deux exemptions au cours d’un même voyage à l’étranger dans le cas où le proche parent malade que visite la partie prestataire est le même que celui aux funérailles duquel elle assisteNote de bas de page 6.

[12] Initialement, la Commission a appliqué une exemption de sept jours et a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations du 10 décembre 2020 au 27 mars 2021Note de bas de page 7. Le prestataire a demandé une révision de cette décision, affirmant qu’il croyait qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant la période allant du 4 février au 25 mars 2021Note de bas de page 8.

[13] Le prestataire a joint à sa demande de révision une invitation à la cérémonie à la mémoire de sa sœur. Elle est décédée le 11 mars 2021 et les services funèbres ont eu lieu les 3 et 4 avril 2021Note de bas de page 9. Le prestataire a expliqué qu’il prenait soin de sa sœur malade qui avait subi une opération pour enlever des fibromes. Malheureusement, elle est décédée alors qu’il était à l’étranger pour lui rendre visiteNote de bas de page 10.

[14] La Commission a modifié sa décision après révision et a accordé l’ajout de sept autres jours à la période au cours de laquelle des prestations étaient payables au prestataire pendant qu’il était à l’étranger. La décision de révision dit que le prestataire est inadmissible du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021Note de bas de page 11.

[15] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal. Il a déclaré dans son avis d’appel qu’il était en désaccord avec la décision de ne pas verser de prestations du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021Note de bas de page 12.

La décision de la division générale

[16] Dans sa décision, la division générale dit que l’appel est rejeté. Elle a conclu que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant la période allant du 9 décembre 2020 au 26 mars 2021, alors qu’il se trouvait à l’étranger.

[17] Dans l’aperçu, la division générale dit que la Commission a déclaré le prestataire inadmissible pendant la période allant du 9 décembre 2020 au 26 mars 2021, et que le prestataire soutient que l’on devrait lui verser des prestations d’assurance-emploi pour toute la période pendant laquelle il était à l’étranger pour des motifs de compassionNote de bas de page 13.

[18] Plus loin dans la décision, la division générale note que la décision de révision indique que la Commission a ajouté une autre exemption de sept jours, mais la Commission soutenait maintenant qu’elle ne peut pas accorder les autres joursNote de bas de page 14. La division générale examine ensuite la situation du prestataire pendant son séjour à l’étranger, y compris les funérailles de sa mère, la maladie et le décès de sa sœur et le fait qu’il a contracté la COVID-19 et n’a pas pu revenir à la date prévue.

[19] Dans sa décision, la division générale dit que le prestataire n’avait pas lu les observations de la Commission et qu’elle lui a donné 30 minutes pour le faire au début de l’audienceNote de bas de page 15.

L’audience de la division générale

[20] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale. À l’audience, la division générale indique que la seule question à trancher dans le cadre de l’appel est celle de savoir si le prestataire a droit à des prestations pendant qu’il est à l’étranger. La division générale dit au prestataire qu’il devra montrer qu’il satisfait à l’une des exceptions de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[21] La division générale a demandé au prestataire pourquoi il avait quitté le CanadaNote de bas de page 17. Le prestataire a déclaré qu’il est parti pour s’occuper de sa petite sœur qui était malade et pour enterrer sa mère. La division générale a posé des questions au prestataire concernant des commentaires faits à la Commission, selon lesquelles il était parti pour assister aux funérailles et on lui a demandé la raison principale de son voyage. Le prestataire a déclaré que c’était pour enterrer sa mère et pour prendre soin de sa sœur qui allait subir une opération, mais qu’il n’avait pas dit cela au départNote de bas de page 18.

[22] La division générale a demandé au prestataire si l’une des autres exemptions prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi s’appliquait à lui, à part assister aux funérailles de sa mère et prendre soin de sa sœur malade, et il a confirmé qu’il s’agissait seulement de ces deux exemptionsNote de bas de page 19.

[23] La division générale a déclaré à l’audience qu’il y a deux endroits différents où il est question de la période d’inadmissibilité et elle a dirigé le prestataire vers les observations de la Commission. Elle dit que ces observations traitent d’une inadmissibilité commençant le 9 décembre, et dit au prestataire que la Commission lui a accordé une exemption de sept jours pour assister aux funérailles de sa mère. Lorsqu’on lui a demandé s’il voulait faire des commentaires à cet égard, la réponse du prestataire portait sur le fait que le Règlement sur l’assurance-emploi ne tient pas compte du temps qu’il faut pour se rendre en AfriqueNote de bas de page 20.

[24] À l’audience, la division générale a déclaré que la Commission était d’avis qu’elle ne pouvait pas accorder une exemption au prestataire pour rendre visite à sa sœur malade. En guise de réponse, le prestataire a expliqué qu’il ne savait pas pourquoi, parce qu’il était son plus proche parentNote de bas de page 21. Il a expliqué qu’il avait rapporté des documents confirmant qu’elle était décédée. Les arguments du prestataire étaient axés sur le fait qu’il a fourni une preuve suffisante indiquant qu’il a voyagé pour rendre visite à sa sœur malade et qu’elle est décédée alors qu’il était là-bas.

[25] La division générale a conclu l’audience en disant qu’elle allait décider si l’appel devait être accueilli ou rejetéNote de bas de page 22.

L’appel du prestataire à la division d’appel

[26] La position du prestataire dans le présent appel est que la Commission a déjà décidé qu’il recevrait des prestations pendant 14 jours. Il ne peut pas comprendre pourquoi on lui demande maintenant de rembourser certaines de ces prestations, et il croyait que la question de son admissibilité pour cette période avait déjà été tranchée en sa faveur. Le prestataire ne conteste pas la décision concernant la période allant du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021.

[27] La Commission affirme qu’il y a des raisons de faire appel de la décision. Elle soutient que la division générale n’a pas appliqué le critère approprié, car elle n’a pas considéré que l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi est assujetti à l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme qu’il s’agissait d’une erreur de droit.

[28] La Commission affirme toutefois que cette erreur n’a aucune incidence sur le résultat. Elle soutient que l’interprétation correcte de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi mène encore au résultat selon lequel le prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il est à l’étranger, sauf pendant les sept premiers jours consécutifs pour assister aux funérailles de sa mère.

[29] La Commission soutient qu’elle n’a pas modifié la décision de révision après que le prestataire a déposé son avis d’appel à la division générale. La Commission dit que l’inadmissibilité a seulement été modifiée lorsque la décision de la division générale a été mise en œuvre.

[30] La Commission fait valoir que sa position concernant l’autre exemption de sept jours a changé après que le prestataire a déposé son avis d’appel. Elle reconnaît qu’elle n’a pas clairement expliqué cela dans ses observations à la division générale. La Commission affirme qu’elle aurait dû expliquer que sa décision de révision n’était pas exacte et qu’elle recommandait que la division générale la modifieNote de bas de page 23.

La division générale a omis d’offrir un processus équitable et a outrepassé sa compétence

[31] À l’écoute de l’audience, il n’est pas évident que le prestataire comprenait que la division générale examinerait son admissibilité pour la période allant du 9 au 16 décembre 2020. La Commission s’était déjà prononcée sur l’admissibilité du prestataire pendant cette période, et il ne s’agissait pas d’une période que le prestataire portait en appel.

[32] L’avis d’appel du prestataire à la division d’appel indiquait qu’il était en désaccord avec la décision de ne pas verser de prestations du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021. Lorsque la division générale a indiqué qu’elle déciderait de rejeter ou d’accueillir son appel, il est possible que le prestataire n’ait pas compris que le fait de rejeter l’appel pouvait donner lieu à une modification à la décision de révision de la Commission.

[33] Je conclus que la division générale a omis d’offrir un processus équitable en n’expliquant pas au prestataire que son admissibilité à l’autre exemption de sept jours permise par la Commission après révision était une question qu’elle examinait. Comme le reconnaît la Commission, cela n’a pas été expliqué clairement dans ses observations à la division générale.

[34] Je conclus également que la division générale a outrepassé sa compétence en rendant une décision concernant l’admissibilité du prestataire aux prestations pour une période au cours de laquelle la Commission avait déjà décidé que des prestations étaient payables. La question portée à la connaissance de la division générale était celle de l’admissibilité du prestataire aux prestations pour la période allant du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021. Elle a outrepassé sa compétence et rendant une décision au sujet de l’admissibilité du prestataire aux prestations au-delà de cette période.

Correction de l’erreur

[35] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur. Je peux renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 24.

[36] À l’audience, le prestataire et la Commission ont tous deux affirmé que je devrais rendre la décision si je conclus qu’il y a eu erreur. Je suis d’accord. J’estime qu’il convient de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Personne ne conteste les faits. L’appel du prestataire porte seulement sur la semaine supplémentaire allant du 9 décembre au 16 décembre 2020, et je suis d’avis qu’il ne s’agit pas là d’une question qui relève de la compétence de la division générale.

Le prestataire n’a pas droit à des prestations du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021

[37] Le prestataire a reconnu à l’audience de la division générale qu’il ne satisfaisait à aucune autre des exemptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi, à part visiter un proche parent malade et assister aux funérailles d’un proche parent.

[38] Personne ne conteste que le prestataire était à l’étranger pendant la période en question. Le prestataire ne conteste pas la période suivant le 17 décembre 2020. Il fait seulement appel de la semaine supplémentaire accordée par la Commission dans la décision de révision.

[39] La Commission soutient que la division générale a correctement appliqué l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi. La Commission affirme que la décision de révision était erronée et que la division générale ne pouvait pas négliger ou ignorer l’application correcte de la loi. Une fois que l’appel a été déposé, la Commission ne pouvait pas non plus ignorer l’application correcte de la loi. Elle affirme que, même si la division générale aurait dû tenir compte de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi, la décision demeure raisonnable.

[40] Le prestataire fait valoir qu’on lui a accordé une semaine supplémentaire après révision. Il soutient qu’il n’y avait pas d’arguments portés à la connaissance de la division générale concernant la semaine du 9 au 16 décembre 2020 et que l’on n’aurait pas dû rendre une décision au sujet de cette période.

[41] La compétence de la division générale se limite à l’examen des questions soulevées dans la décision de révision. La Commission a décidé que des prestations étaient payables au prestataire pour la période allant du 9 au 16 décembre 2020 et qu’il était inadmissible du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021. Il s’agit de la décision que le prestataire a portée en appel.

[42] Le prestataire a soutenu qu’il devrait avoir droit à des prestations pendant son séjour à l’étranger après qu’il ait contracté la COVID-19 et qu’il ne pouvait pas revenir au Canada. Il est évident, à la lecture de son avis d’appel, qu’il contestait la décision de maintenir l’inadmissibilité du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021. Le prestataire affirme maintenant qu’il ne conteste plus cette période d’inadmissibilité.

[43] Je conviens avec le prestataire qu’il n’était pas admissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021. Il ne satisfait à aucune des exemptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[44] L’appel est accueilli. La division générale a omis d’offrir un processus équitable et a outrepassé sa compétence.

[45] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi du 17 décembre 2020 au 26 mars 2021.

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