Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ZZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 597

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : Z. Z.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (458251) datée du 12 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelante (prestataire)
Date de la décision : Le 2 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-967

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] Cette dernière est par conséquent admissible à des prestations d’assurance‑emploi (AE).

Aperçu

[3] La prestataire a travaillé comme infirmière dans un foyer de soins de longue durée jusqu’à ce que l’employeur la mette en congé sans soldeNote de bas de page 1. Elle a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’AENote de bas de page 2.

[4] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a d’abord décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’AE parce qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas de page 3. Elle soutient qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19.

[5] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décisionNote de bas de page 4. Après révision, la Commission a maintenu qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas de page 5.

[6] La prestataire réplique qu’il ne s’agit pas d’une inconduite, puisque l’employeur lui a accordé une exemption à la politique pour des raisons religieusesNote de bas de page 6. L’employeur a pris une mesure d’adaptation à son égard en la mettant en congé.

Je dois d’abord déterminer ce qui suit :

Inconduite ou congé volontaire

[7] Dans sa décision initiale et dans sa décision rendue à l’issue de la révision, la Commission affirme que l’« inconduite » est la question juridique. Dans ses observations, la Commission soulève toutefois une nouvelle question, à savoir que la prestataire « a quitté volontairement son emploi sans justification »Note de bas de page 7.

[8] L’inconduite et le congé volontaire entraînent tous deux l’exclusion du bénéfice des prestations d’AENote de bas de page 8. Toutefois, je ne crois pas que les faits de la présente affaire permettent de conclure que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Cette dernière a témoigné qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi le 29 novembre 2021. Elle affirme que l’employeur a approuvé son exemption pour des motifs religieux et a pris une mesure d’adaptation en la mettant en congé.

[9] Quoi qu’il en soit, même si ce dossier avait été considéré comme un cas de congé volontaire, la Commission aurait dû prouver d’abord que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. À mon avis, elle n’aurait pas satisfait à ce critère, puisque ni la preuve au dossier ni le témoignage de la prestataire ne permettaient d’arriver à cette conclusionNote de bas de page 9.

[10] Je conclus par conséquent que la seule question juridique à trancher est celle de savoir si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10. 

Question en litige

[11] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[12] Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’AE jusqu’à la fin de la période de suspension, jusqu’à la perte de cet emploi ou son départ volontaire ou jusqu’au cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, d’un nombre suffisant d’heures d’emploiNote de bas de page 11.
Pourquoi la prestataire ne travaille-t-elle plus?

[13] Je conclus que la prestataire ne travaille pas parce qu’elle a été mise en congé sans solde le 29 novembre 2021.

[14] Le relevé d’emploi indique qu’elle a été mise en congéNote de bas de page 12. Cela concorde également avec la discussion de l’employeur avec la Commission et le témoignage de la prestataireNote de bas de page 13.

Quelle était la politique de l’employeur?

[15] L’employeur a mis en place une « politique d’immunisation des travailleurs contre la COVID-19 » (politique) le 7 octobre 2021. Une copie de cette politique se trouve au dossierNote de bas de page 14.

[16] La politique oblige tous les travailleurs à divulguer une preuve de leur statut vaccinal à l’employeur au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas de page 15. Elle précise également que tous les travailleurs doivent être complètement immunisés contre la COVID-19 au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas de page 16.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[17] La prestataire a admis que la politique lui avait été communiquée. Elle lui a été envoyée par courriel en octobre 2021. La politique pouvait aussi être consultée au travail, là où toutes les autres politiques étaient conservées.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[18] La politique prévoit que l’employé qui ne s’y conforme pas recevra du matériel éducatif sur la vaccination contre la COVID-19 et aura l’occasion de discuter de ses préoccupations concernant la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 17.

[19] Elle précise en outre que l’employé qui continue de ne pas s’y conformer sera mis en congé sans solde pendant la période nécessaire pour être pleinement immunisé contre la COVID-19.

[20] Elle prévoit également que son emploi prendra fin s’il continue de ne pas s’y conformer après la période de congé précisée.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[21] La politique prévoit la prise de mesures d’adaptation en milieu de travail si un employé ne peut pas être immunisé pour des raisons médicales ou pour d’autres raisons protégées, et précise que de telles mesures d’adaptation seront prises dans la mesure où il n’en découle aucune contrainte excessive conformément à la politiqueNote de bas de page 18.

[22] Elle établit un processus et des délais pour les demandes de mesures d’adaptation des employés et impose l’obligation de présenter des documents justificatifsNote de bas de page 19.

[23] La prestataire a témoigné qu’elle avait demandé à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard en raison de sa religionNote de bas de page 20. Elle a fait cette demande le 15 octobre 2021 et l’employeur l’a acceptée le 26 novembre 2021. 

[24] Dans cette lettre d’acceptation, l’employeur accepte la demande d’exemption de la prestataire à sa politiqueNote de bas de page 21. Il précise toutefois que la présence de la prestataire dans le lieu de travail sans être vaccinée équivaudrait à une contrainte excessive. Pour aider la prestataire, l’employeur a accepté de mettre cette dernière en congé sans solde à compter du 29 novembre 2021. Il a ajouté que le relevé d’emploi de la prestataire indiquerait que le congé était fondé sur des raisons médicales ou religieusesNote de bas de page 22.

La raison du congédiement de la prestataire est‑elle une inconduite au sens de la loi?

[25] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 23. L’inconduite comprend aussi une conduite si téméraire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 24.

[26] La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 25.

[27] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être suspendue pour cette raisonNote de bas de page 26.

[28] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit faire cette preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 27.

[29] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[30] Premièrement, la prestataire n’a pas été suspendue pour inconduite le 29 novembre 2021. Elle a été mise en congé sans solde après que son employeur eut approuvé son exemption pour des motifs religieux.

[31] Deuxièmement, la prestataire ne pouvait pas savoir qu’elle serait mise en congé après que son exemption pour des motifs religieux eut été approuvée par l’employeur. En fait, elle s’attendait à ce que l’employeur l’aide peut‑être en lui permettant de continuer à travailler si elle était testée régulièrement et qu’elle portait de l’équipement de protection. Je note que la politique ne traite des conséquences d’une non‑conformité que pour les employés qui ne sont pas vaccinés et qui n’ont obtenu aucune exemption.

[32] Enfin, je conclus que la conduite de la prestataire n’était pas volontaire, consciente ou délibérée. La prestataire n’a pas enfreint volontairement la politique de l’employeur, puisqu’elle a suivi toutes les étapes décrites dans la politique pour demander une exemption fondée sur un motif protégé, en l’espèce la religion. L’employeur la lui a accordée. Il ne s’agit pas d’une inconduite. 

Conclusion

[33] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[34] L’appel est donc accueilli.

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