Assurance-emploi (AE)

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Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 876

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (454884) datée du 10 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 26 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1120

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 7 novembre 2021 n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] Du 26 avril 2014 au 4 novembre 2021 inclusivement, l’appelant a travaillé comme technicien en électronique (« Lead Wind Turbin Technician ») pour l’employeur X (l’employeur) et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement. L’employeur explique avoir congédié l’appelant parce qu’il n’a pas respecté les lignes directrices en vigueur, a produit des documents frauduleux et lui a volé du temps.

[3] Le 16 décembre 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’informe qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 7 novembre 2021, car il a cessé de travailler pour l’employeur le 4 novembre 2021 en raison de son inconduiteNote de bas de page 2. Le 10 février 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 16 décembre 2021Note de bas de page 3.

[4] L’appelant soutient ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il fait valoir que les gestes qui lui ont été reprochés représentent des accusations sans fondement et ne sont que des suppositions de l’employeur. L’appelant affirme ne pas avoir posé de gestes comme ceux que l’employeur lui attribue soit, d’avoir débranché des fils ou désactivé des alarmes des tours des éoliennes dont il effectuait l’entretien et la réparation (ex. : déclencher le système d’arrêt d’urgence en court-circuitant les capteurs et les avertisseurs des portes, désactiver et réactiver les capteurs d’alarme à plusieurs reprises), afin d’être appelé par le centre de contrôle des opérations des systèmes (Systems Operations Centre – SOC) pour aller régler le problème et accumuler ainsi plus d’heures de travail. Il soutient ne pas avoir volé de temps à son employeur. L’appelant indique qu’à plusieurs reprises, il s’est rendu à des tours d’éoliennes, sans d’abord avoir reçu un appel du SOC parce qu’il recevait un message à partir d’une application sur son téléphone cellulaire lui signalant que les tours pouvaient avoir un problème de fonctionnement. Il affirme que lorsque cela s’est produit, l’employeur ne lui a pas fait de reproche à ce sujet et ne lui a pas dit qu’il ne devait pas procéder de cette manière. L’appelant indique aussi ne pas avoir été informé par l’employeur des changements apportés aux procédures ou lignes directrices en vigueur, ce qui inclut la politique relative au travail sur appel (« On Call Policy »). Il fait valoir qu’il n’a jamais eu d’avertissements ni fait l’objet de reproches de la part de son employeur avant que celui-ci ne le rencontre le 4 novembre 2021 et qu’il le congédie le même jour. Il souligne qu’à plusieurs reprises, l’employeur lui a remis des lettres de félicitations pour son travail en plus de lui verser un bonus salarial. Selon l’appelant, l’employeur l’a congédié en raison de son âge pour favoriser l’embauche d’employés plus jeunes. Le 31 janvier 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
  • La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

Analyse

[6] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) donnent les caractéristiques de la notion d’inconduite.

[7] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Note de bas de page 4.

[8] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré », c’est-à-dire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 7.

[9] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 9. 

[11] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 10. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 11. 

Question no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[12] Dans le cas présent, l’employeur explique avoir congédié l’appelant pour [TRADUCTION] « […] non-respect des lignes directrices […] production de documents frauduleux et […] vol de temps […] »Note de bas de page 12.

[13] Dans une lettre adressée à l’appelant ([TRADUCTION] « Objet : Congédiement »), en date du 4 novembre 2021, l’employeur lui explique qu’il met fin à son emploi en lui donnant les explications suivantes : [TRADUCTION] « Sur la base des renseignements obtenus au cours de notre enquête, nous vous avisons de votre congédiement pour un motif valable, qui entre en vigueur immédiatement. Ce congédiement résulte des actes frauduleux commis, notamment le non-respect des lignes directrices, la production de documents frauduleux et le vol de temps. De telles inconduites sont inacceptables et incompatibles avec le maintien de votre emploi. »Note de bas de page 13.

[14] Les déclarations de l’employeur à la Commission fournissent également les renseignements suivants :

  1. a) [TRADUCTION] « […] le licenciement du prestataire [Note du Tribunal : l’appelant] ne résultait pas seulement de l’incident survenu le 25 octobre 2021, mais aussi d’une enquête. […] les employés [Note du Tribunal : l’appelant et un autre employé] déclenchaient intentionnellement le système d’arrêt d’urgence en court-circuitant les capteurs et les avertisseurs des portes. Cela causait une défaillance des tours des éoliennes et un problème de système et déclenchait un appel du Systems Operations Centre (SOC) [centre de contrôle des opérations des systèmes]. L’équipe en service pouvait ainsi faire davantage d’heures supplémentaires rémunérées. Le problème est qu’il y avait beaucoup de spéculation quant à des actes suspects et aucune preuve vidéo des agissements des employés. Le jour où l’enquête a été conclue, on a présenté la preuve et les photos aux employés et on leur a donné l’occasion de s’expliquer. Ils n’ont donné aucune explication et ont nié avoir commis les actes reprochés. À ce stade, l’entreprise a jugé que ces actes allaient au-delà des mises au point permises, et qu’il y avait eu vol de temps délibéré et production de faux documents […] »Note de bas de page 14 ;
  2. b) [TRADUCTION] « La politique de l’entreprise dit qu’un employé ne peut se rendre au parc éolien sans y avoir été envoyé, notamment pour des raisons de sécurité. En plus de cela, plusieurs remarques sur la fiche de présence de l’employé [Note du Tribunal : l’appelant] montraient un manque de cohérence quant aux motifs des heures sur appel et des heures supplémentaires non autorisées. Un employé doit se rendre au parc éolien seulement si le SOC (l’équipe de répartition) le lui demande. Certains de nos rapports de journal de contrôle montrent qu’aucun appel n’a été fait à l’équipe en service du secteur de X et qu’ils [Note du Tribunal : l’appelant et un autre employé] se sont quand même rendus au parc éolien. […] les systèmes d’arrêt d’urgence ont été déclenchés à plusieurs reprises lorsque l’employé faisait partie de l’équipe en service, ce qui entraînait toujours des heures supplémentaires. Les autres employés n’avaient jamais eu ce problème […] »Note de bas de page 15 ;
  3. c) [TRADUCTION] « […] La politique de comptabilisation du temps n’a pas été respectée, car les techniciens [Note du Tribunal : l’appelant et un autre employé] ont fait des heures de service ou sur appel sans appel de répartition ou autorisation du SOC (le centre de contrôle des opérations qui fait la surveillance des éoliennes) ou du gestionnaire […] La politique relative au travail sur appel dit que l’équipe en service répondra aux appels reçus (et aux situations d’urgence) conformément aux critères du travail sur appel. Dans de nombreux cas […] il n’y a pas eu d’appel de répartition et les employés se sont rendus au parc éolien de leur propre chef »Note de bas de page 16 ;
  4. d) [TRADUCTION] « […] Le rapport du journal de contrôle du SOC (l’équipe de répartition) montre qu’aucun appel n’a été fait à l’équipe en service du secteur de X […] »Note de bas de page 17 ;
  5. e) « [TRADUCTION] « […] exemples d’heures supplémentaires non nécessaires ou fausses : on a court-circuité les capteurs des portes d’une tour et ensuite attendu que le SOC remarque le problème et envoie les techniciens en service »Note de bas de page 18. Les exemples donnés réfèrent à des événements survenus en mai et juin 2021Note de bas de page 19 ;
  6. f) [TRADUCTION] « […] Plaintes, photos et notes d’enquête d’autres pairs et du superviseur sur les activités observées après les quarts travaillés par […] [Note du Tribunal : l’appelant et un autre employé] – on a court-circuité les capteurs des portes d’une tour en enlevant un fil – les capteurs d’alarme ont été désactivés et réactivés à plusieurs reprises – les remarques sur la fiche de présence montrent un manque de cohérence quant aux motifs des heures supplémentaires sur appel […] »Note de bas de page 20. Les documents transmis par l’employeur réfèrent à des événements s’étant produits en mai, juin et octobre 2021Note de bas de page 21 ;
  7. g) [TRADUCTION] « […] Lundi 25 octobre 2021 […] [Note du Tribunal : l’appelant et un autre employé] sont en service et sont allés à A502, de 19 h 19 à 19 h 26 sans raison. La tour fonctionnait, aucun appel placé par le SOC […] La fiche de présence indique 18 h 57 comme heure d’arrivée et 19 h 33 comme heure de départ. Explications fournies sur la fiche de présence : […] [Note du Tribunal : l’employé travaillant avec l’appelant] (a502 ne lisait pas le vent correctement) […] [Note du Tribunal : l’appelant] (A5.02, réinitialisation). Plutôt bizarre. Obtenu les données précises sur les vents et leur direction de quelques tours et celles-ci correspondent aux données de A 5.02. […] »Note de bas de page 22 ;
  8. h) [TRADUCTION] « […] Exemple de divergences dans les notes des employés relatives au même appel : […] [Note du Tribunal : l’appelant] a dit qu’il s’agissait d’une réinitialisation […] [Note du Tribunal : l’employé travaillant avec l’appelant] a dit que la même turbine ne lisait pas le vent correctement […] »Note de bas de page 23. L’exemple réfère aux événements du 25 octobre 2021Note de bas de page 24.

[15] De son côté, l’appelant soutient que l’employeur l’a congédié sur la base de suppositions relativement à plusieurs gestes qui lui ont été reprochés. Il fait valoir qu’il n’a rien fait de mal et qu’il n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 25. Selon l’appelant, l’employeur l’a congédié pour favoriser l’embauche de travailleurs plus jeunesNote de bas de page 26.

[16] Je considère que la perte d’emploi de l’appelant résulte des gestes qui lui sont reprochés par l’employeur, soit de ne pas avoir respecté les lignes directrices en vigueur, d’avoir produit des documents frauduleux, selon ce qu’il a conclu, et de lui avoir volé du temps, selon ce qu’il a aussi indiqué.

[17] Je dois maintenant déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a posé les gestes qui lui sont reprochés et le cas échéant, déterminer si ces gestes constituent de l’inconduite au sens de la Loi.

Question no 2 : La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

[18] Je considère que l’appelant n’a pas agi de manière à perdre délibérément son emploi. La preuve au dossier ne démontre pas qu’il a commis des gestes représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[19] J’estime le témoignage de l’appelant crédible et j’y accorde une valeur prépondérante. L’appelant dresse un portrait détaillé des circonstances ayant mené à la fin de son emploi le 4 novembre 2021. Il ne se contredit pas. L’appelant fournit des explications précises sur les gestes qui lui ont été reprochés et les pratiques en vigueur chez l’employeur visant à assurer le bon fonctionnement des tours d’éoliennes, avant qu’il ne soit congédié.

[20] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelant a travaillé environ 10 ans pour l’employeur, en incluant la période pour laquelle il a travaillé pour un sous-traitant de celui-ci. Comme technicien en électronique, il s’occupait de l’entretien et de la réparation des tours servant à faire fonctionner des éoliennes (ex. : bris d’antennes). Il travaillait avec un coéquipierNote de bas de page 27 ;
  2. b) Pour effectuer son travail, le SOC (centre de contrôle des opérations des systèmes – Systems Operations Centre) l’appelait lorsque des problèmes étaient détectés dans les tours du parc éolien de l’employeur. À plusieurs reprises, l’appelant a signalé à son patron que le SOC ne l’appelait pas pour lui signaler un problème avec les toursNote de bas de page 28. L’appelant se faisait alors demander pourquoi il ne s’était pas présenté sur les lieux du travail lorsqu’un problème avait été détecté sur une tour et devait expliquer que c’était parce que le SOC ne l’avait pas appelé ;
  3. c) L’employeur, par le biais d’une personne en autorité sur le patron de l’appelant, lui a fourni une application sur son téléphone lui permettant de voir s’il y avait un problème avec les tours ou vérifier le fonctionnement des éoliennes. L’employeur lui a indiqué qu’après avoir constaté un problème à l’aide de cette application, il devait ensuite appeler le SOC. L’appelant n’obtenait pas toujours de réponses lorsqu’il appelait le SOC. Lorsqu’il était en service et que le SOC ne l’appelait pas ou qu’il n’obtenait pas de réponses de sa part, après avoir constaté, à l’aide de son application, qu’une tour d’une éolienne avait un problème de fonctionnement, lui et son coéquipier se rendaient au parc éolien de l’employeur pour faire une vérification et corriger au besoin le problème en questionNote de bas de page 29 ;
  4. d) À plusieurs reprises, l’appelant et son coéquipier se sont rendus sur le site de l’employeur pour vérifier les tours, à partir des renseignements donnés par son application mobile. L’appelant le mentionnait ensuite à son patron et celui-ci ne lui a jamais dit que lui ou son coéquipier ne faisait pas la bonne choseNote de bas de page 30. Il souligne qu’il s’agit d’une situation qui est déjà arrivée à d’autres collègues sans que ceux-ci ne soient congédiésNote de bas de page 31. Il précise que lui et son coéquipier faisaient leur possible pour que toutes les éoliennes soient en état de fonctionnerNote de bas de page 32 ;
  5. e) Le 25 octobre 2021, vers 18 h 38, l’appelant a constaté à l’aide de son application qu’une éolienne était en panne (tour A504) et que la lecture de la force du vent de celle-ci était beaucoup plus basse que les autres éoliennesNote de bas de page 33. L’appelant et son coéquipier se sont rendus sur les lieux pour vérifier cette tourNote de bas de page 34. Après avoir effectué une lecture des données apparaissant sur l’écran à l’intérieur de cette tour, ils ont alors effectué une réinitialisation (« reset ») pour corriger le problèmeNote de bas de page 35. En effectuant cette réinitialisation, les valeurs indiquées sont revenues à la normale. L’appelant et son coéquipier sont ensuite retournés au bureau pour inscrire le temps consacré à cette tâche sur leur feuille de temps (« punch card »). L’appelant indique que son unique tort avait été de ne pas avoir informé le SOC qu’il s’était rendu au parc éolien pour régler le problème constaté sur une tour et d’avoir oublié de créer un document de travail à cet effetNote de bas de page 36 ;
  6. f) L’employeur changeait souvent les lignes directrices ou les procédures et n’informait pas tous les employés des changements apportés. L’appelant n’a pas signé de document indiquant qu’il avait pris connaissance des lignes directrices ou d’autres directives de l’employeur ;
  7. g) L’appelant affirme ne pas avoir posé de gestes comme ceux que l’employeur lui a reprochés (ex. : déclencher intentionnellement le système d’arrêt d’urgence en court-circuitant les capteurs et les avertisseurs des portes, débrancher des fils des capteurs des portes d’entrée des éoliennes ou désactiver et réactiver les capteurs d’alarme à plusieurs reprises) pour ensuite recevoir un appel de service du SOC, ce qui lui permettait de faire du temps supplémentaire et recevoir ainsi une paie plus élevéeNote de bas de page 37 ;
  8. h)  Le 25 octobre 2021, lorsque son patron l’a questionné sur le fait que des fils avaient été débranchés sur les capteurs des portes d’entrée des éoliennes, il lui a dit que ce n’était pas lui qui avait commis de tels gestes et qu’il ne savait pas qui pouvait les avoir commisNote de bas de page 38 ;
  9. i) Le 4 novembre 2021, l’appelant a rencontré l’employeur. Lors de cette rencontre, l’employeur lui a surtout parlé des événements du 25 octobre 2021 lorsqu’il s’est rendu avec son coéquipier à la tour qui présentait un problème de fonctionnement. L’employeur lui a demandé pourquoi lui un son coéquipier s’étaient rendus à cette tour cette journée-là, vers 20 h. L’appelant indique que malgré les explications données à l’employeur, celui-ci ne les a pas crues. L’employeur lui a répondu en supposant que le système de surveillance des tours ne fonctionnait plus. L’employeur lui a demandé des explications sur le travail effectué à la tour en question, étant donné qu’il avait seulement indiqué sur la partie commentaires de sa feuille de temps qu’il avait fait une réinitialisation (« reset »). L’appelant s’est excusé auprès de l’employeur pour ne pas avoir rempli de documents à ce sujetNote de bas de page 39 ;
  10. j) Le 4 novembre 2021, il a aussi été question d’événements s’étant produits avant le 25 octobre 2021 et auxquels l’employeur réfère dans les documents qu’il a transmis à la CommissionNote de bas de page 40. L’employeur l’a alors informé qu’il faisait l’objet d’une enquête relativement à ces événements (ex. : déclencher les capteurs des portes des tours afin de créer plus de travail et d’heures supplémentaires). L’employeur lui a montré des photos de fils déconnectés dans les éoliennesNote de bas de page 41. L’employeur lui a reproché d’avoir déconnecté des portes des éoliennes et d’avoir débranché des câbles ou des fils en lui mentionnant que cela s’était produit à plusieurs reprises lorsqu’il était le dernier à se trouver sur les lieux du travailNote de bas de page 42. L’employeur lui a aussi mentionné qu’il avait fait « un paquet d’heures ». Il l’a accusé de lui « voler du temps »Note de bas de page 43. L’appelant a dit à l’employeur que ni lui ni son coéquipier n’étaient à l’origine des gestes qui lui étaient reprochés et que d’autres personnes pouvaient les avoir commis. L’employeur n’a pas répondu à cette affirmationNote de bas de page 44. L’appelant lui a dit que n’importe qui aurait pu commettre de tels gestesNote de bas de page 45. C’était la première fois que l’employeur lui parlait des événements survenus avant le 25 octobre 2021. L’appelant n’a reçu aucun avertissement, verbalement ou par écrit, concernant ces événements, avant la rencontre du 4 novembre 2021Note de bas de page 46 ;
  11. k) Au terme de cette rencontre, l’employeur lui a demandé de lui remettre son matériel de travail (ex. : clés, cellulaire). Plus tard dans la journée, la responsable des ressources humaines l’a appelé pour l’aviser qu’il était congédié. Une lettre de congédiement lui a ensuite été adresséeNote de bas de page 47. Cette lettre ne lui donne pas de détails sur les raisons de son congédiement. Il a pris connaissance de ces détails lorsqu’il a reçu son dossier d’appel ;
  12. l) Concernant le reproche que l’employeur lui a fait pour avoir indiqué sur sa feuille de temps qu’il avait fait une réinitialisation (« reset »), l’appelant précise que la plupart du temps, c’est ce qu’il écrivait sur ce document, faute d’espace pour donner plus de renseignements. L’appelant donnait toutefois plus de détails sur les tâches qu’il effectuait sur un autre document de travail (« work order ») ;
  13. m) L’appelant dit ne pas savoir comment l’employeur pouvait avoir conclu que c’était lui qui était à l’origine des gestes qui lui sont reprochés. Selon lui, ce sont des suppositions et des accusations sans fondement de la part de l’employeurNote de bas de page 48. Il demande comment l’employeur peut prouver qu’il a posé de tels gestes. L’appelant souligne que tous les employés ont les clés des tours. N’importe qui peut commettre ces gestes. Il n’y a pas de caméras de surveillance près des tours. Les serrures de portes des tours des éoliennes ne fonctionnaient pas bien et les portes pouvaient s’ouvrir pour différentes raisons (ex. : vent, intempéries)Note de bas de page 49 ;
  14. n) L’appelant n’a jamais reçu d’avertissements de la part de l’employeur, verbalement ou par écrit, concernant l’accomplissement de son travail avant de le rencontrer le 4 novembre 2021 pour apprendre qu’il était congédiéNote de bas de page 50. Pendant toutes ses années de travail chez l’employeur, c’est la première fois que celui-ci l’accusait d’avoir commis des gestes comme ceux qu’il lui a reprochés, ce qu’il ne trouve « pas plaisant » ;
  15. o) Lors de ses évaluations annuelles (ex. : 2017 à 2021), l’employeur l’a félicité pour son travail et lui a versé des bonus représentant un pourcentage de son salaireNote de bas de page 51. Il souligne qu’il n’aurait pas risqué de perdre son emploi en posant des gestes comme ceux qui lui ont été reprochés, étant donné le salaire qu’il avait et les avantages dont il bénéficiait chez l’employeurNote de bas de page 52 ;
  16. p) Selon l’appelant, il a été congédié, ainsi que son coéquipier, parce qu'ils sont plus âgés et que l’employeur veut favoriser l’embauche de travailleurs plus jeunesNote de bas de page 53. L’appelant affirme qu’à plusieurs reprises, l’employeur lui a demandé à quel moment il allait prendre sa retraiteNote de bas de page 54.

[21] Dans le présent dossier et en fonction de la preuve présentée, je considère que les circonstances liées au congédiement de l’appelant ne démontrent pas que ce dernier a délibérément fait en sorte de perdre son emploi. Son congédiement ne résulte pas d’actes délibérés de sa part.

[22] Je considère que le témoignage et les déclarations de l’appelant réfutent les déclarations de l’employeur selon lesquelles il aurait commis des « actes frauduleux » dans l’exercice de ses fonctions.

[23] Je suis d’avis que l’appelant ne pouvait prévoir que les événements survenus le 25 octobre 2021 et ceux rapportés par l’employeur avant cette date allaient mener à son congédiement.

[24] J’estime que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne démontre pas que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[25] Sur ce point, j’estime qu’étant donné la nature des allégations de l’employeur voulant que l’appelant n’ait pas respecté les lignes directrices en vigueur, qu’il ait produit des « documents frauduleux » et qu’il lui ait volé du temps, ses déclarations devraient s’appuyer sur des éléments de preuve tangibles pour le démontrer, ce qui n’est pas le cas.

[26] Je suis d’avis qu’il ne suffit pas d’accumuler pendant plusieurs mois des éléments de preuve comme une liste d’événements ou de gestes en les attribuant à l’appelant sans fournir une preuve convaincante qu’il a commis des actes frauduleux.

[27] Je considère que les éléments de preuve fournis par l’employeur (ex. : plaintes, photos, notes d’enquête de pairs et du superviseur sur les activités observées après les quarts travaillés par l’appelant et son coéquipier)Note de bas de page 55 ne démontrent pas que l’appelant aurait intentionnellement commis les gestes qui lui sont reprochés.

[28] Je souligne que les déclarations de l’employeur indiquent d’ailleurs qu’il n’a « aucune preuve vidéo des agissements » qu’il reproche à l’appelant, de même qu’à son coéquipierNote de bas de page 56. Je souligne également que les déclarations de l’employeur indiquent aussi que ses observations portent sur les activités observées « après les quarts travaillés » par l’appelant, de même que par son coéquipierNote de bas de page 57.

[29] Je considère que les déclarations de l’employeur s’appuient aussi sur des ouï-dire qui ne fournissent pas de renseignements concluants pouvant démontrer que l’appelant a commis les gestes qui lui ont été reprochés.

[30] Concernant l’application des lignes directrices de l’employeur, l’appelant reconnaît que lorsqu’il constatait qu’une tour d’éolienne pouvait poser un problème de fonctionnement à partir des renseignements fournis par son application mobile, il ne communiquait pas toujours avec le SOC pour savoir s’il devait se rendre à la tour en question. L’appelant pouvait prendre l’initiative d’y aller avec son coéquipier pour faire une vérification et corriger au besoin le problème de fonctionnement constaté sur la tour (ex. : faire une réinitialisation).

[31] Le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que lorsqu’il prenait cette initiative, ce qui s’était produit à plusieurs reprises, il le mentionnait ensuite à son patron et celui-ci ne lui a jamais dit qu’il ne faisait pas la bonne choseNote de bas de page 58

[32] Le témoignage de l’appelant indique aussi que puisque le SOC ne l’appelait pas toujours pour lui signaler un problème avec les tours des éoliennes et que lorsque cette situation se présentait sans qu’il ne se rende ensuite aux tours en question, il se faisait alors demandé par l’employeur pourquoi il n’y s’y était pas renduNote de bas de page 59.

[33] Je considère que malgré l’existence de la politique relative au travail sur appel, il y avait une pratique en vigueur chez l’employeur qui faisait en sorte que l’appelant pouvait se rendre d’abord à une tour d’éolienne lorsqu’il constatait, à l’aide de son application, qu’il pouvait y avoir un problème de fonctionnement et informer ensuite l’employeur ou le SOC de l’initiative qu’il avait prise à cet égard.

[34] J’estime que, ce faisant, l’appelant n’a pas posé un geste ayant un caractère volontaire ou délibéré pouvant être associé à une inconduite au sens de la Loi. Je retiens qu’il s’agissait d’une pratique qui pouvait être acceptée par l’employeur.

[35] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel l’appelant n’a pas suivi les politiques ou les directives de l’employeur en allant vérifier une tour d’éolienne sans que le SOC ne lui ait demandé de le faire et qu’il s’agissait d’un geste délibéré de sa partNote de bas de page 60.

[36] Je souligne que bien que l’employeur ait déclaré que dans de nombreux cas, l’appelant et son coéquipier s’étaient rendus au parc éolien de leur propre chef sans avoir reçu un appel de répartition ou une autorisation de la part du SOCNote de bas de page 61, aucun élément de preuve n’indique que des avertissements leur avaient été donnés de ne plus le faire. Rien n’indique non plus le type de sanctions dont ils auraient pu faire l’objet pour ce genre d’agissement.

[37] Je retiens que ce n’est que lors du congédiement de l’appelant, le 4 novembre 2021, que celui-ci a été informé de gestes qu’il aurait commis avant le 25 octobre 2021 indiquant qu’il aurait contrevenu aux lignes directrices de l’employeur, dont la politique relative au travail sur appel ou celle sur la comptabilisation du temps.

[38] Concernant le fait que l’appelant aurait produit des documents frauduleux, je ne trouve pas convaincants les renseignements donnés par l’employeur à cet égard.

[39] Bien que l’employeur ait observé des divergences dans les notes de l’appelant et celles de son coéquipier relativement au travail effectué à la tour à laquelle ils se sont rendus le 25 octobre 2021 (tour A502), cette situation ne démontre pas que l’appelant aurait ainsi produit un document frauduleux.

[40] J’estime que le fait que l’employeur ait trouvé « bizarre »Note de bas de page 62 que l’appelant ait simplement indiqué sur une note de service qu’il avait fait une « réinitialisation », sans donner plus de détails sur la note en question, alors que son coéquipier avait écrit que la turbine « ne lisait pas le vent correctement »Note de bas de page 63 ne permet pas de faire une telle démonstration.

[41] J’accepte l’explication de l’appelant selon laquelle il avait indiqué sur sa feuille de temps qu’il avait fait une réinitialisation, ce qu’il écrivait la plupart du temps sur ce document, faute d’espace pour donner plus de renseignements, mais qu’il donnait plus de précisions dans un autre document de travail (« work order ») pour décrire les tâches qu’il avait effectuées. Je souligne que l’appelant a d’ailleurs déclaré à plusieurs reprises qu’il s’était rendu à une tour d’éolienne le 25 octobre 2021 après avoir constaté, à l’aide de son application, qu’il y avait un problème de lecture de la force du vent à cette tour. 

[42] Les éléments de preuve présentés par l’employeur ne démontrent pas que l’appelant aurait produit de faux documents.

[43] Je ne trouve pas convaincantes non plus les déclarations de l’employeur selon lesquelles l’appelant lui aurait « volé du temps » en posant des gestes visant à déclencher intentionnellement le système d’arrêt d’urgence, en court-circuitant les capteurs et les avertisseurs des portes des tours des éoliennesNote de bas de page 64. Selon l’employeur, cette situation causait une défaillance des tours et un problème de système et déclenchait ensuite un appel du SOC, ce qui faisait en sorte que l’appelant pouvait accumuler davantage d’heures supplémentaires rémunéréesNote de bas de page 65.

[44] J’estime que les déclarations de l’employeur et les éléments de preuve qu’il présente ne démontrent pas que l’appelant lui a volé du temps de façon délibéréeNote de bas de page 66.

[45] En résumé, je considère que l’appelant n’a pas posé de gestes ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associés à de l’inconduite.

[46] Je suis d’avis que l’appelant n’a pas consciemment choisi d’ignorer les normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit. L’appelant n’a pas manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[47] Je considère que l’employeur a accumulé des renseignements et des documents sur des agissements qu’il attribue à l’appelant depuis mai 2021, selon les éléments de preuve qu’il a fournis à la Commission. Suivant l’enquête que l’employeur indique avoir menée sur l’appelant, il a attendu au 4 novembre 2021, à la suite d’un événement s’étant produit le 25 octobre 2021, dont il attribue aussi la responsabilité à ce dernier, pour le congédier.

[48] J’estime que l’appelant ne pouvait savoir que sa conduite allait à l’encontre de ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour les actes qui lui ont été reprochés.

[49] Je suis d’avis que les gestes posés par l’appelant n’étaient pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir que ces gestes pouvaient entraîner son congédiement. Sur ce point, je retiens que l’appelant n’a pas été avisé ni averti par l’employeur avant le 4 novembre 2021 pour les gestes qui lui ont été reprochés et qui auraient été posés depuis mai 2021. Les déclarations de l’employeur ne contredisent pas l’affirmation de l’appelant sur ce point.

[50] La Commission ne prouve pas que l’appelant a intentionnellement perdu son emploi. Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite.

[51] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 67.

[52] Je considère que la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[53] Je considère que la Commission ne prend pas en compte la version de l’appelant, incluant son témoignage crédible, précis et détaillé, relativement aux gestes qui lui ont été reprochés et aux circonstances ayant mené à son congédiement.

[54] Je suis d’avis que la Commission s’est montrée rapidement satisfaite des déclarations de l’employeur pour conclure que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[55] J’estime que la Commission n’explique pas comment, à partir des éléments de preuve qu’elle a recueillis, elle a pu conclure que l’appelant pouvait avoir produit des documents frauduleux ou volé délibérément du temps à l’employeur. 

[56] Je suis d’avis que les éléments de preuve au dossier ne démontrent pas que l’appelant aurait commis de tels gestes.

[57] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 68.

[58] J’estime que l’appelant n’a pas été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibérée.

[59] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

Conclusion

[60] L’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

[61] En conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 7 novembre 2021 n’est pas justifiée.

[62] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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