Assurance-emploi (AE)

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Citation : MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 889

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : M. D.
Représentante ou représentant : J. T.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
17 juin 2022 (GE-22-785)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 12 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-437

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. Il a fait une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fourni. Elle a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite, soit de ne pas s’être conformé aux consignes sanitaires de son employeur. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de sa demande. La Commission a rejeté sa demande de révision. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[3] La division générale a déterminé que l’employeur a appliqué des consignes sanitaires pour la protection des employés pendant la pandémie. Elle a déterminé que le prestataire ne voulait pas respecter les mesures sanitaires ou les accommodements proposés par l’employeur. Elle a déterminé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l'employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[4] Le prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale a commis plusieurs erreurs de faits et de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[6] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par le prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[7] Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[8] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[10] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Observations préliminaires

[11] Avant de décider de la présente demande, j’ai offert au prestataire de suspendre son appel dans l’attente du résultat de ses nombreux griefs devant un arbitre.Note de bas de page 1 Il a choisi de poursuivre sa demande pour permission d’en appeler sans attendre la décision sur les griefs.Note de bas de page 2

[12] Je vais donc rendre la présente décision sur permission d’en appeler en considérant seulement la preuve produite devant la division générale conformément aux pouvoirs limités de la division d’appel.Note de bas de page 3

Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[13] Le prestataire soulève les moyens d’appel suivants :

  1. (a) Depuis septembre 2021, le masque n’était plus obligatoire mais recommandé par la CNESST;Note de bas de page 4
  2. (b) Il a obtenu une exemption médicale de porter le masque et il n’était pas dans l’obligation de divulguer les raisons de l’exemption à son employeur;
  3. (c) Son employeur a mis en place des barrières physiques dans toutes les aires communes et a fait preuve de mauvaise foi à son égard en lui imposant des accommodements déraisonnables;
  4. (d) Les accommodements proposés par l’employeur ne respectaient pas ses obligations en matières de santé et sécurité au travail. Il a donc refuser légitimement de travailler;
  5. (e) Il a été victime de discrimination et ses droits constitutionnels ont n’ont pas été respectés par l’employeur;
  6. (f) Il a déposé de nombreux griefs à l’encontre de son employeur;
  7. (g) L’employeur n’a pas respecté la convention collective;
  8. (h) Il devrait bénéficier du bénéfice du doute puisque les éléments de preuve présentés de part et d’autre sont équivalents.

[14] Le prestataire travaillait pour l’employeur comme opérateur de camion lourd depuis plus de 11 ans. L’employeur a mis en place des consignes sanitaires durant la pandémie, incluant le port du masque. Le prestataire a toutefois obtenu une exemption médicale de porter le masque.

[15] Vers le 23 novembre 2021, le prestataire a néanmoins été congédié par l’employeur suite à son refus de se conformer aux consignes sanitaires et aux accommodements proposés.

[16] La division générale devait décider si le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[17] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[18] Tel que souligné par la division générale, son rôle n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.Note de bas de page 5

[19] La division générale a déterminé que l’employeur a appliqué des mesures sanitaires pour la protection des employés pendant la pandémie. Elle a déterminé que le prestataire ne voulait pas respecter les mesures sanitaires ou les accommodements proposés par l’employeur. Elle a déterminé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l'employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[20] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que ce qui constituait de l’inconduite n’était pas le refus du prestataire de porter un masque, puisqu’il avait obtenu une exemption médicale, mais plutôt le fait de refuser de respecter les règles établies par l’employeur ainsi que les accommodements établis par différentes équipes de travail en période de pandémie.Elle a conclu que le prestataire, bien qu’exempté de porter un masque, ne pouvait agir comme s’il avait un masque et devait suivre les règles de l’employeur adaptées à sa situation particulière.

[21] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[22] Il est bien établi que le non-respect délibéré des règles établies par un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 6

[23] La question de savoir si l'employeur a fait preuve de discrimination à l'égard du prestataire et a fait défaut de respecter ses droits constitutionnels relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel le prestataire peut obtenir la réparation qu'il recherche.Note de bas de page 7

[24] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 8

[25] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[26] De plus, le prestataire ne pouvait bénéficier du doute puisque la division générale a manifestement préféré la preuve de l’employeur.Note de bas de page 9

[27] Il est bien établi que la division d’appel n'est pas habilitée à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences de la division d’appel sont limitées par la loi.

[28] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[29] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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