Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 750

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (437323) datée du 28 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 10 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2535

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Décision

[1] S. S. est le prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’il n’est pas admissible aux prestations régulières de l’assurance-emploi parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] J’accueille en partie l’appel du prestataire. Je conclus qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était aux études. Cela s’explique par le fait qu’il avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner travailler. Cependant, je conclus qu’il a prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant les congés scolaires.

Aperçu

[3] Le prestataire était un étudiant à temps plein avec un permis d’études. Il a commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi le 4 octobre 2020. Il a donné à la Commission des renseignements sur ses études, et la Commission lui a versé des prestations d’assurance-emploi. Puis, en mai 2021, la Commission a réexaminé son admissibilité. La Commission a jugé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à partir du 4 octobre 2020 et elle a demandé au prestataire de rembourser les prestations. 

[4] La Commission dit que le prestataire n’est pas disponible pour travailler parce qu’il est un étudiant à temps plein. La Commission estime qu’il n’a pas réfuté la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. La Commission affirme également que le permis d’études du prestataire limite le nombre d’heures qu’il peut travailler par semaine.

[5] Le prestataire est en désaccord avec la décision de la Commission. Il dit qu’il a l’habitude de travailler tout en étant aux études. Il affirme qu’il cherchait du travail et qu’il était prêt à travailler autant que son permis d’études le lui permettait. Il déclare avoir été honnête avec la Commission au sujet de ses études et ne comprend pas pourquoi la Commission veut qu’il rembourse les prestations.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[6] Lors de l’audience, le prestataire a parlé de ses démarches pour trouver un emploi. Je lui ai demandé d’envoyer une preuve de ses démarches pour trouver un emploi après l’audience. Le prestataire a fourni cette preuve après l’audience.

[7] J’accepte cette preuve et l’utilise pour rendre ma décision parce que j’ai demandé celle-ci au prestataire. Le personnel du Tribunal a envoyé une copie des documents du prestataire à la Commission. Je ne pense donc pas qu’il serait injuste pour la Commission que je m’appuie sur la preuve du prestataire.

Question en litige

[8] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

La Commission a-t-elle le pouvoir d’examiner l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi?

[9] La loi donne à la Commission des pouvoirs très larges pour revoir n’importe laquelle de ses décisions concernant les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. La Commission doit toutefois respecter la loi en matière de délais lorsqu’elle réexamine ses décisions. En général, la Commission dispose d’un maximum de trois ans pour réexaminer ses décisionsNote de bas de page 2. Si la Commission a versé à une personne des prestations d’assurance-emploi alors qu’elle n’y était pas réellement admissible, elle peut lui demander de rembourser ces prestationsNote de bas de page 3.  

[10] La loi donne expressément à la Commission le pouvoir d’examiner la disponibilité pour travailler des personnes aux études. La loi donne à la Commission ce pouvoir de réexamen même si elle a déjà versé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[11] Dans la présente affaire, la Commission a examiné les prestations d’assurance-emploi qu’elle a versées au prestataire à compter du 3 octobre 2020. Selon la preuve de la Commission, la Commission a commencé son réexamen le 13 mai 2021. La Commission a décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler et lui a communiqué sa décision dans une lettre datée du 13 mai 2021. La Commission a envoyé au prestataire un avis concernant le trop-payé le 15 septembre 2021.

[12] La preuve me montre donc que la Commission a effectué chaque partie du réexamen rétroactif dans les délais prévus par la loi. La Commission a réexaminé les demandes de prestations du prestataire, a rendu une décision, a calculé le trop-payé et a avisé le prestataire de la décision et du trop-payé, le tout dans les 36 mois suivant la date à laquelle elle a initialement versé les prestations.

[13] J’estime donc que la Commission a utilisé son pouvoir d’examiner rétroactivement l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’une manière qui respecte la loi. La loi donne à la Commission le pouvoir d’effectuer un examen rétroactif, et la Commission a suivi les lignes directrices et les délais décrits dans la loi lorsqu’elle a effectué son examen rétroactif.

[14] Je comprends que le prestataire a donné à la Commission des renseignements sur ses études lorsqu’il a rempli ses rapports à la quinzaine. Bien que la Commission ait eu des renseignements sur les études du prestataire, elle a attendu plusieurs mois avant de rendre une décision. Cela a entraîné un important trop-payé pour le prestataire. Je suis sensible à sa situation et je comprends que le retard de la Commission lui ait causé des problèmes financiers. Cependant, je conclus que la loi donne à la Commission le pouvoir de rendre une décision rétroactive sur la disponibilité pour travailler du prestataire. Je ne peux donc pas interférer avec la décision de la Commission de revoir rétroactivement sa décision concernant la disponibilité du prestataire.

Disponibilité pour travailler du prestataire

[15] Deux articles de loi différents précisent qu’une personne doit prouver qu’elle est disponible pour travailler.

[16] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que toute personne doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer en quoi consistent des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 6.

[17] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que toute personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7. La jurisprudence énonce trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 8. Les personnes aux études doivent prouver leur disponibilité pour travailler dans le cadre de cette partie de la loiNote de bas de page 9.

[18] Une personne doit prouver qu’elle est disponible pour travailler selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

[19] La Commission affirme avoir utilisé les deux articles de la loi pour refuser des prestations d’assurance-emploi au prestataire. Je dois donc examiner les deux articles de la loi au moment de décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[20] Un article de la loi prévoit que toute personne doit prouver que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10.

[21] La Commission dit qu’elle a utilisé cet article de loi pour rendre le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations.

[22] Je ne suis pas d’accord. J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’elle a utilisé cet article de la loi. Je ne vais pas utiliser cet article de loi lorsque je vais rendre ma décision sur la disponibilité pour travailler du prestataire.

[23] La Commission a rendu sa décision initiale sans avoir parlé au prestataire. La Commission n’a pas demandé au prestataire de fournir un dossier de recherche d’emploi, et la lettre de décision précise que la Commission a conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’il était aux études à temps plein. La lettre de décision ne mentionne pas le fait que la Commission a rendu des décisions concernant les démarches de recherche d’emploi du prestataire. Lors du réexamen, la Commission ne lui a pas demandé de dossier de recherche d’emploi. La Commission n’a pas averti le prestataire qu’elle avait jugé que ses démarches de recherche d’emploi n’étaient pas habituelles et raisonnables.

[24] La division d’appel a rendu une décision qui me recommande d’être prudente lorsque j’examine cet article de loi. La division d’appel dit que je devrais chercher des éléments de preuve montrant que la Commission a demandé au prestataire de fournir la preuve qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. De plus, je devrais chercher des éléments de preuve expliquant si la Commission a déjà dit au prestataire qu’elle utilisait cet article de loi pour rendre une décision sur sa disponibilitéNote de bas de page 11.

[25] Je choisis de suivre la décision de la division d’appel. En effet, il est important pour chaque membre du Tribunal de rendre des décisions qui sont cohérentes avec les autres décisions du Tribunal. Le fait de suivre les décisions de la division d’appel est une façon de s’assurer que le Tribunal rend des décisions cohérentes. Dans cette affaire, j’estime que la décision de la division d’appel est utile. Je ne crois pas qu’il y ait suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la Commission a utilisé cette partie de la loi pour rendre le prestataire inadmissible.

[26] Par conséquent, je ne vais pas chercher à savoir si le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Je ne pense pas que la Commission ait prouvé qu’elle a utilisé cet article de loi pour rendre le prestataire inadmissible.

[27] Cela ne signifie pas pour autant que j’accueille l’appel du prestataire. Je dois quand même examiner l’autre partie de la loi qui porte sur la disponibilité pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[28] La deuxième partie de la loi, qui traite de la disponibilité, précise que toute personne doit prouver qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[29] La jurisprudence établit trois éléments à examiner au moment de rendre une décision sur la disponibilité pour travailler. Cela signifie que je dois rendre une décision sur chacun des facteurs suivants :

  1. La personne doit montrer qu’elle a voulu retourner travailler dès que quelqu’un lui a proposé un emploi convenable. Son attitude et ses actions doivent montrer qu’elle voulait retourner travailler dès qu’elle le pourrait.
  2. Elle doit démontrer qu’elle a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi convenable.
  3. Elle ne devrait pas avoir établi de limites ou de conditions personnelles qui auraient pu l’empêcher de trouver un emploi. Si elle a fixé des limites à sa recherche d’emploi, elle doit démontrer que ces limites étaient raisonnablesNote de bas de page 12.

[30] Les personnes aux études doivent prouver qu’elles sont disponibles pour travailler, comme toute autre personne demandant des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

Vouloir retourner travailler

[31] Le prestataire a toujours dit qu’il voulait travailler. À l’audience, il a déclaré avoir trouvé un emploi et avoir commencé à travailler en mars 2021. Il a dit qu’il travaille encore.

[32] Je crois le prestataire. Je conclus que ses déclarations et ses actions montrent qu’il voulait retourner travailler.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[33] Le prestataire dit qu’il essayait de trouver un emploi. Il dit avoir cherché du travail en postulant en personne et en cherchant sur Internet. Il a fourni un dossier de recherche d’emploi montrant qu’il a postulé à des emplois en ligne et en personne.

[34] La Commission dit que le prestataire n’a pas prouvé qu’il en faisait assez pour trouver un emploi. Cependant, la Commission n’a pas fait référence à des déclarations ou à des éléments de preuve précis montrant que le prestataire ne faisait pas assez de démarches pour trouver un emploi. Je note également que la Commission n’a pas demandé au prestataire des détails sur les démarches qu’il faisait pour trouver un emploi.

[35] Je ne suis donc pas d’accord avec la Commission. J’estime que la preuve du prestataire concernant les démarches qu’il a effectuées pour trouver un emploi est fiable. Je constate que le prestataire a cherché du travail en communiquant avec des employeurs et en postulant pour des emplois. Sa preuve montre qu’il a commencé à chercher du travail en octobre 2020 et a continué à faire des démarches régulières pour chercher un emploi jusqu’en mars 2021. Je conclus donc que le prestataire a prouvé qu’il faisait des démarches raisonnables pour trouver un emploi.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[36] J’estime que le permis d’études du prestataire limite sérieusement ses chances de retourner travailler. J’estime également que son horaire de cours était une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler.

[37] Le prestataire a donné à la Commission des renseignements sur son horaire de cours. Il a dit qu’il avait des cours les lundi, mardi et mercredi, de 8 h à 14 h 15. Il a dit à la Commission qu’il ne changerait pas son horaire de cours pour travailler. Il a également déclaré qu’il cherchait uniquement un travail en dehors de son horaire de cours.

[38] À l’audience, le prestataire a convenu qu’il avait des cours du lundi au mercredi, de 8 h à 14 h 15. Il a dit que ses cours étaient en ligne, mais qu’il devait y assister comme prévu. Il a dit qu’il était disponible pour travailler en dehors des heures de cours.

[39] Le prestataire a déclaré qu’en 2019, il travaillait 20 heures par semaine et allait à l’école à temps plein. Il a affirmé avoir réussi à concilier le travail et les études.

[40] Je crois que le prestataire a déjà travaillé tout en allant à l’école, mais je ne suis pas convaincue que cela soit suffisant pour démontrer que ses études n’ont pas indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail. Le prestataire était à l’école plusieurs heures par jour, trois jours par semaine. Il s’agit d’une charge de cours importante, et il n’était pas prêt à changer son horaire s’il trouvait un emploi. Il cherchait seulement du travail en dehors de ses heures de cours. J’estime donc que ses études constituaient une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[41] Je dois également prendre en compte le permis d’études du prestataire. À l’audience, il a convenu que les conditions de son permis d’études le limitaient à travailler un maximum de 20 heures par semaine, s’il travaillait à l’extérieur du campus. Il a dit qu’il n’avait pas cherché de travail sur le campus parce que tout était fermé. Il a déclaré qu’il ne voulait pas abandonner ses études et qu’il ne cherchait pas à obtenir un permis de travail qui le laisserait travailler sans aucune restriction.

[42] Ainsi, j’estime que le permis d’études et sa restriction à 20 heures de travail par semaine ont sérieusement limité les chances du prestataire de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 14.

[43] Je conclus que l’horaire de cours et le permis d’études du prestataire ont tous deux indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail. Or, aucune de ces conditions n’existait pendant les congés scolaires du prestataire. Il n’avait pas de cours pendant les congés scolaires, et son permis d’études lui permettait de travailler à temps plein. À l’audience, il a déclaré que les vacances d’hiver étaient du 23 décembre 2020 au 10 janvier 2021 et que les vacances d’été commençaient le 1er mai 2021. Je conclus donc que le prestataire n’avait pas de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner au travail pendant ses congés scolaires.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[44] Le prestataire a prouvé qu’il voulait travailler. Je juge qu’il a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Cependant, j’estime que son horaire de cours et les limites fixées par son permis d’études étaient des conditions qui limitaient indûment ses chances de retourner travailler. Il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler durant l’année scolaire.

[45] Toutefois, je conclus que le prestataire n’avait pas de conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner travailler pendant les congés scolaires. Je conclus donc qu’il a prouvé qu’il était disponible pour travailler du 23 décembre 2020 au 10 janvier 2021, puis à nouveau à compter du 1er mai 2021.

Conclusion

[46] J’accueille en partie l’appel du prestataire. Je conclus qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était aux études. Il n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi durant l’année scolaire. Cependant, je conclus qu’il a prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant les congés scolaires.

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