Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 760

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (455472) datée du 16 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 17 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Aucune
Date de la décision : Le 23 mars 2022
Numéro de la dossier : GE-22-581

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec la prestataire. Par conséquent, celle-ci est inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui a causé sa suspension). La Commission a aussi prouvé que la prestataire a quitté son emploi volontairement sans justification.

Aperçu

[3] La prestataire était spécialiste des ventes dans un centre d’appel depuis près de 13 ans. Elle télétravaillait à partir de son domicile. L’employeur l’a mise en congé parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son milieu de travailNote de bas page 2. La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 3. Elle a ensuite démissionné de son emploi le 2 décembre 2021Note de bas page 4.

[4] La Commission avait d’abord décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle avait quitté son emploi volontairement sans justificationNote de bas page 5. La Commission a ensuite modifié sa décision en affirmant que le congé était une suspension due à une inconduiteNote de bas page 6. Après la démission de la prestataire, la Commission a modifié sa décision à nouveau en disant que la prestataire avait quitté son emploi volontairement sans justificationNote de bas page 7.

[5] La prestataire n’est pas d’accord parce qu’elle a été obligée de prendre congéNote de bas page 8. Elle soutient que, selon ses recherches, le vaccin n’était pas sûr d’un point de vue médical. La prestataire est en difficultés financières importantes et exige de recevoir les prestations dès maintenant.

Questions que je dois examiner en premier

La prestataire a demandé une procédure accélérée

[6] La prestataire a demandé au Tribunal d’accélérer la procédure en raison de ses difficultés financières importantesNote de bas page 9.

[7] J’ai organisé l’audience à la date la plus proche possible, le 17 mars 2022 à 18 h (heure de l’Atlantique)Note de bas page 10. J’ai envoyé à la prestataire une lettre de rappel à propos de la date, l’informant qu’une décision serait rendue une quinzaine de jours après l’audienceNote de bas page 11.

[8] La prestataire a répondu au Tribunal en demandant une décision sur la foi du dossierNote de bas page 12. Elle avait consulté le site Web et remarqué que certaines décisions sont rendues sans audience quand le dossier comprend déjà toute l’information. J’ai écrit à la prestataire pour refuser sa demande de décision sur la foi du dossier à cause de la complexité de l’affaireNote de bas page 13.

La prestataire et la Commission n’ont pas participé à l’audience

[9] La prestataire et la Commission n’ont pas participé à l’audience, même si les deux avaient reçu un avis d’audienceNote de bas page 14. Une audience peut se dérouler en l’absence de la partie prestataire si celle-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas page 15. Par conséquent, l’audience a eu lieu au moment prévu sans les parties. Après l’audience, je leur ai envoyé une lettre pour les aviser qu’aucune partie n’était présente et qu’une décision allait être maintenant rendueNote de bas page 16.

La prestataire a présenté des documents après l’audience

[10] La prestataire a envoyé divers courriels après l’audienceNote de bas page 17. Je les ai acceptés parce qu’ils reprenaient simplement sa position initiale. J’ai tout de même envoyé une lettre à la prestataire l’avisant que je n’accepterais pas d’autres documents, à moins qu’elle puisse établir leur pertinence pour les questions juridiques à trancherNote de bas page 18.

Questions en litige

[11] La prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[12] La prestataire a-t-elle quitté son emploi volontairement sans justification?

Analyse

[13] Pour décider si la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

[14] Pour constituer une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 19. Une inconduite peut aussi se présenter comme une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 20. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal)Note de bas page 21.

[15] Il y a inconduite si une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 22.

[16] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas page 23. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas page 24.

Pourquoi la prestataire était-elle en congé?

[17] J’estime que la prestataire a été mise en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. C’est ce qui ressort des déclarations que la prestataire et l’employeur ont faites à la Commission.

[18] Cependant, la date à laquelle elle a dû prendre congé n’est pas claire. Selon mon examen du dossier, ce serait autour de fin novembre ou début décembre 2021. Sa demande de prestations indique que son dernier jour de travail était le 24 novembre 2021Note de bas page 25. Le relevé d’emploi montre que son dernier jour payé était le 2 décembre 2021Note de bas page 26.

Quelle était la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur?

[19] L’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas page 27. Dans la présente décision, je vais l’appeler « politique » tout simplement.

[20] La politique exigeait que tous les membres du personnel aient reçu une dose de vaccin contre la COVID-19 au 24 novembre 2021 et deux doses au 24 janvier 2022. Il était possible d’être exempté pour une raison établie dans la loi applicable sur les droits de la personne.

[21] La politique s’appliquait à l’ensemble du personnel, même aux personnes en télétravail, puisqu’elles pourraient être appelées à venir au bureau à court préavis.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[22] J’estime que la politique a été communiquée par courriel à la prestataire pour la première fois le 14 octobre 2021. C’est ce qu’on apprend dans la déclaration de l’employeur à la CommissionNote de bas page 28.

[23] La prestataire a aussi dit à la Commission qu’elle avait reçu un courriel en octobre 2021 au sujet de l’ordre de vaccination à venirNote de bas page 29. Elle a ajouté que la personne qui la supervisait lui a envoyé un rappel en novembre pour qu’elle fournisse sa preuve de vaccination ou soumette une demande d’accommodement ou d’exemptionNote de bas page 30.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[24] J’estime que la prestataire savait qu’elle serait mise en congé si elle ne respectait pas la politique.

[25] La politique prévoit que [traduction] « tout membre du personnel qui omet de fournir la preuve de vaccination applicable aux dates susmentionnéesNote de bas page 31 ne pourra pas travailler pour (entreprise X) après l’échéance et sera mis en congé sans solde »Note de bas page 32.

[26] La prestataire a dit à la Commission savoir que le non-respect de la politique mènerait à un congéNote de bas page 33. Elle a reconnu avoir reçu un courriel la veille de l’échéance, l’avisant qu’en l’absence d’une preuve de vaccination, elle serait mise en congé.

[27] L’employeur a aussi mentionné à la Commission que la prestataire serait mise en congé en cas de manquement à la politiqueNote de bas page 34.

Y avait-il une raison qui empêchait la prestataire de se conformer à la politique?

[28] J’estime que la prestataire n’a pas prouvé son admissibilité à une exemption médicale, religieuse ou relative à ses croyances.

[29] La prestataire a dit à la Commission que, selon ses recherches, le vaccin n’était pas sûr d’un point de vue médicalNote de bas page 35. Elle a admis à la Commission ne pas avoir demandé d’exemption médicale ou religieuse, puisqu’elle ne correspond pas aux critèresNote de bas page 36.

[30] La prestataire a toutefois affirmé avoir demandé une exemption parce qu’elle n’était pas en contact avec d’autres personnes en télétravail chez elleNote de bas page 37. L’employeur a refusé sa demande.

Qu’arrive-t-il si la prestataire n’est pas d’accord avec la politique?

[31] La prestataire a fourni plusieurs documents pour montrer que le vaccin contre la COVID-19 a des effets indésirablesNote de bas page 38. La prestataire veut me convaincre que le vaccin n’est pas sûr d’un point de vue médical pour justifier qu’elle ne l’ait pas reçu.

[32] Si la prestataire avait démontré qu’elle était exemptée du vaccin, j’aurais pu accepter qu’elle n’était pas assujettie à la politique et qu’il n’y avait pas d’inconduite de sa part. Cependant, elle ne l’a pas démontré.

[33] La prestataire n’est clairement pas d’accord avec la politique et la décision de l’employeur de la mettre en congé.

[34] Toutefois, il n’est pas de mon ressort d’évaluer si le congé est injuste. La cour a déjà décidé que le rôle du Tribunal n’est pas de se demander si la sanction ou le congédiement était justifié. Il doit plutôt se demander si le geste posé par la partie prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 39.

[35] Le seul recours pour la prestataire serait de porter l’affaire en arbitrage ou devant les tribunaux qui traitent ce genre de situations.

La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite

[36] J’estime que la prestataire a pris une décision consciente et voulue quand elle a choisi de ne pas se conformer à la politique. Il s’agit d’un manquement à ses obligations. Elle a pris une décision personnelle qui avait des conséquences négatives et qui a entraîné sa suspension sans solde. La prestataire savait qu’elle serait suspendue si elle ne respectait pas la politique.

[37] J’admets qu’un employeur a le droit de gérer son fonctionnement au quotidien, ce qui comprend le droit de créer et d’imposer des politiques en milieu de travail. J’admets aussi que la prestataire a le droit de choisir si elle veut se faire vacciner ou non.

[38] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objectif d’indemniser toute personne qui a perdu son emploi involontairement et qui est au chômage. La perte d’un emploi assurable doit être involontaireNote de bas page 40. Dans la présente affaire, ce n’était pas involontaire parce que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique et savait qu’elle serait mise en congé en raison de sa conduite.

La prestataire a quitté son emploi volontairement sans justification

[39] Je dois décider si la prestataire a quitté son emploi volontairement sans justification et s’il y avait d’autres solutions raisonnablesNote de bas page 41.

[40] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 42. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ est justifié.

[41] La loi explique le principe de justification : une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable à ce moment. Il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas page 43.

[42] Il appartient à la prestataire de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas page 44. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable. Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi.

[43] J’estime que la prestataire a quitté son emploi volontairement le 2 décembre 2021 pendant qu’elle était en congé. En effet, sa lettre de démission adressée à l’employeur se trouve au dossierNote de bas page 45.

[44] Compte tenu de toutes les circonstances, la prestataire n’a pas démontré que l’exigence de vaccination constituait une condition de travail dangereuse pour sa santé ou sa sécuritéNote de bas page 46.

[45] La prestataire n’a pas démontré non plus que l’exigence apportait une modification importante de ses fonctions ou que les pratiques de l’employeur étaient contraires au droitNote de bas page 47. Il est vrai que son contrat de travail original n’exigeait peut-être pas la vaccination contre la COVID-19, mais l’employeur n’a pas pu prévoir la pandémie il y a 13 ans. De plus, un employeur a le droit de créer des politiques en milieu de travail pour préserver la santé et la sécurité de toutes et tous.

Il y avait une solution raisonnable

[46] Je suis d’avis qu’une solution raisonnable aurait été de rester en congé de son emploi au lieu de démissionner.

Conclusion

[47] Selon mes conclusions précédentes, j’estime que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle a quitté son emploi volontairement, et son départ n’était pas justifié, parce qu’il existait une solution raisonnable.

[48] Par conséquent, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à partir du 6 décembre 2021.

[49] L’appel est rejeté.

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