Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 875

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (461568) datée du 15 mars 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 juillet 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 19 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1152

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 1. Il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 19 septembre 2021 n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] Le 28 août 2021, l’appelant présente une demande de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières). Une période de prestations a été établie à compter du 22 août 2021.

[3] Le 19 septembre 2021, l’appelant travaille une journée chez X (l’employeur) et effectue un départ volontaire à la fin de cette journée.

[4] Le 11 février 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’avise qu’elle a réexaminé sa demande de prestations et qu’il n’a toujours pas droit à d’autres prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 19 septembre 2021 parce qu’il a volontairement arrêté de travailler chez l’employeur, le 19 septembre 2021, sans motif valable au sens de la LoiNote de bas de page 2. Le 15 mars 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 11 février 2022Note de bas de page 3.

[5] L’appelant soutient qu’il était justifié de quitter son emploi. Il explique l’avoir quitté parce que les tâches qu’il a effectuées ne correspondaient pas à celles pour lesquelles il avait été embauché. L’appelant précise avoir postulé pour un emploi de cariste (conducteur de chariot élévateur), mais a effectué des tâches différentes de celles correspondant à ce poste. Il affirme que lors de son entretien d’embauche, il a été question d’un poste de cariste et non d’un poste de magasinier, comme l’employeur l’a affirmé. L’appelant explique avoir accepté un poste de cariste, mais qu’il n’a pas eu la possibilité de l’occuper. Il indique que lors de sa première journée de travail, le chef d’équipe responsable de lui donner une formation l’a informé que plusieurs semaines ou plusieurs mois pouvaient s’écouler avant qu’il ne puisse occuper un poste de cariste. Selon l’appelant, l’employeur n’a pas respecté l’offre d’emploi de cariste qu’il a faite. L’appelant explique ne pas avoir eu la possibilité de travailler comme cariste, soit le poste pour lequel il a été embauché et a donc quitté son emploi. L’appelant soutient avoir le droit de recevoir des prestations. Le 26 mars 2022, il conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[6] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 4. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  • Si tel est le cas, est-ce que le départ volontaire de l’appelant représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[7] La Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable, c’est-à-dire une bonne raison de quitter un emploi, pour prouver que le départ était fondé.

[8] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) indiquent que le critère qui détermine si le prestataire est fondé de quitter son emploi consiste à se demander si en tenant compte de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de le quitterNote de bas de page 5.

[9] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 6. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand un prestataire quitte son emploi.

Question no 1 : Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[10] J’estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelant représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[11] Je considère que l’appelant a eu le choix de continuer de travailler pour l’employeur, mais qu’il a décidé de quitter volontairement son emploi.

[12] La Cour nous informe que dans le cas d’un départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 7.

[13] Dans le présent dossier, le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent qu’il a décidé de quitter son emploiNote de bas de page 8.

[14] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a quitté volontairement son emploi. Je n’ai aucune preuve du contraire.

[15] Je considère que l’appelant avait la possibilité de poursuivre son emploi, mais qu’il a pris l’initiative d’y mettre fin en signifiant à l’employeur qu’il n’allait pas continuer de l’occuper.

[16] Je dois maintenant déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Question no 2 : Est-ce que le départ volontaire de l’appelant représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[17] Dans le cas présent, je considère que l’appelant démontre qu’il était justifié de quitter son emploi au moment où il l’a fait. Il avait une raison acceptable selon la Loi.

[18] Je considère qu’une modification importante a été apportée aux fonctions de l’appelant suivant son embauche et qu’il s’agit d’une circonstance justifiant son départ volontaireNote de bas de page 9.

[19] Je suis d’avis que son départ volontaire représentait la seule solution raisonnable dans son cas.

[20] J’estime le témoignage de l’appelant crédible et j’y accorde une valeur prépondérante. Il dresse un portrait détaillé des circonstances l’ayant mené à accepter l’emploi de cariste pour lequel il avait postulé et à quitter volontairement son emploi le 20 septembre 2021, étant donné que ses tâches ne correspondaient pas à ce poste. Il ne se contredit pas. Son témoignage est soutenu par une preuve documentaire convaincante démontrant qu’il a postulé pour être cariste et que c’est le poste qu’il a accepté d’occuperNote de bas de page 10.

[21] Les déclarations recueillies par la Commission auprès de l’employeur indiquent les éléments suivants:

  1. a) L’appelant a été embauché comme magasinier. L’employeur dit avoir été très clair avec l’appelant lors de l’embauche pour expliquer les tâches qu’il aurait à accomplirNote de bas de page 11 ;
  2. b) Un nouvel employé doit avoir une formation pour conduire un chariot élévateurNote de bas de page 12 ;
  3. c) L’employeur indique avoir mentionné dans son courriel adressé à l’appelant, en date du 10 septembre 2021, qu’il devait répondre à la question poste : « Magasinier »Note de bas de page 13 ;
  4. d) L’appelant a travaillé 11 heures et a décidé de quitter son emploiNote de bas de page 14 ;
  5. e) Il a choisi de partir sans discuter avec son superviseur ou avec le directeurNote de bas de page 15 ;
  6. f) L’appelant n’a pas discuté avec l’employeur pour indiquer qu’il préférait un poste de « chauffeur élévateur » (conducteur de chariot élévateur ou cariste), car il n'a travaillé qu’une seule journée. Il a quitté son emploi parce qu’il était insatisfait du travail. Il était un bon employé, mais ne se plaisait pas à travailler chez l’employeurNote de bas de page 16 ;
  7. g) L’appelant n’a pas donné de lettre de démissionNote de bas de page 17 ;
  8. h) Il a laissé un message dans la boîte vocale de son superviseur pour l’aviser qu’il ne reviendrait pas au travailNote de bas de page 18 ;
  9. i) Le 20 septembre 2021, l’appelant a envoyé un courriel à l’employeur lui indiquant que la soirée du 19 septembre 2021 avait été difficile, qu’il ne continuerait pas de travailler et qu’il était désoléNote de bas de page 19 ;
  10. j) L’appelant n’a jamais parlé dans son courriel ou dans le message laissé dans la boîte vocale du superviseur, qu’il quittait son emploi parce qu’il n’avait pas le bon poste de travail (cariste) ou que l’emploi ne lui convenait pasNote de bas de page 20 ;
  11. k) Dans sa déclaration du 11 février 2022 à la Commission, l’employeur indique que l’appelant devait faire une période de probation de trois mois, au minimum, avant de pouvoir occuper un poste de cariste. Un transfert vers un autre poste ne peut pas se faire durant cette période de probationNote de bas de page 21 ;
  12. l) Le 14 mars 2022, en réponse à une question de la Commission lui demandant s’il était exact que l’appelant aurait été des mois avant de pouvoir conduire un chariot élévateur, l’employeur indique que si tout va bien, après une semaine, un employé peut travailler avec un chariot élévateur. L’employeur indique toutefois que l’appelant ne lui a jamais parlé de celaNote de bas de page 22 ;
  13. m) Dans sa déclaration du 14 mars 2022, l’employeur indique avoir des postes de magasinier et que jamais il n’a été question d’un poste de caristeNote de bas de page 23.

[22] De son côté, l’appelant explique avoir quitté volontairement son emploi parce que les tâches qu’il a effectuées ne correspondaient pas à celles d’un cariste, soit le poste pour lequel il avait été embauchéNote de bas de page 24.

[23] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants:

  1. a) L’employeur n’a pas respecté l’offre d’emploi qu’il a faiteNote de bas de page 25 ;
  2. b) Vers la fin du mois d’août 2021 ou le début de septembre 2021, à partir d’une annonce publiée sur le site de recherche d’emploi Jobillico, il a postulé pour un emploi de cariste chez l’employeur. Il s’agissait d’un poste de nuit (quatre soirs par semaine). L’appelant a été intéressé par cette offre, étant donné qu’il s’agissait d’un poste de cariste et que le salaire offert était intéressant, considérant la prime de nuit. Pour postuler, l’appelant a rempli des documents sur le site Jobillico. Il n’a pas été en mesure de retrouver cette annonce sur ce site, incluant le titre et la description du poste en question, car six mois après sa publication, cette annonce a été effacée du siteNote de bas de page 26. L’appelant souligne que le délai écoulé entre le moment où il a postulé pour occuper l’emploi de cariste chez l’employeur et le moment où la Commission a rendu sa décision a fait en sorte que toutes les pièces jointes ne sont pas disponibles pour le poste en question (ex. : titre du poste et description des tâches) ;
  3. c) Le 9 septembre 2021, il a participé à un entretien d’embauche. Cet entretien a porté sur un poste de cariste, soit conduire un chariot élévateur pour charger les remorques. Il a également été question des conditions salariales rattachées à ce poste (ex. : prime pour le travail de nuit). L’appelant a participé à cet entretien d’embauche spécifiquement pour ce poste. Si cela n’avait pas été le cas, il n’aurait pas continué ses démarches pour travailler à cet endroit et n’aurait pas participé à cet entretien d’embauche. Il ne s’agissait pas d’un poste de magasinier. Lors de cet entretien, il n’a pas été question d’effectuer des tâches consistant à préparer les commandes ou faire du « picking » dans l’entrepôt (ex. : ramasser des articles dans les étagères)Note de bas de page 27. Il n’a pas non plus été question de faire une période de probation d’une durée de trois mois avant de pouvoir occuper un poste de cariste, comme l’indique l’employeur dans l’une de ses déclarationsNote de bas de page 28 ;
  4. d) L’appelant explique que le sujet du courriel qu’il a adressé à l’employeur en date du 10 septembre 2021 porte sur un poste de « cariste de nuit »Note de bas de page 29 ;
  5. e) Il précise qu’en réponse à son courriel du 10 septembre 2021, le sujet de celui que l’employeur lui a envoyé le même jour porte lui aussi sur un poste de caristeNote de bas de page 30 ;
  6. f) Au moment de son embauche, et pour remplir les documents destinés à l’employeur à partir d’un lien internet fourni par celui-ci, tous les postes étaient regroupés sous la mention du poste de « magasinier », incluant celui de caristeNote de bas de page 31 ;
  7. g) Le 19 septembre 2021, lors de sa première journée de travail, les tâches qu’il a effectuées n’étaient pas celles qui lui avaient été annoncées lors de son entretien d’embaucheNote de bas de page 32. Cette journée-là, il a appris de la part d’un chef d’équipe, responsable de lui donner une formation, qu’il n’était pas là pour travailler comme cariste et que ça pourrait prendre beaucoup de temps avant qu’il ne puisse occuper un tel poste, soit plusieurs semaines ou plusieurs moisNote de bas de page 33. L’appelant a été informé dès son premier quart de travail qu’il travaillerait plutôt comme « pigiste dans les étalages » ou comme « étalagiste » ou encore, « commis étalagiste »Note de bas de page 34. L’appelant a travaillé à l’expédition de la marchandise. Il a préparé des palettes de marchandise devant être amenées sur un quai de chargement. Une fois sur le quai, les palettes étaient ensuite chargées sur les remorques des camions par des caristesNote de bas de page 35 ;
  8. h) Les tâches qu’il a accomplies à sa première journée de travail étaient exigeantes au plan physique. Même s’il n’a pas d’empêchement au plan médical, il a trouvé ce travail difficile et a conclu qu’il ne pouvait faire ce genre de tâches. Ce travail ne lui convenait pasNote de bas de page 36. Le travail d’un cariste est moins dur physiquement, car il se fait à l’aide d’un chariot élévateur. Il n’a pas discuté de la situation avec l’employeur avant de quitter son emploi. L’employeur ne pouvait pas l'accommoder pour le poste de caristeNote de bas de page 37 ;
  9. i) Le 20 septembre 2021, au matin, il a informé son superviseur qu’il avait trouvé son travail difficile. Le même jour, il a envoyé un courriel au directeur pour lui indiquer qu’il ne continuerait pas d’occuper cet emploi, et qu’il n’irait pas plus loinNote de bas de page 38. L’appelant a remis son matériel de travail le 20 septembre 2021, en soirée, au contremaître en poste à ce moment. Il n’y a pas eu d’autre rencontre avec l’employeur après l’avoir informé qu’il ne continuerait pas de travailler pour lui et après lui avoir remis son matériel. Il n’a pas donné de lettre de démissionNote de bas de page 39 ;
  10. j) L’appelant fait valoir que la seule option pour lui était de pouvoir travailler comme cariste, soit le poste pour lequel il a été embauché. Il a constaté qu’il n’avait pas cette option. Il a compris qu’il n’avait pas la possibilité de conduire un chariot élévateur à court terme, alors que c’était ce qu’il devait faireNote de bas de page 40 ;
  11. k) L’affirmation de l’employeur selon laquelle « si tout va bien, après une semaine, l’employé peut être sur un chariot élévateur »Note de bas de page 41 n’est pas vraie ;
  12. l) Selon l’appelant, l’employeur cherche des employés et pour les attirer, il offre un poste de cariste, alors qu’en réalité, ce n’est pas le poste prévu au moment de l’occuperNote de bas de page 42. Il affirme que sur une dizaine de personnes travaillant à l’expédition de la marchandise chez l’employeur, deux ou trois personnes travaillent comme caristes. Il souligne que les autres sont des « caristes en devenir » ;
  13. m) L’appelant souligne avoir toujours présenté la même version depuis le début et selon laquelle il a postulé pour un poste de cariste ;
  14. n) Après avoir quitté son emploi, il a effectué des recherches pour en trouver un autre. Il a commencé un nouvel emploi le 18 octobre 2021Note de bas de page 43.

[24] Je considère que les motifs évoqués par l’appelant pour avoir quitté volontairement son emploi démontrent qu’il était justifié de le faire, au sens de la Loi.

[25] Les éléments de preuve que l’appelant présente indiquent qu’il a postulé pour être cariste et qu’il a été embauché pour occuper ce poste, mais qu’il n’a pas été en mesure d’accomplir les tâches qui y étaient associées, soit de conduire un chariot élévateur.

[26] Je trouve d’abord contradictoires les déclarations de l’employeur concernant la nature du poste pour lequel l’appelant a été embauché et sur la possibilité que celui-ci avait d’occuper un poste de cariste s’il n’avait pas quitté son emploi.

[27] En effet, dans sa déclaration du 14 mars 2022 à la Commission, l’employeur indique, au sujet du poste occupé par l’appelant, que « jamais il n’a été question d’un poste de cariste »Note de bas de page 44, alors que des éléments de preuve permettent de réfuter cette affirmation.

[28] Sur ce point, je précise que l’objet du courriel que l’appelant a adressé à l’employeur en date du 10 septembre 2021 réfère spécifiquement à un poste de « cariste de nuit ». Dans ce courriel, l’appelant indique à l’employeur qu’il accepte le poste de cariste de nuit et qu’il sera en mesure de commencer à travailler le 19 septembre 2021Note de bas de page 45.

[29] L’objet du courriel de l’employeur, en date du 10 septembre 2021, en réponse à celui que l’appelant lui a envoyé le même jour, réfère lui aussi à un poste de « cariste de nuit »Note de bas de page 46.

[30] J’estime que ces éléments de preuve soutiennent le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquant qu’il a postulé pour être cariste et qu’il a été embauché pour occuper ce poste.

[31] Je ne retiens pas l’argument de la Commission voulant que les documents supplémentaires joints par l’appelant à son avis d’appelNote de bas de page 47 n’apportent aucun élément de preuve supplémentaire pour déterminer s’il avait été embauché comme cariste ou comme magasinierNote de bas de page 48.

[32] Je considère que la Commission n’a pas pris en compte les éléments de preuve fournis par l’appelant, dont les courriels échangés entre celui-ci et l’employeur le 10 septembre 2021 et référant spécifiquement à un poste de caristeNote de bas de page 49.

[33] Je souligne que bien que l’employeur ait transmis à la Commission une copie de plusieurs courriels échangés avec l’appelant, il semble avoir omis de transmettre ceux du 10 septembre 2021 dont l’objet concerne un poste de cariste. C’est l’appelant qui a transmis ces documents à la Commission et au TribunalNote de bas de page 50.

[34] De plus, rien n’indique que la Commission a questionné l’employeur sur les courriels qu’il a échangés avec l’appelant au sujet du poste de cariste pour lequel ce dernier avait postulé le 10 septembre 2021. La Commission n’a pas cherché à avoir la version de l’employeur sur ce point spécifique.

[35] J’accepte également l’explication de l’appelant, laquelle n’a pas été contredite, voulant qu’un autre courriel de l’employeur, également en date du 10 septembre 2021, lui indiquant de remplir un questionnaire en ligne et de répondre « magasinier » à une question portant sur le posteNote de bas de page 51 s’appliquait à tous les postes offerts, incluant celui de cariste. 

[36] Je suis d’avis que ce courriel ne change rien au fait que l’appelant a postulé pour être cariste, qu’il s’agit du poste qu’il a accepté et que c’est pour ce poste qu’il a été embauché. Je suis également d’avis que ce courriel représentait une étape d’ordre administratif suivant l’embauche de l’appelant comme cariste.

[37] Je n’accorde donc pas de poids à l’affirmation de l’employeur voulant que l’appelant ait été embauché comme magasinier.

[38] Je trouve également contradictoires les affirmations de l’employeur quant à la possibilité que l’appelant avait d’occuper un poste de cariste s’il n’avait pas quitté son emploi.

[39] Dans sa déclaration du 11 février 2022 à la Commission, l’employeur indique que l’appelant devait faire une période de probation d’une durée minimale de trois mois avant de pouvoir occuper un poste de caristeNote de bas de page 52.

[40] Le 14 mars 2022, l’employeur déclare ensuite qu’après une semaine de travail, si tout va bien, un employé peut conduire un chariot élévateurNote de bas de page 53.

[41] Je considère que de telles contradictions nuisent à la crédibilité des déclarations de l’employeur.

[42] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel l’employeur a « maintenu la même version des faits au cours du processus décisionnel » voulant que l’appelant ait été clairement informé des tâches reliées au poste offert et qu’il a été embauché à titre de magasinierNote de bas de page 54.

[43] Je suis d’avis qu’il ne pouvait y avoir de malentendu au sujet de la nature du poste que l’appelant a accepté d’occuper, soit un poste de cariste.

[44] J’estime qu’à la suite de son embauche comme cariste, l’appelant n’a toutefois pas été en mesure d’accomplir les tâches qui y étaient rattachées. L’employeur l’a assigné à d’autres tâches que celles d’un cariste. Ce faisant, l’employeur a apporté une modification importante aux fonctions de l’appelant.

[45] Les tâches que l’appelant a dû accomplir le 19 septembre 2021 ne faisaient pas partie de l’emploi qu’il avait accepté d’occuper.

[46] Je considère qu’objectivement l’appelant n’était pas tenu d’emblée d’occuper un emploi dont les tâches ne correspondaient pas à celles pour lesquelles il a été embauché.

[47] Je suis d’avis que les renseignements qui ont été donnés à l’appelant lors de sa première journée de travail par un supérieur ou une personne en autorité, soit le chef d’équipe, selon lesquels il ne pourrait occuper un poste de cariste que dans plusieurs semaines, voire plusieurs mois, étaient suffisants pour lui permettre de conclure qu’il ne pourrait occuper ce poste comme prévu. 

[48] J’estime que dans ce contexte, l’appelant n’était pas tenu non plus de discuter davantage avec l’employeur concernant ses tâches, ses fonctions ou ses conditions d’emploi pour clarifier la situation. La situation ne laissait place à aucune équivoque. L’appelant ne pouvait être contraint de continuer d’accomplir un travail pour lequel il n’avait pas été embauché.

[49] Je souligne qu’une « modification importante des fonctions » représente une des circonstances pouvant justifier un départ volontaireNote de bas de page 55.

[50] La Cour nous informe qu’un départ volontaire peut être justifié si la nature des fonctions ayant été confiées à une personne n’était plus celle dont son employeur et cette personne avaient convenu au départ et que l’on doit prendre en compte la version des faits donnée par celle-ci afin de conclure qu’il s’agissait d’une modification importante des fonctionsNote de bas de page 56.

[51] Je ne retiens pas l’argument de la Commission selon lequel il n’y a « aucune preuve voulant que l’employeur ait procédé à un changement unilatéral des conditions de travail » du poste pour lequel l’appelant a été embauchéNote de bas de page 57.

[52] Je considère que la preuve démontre que l’appelant a été embauché pour un occuper un poste de cariste, mais qu’il a effectué des tâches différentes de celles d’un cariste.

[53] Bien que la Commission fasse valoir que la « seule conclusion probante », selon elle, est que l’appelant croyait pouvoir conduire des chariots élévateurs dès son embauche, mais que ce ne fut pas le casNote de bas de page 58, il demeure qu’il était en droit de s’attendre à occuper un poste de cariste. Je suis d’avis que l’appelant n’avait aucune raison de croire qu’il ne pourrait pas travailler comme cariste dès son embauche.

[54] En résumé, j’estime que des modifications importantes ont été apportées aux fonctions de l’appelant. En raison de ces modifications, les tâches accomplies par l’appelant le 19 septembre 2021 ne correspondaient pas à celles pour lesquelles il avait été embauché.

[55] Je considère que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en raison d’une modification importante apportée à ses fonctionsNote de bas de page 59.

[56] J’estime que l’appelant démontre qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

Conclusion

[57] Je conclus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi. Il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

[58] L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 19 septembre 2021 n’est pas justifiée.

[59] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.