Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 786

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : I. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Gilles-Luc Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 janvier 2022 (GE-22-17)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de la décision : Le 13 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie demanderesse
Représentant de la partie défenderesse
Date de la décision : Jude Samson
Numéro de dossier : AD-22-148

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Décision

[1] I. P. est le prestataire dans cette affaire. Je rejette son appel. Par conséquent, il doit rembourser les prestations qui lui ont été versées en trop (trop-payé).

Aperçu

[2] Pendant la pandémie de COVID-19, le prestataire a reçu des prestations d’urgence, suivies de prestations régulières d’assurance-emploi. La transition d’une prestation à l’autre a eu lieu en octobre 2020.

[3] À peu près au même moment, le prestataire a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour signaler qu’il commençait à recevoir deux pensions mensuelles, même s’il ne connaissait pas les montants exacts.

[4] Malheureusement, il a fallu à la Commission environ un an pour traiter cette information, recueillir le montant des pensions du prestataire et appliquer ce montant à sa demande de prestations d’assurance-emploi. Au cours de cette année-là, la Commission a versé au prestataire le plein montant de ses prestations d’assurance-emploi. Ainsi, une fois que la Commission a réparti les pensions du prestataire (en les prenant en compte pour les prestations d’assurance-emploi), elle a conclu que le prestataire avait reçu un trop-payé très important.

[5] Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission auprès de la division générale du Tribunal. Elle a rejeté son appel en disant que la Commission avait correctement réparti les pensions du prestataire. La division générale a également conclu qu’elle ne pouvait pas décider de réduire la dette du prestataire en se fondant sur des renseignements erronés que la Commission aurait pu lui fournir.

[6] Le prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel du Tribunal. Je conclus que la Commission avait négligé une question importante. Toutefois, je suis d’accord avec la conclusion qu’elle a tirée. Par conséquent, je rejette l’appel du prestataire.

Questions en litige

[7] Je vais examiner les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle négligé une question importante en omettant de déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réviser les prestations du prestataire en octobre 2021?
  2. b) Si c’est le cas, comment devrais-je corriger l’erreur de la division générale?
  3. c) La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire dans cette affaire?

Analyse

[8] Je ne peux intervenir dans la présente affaire que si la division générale a commis une erreur pertinenteNote de bas page 1. Dans le présent appel, j’examine surtout la question de savoir si la division générale a négligé une question pertinente. Toute erreur de compétence me permet d’intervenir dans ce cas.

La division générale a négligé une question importante

[9] La division générale n’a pas tenu compte de l’un des arguments principaux du prestataire.

[10] Bien que cette affaire soit survenue parce que la Commission a imputé le revenu de pension du prestataire à sa demande de prestations d’assurance-emploi, il est important de reconnaître l’argument principal du prestataire.

[11] Le prestataire n’a pas soutenu que le revenu de pension ne devrait pas être imputé à une demande de prestations d’assurance-emploi. Il n’a pas fait valoir non plus que la Commission avait commis des erreurs en calculant son nouveau taux de prestation. De même, la Commission n’a pas soutenu que le prestataire a tenté de cacher son revenu de pension ou qu’il aurait dû en faire plus pour le déclarer.

[12] Je crois comprendre que le prestataire soutient plutôt que la Commission n’aurait pas dû réviser sa demande parce qu’elle n’a pas traité l’information sur son revenu de pension en temps opportun. Pour reprendre ses paroles, il ne devrait pas être responsable des erreurs de la Commission.

[13] La loi dit que la Commission « peut » réviser une demande de prestations dans un certain délaiNote de bas page 2. Cela signifie que la Commission a le pouvoir discrétionnaire de choisir de réviser une demande. La Commission a une marge de manœuvre considérable lorsqu’elle exerce des pouvoirs discrétionnaires. Toutefois, elle doit quand même agir « judiciairement ». La Commission a une politique de révision qui guide son utilisation de ce pouvoir discrétionnaireNote de bas page 3.

[14] Le Tribunal peut examiner les décisions discrétionnaires de la Commission pour s’assurer qu’elles ont été prises de façon judiciaire. Toutefois, la division générale n’a pas mentionné cela dans sa décision.

[15] La Commission soutient que la division générale a conclu implicitement que la Commission avait exercé ses pouvoirs discrétionnaires de façon judiciaire. Selon la Commission, c’est tout ce que la division générale devait faire.

[16] Je ne suis pas d’accord. Cela était l’argument principal du prestataire. Par conséquent, la division générale aurait dû traiter la question de frontNote de bas page 4.

[17] Dans les circonstances, la division générale a négligé une question importante en omettant de déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé les prestations du prestataire en octobre 2021.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[18] Lors de l’audience, les deux parties étaient d’accord pour dire que, si la division générale a commis une erreur, je devrais alors rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas page 5. Le prestataire surtout ne voulait pas qu’il y ait d’autres retards.

[19] Je suis d’accord. Cela signifie que je peux décider si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[20] Comme mentionné ci-dessus, la Commission doit agir judiciairement lorsqu’elle exerce ses pouvoirs discrétionnaires. Par exemple, les décisions discrétionnaires de la Commission peuvent être annulées pour les raisons suivantesNote de bas page 6 :

  • La Commission a agi de mauvaise foi, de manière discriminatoire ou dans un but ou pour un motif irrégulier.
  • Elle a pris en compte des facteurs non pertinents.
  • Elle a négligé des facteurs pertinents.

[21] En l’espèce, l’allégation principale du prestataire est que la Commission a omis de traiter des renseignements sur ses pensions pendant environ un an. La Commission n’a pas commis d’erreur en inscrivant la mauvaise information dans son système. Il a simplement fallu beaucoup de temps pour recueillir l’information pertinente et faire les calculs nécessaires.

[22] Bien que le délai soit long, il importe de reconnaître que le prestataire a fourni ces renseignements à la Commission au milieu de la pandémie de COVID-19, laquelle a imposé des exigences importantes à la CommissionNote de bas page 7.

[23] À mon avis, les allégations du prestataire ne sont pas assez graves pour laisser entendre que la Commission a agi de mauvaise foi, de manière discriminatoire ou à des fins inappropriées.

[24] Pour ce qui est des facteurs pertinents, je reconnais que la Commission dispose d’un vaste pouvoir pour recouvrer un trop-payé et qu’elle peut normalement réviser une demande dans les trois ans suivant le versement des prestationsNote de bas page 8.

[25] Dans ma décision d’autorisation d’appel, j’ai également mentionné que certaines décisions de la division générale ont conclu que la politique de révision de la Commission est un facteur pertinent qui doit être pris en considérationNote de bas page 9. À mon avis, c’est différent de la préoccupation de la Commission selon laquelle la politique pourrait avoir force de loi ou pourrait être utilisée d’une autre façon pour outrepasser son pouvoir discrétionnaireNote de bas page 10.

[26] Bien que je ne sois pas lié par la décision de révision de la Commission, j’estime qu’elle est conforme à sa politique. Plus précisément, la politique prévoit qu’elle révisera une demande lorsqu’une personne aurait dû savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations reçuesNote de bas page 11.

[27] En l’espèce, le prestataire a déclaré le revenu de pension et a admis en avoir parlé avec la Commission à plusieurs reprises. Autrement dit, il savait ou aurait dû savoir qu’un nouveau calcul de son taux de prestations serait nécessaire, mais que cela ne s’était pas encore produit. En fait, le prestataire n’a pas fourni à la Commission le montant de ses pensions avant le 6 octobre 2021. On a effectué le nouveau calcul le lendemainNote de bas page 12.

[28] Dans toutes les circonstances, le prestataire n’a pas démontré que la Commission a omis d’agir de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réviser sa demande de prestations en octobre 2021.

[29] Je compatis à la situation du prestataire. Cela aurait pu être évité. Les retards de la Commission ont fait en sorte qu’un petit problème se transforme en un gros problème.

[30] S’il ne l’a pas déjà fait, le prestataire pourrait être en mesure de communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour demander si une partie ou la totalité de sa dette pourrait être défalquée (annulée) parce que le remboursement lui causerait un grave préjudiceNote de bas page 13. J’espère que la Commission examinera sérieusement toute demande de ce genre. Autrement, le prestataire et l’Agence du revenu du Canada pourraient s’entendre sur un plan de remboursement.

Conclusion

[31] Je conclus que la division générale a négligé une question importante dans cette affaire. Cependant, j’ai décidé que la Commission a agi judiciairement lorsqu’elle a révisé la demande de prestations du prestataire. Par conséquent, je rejette son appel.

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