Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 777

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (440500) datée du 7 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-982

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. Elle n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 19 novembre 2020. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que la prestataire aurait pu rencontrer son employeur pour discuter de ses options, obtenir de l’école de son enfant la note demandée par l’employeur ou demander un congé au lieu de quitter son emploi.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et déclare qu’elle a dû quitter son emploi pour s’occuper de son enfant, car son employeur refusait de lui offrir des mesures d’adaptation et la harcelait en lui demandant de fournir une note de l’école de son enfant.

Question en litige

[7] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte que la prestataire ait quitté volontairement son emploi. La prestataire convient qu’elle a démissionné et que son dernier jour de travail était le 18 novembre 2020. Je ne vois aucun élément de preuve contredisant cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé/fondée à ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.

[13] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 2. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploiNote de bas de page 3.

[14] La prestataire affirme qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle devait s’occuper de son enfant. Comme l’école de son enfant avait une politique relative à la COVID-19 qui renvoyait son enfant à la maison chaque fois qu’elle présentait un symptôme qui pouvait être attribuable à la COVID-19, la prestataire s’est sentie obligée de choisir entre son emploi et la garde de son enfant. Elle dit qu’elle n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait parce que son enfant avait besoin de quelqu’un pour être avec elle quand elle était à la maison, et que l’employeur ne permettait pas à la prestataire de travailler de la maison de façon permanente.

[15] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Plus précisément, elle affirme que la prestataire aurait pu fournir le document demandé par l’employeur, discuter davantage d’autres possibilités de travail avec l’employeur ou demander un congé.

[16] Je juge que la prestataire a prouvé qu’elle avait l’obligation de s’occuper d’un enfant parce qu’elle est un parentNote de bas de page 4. Cependant, cela ne signifie pas qu’elle satisfait au critère juridique lui permettant de recevoir des prestations d’assurance-emploi. La prestataire doit quand même démontrer qu’elle a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation, ce qui inclut l’obligation de s’occuper d’un enfant.

[17] La prestataire a mentionné à la Commission qu’elle devait fréquemment quitter le travail pour aller chercher sa fille à l’école. Elle a déclaré que les règles de l’école concernant la COVID-19 entraînaient souvent le renvoi de son enfant à la maison pour une durée pouvant aller jusqu’à 72 heures, et que cela se produisait si souvent qu’il ne lui restait plus de congé au travail et qu’elle devait prendre des congés sans solde. Elle a témoigné que son enfant a des allergies, dont les symptômes ressemblent à ceux de la COVID-19. Elle a déclaré avoir demandé à son employeur de faire des quarts de travail différents, de travailler à domicile ou de travailler à temps partiel, mais qu’aucune option ne lui a été proposée.

[18] La prestataire a déclaré qu’elle travaillait comme commis à la paye et qu’elle pouvait donc faire son travail de la maison, mais qu’elle n’y était pas autorisée. Elle a d’abord soutenu que son employeur voulait que le personnel soit physiquement présent au bureau et que [traduction] « travailler de la maison n’était pas une option ».

[19] L’employeur a déclaré à la Commission que le personnel a été autorisé à travailler de la maison pendant 16 semaines pendant la fermeture du bureau, jusqu’à ce qu’il soit finalement rappelé au bureau. Il a dit que la prestataire était retournée au travail en juin 2020, mais qu’il avait remarqué qu’elle avait utilisé beaucoup de congés de juin à novembre 2020. L’employeur a confirmé que le superviseur de la prestataire était conscient des problèmes liés à l’école de l’enfant de la prestataire, et il a dit avoir essayé d’offrir des mesures d’adaptation à la prestataire et avoir continué à lui permettre de travailler de la maison lorsque cela était possible.

[20] L’employeur a ajouté que, tout en continuant à permettre à la prestataire de travailler de la maison à certains moments, il lui a également demandé de fournir une lettre de l’école sur la situation concernant la COVID-19. L’employeur a déclaré que de nombreux employés étaient dans la même situation que la prestataire et que les écoles de leurs enfants fournissaient des mises à jour par lettre. De plus, l’employeur ne voulait pas que les employées et employés travaillent au bureau si leurs enfants ont été exposés à la COVID-19 à l’école. L’employeur a déclaré que la prestataire avait soumis une lettre générique portant sur les symptômes de la COVID-19 et émise par le gouvernement, et plus tard, une lettre de démission dans laquelle elle ne mentionnait pas que son employeur avait manqué à son obligation de fournir des mesures d’adaptation.

[21] La Commission a communiqué avec la prestataire après avoir parlé à l’employeur. La prestataire a déclaré que le 18 novembre 2020, son enfant était malade et qu’elle a demandé à son employeur de lui permettre de travailler de la maison pendant quelques jours. Elle a ajouté que l’employeur lui a dit qu’il [traduction] « lui en redonnerait des nouvelles » après s’être adressé aux ressources humaines, en raison du nombre de jours de congé qu’elle avait pris. Elle a ajouté que l’employeur lui avait demandé de fournir une lettre de l’école de son enfant confirmant la situation liée à la COVID-19. Elle a déclaré avoir fourni le formulaire qui lui avait été remis par l’école de sa fille.

[22] La prestataire a déclaré avoir travaillé de chez elle et avoir envoyé un message à son employeur pour demander une mise à jour le 19 novembre 2020Note de bas de page 5. Elle n’a reçu aucune réponse. Elle a déclaré avoir dit à l’employeur qu’elle serait probablement en mesure de retourner au bureau lundi, mais au fur et à mesure que la soirée avançait, son enfant était de plus en plus malade et elle savait qu’elle ne serait pas en mesure de retourner au travail le lundi 23 novembre 2020. Elle estimait qu’elle avait demandé à l’employeur de lui fournir des mesures d’adaptation à de nombreuses reprises et qu’il ne voulait pas la laisser travailler de la maison plus longtemps. Elle a donc décidé de démissionner.

[23] La prestataire a déclaré que lorsque la COVID-19 a commencé à avoir une incidence sur sa capacité à travailler, elle a parlé à son employeur et a essayé de créer un plan qui lui permettrait de travailler de la maison à temps partiel si sa fille tombait malade. Elle a dit avoir proposé d’enseigner son travail à quelqu’un d’autre et de lui apprendre à émettre des chèques au cas où elle n’était pas disponible, mais l’employeur ne l’a pas laissée faire cela. La prestataire a déclaré qu’elle était la seule à pouvoir émettre des chèques et qu’elle devait donc être au bureau. Elle a affirmé qu’elle [traduction] « savait » que son employeur ne la laisserait pas travailler de la maison. Elle a envoyé un courriel à l’employeur le jeudi 19 novembre 2020, mentionnant qu’elle démissionnait immédiatement de son emploi et qu’elle se retrouvait [traduction] « face à des questions drastiques qui m’ont conduite à cette décision ».

[24] À la suite de cette conversation, la Commission a parlé à une autre représentante ou un autre représentant de l’employeur. Cette personne a dit que l’employeur devait demander à la prestataire de fournir une lettre pour justifier que son enfant devait être absente de l’école parce que cela se produisait souvent. La prestataire a fourni une lettre générique du gouvernement, mais n’a pas fourni de lettre de l’école confirmant la situation. L’employeur a déclaré que la prestataire lui avait dit qu’elle travaillerait de la maison les 17 et 18 novembre 2020 et qu’elle retournerait au travail le 19 novembre 2020. Au lieu de cela, elle a envoyé une lettre de démission par courriel le 19 novembre 2020.

[25] L’employeur a contesté les déclarations de la prestataire selon lesquelles elle était la seule à pouvoir imprimer des chèques. Il a déclaré que la prestataire était une commis aux comptes créditeurs qui utilisait un logiciel particulier pour imprimer des chèques, mais que ses collègues pouvaient faire le même travail et n’avaient pas besoin de formation. De plus, depuis le début de la pandémie, aucun employé n’a eu à imprimer de chèques, car la haute direction s’en chargeait. Le travail de la prestataire consistait à saisir des données, à faire des recherches et à effectuer d’autres tâches. L’employeur a également déclaré que les seules dispositions dont la prestataire a discuté avec son superviseur concernaient le type de preuve documentaire requise de la part de l’école.

[26] La Commission a communiqué avec la prestataire le 13 octobre 2021 pour l’aviser que sa demande avait été rejetée parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification. La prestataire a déclaré qu’elle [traduction] « ne voulait pas subir le harcèlement qu’elle endurait à cause de l’employeur pour avoir demandé cette lettre ». Il s’agit de la première mention de harcèlement dans le dossier. Elle a déclaré être [traduction] « constamment harcelée » par son superviseur, et elle a choisi d’être [traduction] « mentalement stable pour son enfant » et de ne pas rester dans l’environnement de travail. Elle a ajouté que l’employeur voulait absolument qu’elle soit au bureau et n’a pas essayé de comprendre sa situation avec son enfant.

[27] La prestataire a écrit une lettre pour demander une révision. Elle a déclaré que dès qu’elle s’est rendu compte que la COVID-19 l’empêchait de faire son travail, elle en a parlé à son supérieur hiérarchique, a demandé de modifier son horaire, a demandé de travailler de la maison, a proposé d’autres solutions et s’est finalement adressée aux ressources humaines pour demander à travailler à temps partiel. Elle a déclaré que la personne responsable des ressources humaines lui avait dit que son supérieur devait décider si cela était autorisé, mais que son supérieur était la personne qui avait ignoré ou refusé ses autres tentatives pour trouver une solution.

[28] La prestataire a déclaré qu’au fil du temps, la [traduction] « pression et le harcèlement » exercés par son employeur ont augmenté parce qu’elle n’a pas pu se présenter au travail à plusieurs reprises en raison de ses obligations en matière de garde d’enfants. Elle a déclaré avoir décidé que, pour sa famille et sa santé mentale, la bonne décision était de démissionner, car il n’était pas acceptable que son employeur l’intimide, fasse pression sur elle et la harcèle parce qu’elle remplissait ses fonctions de parent.

[29] Un agent différent de la Commission a communiqué avec la prestataire au cours de la révision. La prestataire a répété une grande partie de ce qu’elle avait déjà dit, mais elle a déclaré que son employeur lui avait fourni des mesures d’adaptation et lui avait permis de travailler de la maison jusqu’en novembre 2020, moment où elle n’a plus été autorisée à travailler de la maison et a été [traduction] « tenue de se présenter au bureau pour effectuer tout type de tâche ». La prestataire a déclaré que son employeur lui demandait continuellement des choses qu’elle ne pouvait pas fournir et qu’il lui en voulait pour des choses qu’elle ne pouvait pas contrôler. Elle s’est sentie harcelée et ciblée, car les employées et employés d’autres services n’étaient pas tenus de fournir des documents précis provenant de l’école de leurs enfants.

[30] La prestataire a déclaré que le fait qu’on lui ait demandé de fournir des documents supplémentaires a été l’acte final qui l’a poussée à bout. Elle a déclaré que l’école de sa fille ne lui a fourni qu’un document générique. Elle a précisé qu’elle n’a jamais demandé à l’école de sa fille une lettre personnalisée, car [traduction] « c’était injuste et elle a refusé de se plier à cette exigence ». Elle a estimé que le formulaire générique du gouvernement aurait dû suffire et que l’employeur était déraisonnable en ne l’acceptant pas. Elle a trouvé [traduction] « injuste » qu’on lui demande de fournir un formulaire personnalisé de l’école de sa fille et a déclaré que le stress et l’anxiété d’être ciblée pour qu’elle fournisse une nouvelle note étaient trop importants. Elle a donc décidé de s’occuper de son enfant et de quitter son emploi.

[31] L’employeur a répété la plupart des éléments de preuve qu’il avait déjà présentés à la Commission. Il a ajouté que le seul problème existant avec l’emploi de la prestataire était la difficulté qu’il avait à obtenir la preuve qu’elle devait être à la maison pour surveiller ses enfants. Il a nié avoir harcelé ou ciblé la prestataire, déclarant avoir reçu des lettres d’autres écoles et estimant qu’il était raisonnable de demander des documents montrant que la prestataire avait besoin d’être à la maison. Il a ajouté qu’aucune mesure disciplinaire n’avait eu lieu et qu’il avait l’intention d’autoriser la prestataire à prendre un congé pour surveiller son enfant. Il voulait simplement obtenir des documents prouvant que son enfant ne pouvait pas aller à l’école.

[32] Le dossier comprend une copie du formulaire générique fourni à la prestataire par l’école de son enfant. Il s’agit d’un document de santé publique qui décrit les symptômes de la COVID-19, y compris les symptômes respiratoires d’une toux nouvelle ou aggravée, d’un mal de gorge, d’un écoulement nasal ou d’une congestion nasale. La lettre conseille à toute personne de ne pas déposer son enfant à l’école :

  • si la personne a reçu un ordre de la santé publique de s’isoler à la maison;
  • si son enfant a été en contact avec un cas de COVID-19 ou si une telle possibilité existe;
  • si la personne est en quarantaine à la suite d’un voyage à l’extérieur du Canada.

[33] La lettre précise également que lorsque la COVID-19 n’est pas détectée, les enfants et les adultes qui présentaient des symptômes de type grippal peuvent poursuivre leurs activités normales après avoir satisfait à deux conditions :

  • attendre 48 heures après la diminution de la fièvre;
  • attendre 24 heures après l’amélioration notable des autres symptômes.

[34] La Commission a demandé à la prestataire la raison pour laquelle elle n’a pas demandé à l’école de son enfant une lettre expliquant la situation relative à la COVID-19. Elle a déclaré que [traduction] « le scénario en entier n’était tout simplement pas juste et elle a refusé d’y participer ». Lorsqu’on lui a demandé si elle avait discuté de ses préoccupations avec l’employeur ou le service des ressources humaines, elle a répondu que la situation était [traduction] « trop stressante » et qu’elle a dû choisir entre son enfant et son emploi. Lors d’un appel ultérieur, la prestataire a déclaré que la lettre générique aurait dû suffire et elle a répété qu’elle était la seule employée à devoir fournir une note, ce qu’elle considère comme du harcèlement.

[35] La prestataire a ajouté qu’on lui avait déjà dit qu’elle ne pourrait pas travailler de la maison et que sa seule option était de quitter son emploi. Elle a également ajouté qu’elle avait expliqué sa situation à l’employeur à plusieurs reprises, qu’il savait qu’elle n’avait pas d’arrangements pour la garde de son enfant, qu’il lui avait refusé la permission de travailler de la maison et qu’il savait que la seule note qu’elle avait était une lettre générique du gouvernement. Elle a déclaré qu’il n’y avait aucun moyen de résoudre ses problèmes d’horaires de travail et qu’elle a donc dû démissionner. Elle a aussi déclaré qu’elle n’a pas discuté de la situation avec un professionnel de la santé et qu’elle a principalement quitté son emploi parce qu’elle ne trouvait pas juste que son employeur lui demande de [traduction] « soumettre tous ces documents pour prouver que sa fille devait rester à la maison au lieu d’aller à l’école ».

[36] À l’audience, la prestataire a déclaré que ce n’était pas le personnel de tous les services qui pouvait travailler de la maison. Elle a dit que dans son service, en raison du travail effectué, le personnel devait être présent au bureau. Elle a ensuite déclaré que [traduction] « parfois, on la laissait travailler de la maison », mais qu’on lui disait ensuite qu’elle devait être présente au bureau.

[37] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait l’impression d’être harcelée parce qu’elle ne pouvait pas contrôler la situation et que son employeur faisait pression sur elle. Elle a également affirmé que personne d’autre n’a été invité à fournir une lettre de l’école de son enfant. Je lui ai demandé de quelle façon elle saurait si quelqu’un d’autre était invité à fournir une telle lettre. Elle a dit que [traduction] « le personnel en discute ». Elle a déclaré avoir dit à d’autres personnes avec qui elle travaillait qu’on lui avait demandé de fournir une lettre et qu’elles ont été [traduction] « choquées » d’apprendre cela. J’ai demandé à la prestataire combien de personnes travaillaient dans l’entreprise de son employeur. Elle a répondu que plus de 100 personnes y travaillaient.

[38] J’ai demandé à la prestataire la raison pour laquelle elle n’a pas demandé un autre document à l’école de son enfant, puisque son employeur voulait un document plus précis. Elle a dit que c’était la politique de l’école de donner une lettre générique. Elle a ajouté que l’employeur ne lui a jamais dit que le document n’était pas suffisant. Elle a également déclaré qu’elle ne pensait pas pouvoir demander autre chose.

[39] J’estime que la prestataire a fait de nombreuses déclarations incohérentes. Voici quelques exemples pertinents :

  • Dans le dossier, elle a signalé à la Commission qu’elle s’est sentie harcelée et ciblée parce que l’employeur lui a demandé de fournir des documents précis de l’école et qu’elle a eu l’impression qu’il la ciblait en lui demandant de fournir des renseignements supplémentairesNote de bas de page 6. Elle a également déclaré que le fait qu’on lui ait demandé de fournir des documents supplémentaires, en plus de la lettre générique du gouvernement, a été [traduction] « l’acte qui l’a poussée à boutNote de bas de page 7 » et qui l’a poussée à démissionner. Cela entre en contradiction avec ses déclarations à l’audience selon lesquelles son employeur ne lui a jamais dit que le document qu’elle avait fourni n’était pas suffisant.
  • La prestataire a initialement déclaré à la Commission qu’elle n’était pas autorisée à travailler de la maison. Elle a ensuite déclaré qu’elle avait été autorisée à travailler de la maison pendant un certain temps, mais que cela s’était arrêté et qu’elle devait se rendre au bureau pour effectuer tout type de tâche professionnelle. Plus tard, elle a admis qu’elle était parfois autorisée à travailler de chez elle. Son employeur a confirmé que cela était parfois autorisé. La prestataire a travaillé de la maison lors de ses deux derniers jours d’emploi avant de démissionner, donc sa propre preuve n’appuie pas les déclarations initiales selon lesquelles l’employeur ne lui permettait pas de travailler de la maison.
  • La prestataire a déclaré à plusieurs reprises qu’elle avait essayé de prendre des dispositions avec son employeur pour changer son horaire ou faire quelque chose qui lui permettrait de s’occuper de sa fille lorsqu’elle était renvoyée à la maison de façon inattendue. Elle a dit qu’elle n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi parce que son employeur ne voulait pas lui fournir des mesures d’adaptation et qu’elle n’avait pas d’autre choix. Dans le dossier, l’employeur a déclaré qu’il voulait rencontrer la prestataire à son retour au bureau pour discuter d’un plan d’action.
  • La prestataire a déclaré que la politique de l’école était de fournir une lettre générique. Cependant, elle a également déclaré qu’elle n’avait pas demandé de documents supplémentaires à l’école, tout en sachant que l’employeur souhaitait une lettre plus détaillée.

[40] Ces incohérences ont pour conséquence de réduire la crédibilité de la prestataire. J’estime que ses affirmations sont moins fiables, car elle a fourni des éléments de preuve qui ne correspondent pas à ses déclarations précédentes.

[41] Dans la lettre de démission de la prestataire, elle fait référence à des événements dramatiques qui l’ont amenée à quitter son emploi, et remercie l’employeur pour la [traduction] « grande aventure » et la [traduction] « belle... ambiance ». La prestataire n’a fait aucune déclaration dans sa lettre de démission concernant un mauvais environnement de travail, du harcèlement, de l’intimidation, du ciblage, un refus de lui fournir des mesures d’adaptation, ou toute autre déclaration qui soutiendrait que l’employeur l’a maltraitée de quelque façon que ce soit.

[42] À l’audience, la prestataire a déclaré que son employeur ne lui avait pas fourni de mesures d’adaptation parce qu’elle lui avait expressément demandé d’envisager plusieurs options qui lui permettraient de continuer à travailler et qu’il n’avait pas trouvé de solution. Elle a déclaré qu’il était [traduction] « inutile » de donner plus de détails à l’employeur dans la lettre de démission, car son supérieur n’avait aucune compassion ni compréhension de la situation. Elle a dit que la vraie raison de son départ était que l’employeur ne voulait pas lui fournir de mesures d’adaptation pour qu’elle puisse s’occuper de son enfant.

[43] J’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait. La prestataire s’absentait du travail parce que sa fille présentait certains symptômes de la COVID-19 et son école la renvoyait fréquemment à la maison. La prestataire devait rentrer chez elle à ces moments-là pour s’occuper de son enfant. Cela n’est pas remis en question.

[44] La prestataire dit avoir parlé à son superviseur et au responsable des ressources humaines. Ces derniers ne l’ont pas aidée à trouver un compromis qui lui permettrait de continuer à travailler. Elle a estimé que sa seule solution était de quitter son emploi. J’estime que ce n’était pas sa seule solution raisonnable. La prestataire aurait pu se présenter au travail le jour suivant, lorsque son enfant n’était pas malade, et rencontrer son employeur pour discuter du plan d’action qu’il a proposé en novembre 2020. Elle soutient que l’employeur a précédemment refusé de prendre des mesures d’adaptation à son égard. L’employeur nie ce fait. Même si la prestataire avait raison, il n’en demeure pas moins que son employeur a voulu la rencontrer pour établir un plan pour l’avenir et il le lui a proposé. La prestataire n’a pas exploré cette solution, car elle a quitté son emploi avant que la conversation ne puisse avoir lieu.

[45] La prestataire aurait également pu chercher un autre emploi avant de démissionner, au lieu de choisir de quitter son emploi et de se mettre dans une situation de chômage garanti. La prestataire affirme que lorsque son employeur lui a demandé de fournir une note précise de l’école de son enfant, cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et l’a poussée à quitter son emploi. Lors de l’audience, elle a dit qu’elle estimait que cette demande était une forme de harcèlement. Quand elle a parlé à la Commission, elle a dit que ce n’était pas juste et qu’elle ne le ferait pas. Elle a confirmé que, bien qu’elle ait dit qu’elle ne pouvait pas obtenir une lettre personnalisée de l’école de l’enfant, elle n’a jamais demandé de document à l’école.

[46] La prestataire a déclaré qu’elle se sentait harcelée, intimidée et ciblée par l’employeur. Elle n’a pas fait ces déclarations au cours de l’arbitrage initial relatif au dossier, mais a commencé à dire qu’elle se sentait harcelée lorsque la Commission a appelé pour lui donner la décision relative à la demande initiale. Ces déclarations ont été maintenues lors de la révision. Elle a déclaré qu’on ne demandait à personne d’autre de fournir des notes de l’école de leur enfant et qu’elle était donc montrée du doigt. J’estime que la preuve ne soutient pas son affirmation.

[47] Le 13 octobre 2021, l’employeur a dit à la Commission qu’il pensait qu’il était raisonnable de demander à la prestataire de fournir une note parce que celle-ci appuierait le fait que la prestataire avait besoin de travailler de la maison et leur permettrait de savoir si l’une des personnes travaillant pour lui avait pu être exposée à la COVID-19 afin qu’elle puisse rester à la maison au lieu de rentrer au bureau. L’employeur a déclaré qu’il avait de nombreux employés dans la même situation que la prestataire et que les écoles fournissaient des mises à jour par lettre.

[48] Le 3 décembre 2021, la prestataire a déclaré que les employés des autres services n’étaient pas tenus de fournir des documents précis de l’école de leurs enfants, de sorte qu’elle s’est sentie ciblée et harcelée. À l’audience, j’ai demandé comment elle pouvait savoir si elle était la seule personne à qui on avait demandé cette information puisqu’elle ne travaille pas dans le service des ressources humaines. Elle a dit que les gens se parlent, qu’elle a parlé de la demande à ses collègues et qu’ils étaient choqués que l’employeur demande qu’elle fournisse une lettre.

[49] J’estime que la prestataire ne pouvait pas savoir si d’autres membres du personnel devaient fournir des lettres de l’école de leurs enfants. Elle ne travaillait pas dans le service des ressources humaines, et des conversations anecdotiques avec quelques collègues ne signifient pas qu’on ne demandait pas aux autres membres du personnel de fournir les mêmes documents. Elle a déclaré que l’employeur est une entreprise de taille moyenne comptant 100 employés ou plus. J’estime qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle ait eu des conversations avec toutes ces personnes. Elle ne pouvait donc pas savoir si d’autres personnes ont été invitées à fournir des renseignements semblables. De plus, l’employeur a déclaré dès le départ que plusieurs personnes se trouvaient dans la même situation que la prestataire et fournissaient des notes de mise à jour provenant des écoles de leurs enfants.

[50] En outre, la question ne semble pas être uniquement que l’employeur voulait vérifier que la prestataire devait travailler de la maison parce que son enfant devait rester à la maison, mais qu’il voulait également s’assurer qu’il n’y avait pas d’exposition à la COVID-19 à l’école d’un enfant. Il semble que l’employeur aurait demandé aux employés dont les enfants ont été exposés de rester également à la maison pour éviter de propager le virus. Il est raisonnable de conclure que l’employeur a demandé à plusieurs employés de fournir des renseignements semblables, car il cherchait à protéger la sécurité de son personnel. Par conséquent, il n’y a pas de différence de traitement ou de harcèlement dans le fait de demander à la prestataire de fournir une lettre de l’école de son enfant.

[51] J’ai examiné si la prestataire avait été fondée à quitter son emploi pour cause de harcèlementNote de bas de page 8. J’estime que la prestataire n’a pas réussi à établir l’existence de harcèlement. Elle n’a pas réussi à démontrer qu’elle a été traitée différemment des autres membres du personnel. Bien qu’elle ait estimé que le fait de lui demander de fournir un document de l’école de son enfant constituait du harcèlement, je considère qu’un employeur peut demander à une employée ou à un employé de fournir une preuve appropriée pour justifier une absence. La prestataire a refusé de demander à l’école de son enfant les documents demandés par son employeur, ce qui aurait pu régler entièrement le problème.

[52] Compte tenu de toutes les circonstances, y compris le fait que la prestataire est un parent qui devait s’occuper de sa fille de sept ans, j’estime qu’elle n’a pas réussi à démontrer qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait. La prestataire avait de nombreuses autres solutions raisonnables à sa disposition, notamment rencontrer son employeur pour discuter d’un plan d’action, demander à l’école de son enfant la note demandée par son employeur, demander un congé de son emploi ou trouver un nouvel emploi avant de quitter son poste. Elle n’a fait aucune de ces choses. Puisque je conclus que d’autres solutions raisonnables existaient, je conclus également que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[53] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations.

[54] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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